Tout d'abord je m'associe à l'hommage rendu par le secrétaire d'État à Georges Labazée, vice-président du CNPE, que j'avais bien sûr auditionné sur la question de l'adoption.
Nous voici arrivés au terme d'un long processus législatif puisque notre assemblée a été saisie en première lecture de ce texte il y a plus d'un an et demi. C'est dire si nous avons pris le temps de la réflexion et de l'écoute des différentes parties prenantes.
Le texte dont nous sommes saisis prévoit une réforme importante qui profitera aux enfants. D'ailleurs, deux principes m'ont guidée tout au long de ce processus : l'intérêt de l'enfant ainsi que la volonté de donner une famille à un enfant, et non l'inverse.
Je propose de revenir sur les principaux apports du texte. D'abord, il ouvre à des enfants, qui en étaient jusqu'alors privés, la chance de pouvoir être adoptés si cela constitue leur projet de vie. Il ancre l'adoption dans le cadre de la protection de l'enfance.
L'article 1er vise à revaloriser l'adoption simple par rapport à l'adoption plénière. Il prévoit qu'elle confère à l'adopté une filiation qui s'ajoute à sa filiation d'origine. Il rendra possible, j'en suis sûre, l'adoption de bon nombre d'enfants.
L'article 4 permettra aux enfants de plus de 15 ans de bénéficier d'une adoption plénière, laquelle peut s'avérer tout à fait pertinente, même à cet âge. Elle sera donc ouverte aux pupilles de l'État, aux enfants déclarés judiciairement délaissés et dans le cadre de l'adoption par les beaux-parents.
Cette proposition de loi répond aussi à un souci d'égalité et d'adaptation aux évolutions de la société. L'article 2, mesure emblématique, ouvre l'adoption aux couples non mariés. La limitation qui prévalait jusqu'alors, en plus d'être inégalitaire et dans un déni total de l'évolution de la société, était aussi illogique en raison du contournement possible par la voie de l'adoption individuelle. En conséquence, nous avons intégré les couples, dans toute leur pluralité, à l'article 10 bis qui définit l'adoption internationale. Nous pouvons être fiers de ces mesures en faveur d'une plus grande égalité entre les citoyens.
Ce texte répond aussi à l'exigence de respect de la parole donnée. Je veux parler de la promesse, faite par plusieurs ministres au banc de cet hémicycle, de trouver une solution pour qu'un enfant né d'une PMA, une procréation médicalement assistée, réalisée à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi bioéthique, et dont les deux mères se séparent, puisse voir sa filiation établie à l'égard de la femme qui n'a pas porté l'enfant, la mère d'intention.
L'article 9 bis permettra à cette femme d'adopter l'enfant lorsque la femme qui a accouché s'oppose, sans motif légitime, à la reconnaissance conjointe rétroactive de l'enfant. C'est important parce que nous offrons une solution sécurisante pour des enfants qui ne doivent pas souffrir d'une situation qu'ils n'ont pas choisie.
Je n'ai eu de cesse de le répéter : l'enfant est au cœur de nos préoccupations. Aussi certaines dispositions favorisent-elles une meilleure prise en considération de la parole de l'enfant.
L'article 9 impose par exemple le recueil du consentement de l'enfant de plus de 13 ans à l'adjonction du nom de l'adoptant simple à son nom ou, dans le cas d'une adoption plénière, au changement de son prénom. Je suis persuadée qu'il ne faut pas craindre cette parole mais au contraire l'accueillir pour favoriser le déroulement d'une adoption dans les meilleures conditions possibles.
Cela me conduit à évoquer la question du recueil du consentement des parents, qui a suscité quelques crispations dans notre assemblée en nouvelle lecture. Or je juge important de rappeler la nécessité du consentement exprès et éclairé des parents à l'admission de leur enfant dans le statut de pupille de l'État et à ses conséquences. Le consentement devra pleinement porter sur la possibilité de l'adoption de l'enfant une fois celui-ci confié à l'aide sociale à l'enfance.
Nous avons aussi renforcé les garanties en matière d'adoption internationale, tout d'abord en interdisant l'adoption internationale individuelle – il ne sera plus possible d'adopter à l'étranger sans bénéficier d'un accompagnement par un OAA ou par l'Agence française de l'adoption –, ensuite en réformant le rôle ainsi que la procédure de contrôle des OAA.
Il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause l'expertise de ces organismes et le travail qu'ils mènent sur le terrain – bien au contraire. D'ailleurs, nous préservons leurs compétences en matière d'accompagnement des enfants à besoins spécifiques. En revanche, nous mettons fin au recueil d'enfants en France. Nous considérons que le statut de pupille de l'État est plus protecteur. En effet, en cas de non-adoption, l'aide sociale à l'enfance garantit à l'enfant une protection juridique durable. Seul l'État peut offrir un tel cadre.
Enfin, plusieurs dispositions visent à améliorer le déroulement de la procédure d'adoption. Nous renforçons les volets formation et préparation des candidats à l'adoption. En effet, nous savons que l'adoption est un processus long et que cette situation est parfois douloureuse à vivre. C'est pourquoi il est nécessaire que les futurs parents adoptifs soient préparés le mieux possible à ce qui les attend et qu'ils soient conscients des réalités de l'adoption. Ce volet formation s'applique également aux membres des conseils de famille, dont la composition est d'ailleurs modifiée pour une meilleure objectivité des apparentements réalisés.
Je suis particulièrement fière de défendre une réforme qui nous permet d'accomplir des progrès significatifs. Nous devons ces avancées importantes en premier lieu aux enfants mais aussi aux familles et aux professionnels qui les accompagnent. Elles vont toutes, sans exception, dans le sens de l'intérêt de l'enfant qui est, et a été, ma seule ligne de conduite. C'est pour cette raison que je vous invite à voter définitivement cette proposition de loi.