Deuxièmement, elle est importante parce qu'elle repose sur la méthode scientifique, dont je ne cesserai d'affirmer qu'elle doit toujours nous guider. C'est mon cas, et celui du Gouvernement. Vous le savez, j'aborde tous les sujets avec un grand pragmatisme et je suis fier de me présenter devant vous avec un texte qui ne fait pas exception.
Concernant les additifs nitrés, les expertises sont nombreuses. Les quantités maximales ont été définies au fil des années par la Commission européenne, sur la base de travaux scientifiques, notamment ceux de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Son dernier avis sur le sujet, paru en 2017, n'a pas remis en cause ces maxima. Néanmoins, dans une nouvelle étude publiée en 2018, le CIRC émettait l'hypothèse que l'emploi de ces composés nitrés dans les viandes pourrait susciter la formation de cancers colorectaux, dans certaines conditions.
Le texte nous évite de tomber dans une controverse scientifique. À ceux qui sont pour l'interdiction immédiate, et à ceux qui sont contre, il nous permet de répondre que nous ne précipitons rien, mais que nous n'excluons rien : nous avançons. Nous nous en remettons à la science, par le truchement de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dont nous appliquerons l'avis. En effet, ce texte fait le choix d'une méthode et trace un chemin à suivre. Julien Denormandie l'a dit lors de l'examen en commission : à la suite des conclusions de l'étude du CIRC, le ministre des solidarités et de la santé et lui ont saisi l'ANSES, dès le mois de juin 2020, afin de statuer sur quatre questions claires, dont la réponse est de nature à éclairer la décision publique.
En matière de risques, il faut définir les situations dans lesquelles une diminution des taux de nitrites et de nitrates présents dans les denrées serait susceptible d'accroître de manière significative les risques liés à la prolifération de bactéries pathogènes. Ensuite, il faut recenser les leviers d'actions capables de diminuer l'exposition globale des consommateurs, par ingestion, aux nitrites et nitrates, quelle que soit leur origine. Il faut également évaluer si de nouvelles connaissances scientifiques sont susceptibles de lever les incertitudes sur les mécanismes de transformation des nitrates et des nitrites dans l'organisme et dans les denrées alimentaires, ou de mieux caractériser le lien entre la cancérogenèse chez l'homme et l'apport de fer héminique associé aux nitrites, par la consommation de produits carnés. Les réponses à ces questions me semblent à même d'apporter l'éclairage nécessaire.
Il est vrai que nous serions plus sereins si cet avis avait déjà été rendu. Force est de constater que cela n'a pu être possible : l'ANSES est une agence très mobilisée, les experts sont peu nombreux et très sollicités. Cette étude n'est pas un cas particulier : les réponses aux demandes de nos concitoyens s'appuient sur un éclairage scientifique toujours plus grand, ce qui entraîne une sollicitation toujours plus importante de l'ANSES, qui a annoncé que son avis paraîtrait avant la fin du premier semestre de 2022. Nous n'avons qu'un souhait, que nous partageons avec l'auteur du texte : l'obtenir le plus rapidement possible.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité en commission, instaurera de la transparence vis-à-vis du Parlement, grâce à la présentation d'un rapport qui tirera les conclusions du rapport attendu de l'ANSES. Elle fixera un cadre, puisqu'elle prévoit les dispositions relatives à l'utilisation et à la commercialisation, voire à l'interdiction, des produits contenant des additifs nitrés. Le Gouvernement le fera entrer en vigueur dès qu'il disposera de l'avis de l'ANSES. Elle permettra de prendre les décisions nécessaires, chères à Richard Ramos, concernant l'étiquetage. Enfin, par souci de lutter contre les inégalités nutritionnelles – c'est très important –, elle servira à bien préciser qu'il s'agit de commercialisation et non pas de production.
Je le répète : si l'avis de l'ANSES démontre qu'il faut revoir la commercialisation d'aliments avec des additifs nitrés dans la charcuterie, nous n'hésiterons pas.