La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'océan, qui recouvre plus des deux tiers de la surface du globe, a longtemps été considéré comme inaltérable et inépuisable. Nous pensions que cet espace était trop grand et ses ressources trop nombreuses pour souffrir des entreprises humaines mais, entre pollutions marines, pollution plastique, réchauffement, acidification et montée des eaux, surexploitation et exploitation illégale de ses ressources, son état nous impose aujourd'hui d'agir.
Cette action doit être celle de la communauté internationale tout entière, rassemblée autour d'une même ambition, de constats partagés…
…et parlant le même langage. Cette année 2022 est décisive pour la protection de l'océan, pour reprendre les mots de l'envoyé spécial des Nations unies pour les océans, Peter Thomson.
L'Assemblée nationale a exprimé une volonté d'agir résolument et collectivement en faveur des écosystèmes marins, grands régulateurs du climat, à travers le vote à l'unanimité de deux résolutions.
La première, défendue par Maina Sage et moi-même, appelle à la réussite de la négociation dite BBNJ – Biological Diversity Beyond Areas of National Jurisdiction – qui doit permettre entre autres de mieux protéger la haute mer grâce à la création d'aires protégées et à l'encadrement des activités économiques.
Pourquoi n'avoir pas voté nos amendements lors de l'examen de notre proposition de loi sur la pollution plastique vendredi, alors ?
La seconde, défendue par mon collègue du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, Philippe Bolo, appelle à la signature d'un traité contre la pollution plastique, facteur d'érosion de la biodiversité. Un cadre international est ici aussi nécessaire …
Exclamations sur les bancs du groupe LT
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
…pour faire converger les standards et les efforts nationaux et s'attaquer efficacement à cette forme de pollution, notamment en Méditerranée.
Je veux enfin saluer l'action personnelle menée par le président de l'Assemblée nationale en faveur d'une diplomatie parlementaire au service de l'océan.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre de la transition écologique, à la veille du One Ocean Summit de Brest, alors que vient de commencer une année décisive pour la protection maritime pendant laquelle se succéderont les rendez-vous internationaux, je veux vous redire le soutien de la représentation nationale et vous assurer de notre unité pour faire avancer la cause de l'océan à l'échelon international.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci beaucoup pour votre mobilisation. Je salue également l'engagement de M. le président de l'Assemblée nationale ainsi que celui de vos collègues, notamment Maina Sage et Philippe Bolo, sur ce sujet essentiel qu'est la protection du milieu maritime. Les propositions de résolution que vous évoquiez montrent toute l'importance d'une action internationale forte : la mer recouvre 70 % de la surface de la planète et nous ne saurions nous en occuper par petits endroits seulement ; si nous voulons être au rendez-vous de la transition écologique, ce grand défi pour l'ensemble de l'humanité, nous devons trouver collectivement les moyens de mieux protéger les espaces maritimes tout en prenant en compte les contraintes des uns et des autres.
Je souligne aussi la détermination du Président de la République à promouvoir une action internationale en matière d'environnement. En 2021, alors que nous étions en pleine crise covid, la France a organisé deux événements internationaux cruciaux pour la biodiversité : le One Planet Summit à Paris et le congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Marseille qui ont tous les deux abouti à des avancées majeures, qu'il s'agisse de la lutte contre la désertification au Sahel ou de la protection de la Méditerranée.
Le Président a souhaité consacrer un sommet à l'océan pour donner un coup d'accélérateur aux actions menées en ce domaine : il s'agit du One Ocean Summit, qui s'ouvre demain, pendant la présidence française de l'Union européenne donc. Nous visons quelques objectifs concrets : étendre le réseau mondial des aires protégées, notamment des aires marines dans les zones les plus sensibles, augmenter le nombre de pays prêts à s'engager pour protéger 30 % des espaces afin de nourrir les négociations de la COP15, renforcer les instruments de lutte contre la pêche illicite qui fait de nombreux dégâts et lutter contre les pollutions, notamment plastiques en soutenant l'ouverture des négociations pour un traité sur les plastiques.
Ce sont autant d'actions essentielles, auxquelles s'ajouteront les propositions de résolution que vous avez adoptées. Elles nous aideront et je vous en remercie, monsieur le député.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous apprenons que le président Macron est bouleversé et choqué par les révélations sur Orpea. Bouleversé et choqué, pourquoi pas effondré ou anéanti ? À moins qu'il ne soit bouleversé par la chute des actions d'Orpea
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM
ou par le fait que certains journalistes font leur travail jusqu'au bout sans se laisser corrompre pour 15 millions d'euros ? Stop à l'hypocrisie !
En novembre 2018, lors du déplacement du président Macron à Pont-à-Mousson, je lui ai remis en main propre mon rapport d'information sur les EHPAD dans lequel la maltraitance institutionnelle était décrite !
Depuis le début de ce quinquennat, il ne se passe pas un jour sans que l'on reçoive des alertes sur la situation dans nos EHPAD : des familles qui culpabilisent, des résidents qui demandent à mourir, des soignants scandalisés et à bout. Cette semaine encore, j'ai été destinataire de nombreux signalements de la part du personnel du groupe lucratif Bridge, à Horbourg-Whir, à Lutterbach. En ce début d'année, les soignants ne sont plus remplacés, leurs primes ont été supprimées, le personnel travaille en mode dégradé, les tarifs ont augmenté et les résidents sont abandonnés à leur triste sort ! Tout cela n'a pas empêché le groupe de verser 4,5 millions d'euros à ses actionnaires en janvier. Orpea, Bridge, Korian, DomusVI et d'autres groupes prospères sont visés par de nombreuses accusations.
Le Gouvernement va-t-il continuer à s'en remettre à la justice comme s'il s'agissait de dysfonctionnements isolés ou bien compte-t-il faire interdire immédiatement les EHPAD privés lucratifs ? En octobre dernier, une nouvelle fois depuis 2017, nous dénoncions leurs pratiques inhumaines et notre groupe proposait à Mme la ministre chargée de l'autonomie de taxer à 100 % leurs dividendes pour mettre fin à la manne de l'or gris. Elle riait en nous écoutant. Pleure-t-elle maintenant ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Il est tout à fait normal que vous nous interrogiez à ce sujet. La semaine dernière, Mme Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, a reçu au sein de mon ministère les représentants d'Orpea. Deux enquêtes ont été diligentées : l'une est menée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour ce qui concerne l'organisation interne de ces établissements ; l'autre est confiée à l'Inspection générale des finances afin de déterminer si des montages financiers sont à dénoncer, voire à condamner. Vous connaissez notre détermination à agir
Exclamations sur quelques bancs du groupe FI
qui a été rappelée par le Président de la République lui-même.
S'agissant des moyens, j'ai du mal à vous suivre, même si j'ai l'esprit ouvert. Pourquoi établir une différence entre les établissements privés et publics ? Ayant comme vous travaillé dans des EHPAD privés et publics, j'ai constaté partout la même vocation parmi les personnels, la même volonté d'assurer le bien-être des résidents…
…et les mêmes tensions pesant sur les organisations tant la charge de travail est élevée. Que l'EHPAD soit privé ou public, il est très compliqué d'offrir de manière continue des soins de qualité quand il y a seulement deux membres du personnel pour s'occuper la nuit de cent résidents. Le statut de l'établissement importe peu en ce cas. Le cadre juridique aura en revanche son importance si, dans le cas précis d'Orpea, il est prouvé qu'il y a eu des montages financiers. Pour le reste, c'est l'accueil des personnes âgées en perte d'autonomie qu'il nous faut revoir dans son entier.
Exclamations sur quelques bancs du groupe FI.
Nous n'avons pas attendu la semaine dernière pour avancer, vous le savez bien, vous qui avez consacré un rapport à ce sujet. Rappelons la création de la cinquième branche qui bénéficiera de 2,5 milliards de crédits supplémentaires chaque année, le virage domiciliaire, le recrutement en cours, déjà bien avancé, de 40 000 personnes, la revalorisation des salaires. Ce que nous voulons, c'est un changement de perspective : répondre à la demande des Français en permettant aux personnes âgées de rester à leur domicile le plus longtemps possible.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous vous étonnez, monsieur le ministre, eh bien la différence entre le public et le privé lucratif, je vais vous la rappeler : le public se défonce pour bien traiter les résidents alors que l'État ne lui donne pas de moyens tandis que le privé lucratif se défonce pour engranger des bénéfices à distribuer aux actionnaires.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Madame Fiat, vous parlez de groupes, je vous parle de soignants, de blouses blanches, de familles, d'éducateurs. Ce sont les mêmes dans le public et dans le privé. Ils attendent qu'on les soutienne, pas qu'on les ostracise. Nous régulons ce qui doit l'être et nous accompagnons ceux qui doivent l'être.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur Premier ministre, nos policiers et gendarmes font un travail remarquable dans des circonstances de plus en plus difficiles et le premier flic de France qu'est votre ministre de l'intérieur se doit de conserver, en toutes circonstances, calme et maîtrise de soi.
Or ce matin, à l'antenne d'une chaîne d'info en continu, nous avons assisté à une scène assez surréaliste : M. Darmanin a perdu ses nerfs et a tenu des propos agressifs…
…à l'encontre d'une journaliste qui ne faisait pourtant que son travail, c'est-à-dire exposer la réalité de certains chiffres relatifs à la lutte contre la délinquance publiés sur le site même du ministère de l'intérieur, autrement dit les très mauvais résultats pour 2021.
« Calmez-vous, madame, ça va bien se passer ! » a répété à plusieurs reprises M. Darmanin avec mépris…
…en accusant la journaliste d'être « agressive » et de faire une « présentation fallacieuse » des chiffres de la délinquance pour 2021. Il est allé jusqu'à accuser certains médias d'être responsables de l'augmentation générale et continue des populismes dans notre pays, d'être en quelque sorte complices de ce phénomène. Tout cela n'est pas sérieux !
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, non, les journalistes ne sont pas là pour faire des présentations flatteuses des bilans des ministres.
Que le ministre de l'intérieur sache que ce n'est pas être populiste que de vouloir vivre en sécurité dans notre pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Alors que 62 % des Français jugent très sévèrement le bilan d'Emmanuel Macron en matière de sécurité, qu'avez-vous à dire pour votre défense ?
Mêmes mouvements.
Excusez-moi, je pensais que nous étions à l'Assemblée nationale, je n'avais pas compris que nous étions à la rédaction de Télé Loisirs pour commenter les émissions de télévision.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations, huées et claquements de pupitre sur les bancs du groupe LR.
Par ailleurs, il me paraît extraordinairement cocasse de vous entendre donner des leçons de calme alors que vous êtes des centaines à hurler contre une jeune femme qui essaie de vous parler…
Le bruit se poursuit sur les bancs du groupe LR et couvre les propos de Mme la ministre déléguée.
Que les esprits se refroidissent. Après avoir écouté la très intéressante question de Mme Le Grip, j'aimerais parvenir à écouter la très intéressante réponse qui lui est apportée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous prétendez nous donner des leçons de calme alors que vous êtes plusieurs dizaines à me hurler dessus, en proférant des insultes comme vous le faites depuis cinq ans.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Oui, cela fait cinq ans que nous supportons vos hurlements, vos remarques sexistes, vos réflexions déplacées, particulièrement à l'encontre des femmes ministres et des femmes députées. Que vous prétendiez ensuite nous donner des leçons contre les stéréotypes de genre, c'est quand même assez drôle !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Pour ce qui est de la sécurité, les bilans du Président de la République et de son ministre de l'intérieur sont très bons, puisqu'ils sont tous deux au travail pour mieux lutter contre les phénomènes d'insécurité. Le ministre de l'intérieur reste calme quand il lutte contre le terrorisme ; il reste calme quand il lutte contre les trafics de drogue, dont nous avons fait une priorité ; il reste calme quand il a le courage, avec le Premier ministre et le Président de la République, de dissoudre l'association BarakaCity, le collectif de Cheikh Yassine et le collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Que ne l'avez-vous fait en votre temps ? Ces organisations ne sont pas récentes, elles existaient déjà quand vous étiez au pouvoir, mais vous préfériez regarder ailleurs !
Sur les chiffres de l'insécurité, je vais être très claire : pourquoi ne mentionnez-vous pas la baisse de 30 % des cambriolages, la baisse de 26 % des vols sans arme, et la baisse de 25 % des vols avec arme ? Tout cela, il faut le voir. C'est vrai, il y a aussi une augmentation des signalements de violences conjugales et intrafamiliales, mais c'est grâce à la mobilisation résultant des lois votées par les députés – je les en remercie – sous l'impulsion de la grande cause du quinquennat du Président de la République. Oui, désormais les femmes vont porter plainte quand elles sont victimes de violences conjugales, c'est ce qu'on appelle un contentieux de masse et je crois qu'on ne peut que s'en réjouir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, selon Albert Camus, « le grand courage, c'est encore de tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort ». Depuis deux ans, le Président de la République, le Gouvernement et nous, la majorité, avons tenu les yeux ouverts avec lucidité et courage pour protéger la France et les Français face à l'épidémie. Nous avons tenu pour vacciner massivement grâce au passe sanitaire, puis vaccinal. Nous avons tenu lors des vagues successives, notamment celles des variants delta et omicron, grâce au vaccin et à l'implication sans faille de nos soignants. Nous avons tenu pour laisser ouverts les commerces, les lieux de culture et les écoles. Nous avons tenu parce que le Gouvernement et la majorité ont agi en responsabilité, en s'appuyant sur le débat démocratique et les faits scientifiques tout en s'affranchissant des incohérences de nos oppositions.
Et puisque même dans les poubelles de l'histoire, je m'astreins au tri sélectif, je rappellerai les discours dubitatifs tenus à la toute gauche de cet hémicycle quant à l'efficacité du vaccin ; j'évoquerai également le positionnement populiste à droite de ces bancs concernant le passe. Mais puisque les scories idéologiques ne sont jamais inertes, soulignons l'extrême paradoxe du discours de ceux qui, hier encore, nous reprochaient de trop fermer, et qui critiquent maintenant les assouplissements annoncés par le Premier ministre. Les faits nous donnent raison et démontrent une parfaite anticipation de la situation actuelle. En effet, nous levons certaines restrictions dans les bars, restaurants, rassemblements publics et discothèques de manière totalement contemporaine à une nette diminution de la circulation du virus, à une tension hospitalière encore élevée, mais stabilisée chez les adultes et en baisse chez les enfants, et à une campagne de vaccination renforcée par le passe vaccinal, qui permet à la France d'être l'un des pays les mieux vaccinés au monde.
Confucius disait : « Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole. » Comme nous nous y étions engagés, nous avons protégé nos concitoyens et notre économie face au virus en préservant toutes les libertés grâce au passe. Nous tenons actuellement notre parole de lever toutes les restrictions qui ne nous paraissent plus scientifiquement et médicalement utiles. Monsieur le ministre, l'évolution sanitaire positive à laquelle nous assistons constitue-t-elle une décrue durable, et quelles sont les perspectives d'avenir que nous pouvons donner aux Françaises et aux Français ?
Je crois pouvoir vous dire, en espérant ne pas être démenti par les faits, que nous avons fait le plus dur – à la fois depuis le début de cette pandémie et depuis le début de la vague omicron. Quand je dis « nous », je veux d'abord avoir une pensée pour les Français, parce que les deux années de gestion de la crise auxquels vous faites allusion en termes positifs, ce dont je vous remercie, ce sont deux années au cours desquelles les Français se seront illustrés par leur capacité de résilience, leur courage, leur esprit de solidarité, leur grande attention portée à l'autre et leur grande capacité de compréhension des enjeux de l'épidémie. Il n'y a pas de miracle, il n'y a pas de mystère, si nous sommes passés du dernier pays européen en matière d'intention vaccinale à l'un des tout meilleurs pays en termes de réalisation de la vaccination…
…c'est avant tout parce que les Français ont été convaincus de l'efficacité de la vaccination, parce que les Français sont des gens qui réfléchissent, qui demandent à être convaincus et qui, une fois qu'ils le sont, prennent leurs responsabilités. C'est aussi le succès des soignants, qui font face sans relâche à la succession de vagues depuis deux ans.
Oui, vous avez raison, la vague épidémique semble être derrière nous, en tout cas le nombre de contaminations diminue vite et bien. Cependant, la vague sanitaire reste très importante, comme vous l'avez souligné : on compte encore plus de 30 000 patients hospitalisés pour covid, plus de 3 500 patients atteints du covid dans les services de réanimation, et un nombre de décès qui reste beaucoup trop élevé. C'est donc avant tout aux soignants que je veux rendre hommage.
Pour ce qui est de la suite, sur laquelle vous m'interrogez, je dirai qu'il faut d'abord continuer la vaccination. Je rappelle que près de 5 millions de Français pourraient perdre leur passe vaccinal au 15 février s'ils n'effectuent pas leur rappel à temps : il y a donc urgence pour eux. Une enquête a montré qu'une très large majorité d'entre eux le savent, mais il faut maintenant passer de « je suis au courant » à « je me fais vacciner » pour que les choses continuent de se dérouler dans les meilleures conditions.
Quant aux mesures de freinage, nous les supprimons au fur et à mesure, dès qu'il nous semble possible de le faire. Une étape importante a été franchie mercredi dernier et une autre le sera mercredi prochain avec un allégement du protocole dans les écoles primaires à la rentrée et, nous l'espérons, avant le printemps pour l'ensemble des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, les réactions à la publication du livre Les Fossoyeurs se multiplient et c'est tant mieux. Personnellement, je suis révoltée, scandalisée, choquée par ces révélations, mais aucunement surprise. En effet, ici même le 9 octobre 2018, j'ai interrogé Mme Buzyn, ministre de la santé, à la suite des révélations de maltraitance dans les EHPAD privés à but lucratif. Je lui ai demandé très clairement de diligenter des enquêtes et de sanctionner si nécessaire. Or c'est tout l'inverse qui s'est passé. Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le directeur général d'Orpea nous a indiqué le nombre de contrôles effectués dans ses établissements : 96 en 2016, 75 en 2017, 55 en 2018, 49 en 2019, 18 en 2020, 10 en 2021. Pourquoi avoir diminué les contrôles dès 2017 et avoir continué à le faire alors qu'en 2018, le scandale avait été révélé au grand jour par les chaînes télé ? Quand allez-vous convoquer les vrais responsables de ce scandale ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR
à savoir le fondateur du groupe, le docteur Marian, parti en Belgique après avoir vendu en janvier 2020 toutes ses parts pour 456 millions d'euros ; le numéro 2, Yves Le Masne, limogé après la sortie du livre, mais qui avait vendu ses parts avant ; et le numéro 3, Jean-Claude Brdenk, qui lui a aussi quitté le groupe, mais s'est fait élire vice-président du SYNERPA – le Syndicat national des établissements et résidences privés et services d'aide à domicile pour personnes âgées – avant d'être exfiltré il y a quelques jours pour aller prendre la direction du groupe Bastide ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Vous citez les chiffres de contrôle des EHPAD par les ARS, les agences régionales de santé. Je voudrais que les choses soient claires sur ce point : il n'y a eu, bien évidemment, aucune consigne de réduction des contrôles.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
En revanche, en 2020 et 2021, la crise sanitaire a eu des répercussions sur le fonctionnement des ARS, ce dont chacun peut convenir. Quels sont les enjeux auxquels nous devons faire face ? Récemment, nous avons débattu dans cet hémicycle d'une mesure visant à la certification des établissements recevant des personnes âgées ; si cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, elle a le mérite de montrer l'intention du Gouvernement et de la majorité – je crois d'ailleurs que vous aviez voté avec nous, et je vous en remercie – de créer des normes de certification pour les EHPAD comme il en existe pour les hôpitaux. La portée des contrôles est toute relative car, selon qu'ils sont effectués le jour ou la nuit, durant le service d'une équipe ou d'une autre, ils n'aboutissent pas forcément aux mêmes conclusions. Cela dit, les contrôles peuvent être informatifs, et certains d'entre eux conduisent à des contre-visites et parfois à des sanctions.
Pour ma part, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin et ne pas attendre de tomber sur des difficultés pour se dire qu'elles existent. Il faut les anticiper, ce que nous avons fait avec la création de la cinquième branche, le recrutement de dizaines de milliers de postes, l'augmentation des salaires, la modernisation et la reconstruction de 3 000 hôpitaux et EHPAD, toutes mesures résultant du Ségur.
Mêmes mouvements.
Nous devons également aller plus loin en matière de normes, avec une certification pour les EHPAD.
Par ailleurs, plutôt que de nous intéresser aux statuts, intéressons-nous aux missions. Dans le cadre de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), le Parlement s'est prononcé pour la création et le développement de sociétés à mission. Pourquoi ne pas envisager par exemple – c'est une piste de réflexion que je soumets au débat public – une évolution vers des sociétés à mission afin d'assurer la portée sociale des entreprises à but lucratif ? Je crois qu'il existe de bons et de mauvais EHPAD à but lucratif.
Certains comportements peuvent sans doute être qualifiés de voyous – le cas échéant, les enquêtes en cours permettront de le démontrer –, mais vous trouverez aussi dans les EHPAD à but lucratif des femmes et des hommes qui s'investissent au service des personnes âgées et fragiles. Je le répète, il est important de voir ce qui a été voté au cours des deux années précédentes et ce qu'il reste à faire.
Ce que nous souhaitons, c'est un moratoire pour toute création de place dans les établissements privés à but lucratif ; que les signalements auprès de votre administration fassent systématiquement l'objet d'une saisine de la justice ; un droit de visite inopinée pour tous les parlementaires ; une multiplication des contrôles indépendants ; et surtout des créations de postes de soignants pour atteindre les ratios prévus dans le rapport Libault. Enfin, s'il vous plaît, répondez aux premières questions que je vous ai posées !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Monsieur le Premier ministre, les révélations sur la gestion scandaleuse de certains EHPAD privés nous forcent à réagir et prendre conscience de l'attention et de la dignité que la société tout entière doit aux personnes âgées vulnérables. Les manquements de certains établissements accusés de rationnement et de maltraitance sont inadmissibles, mais le problème est hélas beaucoup plus global et le Gouvernement ne doit surtout pas s'exonérer de ses propres responsabilités face à ce défi d'humanité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
N'oublions pas qu'au début de la pandémie, les personnes âgées sont décédées par centaines dans les EHPAD, souvent à cause d'une insuffisance respiratoire, parfois dans de grandes souffrances, loin de leurs familles. Des soignants nous l'ont dit, on n'a laissé aucune chance aux personnes âgées de s'en sortir en les maintenant à domicile ou dans les EHPAD plutôt que de les accueillir à l'hôpital, ce qui ne pouvait être fait en raison d'un manque de lits. Des médicaments palliatifs conduisant à la sédation – notamment le Rivotril – et habituellement interdits ont même été autorisés. Pour la commission d'enquête sur la gestion gouvernementale de la crise sanitaire, les EHPAD auront été les grands oubliés de la première vague, puisque sur les 30 000 personnes décédées de la covid du 1er mars au 7 juillet 2020, la moitié étaient en EHPAD et n'ont d'ailleurs pas été comptabilisés durant plusieurs semaines.
Quelles conclusions avez-vous tirées de ces révélations et que comptez-vous faire pour empêcher que de telles dérives se reproduisent ? Comment répondre, dans tous les établissements, à la souffrance au travail des soignants confrontés à un manque de moyens pour prodiguer un accompagnement décent à nos aînés ? Quand allez-vous, face à l'urgence, renforcer la médicalisation de nos établissements et – mais sans doute est-il trop tard – envisager une loi grand âge ? Le Gouvernement est-il prêt à un sursaut collectif pour faire de la dignité des personnes âgées une grande cause nationale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Merci, cher collègue.
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Pour ce qui est de votre interrogation sur la gestion de la crise covid dans les EHPAD, j'ai déjà indiqué ici que cette situation particulière m'a conduit à prendre les décisions les plus difficiles que j'ai eues à prendre en tant que ministre dans le cadre de la crise sanitaire. Quand nous avons demandé aux EHPAD de ne plus faire sortir certains résidents de leurs chambres, quand nous avons interdit les visites, on nous l'a reproché au Parlement. Pourquoi avons-nous pris ces décisions ? Parce que nous avions constaté que, dès lors que le covid entrait dans un établissement – je rappelle qu'à l'époque, les personnes âgées n'étaient pas encore vaccinées –, il y avait parfois jusqu'à vingt-cinq morts. Pourtant, on nous a reproché nos décisions et il y a même eu des propositions de la droite visant à nous empêcher d'interdire les visites, y compris durant la crise sanitaire.
Aujourd'hui, la donne a changé et certains vont jusqu'à nous reprocher de ne pas en avoir fait assez… Lorsque nous avons commencé la campagne de vaccination, nous avons choisi de le faire dans les EHPAD – ce qui nous a été reproché en raison des contraintes logistiques que cela impliquait – parce que la Haute autorité de santé (HAS) nous conseillait de faire porter tous nos efforts sur les personnes les plus fragiles. Depuis le premier jour de la crise, nous n'avons jamais laissé tomber les EHPAD. Je le répète, pendant deux ans on nous a reproché d'en faire trop plutôt que pas assez pour protéger ces personnes âgées.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Pour ce qui est des effectifs, j'ai beaucoup de respect pour les gens qui écrivent des livres, mais nous n'avons pas attendu celui qui a été évoqué pour prendre la mesure de la situation. Ainsi, nous avons augmenté le personnel des EHPAD de 40 000 postes pendant la crise, ce qui n'avait jamais été fait sous les majorités précédentes. Parmi ces 40 000 postes créés dans les EHPAD, on comptait 10 % de personnel pérenne en plus.
Durant ce quinquennat, nous avons également instauré la médicalisation dans les EHPAD ; médicalisé la gouvernance des EHPAD ; créé des postes d'infirmières de nuit, afin qu'il n'y ait pas seulement deux aides-soignants la nuit pour 100 personnes âgées dépendantes souffrant de graves problèmes de santé ; en tout, cela représente 2,5 milliards d'euros supplémentaires par an pour le budget des EHPAD et, en salaires, 2 milliards en plus pour les soignants. On peut regarder ce qui est devant nous, mais de grâce, regardez aussi ce qu'en deux ans, nous avons fait pour les EHPAD. Si vous avez voté toutes ces mesures – mais l'avez-vous fait ? –, vous pouvez dire avec nous : il était temps, heureusement que nous avons agi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, plus de doute, les oppositions sont en campagne.
Comment expliquer autrement que certains parlementaires adressent aux maires et aux élus locaux de leur département des notes à charge contre ce que nous avons fait depuis 2017 en matière de finances locales et des contre-vérités au sujet des réformes de la fiscalité locale que nous avons menées ?
D'après ces parlementaires de l'opposition, nous avons eu tort de supprimer la taxe d'habitation, de baisser les impôts des Français, de rendre du pouvoir d'achat à nos concitoyens ! Or non seulement nous avons compensé les collectivités locales à l'euro près, avec une ressource dynamique, mais nous avons fait beaucoup mieux encore. Depuis le début de notre mandat, nous avons augmenté les transferts financiers de l'État vers les collectivités territoriales de 5 milliards d'euros ; nous avons maintenu les dotations de fonctionnement ; nous avons relevé les dotations d'investissement à un niveau record ; nous avons massivement aidé les collectivités territoriales pendant la crise du covid et soutenu leurs investissements dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 10,5 milliards.
Les résultats sont là. Malgré la crise, les principaux indicateurs financiers des collectivités territoriales sont en progrès significatif depuis 2017 :
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
leurs recettes, leurs investissements, leur capacité d'autofinancement et leur trésorerie ! Cela est vrai pour les régions et pour les départements comme pour le bloc communal !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Les élus le savent et le voient. Ils ont fait front pendant la crise, géré leurs finances avec sérieux et constaté que l'État était à leurs côtés.
Monsieur le ministre délégué, les chiffres ne mentent pas.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Pouvez-vous nous donner l'exécution des comptes des collectivités territoriales à fin 2021 et nous confirmer que leurs finances sont solides ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le député Jean-René Cazeneuve – ou plutôt, monsieur le président de la délégation aux collectivités territoriales
Exclamations sur les bancs du groupe LR
–, le constat que vous faites est le bon. La situation financière globale des collectivités locales est meilleure en 2021 qu'elle ne l'était en 2017,…
…car nous avons rompu avec la trajectoire de baisse des dotations et stabilisé la dotation de fonctionnement, à hauteur de 27 milliards d'euros.
Vous auriez dû en parler à votre ami François Hollande !
Dans le même temps, nous avons stabilisé aussi les dotations d'investissement et, à l'occasion de la crise économique liée au covid, nous les avons augmentées dans le cadre des mesures d'urgence et de relance. Nous l'avons fait tout en offrant aux collectivités locales un filet de sécurité, mobilisé à hauteur de 4 milliards d'euros, pour garantir leurs recettes : celles-ci n'ont jamais été inférieures à ce qu'était leur niveau moyen entre 2017 et 2019.
Nous avons donc stabilisé la trajectoire financière des collectivités locales, à qui nous avons donné de la visibilité, mais cela ne nous a pas empêchés d'engager une réforme de la fiscalité locale. Le but était d'abord de rendre du pouvoir d'achat aux Français : nous leur avons rendu 723 euros par ménage grâce à la suppression de la taxe d'habitation, qui est intégralement compensée pour les collectivités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Elle l'est, pour les communes, au travers de la taxe foncière sur les propriétés bâties, une ressource dynamique dont elles décident du taux. Elle l'est, pour les départements, grâce à l'affectation de 15 milliards d'euros de TVA.
Nous avons aussi diminué les impôts de production de 10 milliards et, de la même façon, nous avons compensé la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour les régions avec de la TVA, et nous avons compensé la baisse de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les communes et les intercommunalités. Cette affectation de TVA, que beaucoup ont décriée, se traduira en 2022 par une dynamique de 6 % des recettes :…
…800 millions d'euros supplémentaires pour les régions, 800 millions pour les départements et 400 millions pour les intercommunalités – en plus du maintien de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des dotations d'investissement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cela explique que l'épargne brute ait augmenté en 2021, que la capacité d'investissement revienne et que les collectivités puissent être des partenaires de l'État– ce qui est plus important que les contrevérités qui circulent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous recevons actuellement les dotations horaires globales (DHG) des établissements scolaires pour l'année prochaine. Dans l'éducation prioritaire du second degré, la colère est forte. Les pertes d'heures, sans lien cohérent avec la démographie…
…sont vécues comme un abandon et un mépris supplémentaires, a fortiori après deux années de crise. La perte d'heures, d'année en année, a des effets concrets sur les dispositifs d'accompagnement des élèves, qu'il s'agisse des ateliers personnalisés, des dispositifs de soutien scolaire ou de la coanimation dans des matières fondamentales. Dans les établissements, elle se traduit par une augmentation du nombre d'élèves par classe et par une baisse du nombre d'heures en demi-groupes. Les professeurs doivent faire des économies de bouts de chandelle. Les moyens en plus pour ceux qui ont moins ne sont pas un privilège ni un caprice, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ils sont déterminants pour l'avenir de nos enfants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Au collège Marguerite-Duras de Colombes, les classes à faible effectif ont permis de faire bondir le taux de réussite au brevet. Pourtant, on enlève une part de sa DHG à l'établissement. Comment tenir la promesse d'égalité quand à Villeneuve-la-Garenne – où le taux de pauvreté s'élève à 25 % – le lycée enregistre cent heures de DHG en moins. L'économie prioritaire, ce n'est pas un projet pour nos enfants ! Bientôt, plus rien ne distinguera les établissements en REP+ – réseau d'éducation prioritaire renforcé – des autres.
Si votre seule réponse, monsieur le ministre, c'est le dédoublement des classes en premier degré, comme justifiez-vous la fermeture de classes en milieu rural et l'augmentation des effectifs des autres classes un peu partout dans le pays ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SOC.
Que répondez-vous aux collégiens qui n'ont pas bénéficié de ces dédoublements ? Ils n'ont nullement à en payer le prix ! Tout cela n'a rien d'étonnant, malheureusement, puisque vous avez repris le travail de suppression de postes entrepris déjà entre 2007 et 2012. Allez-vous expliquer aux parents d'élèves et aux personnels de l'éducation prioritaire qu'ils se trompent ? Avez-vous décidé qu'il en était fini de l'éducation prioritaire, donc de la promesse d'égalité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Les chiffres sont têtus et je vais vous les donner. Sachez d'abord qu'il n'y a jamais eu d'augmentation budgétaire aussi importante pour l'éducation nationale que durant ce quinquennat – beaucoup plus forte que durant le précédent, et encore plus que durant celui d'avant. Vous n'aimez pas l'entendre, mais c'est la vérité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Deuxième élément : oui, ce que nous avons fait pour l'école primaire est très important ! C'est la première fois qu'une vraie politique d'éducation prioritaire y est menée, et vous ne nous en ferez pas rougir ! 350 000 enfants en bénéficient chaque année.
Enfin, l'augmentation budgétaire de 13 % sur la durée du quinquennat a vocation, bien sûr, à être d'abord consacrée à l'éducation prioritaire.
Cela existait déjà avant ! Ce n'est pas vous qui avez inventé l'éducation prioritaire !
Il n'y a pas de diminution relative de ses moyens, il y a tout simplement une prise en compte de données démographiques. Dans le département des Hauts-de-Seine, que vous avez cité et dont vous êtes l'élue, on compte vingt-trois créations de postes pour les lycées. Elles tiennent compte, c'est vrai, d'une augmentation des effectifs de 449 élèves. Au total, la croissance du nombre de postes est donc assez équitable. La marge des établissements tient compte de l'indice de positionnement social (IPS) ; c'est notamment le cas pour les vingt établissements de votre département qui se trouvent en REP.
Au total, l'éducation prioritaire concerne 19 % des effectifs de votre département et représente 23 % de la dotation. Les établissements d'éducation prioritaire y bénéficient aussi, à hauteur de 42 %, de l'opération « Devoirs faits » – une autre opération d'éducation prioritaire très importante à l'échelle du quinquennat. Ne dites pas que le collège a été délaissé : un tiers des collégiens de France bénéficient de ce dispositif. Dans les Hauts-de-Seine, l'éducation prioritaire c'est encore 32 % des postes de conseiller principal d'éducation (CPE) et 36 % des postes d'assistants d'éducation. S'agissant du lycée Michel-Ange de Villeneuve-la-Garenne, que vous avez cité, nous avons fixé la DHG de telle sorte que les effectifs soient de vingt-six élèves par classe.
Il ne faut pas présenter l'éducation prioritaire comme étant sacrifiée, madame Faucillon. Certains députés ont fait semblant de croire que des collèges allaient sortir des réseaux d'éducation prioritaire : ce n'est pas exact ! Nous avons une politique en faveur de l'éducation prioritaire, qui se voit dans notre budget.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'espère, monsieur le garde des sceaux, que vous répondrez à ma question avec plus de respect que vous ne l'avez fait la semaine dernière lorsque nous débattions des prisons dans l'hémicycle.
« Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
« Un principe : en matière de justice, toute peine prononcée est une peine exécutée ». Voilà ce que proclamait, en février 2017, le candidat Emmanuel Macron. Il entendait apparemment répondre à une situation lui paraissant intolérable : le fait que « les peines prononcées inférieures à deux ans ferme ne sont que très rarement exécutées […] ». Comment est-on passé de cette clairvoyance affichée à tant d'inaction et à une succession de vœux pieux ? On nous promettait hier l'efficacité mais 45 % des peines de prison ferme ne sont pas exécutées six mois après avoir été prononcées – probablement faute de places en prison. On nous annonçait hier la construction de 15 000 places durant ce quinquennat – cela figure dans le programme du candidat Macron en 2017 – et, au 1er novembre 2021, seules 1 946 places opérationnelles ont été livrées.
On nous garantissait que, dans notre belle start-up nation, où il suffit de traverser la rue pour trouver un boulot, tous les détenus pourraient s'inscrire dans un parcours de formation. Or le nombre de travailleurs en prison a été divisé par deux, ce qui est une mauvaise nouvelle dans la lutte contre la récidive.
Ces mauvaises nouvelles ne sont pas anodines. Prises individuellement, elles ont abîmé des maillons essentiels de notre chaîne pénale. Prises collectivement, elles ont grandement amoindri la confiance dans notre système judiciaire. Comme l'arbre qui cache la forêt, vous avez pris des mesures pour revaloriser le statut de nos courageux surveillants – qui ont été les grands oubliés de ce quinquennat – dans une situation d'urgence électorale qui ne trompe personne.
À l'heure où insécurité, faiblesse de la réponse pénale et récidive inquiètent nos compatriotes, il serait peut-être salutaire que le Gouvernement envoie en urgence un ultime signal fort pour rétablir l'ordre et la justice dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le contradictoire, monsieur le député, ce n'est pas un manque de respect, alors souffrez que je vous contredise. D'abord, nous avons recruté 4 500 agents pénitentiaires supplémentaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Pierre Cordier s'exclame.
Nous avons augmenté substantiellement leur salaire à hauteur de 200 euros net par mois entre 2017 et 2022. Nous avons assuré la sécurité des établissements pénitentiaires ; nous avons rénové certains d'entre eux pour un montant de 1 million d'euros par an et par établissement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous construisons 15 000 places de prison, net, et peut-être même plus : il pourrait y avoir 700 places de plus à Magnanville
Exclamations sur les bancs du groupe LR
si vous daigniez enfin nous soutenir, vous ou votre candidate – car c'est dans son département !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Huées sur les bancs du groupe LR.
Nous serons au rendez-vous de nos promesses ! Nous avons construit des centres éducatifs fermés (CEF) et nous aurons construit ce que le Président de la République a promis.
Maintenant, arrêtons-nous une seconde sur votre proposition : vous proposez que ceux qui portent un bracelet électronique à la cheville aillent dans des hôtels désaffectés ou dans des préfabriqués…
…où ils seraient surveillés par des agents pénitentiaires qu'il faudrait sortir des prisons ! C'est surréaliste ! Vous donnez même la marque de ces préfabriqués : Algeco. Il faut être sérieux, monsieur le député ! Après avoir fait la publicité de Kärcher et maintenant d'Algeco, Les Républicains sont en réalité Mr. Bricolage !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations et protestations sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre des solidarités et de la santé. Elle porte sur l'exclusion de certaines professions de santé de la prime d'exercice en soins critiques. Pour rappel, cette prime de 118 euros a été instaurée en janvier au bénéfice des infirmiers en soins généraux et des cadres de santé exerçant dans les unités de réanimation et réanimation néonatale, ou encore dans les unités de soins intensifs, pour ne citer qu'eux. Ce qui semble a priori une bonne mesure pour soutenir les services de soins critiques, que l'on sait surmobilisés par la situation sanitaire, a été la goutte d'eau de trop pour les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture et les agents des services hospitaliers qui font partie intégrante de ces services.
Cette exclusion est difficilement compréhensible, surtout lorsqu'on connaît le fonctionnement des soins critiques, qui requièrent une technicité et un niveau de qualification particuliers. Les aides-soignants effectuent par exemple des gestes techniques spécifiques à la réanimation, comme l'aspiration. Dans ce cadre, le fonctionnement en binôme est crucial, que ce soit pour les infirmiers avec les aides-soignants, ou pour les puéricultrices avec les auxiliaires de puériculture dans les unités de néonatalogie. Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Roubaix par exemple, le service de réanimation doit fonctionner avec trente-deux aides-soignants pour cinquante-deux infirmiers : on comprend aisément qu'ils sont indispensables !
Je ne peux pas croire qu'une allocation aussi restrictive de la prime relèverait d'une méconnaissance du fonctionnement des services de réanimation, mais cette distinction faite en leur sein ne semble pas légitime. Les équipes sont sous pression et de telles mesures ne font qu'accentuer le manque de reconnaissance et le sentiment d'injustice. Comment justifiez-vous, monsieur le ministre, l'exclusion d'une partie des agents des services de soins critiques de l'octroi de cette prime ? Comment comptez-vous répondre aux revendications de ces soignants ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Caroline Fiat applaudit également.
Je rêve du jour – mais il n'est pas encore trop tard – où un député de l'opposition prendra le micro pour nous féliciter d'une bonne décision que nous avons prise.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Je pense en l'occurrence à celle du Premier ministre qui a décidé, il y a un mois, d'accorder une prime supplémentaire de 100 euros net par mois à 30 000 infirmières et infirmiers de réanimation. Vous pourriez commencer par là, madame la députée ! Vous pourriez souligner que c'était une bonne décision, qu'il fallait la prendre, que nous avons eu raison d'y consacrer le budget de la nation, et vous pourriez ajouter que vous nous invitez maintenant à aller plus loin. Mais non, jamais rien de positif !
Le Premier ministre a tenu à faire cette annonce à la suite de la remise du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) intervenu après que j'ai diligenté une mission sur la question des soins critiques et de réanimation. Ce rapport prônait, comme mesure d'urgence, l'octroi de cette prime spécifique pour les infirmiers de réanimation. Nous avons suivi la recommandation de l'IGAS, ce qui ne signifie pas que c'est pour solde de tout compte.
Vous avez raison de vous inquiéter pour le pouvoir d'achat des soignants ; c'est également notre cas. Les personnels dont vous parlez, qui sont éminemment méritants, spécialisés, et pour lesquels j'ai le plus grand respect, ont d'ores et déjà bénéficié des revalorisations prévues par le Ségur de la santé : 183 euros net par mois en plus d'une augmentation dans les grilles indiciaires. Un aide-soignant de réanimation avait ainsi déjà perçu par ailleurs quelque 250 euros net supplémentaires par mois, comptant pour la retraite, indépendamment de la prime de soins critiques. De nouveau, je n'ai pas entendu l'opposition saluer ce geste important qui permet de consacrer 10 milliards supplémentaires aux salaires de plus de 1,5 million de soignants. Nous le saluons donc nous-mêmes car nous considérons que c'était une bonne décision, que la majorité peut être fière d'avoir accompagnée.
Le rapport de l'IGAS va au-delà des questions de rémunération : il propose que nous accroissions le nombre de lits de réanimation et de soins critiques. Nous enverrons d'ici la fin du mois de février un décret en Conseil d'État, prévoyant une augmentation d'environ 1 000 de ces lits dans tout le territoire – c'est-à-dire une augmentation de 20 %, la plus importante de toute notre histoire.
Cela nécessite de recruter, de former, de valoriser : c'est ce que nous faisons depuis deux ans, et nous continuerons !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.
L'industrie française représente 3,2 millions de salariés et 260 000 entreprises : c'est dire son importance au sein de notre économie. Durement touchée par une crise sanitaire sans précédent, elle a pu compter sur le soutien sans faille du Gouvernement, avec un plan de relance inédit de 100 milliards d'euros ; toutefois, l'exécutif n'avait pas attendu cet épisode pour faire de la reconquête industrielle l'une de ses priorités.
Voici maintenant trois ans que nous travaillons en étroite collaboration avec vous et vos services afin de réindustrialiser le territoire du pôle métropolitain Nord Franche-Comté, bassin historique en matière d'automobile, de transport ferroviaire et de production d'énergie. Je vous avais interpellée au sujet de la nécessaire implication de l'État dans la diversification et la redynamisation de tels bassins. Madame la ministre déléguée, nous pouvons désormais affirmer que vous avez tenu votre engagement !
La réindustrialisation de nos territoires est en route. Dans la friche industrielle d'Hérimoncourt, au cœur de ma circonscription, le groupe allemand Welp, spécialisé dans le blindage de véhicules et que nous avions démarché, a confirmé son implantation : elle sera effective dans quelques semaines.
Les entreprises étrangères n'hésitent plus à s'installer dans notre pays, redevenu le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers. La France est de retour !
Mme Marie-Christine Dalloz s'exclame.
La présence de ces entreprises soutient l'emploi et bénéficie à l'ensemble du territoire : quelle est donc la stratégie du Gouvernement en vue de conserver et d'accroître cette attractivité retrouvée, autrement dit d'inciter d'autres entreprises encore à investir dans notre pays et à s'y installer durablement ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La reconquête industrielle constitue la priorité du Président de la République en matière de politique économique : je sais que vous œuvrez en ce sens dans la région de Montbéliard, notamment en ayant obtenu l'implantation de Welp, qui va créer 200 emplois. Cette réussite n'est pas le fruit du hasard mais, je le répète, l'effet de la politique menée avec détermination, depuis près de cinq ans, sous l'égide présidentielle. Grâce à la majorité, nous avons ainsi réformé la fiscalité des entreprises, du capital et de la production afin de rendre notre pays plus attractif. La recette fonctionne : vous l'avez dit, la France constitue désormais la première destination des industriels étrangers désireux de créer des usines !
Les ordonnances sur le travail, la réforme de l'apprentissage, celle de la formation professionnelle sont à l'origine de 1 million d'emplois ; en 2017, 2018, 2019 et 2021, la France a créé de l'emploi industriel net, ce qui ne s'était plus vu depuis l'an 2000 !
Mme Marie-Christine Dalloz s'exclame.
En matière d'innovation et de simplification administrative, la majorité peut également être fière d'avoir soutenu la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) du 10 août 2018, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) du 22 mai 2019 ou encore la loi d'accélération et de simplification de la vie publique (ASAP) du 7 décembre 2020, qui favorisent le développement de nouvelles activités sans rien céder en matière environnementale et sociale.
Encore une fois, cette politique s'est révélée payante sur le front de l'emploi : c'est pourquoi nous la poursuivons avec le plan France 2030, qui destine 30 milliards d'euros aux filières d'innovation et d'industrialisation de demain…
…afin que nous reprenions des couleurs…
…et que nous devenions enfin le premier pays industriel, ou du moins l'un des premiers, en Europe !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous déclariez tout récemment qu'il fallait « probablement faire évoluer » le tronc commun d'enseignement au lycée « pour qu'il y ait plus de mathématiques en son sein ». Interrogé sur les effets délétères de votre réforme du lycée – en terminale, les élèves sont désormais 59 % à étudier les mathématiques, contre 90 % auparavant –, vous vous livriez enfin à un début d'autocritique. En effet, les élèves de première sont face à un choix : abandonner complètement les mathématiques, ou les conserver sous forme de cours d'option au niveau très élevé – vous-même l'avez reconnu – et risquer le décrochage. Dans tous les cas, ils en sortiront perdants. La réforme a également accentué les inégalités entre hommes et femmes, les choix stéréotypés, suscité une inquiétante désaffection pour les filières scientifiques…
…et bien d'autres effets pervers, par exemple sur l'enseignement des langues, notamment régionales, ou sur l'orientation, devenue source d'angoisse pour les élèves. Quant aux établissements, ils se livrent une concurrence impitoyable dont les gagnants seront une fois encore ceux des grandes villes, qui proposent davantage d'options.
Tout cela est révélateur : la réforme du lycée, clé de voûte de votre action, reflète votre vision de l'école. Votre méthode est emblématique de ces cinq dernières années :…
…vous ne recourez à aucune concertation, vous balayez d'un revers de main les craintes des intéressés, et pour quel résultat ?
Au crépuscule du quinquennat, à l'heure des bilans, vous vous affirmez ouvert à des propositions d'amélioration, après avoir fait la sourde oreille à toutes les revendications légitimes. Il est grand temps, à moins qu'il ne soit trop tard. Reconnaîtriez-vous finalement que votre réforme tant vantée n'a pas eu le succès espéré ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député, j'aurais tant de vérités à rétablir que deux minutes ne me suffiront pas ! Tout d'abord, la réforme du lycée n'a pas été décrétée du jour au lendemain, mais après plusieurs mois d'une très vaste concertation à laquelle ont participé 80 000 lycéens, ainsi que l'ensemble des organisations syndicales. Beaucoup ont inspiré ce travail d'intelligence collective, que l'on ne peut certainement pas ramener à une décision unilatérale !
Ensuite, cette réforme demeure populaire auprès des lycéens, dont une large majorité l'approuve. Ils savent très bien ce qu'ils y ont gagné : plus de liberté, beaucoup plus de choix et, alors que les anciennes filières S, ES et L étaient à bout de souffle, la possibilité de nombreuses combinaisons,…
…ce qui leur permet de cultiver leurs passions ! Vous prônez l'exigence : nous avons changé tous les programmes du lycée, de A à Z, et tous sont devenus plus exigeants ,
MM. Marc Le Fur et Fabien Di Filippo s'exclament
qu'il s'agisse des mathématiques, de la physique-chimie, des sciences de la vie et de la terre. Interrogez les spécialistes ! En effet, puisque les élèves choisissent, ils peuvent approfondir. Savez-vous combien les élèves de terminale S avaient au maximum d'heures de mathématiques par semaine ?
Huit heures, contre neuf pour ceux qui choisissent désormais l'option ! Vous dites que moins d'élèves font des mathématiques : ce n'est pas exact. Ils étaient 49 000 à bénéficier des huit heures que je viens d'évoquer ; ils sont 51 000 à suivre les cours d'option. Vous dites qu'il y a moins de filles parmi eux : ce n'est pas vrai, il y en a plus, et la nouvelle structure va nous permettre de les y inciter, afin d'opérer une compensation. Nous enregistrons nos premières réussites, en particulier la démonstration par l'étude de Parcoursup parue la semaine dernière que, parmi les élèves ayant fait des études scientifiques au lycée, davantage les poursuivent dans l'enseignement supérieur. Vous faites des commentaires sur des basses-fosses ; nous, nous préparons l'avenir de notre pays !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
De semaine en semaine, l'inquiétude de nos concitoyens s'accroît : ils sont de plus en plus nombreux à ne pouvoir faire face à la hausse vertigineuse des prix des carburants et combustibles. Je vous avais interpellé à ce sujet au mois d'octobre, alors que le litre de gazole atteignait 1,53 euro, un record à l'époque : il coûte aujourd'hui 1,71 euro ! De surcroît, comme je ne cesse de le répéter, cette moyenne recouvre une terrible disparité géographique : dans beaucoup de stations-service du Cantal, dont Jean-Yves Bony et moi sommes les élus au sein de l'Assemblée, le litre dépasse 1,80 euro !
…le chèque inflation et le relèvement du barème kilométrique ne suffisent pas à enrayer l'érosion du pouvoir d'achat des ménages qui n'ont d'autre choix que d'utiliser chaque jour leur véhicule pour se rendre au travail, surtout ceux qui, non contents d'habiter en zone rurale ou en montagne, se chauffent au fioul domestique – dont le prix bat également des records : 1,16 euro le litre contre 78 centimes en février dernier, soit 48 % en douze mois. Pour 1 000 litres, il en résulte une augmentation de 380 euros ! Vous comprendrez que ces oubliés, car vous n'avez annoncé de mesures que pour les tarifs de l'électricité et du gaz, peinent à se reconnaître dans vos discours sur l'augmentation du pouvoir d'achat.
Ma question est simple : compte tenu de ces tensions, allez-vous enfin vous résoudre, après l'avoir augmentée de 3 800 millions au début du quinquennat, à diminuer la taxation des carburants avant que le prix du litre à la pompe ne franchisse le seuil des 2 euros ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Élu en Ardèche, où j'ai toujours habité, je me trouve particulièrement au fait des difficultés de ceux qui pour aller travailler, pour vivre, n'ont pas d'autre moyen de locomotion que leur véhicule.
Qu'avons-nous fait face à la hausse du prix des carburants et plus généralement de l'énergie ? Vous-même l'avez rappelé : nous avons modifié par arrêté le barème kilométrique, créé un chèque énergie de 100 euros destiné aux 5 800 000 ménages les plus fragiles, ainsi qu'une prime inflation du même montant dévolue à 38 millions de Français, dont 20 millions l'ont déjà touchée – les autres la recevront avant la fin du mois de mars.
Nous avons diminué la fiscalité de l'électricité – sans cette mesure, la facture d'électricité de nos concitoyens aurait augmenté de 40 % au lieu de 4 % –, plafonné le prix du gaz. En tout, l'État a débloqué 15 milliards d'euros pour protéger le pouvoir d'achat des Français. Certains d'entre vous nous accusent d'avoir cramé la caisse ; pourtant, il me semble entendre sur vos bancs que 15 milliards, ce n'est pas assez !
M. Marc Le Fur s'exclame.
Vous évoquez en outre une hausse de la fiscalité de l'énergie : j'imagine que vous songez à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Au cours du quinquennat, celle-ci aura en tout et pour tout augmenté de 6 centimes, ce qui, rapporté au prix du gasoil et de l'essence, signifie que ce n'est pas elle qui est à l'origine de la hausse de ces derniers.
M. Pierre Cordier s'exclame.
En revanche, puisque vous nous appelez à baisser cette taxe, je vous invite à rappeler à Mme Pécresse qu'elle avait négocié avec le précédent gouvernement une hausse de 2 centimes par litre en Île-de-France, seule région où la TICPE soit majorée. Commencez donc par vous appliquer vos propres conseils !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Pascale Cesar, devenue députée de la 2
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Mais je sens qu'il me faut auparavant accorder trois secondes à M. Descoeur…
Je vous parle de pouvoir d'achat et vous me répondez « campagne présidentielle » !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, avec le service national universel (SNU), Emmanuel Macron a posé les jalons de ce qui sera demain un véritable rite de passage républicain, favorisant de vrais temps de brassage social et territorial. Grâce à ce dispositif, à ce moment de partage, de rencontres et de travail en commun, nous disposons d'un outil pour mobiliser les jeunes autour d'un projet collectif de mieux vivre ensemble.
Ainsi, à partir du 13 février prochain, plusieurs milliers de jeunes prendront part aux séjours de cohésion du SNU. Pour la première fois, cette session se déroulera pendant le temps scolaire et malgré les contraintes sanitaires que nous connaissons tous.
Alors que de nouveaux déploiements ont eu lieu dans l'ensemble du territoire, de nombreuses questions se posent quant à l'organisation concrète des séjours de cohésion qui, prévus aux mois de février, juin et juillet, pourraient à terme concerner près de 50 000 jeunes au total. La participation des jeunes à ces différents séjours étant fondée sur le volontariat, pensez-vous atteindre cet objectif malgré la crise sanitaire ?
Les premiers rapports d'évaluation du SNU dressent un constat positif du déploiement au niveau national et confirment les premiers retours des volontaires reçus en 2019 et en 2020. Toutefois, certaines interrogations persistent, concernant notamment la mixité réelle de ces séjours, et des marges d'améliorations demeurent tels que l'emploi du temps, l'organisation des journées des volontaires ou encore l'adaptabilité des uniformes en fonction de la taille ou de la météo.
Pouvez-vous nous détailler les évolutions prévues pour les séjours de cohésion de février 2022, mais également nous préciser les effectifs concernés, leur répartition territoriale et sociale et les suites envisagées dans les mois et les années à venir pour faire du SNU un outil de l'engagement, donc de la citoyenneté ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Pour commencer je veux à mon tour vous féliciter, madame la députée, pour votre arrivée sur les bancs du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ; j'en profite pour saluer les travaux de notre ami et ancien député Laurent Garcia, qui a énormément travaillé sur le sujet que vous avez évoqué.
Vous m'avez interrogée sur le SNU, ses évolutions, son objectif et son impact. Pour vous répondre de manière très concrète, le dispositif a connu l'année dernière, pour la première fois, une généralisation territoriale, avec au minimum un centre par département. Mais nous devions aller chercher plus fortement encore les jeunes qui se trouvaient loin du SNU. C'est pourquoi nous nous sommes appuyés sur le tissu associatif, les associations sportives, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et sur la mobilisation des enseignants.
L'aventure du service national universel est en réalité une étape clef dans un parcours de citoyenneté, et il faut l'améliorer étape par étape. Je remercie à cet égard les députés Marianne Dubois, Émilie Guerel et David Corceiro, qui préparent des rapports visant à dessiner des pistes pour le faire progresser.
Depuis l'année dernière, à la suite des évaluations, l'amélioration des uniformes a été engagée – ces uniformes bleu, blanc, rouge qui créent tellement de fierté et que les jeunes concernés portent avec honneur parce qu'ils favorisent la mixité sociale et permettent, dans cette période de cohésion, de sortir de l'emprise des marques et de leurs conséquences.
Nous nous efforçons de garantir la mixité sociale : parmi les jeunes inscrits actuellement, 35 % sont issus des territoires ruraux – je sais que cela vous tient à cœur –, 7,5 % des quartiers prioritaires de la ville et des quartiers les plus en difficulté et 3,5 % sont en situation de handicap.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Nous arrivons au terme de la législature : l'heure est au bilan et la fondation Abbé-Pierre n'est pas tendre. Votre politique du logement, c'est l'échec du quinquennat. Eh oui, comme on dit chez nous, c'est au pied du mur qu'on voit le Macron !
Sourires sur plusieurs bancs du groupe LR.
En matière de rénovation énergétique des logements, vous vous êtes entêtés à mener une politique par gestes successifs : une fois la chaudière, une fois les fenêtres, une fois la toiture. Cette méthode est inefficace. Atteindre 1 million de dossiers MaPrimeRénov', ça ne fera pas 1 million de rénovations.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
Tous les professionnels du secteur l'affirment : des rénovations globales et performantes sont nécessaires. C'est d'ailleurs ce que nous avons proposé, avec mon collègue Boris Vallaud, au nom du groupe Socialistes et apparentés. Nous avons également suggéré un meilleur accompagnement des travaux par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), ainsi qu'un meilleur financement grâce à la création d'une subvention forfaitaire sur l'ensemble des travaux – une « PrimeRenov' plus », en quelque sorte –, le reste à charge étant financé au moyen d'une avance remboursée à la mutation du bien, qu'il s'agisse d'une vente ou d'une succession. Mais vous n'entendez rien et vous n'écoutez rien ! Le résultat est que la France n'atteindra pas la neutralité carbone d'ici à 2050.
En ce qui concerne les aides au paiement du loyer – qui continue, avec les charges, à grignoter le reste à vivre des ménages modestes –, vous avez dans un premier temps diminué de 5 euros l'aide personnalisée au logement (APL), avant de la désindexer et, pour finir, d'en réformer le mode de calcul, privant 1,4 million de bénéficiaires et diminuant son montant d'environ 73 euros.
Les bonnes politiques du logement ont vocation à concilier les grands enjeux de demain : les enjeux écologiques mais aussi économiques. Le bâtiment, c'est l'économie de proximité dans les territoires ; le logement, c'est la base du progrès social. Malheureusement, vous avez péché par omission ou par suffisance. Que répondez-vous aux millions de Français qui sont mal logés et mal chauffés ? Que répondez-vous à la fondation Abbé-Pierre ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Je vous prie d'excuser l'absence d'Emmanuelle Wargon, qui aurait été mieux à même de vous répondre, mais qui se trouve actuellement au Sénat.
Nous avons mené une politique volontariste en matière de logement tout au long de la législature. En premier lieu, s'agissant de la mise à l'abri, les crédits dédiés à l'hébergement et à l'accompagnement vers le logement ont augmenté de 1 milliard d'euros…
…entre le dernier budget du précédent quinquennat et le budget pour 2022, ce qui permet de financer 200 000 places d'hébergement, soit un niveau historique.
Nous avons également mis fin à la gestion dite au thermomètre, en maintenant ces places ouvertes toute l'année.
En outre, depuis le début du quinquennat, 330 000 personnes qui se trouvaient à la rue ou en hébergement ont accédé au logement, grâce au plan Logement d'abord lancé en 2018. Nous avons également renforcé le soutien au logement social et l'accès à un logement abordable. Au sortir d'une année 2020 marquée par la crise sanitaire, la construction a redémarré : plus de 470 000 permis de construire ont été délivrés en 2021. Afin de soutenir la construction de logements sociaux, nous avons conclu au début de l'année 2021, avec le mouvement HLM, la Caisse des dépôts (CDC) et Action logement, un accord instituant un niveau exceptionnel de 1,5 milliard d'aides à la pierre sur deux ans. Nous avons aussi instauré la compensation intégrale aux collectivités de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) sur le logement social, pour une durée de dix ans, ce qui est historique.
Ensuite, votre assemblée adoptera aujourd'hui, si vous le souhaitez, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), qui prévoit la pérennisation et l'adaptation des dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) qui arrivaient à terme en 2025.
Nous agissons, enfin, pour rendre notre modèle de construction plus durable et plus écologique, d'abord en favorisant la densité et le recyclage des friches, 750 millions d'euros ayant été alloués au fonds qui lui est dédié.
En matière de rénovation énergétique des bâtiments, monsieur le député, 660 000 dossiers ont été acceptés en 2021 et le Parlement a voté, dans la loi « climat et résilience », des primes qui financeront immédiatement une rénovation globale et complète, notamment favorisée par la définition qu'en donnera l'accompagnateur Rénov'.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les couches sont rationnées dans les EHPAD. Les soignants sont rationnés dans les hôpitaux. Les salariés sont rationnés sur leur fiche de paie. Tout le pays se serre la ceinture. Tout le pays ? Non. Tout le pays, sauf ceux qui vivent là-haut.
Là-haut, c'est l'orgie. Avec 135 milliards d'euros, indique Le Monde, « les entreprises du CAC40 annoncent des bénéfices records ». Qu'avez-vous à en dire, mesdames et messieurs les ministres ? Rien. Les prix du carburant à la pompe ont augmenté de moitié et pèsent dans le budget des Français. Pendant ce temps, le cours en bourse de TotalEnergies a doublé, avec des profits sans précédent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Qu'avez-vous à en dire, mesdames et messieurs les ministres ? Rien. Les grandes fortunes cachent des dizaines de milliards au Luxembourg. Qu'avez-vous à en dire, mesdames et messieurs les ministres ?
Rien. D'après France Info, en cinq ans de présidence Macron, les premières familles françaises ont vu leur fortune tripler. Tripler en cinq ans ! Qu'avez-vous à en dire, mesdames et messieurs les ministres ?
Rien. Cette injustice est grosse comme une vache au milieu du couloir. Mais qu'avez-vous à en dire, mesdames et messieurs les ministres ?
Rien.
Actionnaires, dividendes, CAC40. Répétez après moi, mesdames et messieurs les ministres !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous offre ce cours de lexique parce que ces mots, vous ne les prononcez jamais ! À croire qu'ils n'appartiennent pas à votre vocabulaire, qu'ils ne figurent pas dans votre dictionnaire !
Pourquoi ce silence ? Il signe votre complicité. Ces grandes fortunes, vous les couvrez ! Ce sont celles de vos financeurs, de vos investisseurs, et ils peuvent vous dire merci ! Merci : votre mission est accomplie, votre mandat est réussi ! Alors, que pensez-vous de cette orgie là-haut ? Comme le déclarait Victor Hugo : « C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches. »
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Alain Bruneel applaudit également.
Sourires sur les bancs du groupe LaREM.
Je veux vous parler d'un pays dans lequel on se bat pour créer de l'emploi : en cinq ans, 1 million d'emplois y ont été créés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Je veux vous parler d'un pays dans lequel on œuvre pour que le travail paie mieux, un pays qui a instauré et augmenté la prime d'activité, un pays qui fait en sorte que la participation et l'intéressement se développent, un pays dans lequel les inégalités de revenus peuvent être comparées favorablement au reste du monde, un pays qui a engagé le « quoi qu'il en coûte » pour préserver l'outil de travail et pour que les salariés ne perdent pas leur emploi.
Nouveaux applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LR, FI et GDR.
Ce pays, c'est la France et j'en suis fière. Le gouvernement français se bat chaque jour afin d'améliorer le partage de la valeur : tel est l'objectif de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, qui favorise la participation et l'intéressement afin qu'ils profitent davantage aux salariés.
Permettez-moi, monsieur Ruffin, de ne pas avoir la même vision du pays que vous. Permettez-moi de me concentrer sur les TPE – très petites entreprises – et les PME – petites et moyennes entreprises –, sur les entreprises de taille intermédiaire qui forment le tissu économique de ce pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Permettez-moi de saluer les centaines de milliers de travailleurs qui exercent au sein des entreprises du CAC40 que vous dénoncez et qui soutiennent la croissance économique de ce pays.
Nous ne vivons probablement pas dans le même monde ,…
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe FI
…mais je préfère, pour ma part, être au service d'une croissance économique qui n'a jamais été aussi élevée, au service de la baisse du chômage. Je préfère continuer à créer de l'emploi plutôt que d'invectiver des actionnaires qui n'habitent même pas en France.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Qui nous a sauvés pendant la crise du covid-19 ? Les premières et les deuxièmes lignes ! Pour eux, c'est 0 % d'augmentation alors que les milliardaires, qui étaient dans leurs résidences secondaires, ont vu leurs revenus progresser de 68 % ! À cela, madame la ministre déléguée, vous opposez toujours votre silence, un silence complice !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je vous remercie, monsieur Ruffin, de saluer les premières lignes. Vous savez combien nous sommes derrière elles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Je ne ferai injure ni à Olivier Véran, qui a engagé le Ségur de la santé, ni à Brigitte Bourguignon en rappelant qu'ils ont permis une revalorisation sans précédent des professionnels concernés.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est la réalité !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, 718 000 jeunes ont décroché un contrat d'apprentissage en 2021 !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est mieux que l'Allemagne, qui fait pourtant figure de modèle en la matière. Ce chiffre s'ajoute à celui de 2020, année au cours de laquelle l'apprentissage avait connu une belle réussite et une poussée record.
En très peu de temps, l'apprentissage est ainsi devenu une voie plébiscitée en France, alors même qu'il était dévalorisé depuis des années.
Cette transformation s'est opérée grâce aux réformes et aux initiatives menées par le Gouvernement, qui a su mettre en lumière toute la valeur que représente l'apprentissage pour les jeunes et notre économie. Mais c'est aussi grâce aux chefs d'entreprise, qui se sont emparés de cet outil et qui s'impliquent de plus en plus dans leur rôle de formation, ce dont nous devons les remercier.
Cette stratégie a été payante : le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis 2008, et de plus en plus de secteurs font désormais appel à des apprentis. L'incidence positive de l'apprentissage se ressentira donc également dans la durée, car il permet aux entreprises de trouver et de former les talents nécessaires à leur activité.
Face à cette dynamique exceptionnelle, une question se pose : comment pérenniser l'engouement autour de l'apprentissage pour continuer à former les jeunes et à soutenir encore davantage leur insertion dans la vie professionnelle ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Je connais votre engagement en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, notamment des jeunes femmes, madame la députée.
Je vous remercie de mettre en lumière une voie qui nous tient particulièrement à cœur : l'apprentissage. Comme vous l'avez rappelé, celui-ci a atteint des résultats historiques en 2021 : 718 000 contrats ont été signés, soit plus du double par rapport à 2017. Cette croissance profite à tous les secteurs d'activité, à tous les niveaux de diplôme, à toutes les tailles d'entreprise et à tous les territoires.
Au niveau du baccalauréat et en deçà, le nombre de nouveaux apprentis a augmenté de plus de 20 % en 2021, en nette accélération par rapport à 2020. Les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) continuent à accueillir très majoritairement les apprentis. En outre, la croissance de l'apprentissage s'est accélérée dans le bâtiment et les travaux publics (BTP) et dans l'industrie, deux secteurs où le recrutement est en tension : c'est une bonne nouvelle.
Nous pouvons tous nous réjouir de ces bons résultats, qui prouvent que la réforme engagée en 2018 porte ses fruits, et que l'apprentissage est enfin reconnu comme une voie d'excellence et un tremplin vers l'emploi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce sont autant de jeunes qui ont pu accéder au marché du travail.
J'invite toutes les entreprises, notamment celles qui peinent à recruter, à continuer à se saisir de l'apprentissage pour préparer les compétences de demain. Nous sommes convaincus qu'il faut maintenir cette dynamique historique de l'apprentissage au profit des jeunes et des entreprises.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Benoit Potterie applaudit également.
Alors que nous célébrons le 400
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La réponse que vous avez faite à M. Clément en est la preuve. Depuis 2019, drapé dans vos certitudes, vous avez imposé une refonte sans précédent des enseignements de première et de terminale. Dès décembre 2019 pourtant, dans le cadre des travaux de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, ma collègue Géraldine Bannier et moi-même avions préconisé d'inclure des enseignements d'outils mathématiques dans le tronc commun. Vous êtes toujours resté sourd non seulement à nos propositions, mais aussi à toutes celles qui prônaient une évaluation indépendante de la réforme. Même l'ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qui vous a accordé une confiance aveugle, souhaite « un ressaisissement de notre pays autour de l'enseignement scientifique ».
De plus, alors que le Gouvernement avait fait du droit des femmes une grande cause nationale, les filles boudent plus que jamais les sciences dures. Les résultats sont sans appel : d'après la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), seules 13 % des filles ont choisi les spécialités numérique et sciences informatiques (NSI) et sciences de l'ingénieur (SI) en 2020, alors qu'elles représentent 56 % des effectifs de terminale. Depuis la réforme, la part des filles inscrites en spécialité mathématiques en terminale est passée de 48 % à 38 %.
À l'heure du bilan, monsieur le ministre, c'est toujours en marche, mais en marche arrière ! Ma question est simple : allez-vous réellement revoir votre copie, ou est-ce une manœuvre électoraliste à quelques semaines de l'élection présidentielle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je fais un rêve, monsieur le député, celui que vous ne mêliez pas la politique politicienne aux sujets sérieux.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Pour l'instant, c'est malheureusement un vœu pieux. Permettez-moi de récapituler sérieusement ce sujet sérieux. Nous visons deux objectifs : assurer un socle commun de compétences solides en mathématiques ; développer une exigence forte pour ceux qui se destinent à des carrières scientifiques.
Concernant le socle commun, nous progressons depuis 2017, et ce dès l'école primaire – les évaluations en témoignent : le plan Mathématiques et l'ensemble de nos mesures relatives aux savoirs fondamentaux fonctionnent ; vous pourriez le reconnaître.
Pour ce qui est du lycée, vous prétendez que je suis resté sourd à vos propositions. Je rappelle toutefois que depuis le début, un comité d'évaluation du baccalauréat fait le point très régulièrement sur nos avancées.
La réalité est l'exact contraire de l'image de verticalité que vous essayez de donner : nous effectuons des ajustements – mais, chaque fois, vous dénoncez un recul ou un virage plutôt que de reconnaître que nous travaillons dans la concertation.
S'agissant de l'enseignement scientifique, vous semblez ignorer que nous avons appliqué vos préconisations – Mme Bannier, elle, le sait pertinemment : il y a des mathématiques au lycée, et je propose d'en ajouter un peu plus, éventuellement. Ne faites pas comme s'il n'y en avait pas !
J'en viens à notre deuxième objectif, préparer une élite scientifique. Oui, les programmes de mathématiques, de physique, de chimie et de sciences de la vie et de la terre (SVT) sont plus exigeants. Vous regrettez que seules 13 % des filles aient choisi la spécialité NSI, mais auparavant, cette spécialité n'existait même pas !
Nous l'avons créée grâce à la réforme du lycée, afin d'introduire l'apprentissage de l'informatique. Certes, la route est longue pour attirer les filles dans la filière informatique, tant nous partons de loin, mais, grâce à nos initiatives, le progrès est en marche. Il est donc inutile de déguiser la réalité, monsieur le député. Si la réforme du lycée est populaire parmi les lycéens, ce n'est d'ailleurs pas pour rien : ils savent qu'elle leur offre davantage de liberté et qu'elle est un meilleur gage pour leur avenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Benoit Potterie applaudit également.
Vos réponses ne sont pas convaincantes, monsieur le ministre, et vous avez une curieuse conception de la concertation : vous procédez à des autoévaluations et à des évaluations internes, alors qu'il serait plus sérieux de recourir à des organismes extérieurs.
Je suis ouvert à toutes les évaluations, monsieur le député, pourquoi pas en sollicitant un organisme extérieur – nous n'en manquons pas.
J'ai proposé que nous approfondissions la question avec toutes les sociétés savantes de mathématiques.
La situation économique internationale de la France s'est encore détériorée, et les échanges extérieurs affichent un déficit record, à 84,7 milliards d'euros, soit 3,4 % du PIB. La dégradation de la balance manufacturière, de 68 milliards d'euros, ainsi que la réduction de l'excédent agricole et agroalimentaire soulèvent une nouvelle fois l'enjeu de la reconquête industrielle, de la compétitivité et de la capacité productive. Cette situation impose une indispensable maîtrise des traités internationaux, et une convergence fiscale et sociale au sein de l'Union européenne.
Notre énorme déficit énergétique souligne par ailleurs la nécessité de renforcer notre politique de transition énergétique et de production d'énergies renouvelables. Se pose également la question de la mobilisation productive des territoires et de l'adaptation des politiques économiques à leur diversité. La Corse – ce n'est qu'un exemple – attend ainsi l'instauration d'un statut fiscal spécifique privilégiant la solidarité sociale et la dynamique de développement.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, quelle politique le Gouvernement entend-il mener face aux résultats désastreux des échanges extérieurs – facteurs d'aggravation de la situation de l'emploi et de déséquilibre des finances publiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Vous avez raison : le déficit commercial de la France s'est dégradé en 2021, et il est préoccupant. C'est un fait. Toutefois, nous devons appréhender la situation de manière juste et complète. Ainsi, cette dégradation exceptionnelle tient pour 90 % à la facture énergétique dont la France a dû s'acquitter – comme beaucoup de ses partenaires européens – dans un contexte de flambée des prix et du coût des matières premières. Un autre facteur explique cette dégradation, dans une moindre mesure : sous l'effet de la croissance forte, les importations ont été extrêmement dynamiques, alors que nos secteurs majoritairement exportateurs rencontrent encore parfois des difficultés d'organisation – c'est le cas des industries automobile et aéronautique en particulier.
Pour avoir une vision juste, il faut embrasser le tableau dans son ensemble. Je ne reviendrai pas sur les résultats favorables de la croissance et de l'emploi – ils ont été rappelés. Ils sont essentiels pour apprécier le panorama économique.
Comme vous l'avez noté, la dégradation porte sur les échanges de biens. Concernant les échanges de services, en revanche, le solde commercial s'est amélioré de 20 milliards d'euros l'année dernière. Notre balance courante se rapproche enfin de l'équilibre, et le commerce extérieur contribue positivement à la croissance exceptionnelle de 7 % enregistrée en 2021.
Nous mobilisons plusieurs leviers – et nous les renforcerons – pour poursuivre sur notre lancée et redresser le commerce extérieur en matière d'échanges de biens. Tout d'abord, sous le patronage de Barbara Pompili, ministre de la transition énergétique, nous accélérons cette transition. En effet, nous dépendons trop d'énergies dont nous subissons les prix – cela explique la dégradation des échanges de biens en 2021. Ensuite, nous devons renforcer notre politique de compétitivité, en poursuivant la baisse des impôts de production et des charges que nous avons engagée depuis 2017 – elle a d'ores et déjà permis d'améliorer notre compétitivité-coût de plus de 6 % en quatre ans.
Pour la deuxième année consécutive, la France est le premier pays le plus attractif en matière d'investissements étrangers.
Enfin, nous devons accélérer notre stratégie de réindustrialisation. Pour la première fois depuis quinze ans, nous recréons des emplois…
Depuis la grève des services d'urgence de juin 2019, la situation n'a cessé de se dégrader à l'hôpital : manque de personnel, investissements insuffisants, soignants épuisés, tel est le bilan du quinquennat qui s'achève. Comme toujours, vous me répondrez que tout va bien dans le meilleur des mondes, grâce à la suppression du numerus clausus et aux primes distribuées après le Ségur de la santé. Comme s'il suffisait de marteler un message pour qu'il devienne réalité !
Hélas, il n'en est rien. Dans ma circonscription, la réalité, c'est la fermeture de la moitié d'un étage à l'hôpital de Saint-Gaudens et de plusieurs services dans les hôpitaux de Luchon et de Salies-du-Salat, faute de médecins, notamment de gériatres. La réalité, c'est une promesse faite lors du Ségur de la santé, mais non tenue : ainsi l'hôpital de Saint-Gaudens subit-il un manque de dotation d'investissement de près de 1,5 million d'euros, car tous les fonds sont destinés au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse. La réalité, c'est la faible compensation – voire l'absence de compensation – par l'État des primes du Ségur de la santé, qui mettent encore plus en difficulté les établissements hospitaliers sur le territoire. Tel est votre bilan, monsieur le ministre des solidarités et de la santé.
Comment expliquer que la cinquième puissance mondiale continue de fermer des lits d'hôpital et de déprogrammer des soins, alors qu'elle subit une crise sanitaire sans précédent dans notre histoire moderne ? Pourquoi les territoires ruraux sont-ils, une fois encore, moins considérés et moins dotés que leurs voisins urbains ?
Je souhaite évoquer une autre injustice – que j'ai amplement dénoncée à l'époque –, relative au forfait patient urgences. Alors que nombre de nos concitoyens, qui résident dans un désert médical, n'ont d'autre choix que de se rendre aux urgences pour consulter un médecin ou un spécialiste, ils doivent en avancer les frais. C'est la double peine : celle d'être pauvre, d'abord, ce qui semble être perçu par le Gouvernement comme une honte absolue ; celle d'habiter dans un territoire rural, ensuite, preuve du mépris du Gouvernement pour tout ce qui n'est pas parisien. Pourquoi ne pas exonérer les habitants des zones rurales du forfait patient urgences ? Comment comptez-vous mettre fin à l'hémorragie de soignants et de lits d'hôpital dans les territoires ruraux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
Pardon, monsieur le député, mais vous mélangez tout et vous confondez tout. Concernant le forfait patient urgences, nous avons plafonné à 18 euros le reste à charge pour les patients qui se rendent aux urgences – tandis qu'auparavant, leurs dépenses pouvaient atteindre 20, 30 ou 40 euros. Désormais, ces montants sont plafonnés à 18 euros et pris en charge par les mutuelles : c'était une demande des urgentistes à laquelle nous avons consenti ; c'est aussi une mesure de simplification qui permet de réduire la charge administrative des hôpitaux, comme vous nous enjoignez sans cesse de le faire, à juste titre.
Par ailleurs, les déprogrammations de soins sont liées à la vague de covid, et la situation est en voie d'amélioration.
Concernant les déserts médicaux, vous m'accusez de parisianisme, mais c'est en tant qu'ancien député de Grenoble que je vous répondrai – ou peut-être en tant que médecin hospitalier, car il se trouve que je connais bien le sujet.
Soit vous n'avez pas compris l'enjeu des déserts médicaux, monsieur le député, soit vous faites de la mauvaise politique. Les déserts médicaux tiennent au manque de médecins ; or un médecin se forme en dix ans. Le numerus clausus empêchait d'en former suffisamment. Nous l'avons supprimé en 2018, mais comme il est resté en vigueur sans interruption pendant quarante-cinq ans, nous manquons encore de médecins : c'est vrai en ville, à l'hôpital, dans les territoires urbains comme dans les territoires ruraux et périurbains.
Face à cette situation, nous réagissons – quand certains préfèrent lancer des incantations et condamner les autres pour des responsabilités collectives qui n'ont pas été assumées… Nous réagissons en déployant des assistants médicaux en médecine de ville, en valorisant l'activité des médecins en ville et à l'hôpital, en favorisant l'exercice regroupé en ville, ou encore en multipliant les délégations de tâches à l'hôpital. Vous nous adressez des reproches, mais avez-vous voté la délégation aux orthoptistes en matière de soins ophtalmiques ? Je n'en suis pas vraiment sûr ! Vous lancez des incantations quand l'hémicycle est plein, mais il en est tout autrement quand il s'agit de voter et d'agir sur le terrain. L'action de terrain, nous la menons aux côtés des parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
Il n'y a jamais de problème pendant mes déplacements. En revanche, pointer la responsabilité des autres, ça ne fait pas avancer le schmilblick, monsieur le député.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, après Breuillet et Chamarande, c'est encore directement auprès des familles, et sans filtre, que vous étiez il y a quelques jours, avec moi, dans l'Essonne, pour faire un bilan d'étape du déploiement au quotidien des solutions d'accompagnement que nous avons défendues tout au long du quinquennat : augmentation de l'allocation adulte handicapé, attribution des droits à vie, création du service public de l'école inclusive, congé proche aidant, habitat inclusif, simplification et garantie du délai de réponse, soutien à l'emploi. Jamais notre assemblée n'avait été aussi loin pour rendre notre modèle sociétal plus accessible à tous, pour simplifier, soutenir et mieux accompagner les personnes en situation de handicap.
Nous avons mesuré ensemble les avancées soulignées par les familles mais aussi le besoin de continuer. Oui, pour ne laisser personne au bord de la route, nous avons besoin de poursuivre notre travail et de continuer d'accompagner les départements et les autres acteurs de terrain. C'est la clef de voûte d'un déploiement concret de notre politique, au plus près des personnes et dans l'ensemble du territoire. Oui, cette majorité présidentielle est celle qui affirme que, quel que soit le département où il réside, chaque citoyen doit avoir le même accès aux solutions d'accompagnement que nous avons construites pour lui et avec lui.
Dans le contexte de clôture du comité interministériel du handicap, nous souhaitons savoir, madame la secrétaire d'État, quelles mesures concrètes vous avez actées, notamment pour les personnes en situation de handicap psychique ou mental, qui attendent depuis longtemps une amélioration de leurs conditions de vie, mais aussi pour les jeunes générations de personnes handicapées qui, n'en déplaise à ceux qui défendent une société excluant le handicap, représentent aussi, selon notre majorité, l'avenir de notre nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Je connais votre engagement sur ce sujet de la société inclusive, où chacun a sa place.
Le sixième comité interministériel du handicap, qui s'est tenu sous l'égide du Premier ministre, a réaffirmé haut et fort que le handicap est la priorité du quinquennat.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous nous étions engagés à améliorer des droits, notamment le droit à la prestation de compensation pour les personnes handicapées psychiques, mentales ou souffrant de troubles du neurodéveloppement. C'est chose faite : cet engagement, réaffirmé par le Président de la République lors de la conférence nationale et acté par le Premier ministre, a été salué par toutes les associations qui dénonçaient cette discrimination depuis de trop nombreuses années.
Nous avançons aussi en matière d'emploi des personnes handicapées. Avec la ministre Élisabeth Borne, nous nous félicitons de l'augmentation de 75 % du nombre d'apprentis en situation de handicap, 27 000 contrats signés grâce au plan de relance, dont 70 % en CDI, et les entreprises s'engagent : elles publieront très bientôt leurs engagements, dans le cadre d'un baromètre « emploi et handicap ». Pour la fonction publique, avec la ministre Amélie de Montchalin, nous saluons 1 800 apprentis supplémentaires. Nous créons aussi de l'emploi dans les milieux pénitentiaires. Avec le ministre Dupond-Moretti, nous créons quatorze entreprises adaptées pour que l'emploi aille partout où sont les personnes handicapées.
Nous ne laissons personne au bord du chemin car nous voulons absolument une société accessible, avec la création d'une solution universelle téléphonique pour les personnes sourdes, malentendantes et aphasiques. Nous voulons la culture pour tous : avec la ministre de la culture, nous travaillons à mettre en place un portail de l'édition accessible parce que la culture, le sport, l'accès à la vie sociale sont indispensables. Les associations ont salué la méthode, le Premier ministre ayant voulu les intégrer au comité interministériel : quand on construit avec les personnes, pour les personnes et en s'appuyant sur leur expertise, on va beaucoup plus vite.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, notre ruralité souffre. Elle souffre d'autant plus du décalage entre les grands discours du Président de la République et la réalité de l'action du Gouvernement dans nos territoires.
La réalité est là : vous avez aggravé la fracture territoriale faute de moyens financiers nouveaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Surtout, vous avez adopté un certain nombre de mesures hostiles aux territoires ruraux. Les habitants de nos régions se souviendront de la hausse des taxes sur les carburants ; nos familles se souviendront de la fermeture de classes sans concertation locale ; les élus ruraux, qui sont pourtant exemplaires, se souviendront du mépris dont vous avez fait preuve à leur égard.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous nous souviendrons de votre inaction totale sur le sujet majeur de la désertification médicale.
Vous ne comprenez pas nos campagnes, comme le prouve le principe du « zéro artificialisation nette » en zones rurales, qui interdit l'accession à la propriété à des milliers de ménages, ou encore la fameuse limitation de vitesse à 80 kilomètres-heure.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nos agriculteurs, frappés par l'inflation, n'auront pas vu le prix de leur production revalorisé. Je le dis haut et fort : face à votre vision centralisatrice, il est vital de prendre en compte les spécificités des territoires ruraux pour construire une politique de la ruralité ambitieuse.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin apporter à notre belle ruralité un soutien qui soit tout simplement à la hauteur de la chance qu'elle représente pour la France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je sais bien que l'accompagnement des territoires ruraux est un sujet qui vous tient particulièrement à cœur. C'est la raison pour laquelle j'aimerais que nous ne soyons pas caricaturaux, et les échanges que nous avons souvent en privé sur ce sujet sont d'une autre qualité que la question que vous venez de me poser.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'étais encore hier, avec Jacqueline Gourault, en Lozère, le département le moins peuplé de France, pour échanger avec les élus et les acteurs de ce beau département, qui est à la fois intensément et très fièrement rural. Comme vous le savez, le Président de la République s'est engagé au déploiement d'un agenda rural. Cet agenda, annoncé par le Premier ministre en 2019, est le premier plan d'action transversal à avoir jamais été lancé par un gouvernement en matière de ruralité. Sur les 181 mesures de ce plan, plus de 90 % sont à ce jour réalisées ou engagées. Ce chiffre, qui est une grande réussite, démontre la mobilisation totale du Gouvernement, et ce dans tous les domaines, qu'il s'agisse de l'agriculture, de la santé, de la culture ou de l'économie. Et puisque vous parlez de l'éducation, on pourrait aussi publier le nombre de classes qui ont été fermées entre 2012 et 2017.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Le Président de la République lui-même s'est rendu en Haute-Vienne et dans la Creuse pour parler de la ruralité. L'agenda rural, c'est tout simplement des services publics au plus près des citoyens, avec 2 055 maisons France Services labellisées dont les deux tiers dans les territoires ruraux. C'est aussi la lutte contre les déserts médicaux, sur lesquels le ministre de la santé vient de s'exprimer : les 2 398 maisons de santé que compte aujourd'hui le territoire ne sont pas là par hasard. C'est encore la lutte contre la fracture numérique, avec aujourd'hui plus de 98 % de la population et 85 % du territoire qui bénéficient d'une bonne couverture ; et pour les territoires non fibrés, le Premier ministre a annoncé le doublement de l'aide. C'est aussi la création d'emplois de volontaires territoriaux en administration pour que des jeunes assurent l'ingénierie dans les territoires.
Je ne prendrai qu'un exemple, monsieur le secrétaire d'État : je vous invite à venir visiter l'école de la commune de Cohade, en Haute-Loire, qui va perdre une classe, et cela sans concertation locale.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre de la transition écologique, en mars 2016, le conseil municipal d'Éragny-sur-Epte dans l'Oise – 606 habitants – a voté en faveur d'un projet d'installation d'éoliennes dans la commune. La manne financière en retour est effectivement attractive. Mais ces turbines de plus de 180 mètres seront évidemment installées à la périphérie du village, affectant les communes voisines, leurs habitants, nos paysages et notre patrimoine. Trois communautés de communes, représentant 99 villes et villages, se sont prononcées contre ce projet, qui se poursuit pourtant sans relâche.
Dans ce combat, nous avons été soutenus par la préfecture ainsi que par vous-même, madame la ministre, ce dont je vous remercie. Pourtant, le 14 décembre dernier, la cour d'appel de Douai a décidé d'annuler l'arrêté préfectoral et a demandé à la préfecture de reprendre l'instruction du dossier. Ce cas n'est pas isolé : dans de nombreux territoires, et pas seulement des Hauts-de-France, de nombreux riverains et collectivités se trouvent dans la même situation.
Malgré une opposition très large des populations, le projet risque de donc d'avancer à marche forcée. À défaut d'un droit de veto des maires, les mesures du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) constituent des avancées, mais elles ne s'appliqueront pas à ce type de situations conflictuelles, auxquelles il faut pourtant répondre.
Que comptez-vous faire pour mettre un terme à ce projet qui fait la quasi-unanimité contre lui, et pour tous les autres projets déjà en cours ? N'y a-t-il pas un problème quand les textes donnent raison à un seul village contre trois communautés de communes et le Gouvernement ?
Vous comprendrez qu'il ne m'appartient pas de commenter une décision de justice. Sur la question du développement de l'éolien et des autres énergies renouvelables dans les territoires, en revanche, je peux vous expliquer ce que nous souhaitons faire. Il faut toujours garder en tête que nous ne le faisons pas pour le plaisir mais simplement parce que nous avons besoin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre : je le rappelle, l'énergie que la France consomme aujourd'hui est aux deux tiers d'origine fossile – gaz et pétrole pour le carburant.
Si nous voulons tenir nos objectifs climatiques, nous devons réduire ces émissions et pour cela, nous devons faire des économies d'énergie et développer le switch, pour passer, par exemple, à la voiture électrique. Pour y parvenir, nous allons avoir besoin de beaucoup d'électricité et très rapidement. Nous allons donc devoir développer massivement les énergies renouvelables : ce n'est pas moi qui le dis, madame la députée, mais RTE – Réseau de transport d'électricité –, l'Agence internationale de l'énergie, tout le monde.
En ce qui concerne les éoliennes, nous allons devoir multiplier par 2,5 au moins le nombre d'installations en France.
Certes, il y a eu des erreurs par le passé, et nous en avons tiré des leçons. Il faut d'abord faire plus de concertation. Dorénavant les porteurs de projet doivent consulter les élus, en particulier les maires, et répondre à leurs questions. Nous avons créé un comité régional de l'énergie, qui sera chargé de définir une politique au niveau du territoire – par exemple déterminer où il faut installer des éoliennes, où il convient de développer plutôt le photovoltaïque etc.
Il est aussi très important que des professionnels s'engagent – certains ont ainsi constitué un fonds de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel. Bref, il faut réintroduire un peu d'harmonie, mieux planifier et mieux travailler ensemble pour trouver des solutions ; mais arrêtons de nourrir les oppositions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'entends votre réponse mais, au-delà de la concertation, ne peut-on pas prendre en compte l'opposition des élus ? Quand on voit que 100 communes et trois communautés de communes se sont déclarées contre ce projet soutenu par un seul village, on se demande où est la démocratie.
Je veux ici vous dire, monsieur le ministre de l'intérieur, combien les Tourquennois ont été touchés du choix de leur ville pour la tenue d'un conseil exceptionnel des ministres européens de l'intérieur, qui nous a permis d'entendre le Président de la République sur l'avenir de l'espace Schengen et de notre politique d'asile et de migrations, et sur l'impulsion nouvelle qu'il entend donner à ces sujets ô combien importants pour nos concitoyens au cours de la présidence française de l'Union européenne.
Schengen, l'un des principaux piliers du projet européen, a permis de donner un cadre au principe de libre circulation des personnes et de protection de nos frontières extérieures. Mais le temps de Schengen, c'est-à-dire la fin des années quatre-vingt du siècle dernier, n'est plus, et nous devons en repenser profondément les contours en raison des nouveaux défis que sont le terrorisme sur notre sol et les pressions migratoires. Comme le Président de la République l'a dit à Tourcoing : « Il y a ces contours qui nous font tenir, sans quoi l'Europe se dissout ou s'évanouit. » Avec la grande majorité de cet hémicycle, le groupe Agir ensemble ne veut pas que l'Europe se dissolve ni s'évanouisse, mais bien plutôt qu'elle réaffirme ses bases et ses valeurs pour mieux protéger son espace et ses habitants.
Quelques pistes ont été évoquées, comme la création d'un conseil Schengen, véritable outil de pilotage politique, le renforcement de la protection de nos frontières extérieures, la systématisation de l'enregistrement des personnes qui entrent sur notre territoire. C'est aussi le paquet migratoire, avec notamment une politique plus efficace de retour vers les pays d'origine au travers d'une meilleure efficacité de nos investissements solidaires. Vos travaux avec vos homologues européens ont permis de concrétiser des avancées, notamment sur l'asile et l'idée d'un pacte graduel.
Pourriez-vous donc faire pour nous le point sur le nouveau Schengen et les nouveaux équilibres ? Comment déclinerez-vous les annonces faites par le Président de la République, sachant que, depuis des mois, vous avez renforcé la surveillance de nos frontières intérieures ? Enfin, quels sont les effets attendus et comment évaluerez-vous l'efficacité de ces nouveaux contours avec le nouveau conseil Schengen ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Vous avez raison d'insister sur l'importance de cette réforme de Schengen, qui a été mise au cœur des priorités de la présidence française de l'Union européenne par le Président de la République. La semaine dernière, pour l'une des premières réunions de cette présidence, le ministre de l'intérieur a réuni tous ses homologues européens pour engager concrètement cette réforme de Schengen – car cette réforme, dont on a beaucoup parlé, nous l'engageons enfin !
Elle commence par une reprise en main politique de cette question. Comme nous le faisons à propos de l'euro avec l'Eurogroupe, qui réunit régulièrement les ministres des finances, il y aura désormais un conseil Schengen, réunissant les ministres de l'intérieur de cet espace autour de la question de la protection des frontières extérieures. Ce n'est pas seulement une réunion de plus : c'est très concret et cela commencera dès le mois de mars. Un coordinateur Schengen sera chargé d'évaluer régulièrement la situation – probablement sur une base trimestrielle, et Gérald Darmanin le précisera rapidement – avec les ministres concernés pour faire le point sur les défaillances et les mesures à prendre aux frontières extérieures pour les corriger. C'est très important, et cela commencera sous la présidence française.
Le Président de la République et le ministre de l'intérieur ont également évoqué une réforme complémentaire de Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Cette réforme, nous la mettons en place, avec déjà 1 500 hommes et des effectifs qui montent en puissance.
Nous proposons, et cela a déjà rencontré un écho favorable auprès de nombreux États membres, la création d'un mécanisme d'urgence en cas de crises telles que celle nous que nous connaissons ces dernières semaines aux frontières polonaise et lituanienne, organisées parfois par des puissances extérieures, afin de nous permettre d'aider rapidement et puissamment les pays en difficulté.
Il ne faut pas parler de chiffres fantaisistes ou évoquer une illusoire ligne Maginot, mais renforcer concrètement la protection de nos frontières. C'est ce que nous faisons, loin des slogans, avec deux convictions : c'est la protection des frontières extérieures qui permettra de préserver la libre circulation à l'intérieur de l'Europe, et toute réponse efficace à ce problème doit être européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé. Troubles sensitifs des quatre membres, troubles moteurs, troubles sphinctériens, brûlures cutanées ou atteintes de la moelle épinière : ces symptômes d'une grande gravité sont ceux qui sont liés à une surconsommation de protoxyde d'azote, dit gaz hilarant. Le phénomène est plus qu'alarmant, avec 450 % d'augmentation du nombre de signalements dans les centres d'addictologie.
Les mineurs sont particulièrement concernés – j'en veux pour preuve ces dizaines de cartouches retrouvées aux abords des établissements scolaires –, mais ils ne sont pas les seuls, puisque des adultes aussi le sont. Ce qui ressemble à une mode aux conséquences dramatiques se retrouve également chez des footballeurs professionnels qui n'ont rien trouvé de mieux que d'en faire la promotion sur les réseaux sociaux.
Si l'Assemblée nationale s'est saisie du problème en adoptant en juin dernier une loi renforçant les outils de lutte et interdisant la vente aux mineurs, il est clair que ce n'est pas suffisant. Les médecins sonnent l'alarme face à la hausse des admissions à l'hôpital et aux conséquences neurologiques que provoquent les overdoses. Il nous faut être plus volontaristes pour stopper ce fléau.
Monsieur le ministre, à quand des campagnes de sensibilisation de grande ampleur pour sensibiliser parents et enfants aux risques de ce gaz hilarant ? À quand la signature de l'arrêté restreignant la vente de protoxyde d'azote à la quantité autorisée par la loi que nous avons votée en juin 2021 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Vous avez raison de rappeler la situation inquiétante que suscite la consommation du protoxyde d'azote. L'ANSM, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, ont actualisé en novembre dernier les données que nous connaissions : elles confirment les constats, largement partagés, quant aux cas de mésusage du protoxyde d'azote, toujours en hausse, et aux effets toxiques de ce gaz, en particulier neurologiques, dont vous avez détaillé certains symptômes et qui sont souvent encore méconnus des consommateurs – d'où l'importance, vous avez raison de le souligner, des campagnes de prévention dans les établissements scolaires et les établissements de lutte contre les addictions –, ainsi qu'à une hausse de l'utilisation régulière du protoxyde d'azote, notamment chez les mineurs.
Nous connaissons, disais-je, ces données que les études confirment. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu d'emblée la proposition de loi de Valérie Létard au Sénat, promulguée le 1er juin dernier et soutenue à l'Assemblée nationale par Valérie Six et par l'ensemble des députés ici présents, avec de nombreux apports : interdiction de la vente aux mineurs, ainsi qu'aux majeurs dans certains lieux – bars, discothèques et bureaux de tabac – ou au-delà de quantités raisonnables démontrant un mésusage et un détournement de l'utilisation du protoxyde d'azote ; interdiction de la vente de dispositifs destinés à l'usage détourné de ce produit ; délit d'incitation d'un mineur à faire un usage détourné du protoxyde d'azote, puni de 15 000 euros d'amende, et obligation pour les industriels d'indiquer la dangerosité de cet usage détourné sur tous les contenants de la substance.
Pour ce qui concerne les quantités accessibles à la vente et la mention de la dangerosité, vous avez raison de rappeler que plusieurs textes sont en attente d'un décret et d'un arrêté. Nous partageons votre impatience et avons veillé à ce que ces textes ne soient pas retoqués – si vous me permettez cette expression – par les autorités communautaires.
L'ensemble des ministères ont travaillé, et je puis vous annoncer qu'aujourd'hui même, ces textes réglementaires et ce projet ont été notifiés à la Commission européenne, afin d'en apprécier la validité au regard du droit européen.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie pour ces précisions. Vous avez rappelé, comme je l'avais fait moi-même, l'unanimité qui s'est faite au sein de notre assemblée pour voter ce texte présenté par l'une de nos collègues du Sénat.
Vous avez pris conscience de la situation, peut-être, mais pas assez vite. Vous me dites que les mesures sont dans le tuyau, mais le problème est que, bien que nous votions des lois, les décrets d'application ne viennent pas – depuis juin, six mois plus tard, ces décrets ne sont pas au rendez-vous.
Il est urgent que vous soyez au rendez-vous pour que tout le monde prenne conscience de ce fléau et soit à la hauteur des attentes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre des outre-mer, voilà quelques jours, La Réunion a été touchée par le cyclone Batsirai. L'heure du bilan a sonné, et il est lourd, même si, fort heureusement, aucune victime n'est à déplorer.
Les dégâts sont considérables, puisqu'aucun secteur n'est épargné. Les routes, comme celles de Cilaos et du Littoral, les réseaux électriques et la desserte d'eau potable sont durement endommagés, les écoles ont fermé pendant plusieurs jours et un pétrolier s'est même échoué au large des côtes réunionnaises. La situation est telle que l'état de catastrophe naturelle et de calamité agricole a immédiatement été demandé par le préfet.
Les Réunionnais, dont je salue l'esprit de résilience, ont été très éprouvés par cet épisode cyclonique violent, qui intervient en plein pic épidémique. Ils en redoutent les conséquences sur une situation sociale et économique déjà difficile, en particulier pour le monde agricole. Pour nombre d'agriculteurs, les récoltes sont anéanties, ce qui les expose à de lourdes pertes pouvant mettre en péril leurs exploitations. À cela s'ajoutent les pénuries à venir en fruits et légumes, qui représentent 70 % de la consommation locale, et par conséquent une hausse des prix. Cela fait beaucoup pour un pouvoir d'achat déjà malmené. Il est urgent de bloquer les prix sur ces produits de première nécessité.
L'inquiétude gagne aussi à propos des risques de pollution de notre littoral par hydrocarbures, et vos déclarations tendant à minimiser ce que vous qualifiez de « petite pollution » n'ont pas rassuré. L'environnement étant notre priorité, nous attendons un plan de dépollution et de démembrement de l'épave.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.
Enfin, Madagascar, que Batsirai a très durement frappé, déplore déjà 82 morts. Plus de 70 000 personnes ont dû être déplacées, sans compter la crise humanitaire qui se profile. La solidarité internationale s'impose. Comment la France va-t-elle y répondre ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Sophie Mette applaudit également.
Permettez-moi tout d'abord d'excuser mon collègue Sébastien Lecornu, retenu par un déplacement devant l'ONU et qui m'a demandé de vous répondre, sachant que nos ministères sont mobilisés, avec le ministère de l'intérieur, pour apporter des réponses.
Comme vous l'avez dit, le cyclone Batsirai a longé La Réunion, à environ 200 kilomètres des côtes, mais avec des dégâts considérables, des rafales de vent énormes et des précipitations très importantes. Les dégâts, que vous avez décrits, sont très importants, même si, heureusement, nous ne déplorons aucune victime.
Dès la survenue de ces faits, l'alerte rouge a été déclenchée et, comme vous l'avez dit, les Réunionnais et les services de l'État se sont tous mobilisés pour intervenir, déblayer et rétablir la situation la plus normale possible.
À l'heure où nous parlons, nous constatons qu'aucun secteur routier ne connaît de difficultés majeures et qu'à notre connaissance les écoles sont ouvertes, à une exception près – cette école, située sur le cirque de Mafate, devant ouvrir le 10 février. Nous constatons aussi que le port et l'aéroport ont un fonctionnement normal, ce qui est également rassurant.
Dès aujourd'hui, la commission interministérielle chargée de reconnaître la catastrophe naturelle se réunit, à la demande du préfet, pour examiner la situation dans vingt-quatre communes. Les travaux d'expertise sur les productions agricoles et les dégâts agricoles en vue de la reconnaissance de la situation au titre des calamités sont en cours, et nous faisons diligence, avec tous les services des ministères concernés, pour apporter les réponses nécessaires.
Vous avez aussi évoqué les craintes, que nous partageons tous, quant à l'épisode de pollution consécutif à l'échouage d'un navire, le Tresta Star. À l'heure où je vous parle, les premiers relevés sont relativement rassurants pour ce qui concerne l'étendue de la pollution, mais il n'en faut pas moins aller vite pour dépolluer. Le préfet a mis en demeure l'armateur, qui a envoyé des remorqueurs et des équipages pour procéder à cette dépollution. Là aussi, nos services font diligence pour assurer un suivi parfait de ces opérations.
Vous m'avez enfin interrogé – mais le temps manque pour répondre – sur la situation à Madagascar : en lien avec les autorités malgaches, la France dépêchera des secours humanitaires et techniques pour accompagner ce pays.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci pour vos réponses, mais un axe routier continue à poser problème : il s'agit de la route du Littoral, qui a de nouveau été complètement fermée hier soir à la suite d'un éboulis.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Hugues Renson.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (n° 4978 rectifié).
La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Après la discussion riche et approfondie que nous avons eue sur ce projet de loi en première lecture, nous nous retrouvons, à l'approche de la conclusion de cette législature, pour adopter définitivement le texte dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie la semaine dernière. Nous pouvons tous être satisfaits du travail collectif accompli entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Des échanges intenses et fructueux avec le Sénat, le Gouvernement, les commissions saisies pour avis et les groupes politiques, il ressort à la fin un texte équilibré, utile et attendu, largement consensuel et amplement soutenu par l'ensemble des acteurs locaux.
Sans entrer dans le détail des dispositions des titres Ier à V que j'ai l'honneur de rapporter, je relèverai d'abord, au titre Ier , l'affirmation du principe de différenciation. Il est indispensable à la mise en œuvre d'une approche plus fine et plus près du terrain des politiques publiques, et ce afin de répondre aux problématiques spécifiques des différents territoires. Dans ce même titre, nous avons fait en sorte, avec le Sénat, de favoriser les délégations et les mutualisations de compétences afin de permettre aux collectivités territoriales d'agir avec efficacité et au plus près des besoins de nos concitoyens, usagers, contribuables et électeurs.
Le titre II, consacré à la transition écologique, comporte des avancées significatives, notamment un nouvel acte de la décentralisation des routes. Je pense aussi aux articles relatifs au transport ferroviaire et à la biodiversité pour lesquels la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, Laurianne Rossi, a été plus qu'efficiente.
Dans le cadre de la CMP nous avons su trouver, avec nos collègues sénateurs, des compromis pour sécuriser le transfert définitif de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités en 2026, pour permettre aux élus locaux de mieux encadrer, dans les plans locaux d'urbanisme, le développement de l'éolien ou encore pour accroître la représentation des élus, notamment ruraux, dans les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).
Sur les titres III à V, un important travail a été fourni par nos collègues Michaël Nogal et Didier Martin sur les enjeux essentiels que sont le logement et la santé. Sur les articles dont j'avais la charge, le compromis trouvé conforte nos choix de première lecture, tout en conservant des apports du Sénat sur lesquels nous étions initialement revenus, mais que nous avons ajustés pour leur éviter tout effet de bord non souhaité, et faire ainsi écho aux propositions de nos collègues sénateurs. Je salue enfin le travail mené par Maina Sage sur le titre VIII, relatif à l'outre-mer.
Les travaux de notre assemblée ainsi que la CMP ont permis d'enrichir considérablement le texte sur des points qui intéressent directement les outre-mer et touchent à la vie quotidienne de nos compatriotes ultramarins. Nous renforçons ainsi la culture du risque et la résilience face aux catastrophes naturelles importantes. Nous apportons des réponses à la problématique du foncier. Nous facilitons aussi la recherche et la constatation des infractions locales au droit de l'environnement en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Pour conclure, je souhaite souligner que nous allons clore, par l'adoption du texte de la CMP, un cycle de trois ans qui avait été ouvert à l'initiative du Président de la République lors du grand débat national. Avant le projet de loi dit 3DS, nous avions déjà franchi une première étape avec l'adoption de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique qui a permis de revaloriser l'action des élus locaux, principalement des maires. Patiemment et pas à pas, nous avons fait œuvre utile, tout au long de cette législature, pour les élus et pour les collectivités territoriales en les soutenant dans leur action, y compris financièrement, en confortant le plein exercice de leurs compétences, en favorisant la différenciation pour apporter des réponses pertinentes aux enjeux locaux et en corrigeant les points irritants qui subsistaient depuis les réformes précédentes. Nous avons mené un travail de fond sur le temps long, fondé sur l'écoute et le pragmatisme, et je veux remercier toutes celles et tous ceux qui y ont pris leur part – je pense en particulier à ma collègue Élodie Jacquier-Laforge.
Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, je tiens particulièrement à saluer votre action. Vous avez engagé, il y a deux ans, ce travail important pour les collectivités locales de coconstruction du projet de loi qui nous a été soumis. Le cap a été tenu avec une constance et une détermination sans faille dont nous vous sommes reconnaissants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure de la commission mixte paritaire.
C'est avec une réelle satisfaction que j'interviens devant vous pour vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire qui, sur le projet de loi dit 3DS, est parvenue à un accord, au début de la semaine dernière, sur les quelque 300 articles qui restaient en discussion. Cet accord équilibré a été rendu possible par l'excellent travail conduit avec nos collègues rapporteurs du Sénat, que je tiens à remercier. Je souhaite également saluer mes collègues rapporteurs de l'Assemblée, Bruno Questel et Maina Sage pour la commission des lois, mais aussi tous les rapporteurs des commissions saisies pour avis, qui ont réalisé un travail colossal pour que nous puissions vous présenter cet après-midi le présent texte. Technique à bien des égards, certes, il n'en sera pas moins très utile aux collectivités et, bien évidemment, à nos concitoyens.
Les titres VI et VII, dont j'ai eu plus particulièrement la charge, portent sur des mesures diverses en matière de déconcentration et de simplification de l'action publique. Déjà fournis dans le texte initial que présentait Mme la ministre, ils ont été substantiellement enrichis par les débats parlementaires et la navette.
Le titre VI comporte un important volet relatif à la déconcentration, avec un renforcement des prérogatives du préfet de département, tant pour ce qui concerne l'Agence de la transition écologique (ADEME), l'Office français de la biodiversité (OFB) que les agences de l'eau. Par ailleurs, nous mettrons enfin l'expertise du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) à la disposition des collectivités territoriales, et nous inscrivons dans la loi les espaces France Services, une des grandes réussites de notre politique d'aménagement du territoire de ce quinquennat.
Sur le titre VII, la plupart des ajouts faits par le Sénat ont été conservés, et souvent complétés par notre assemblée avant d'être validés par la CMP. Je pense, par exemple, aux échanges de données entre administrations, enrichis pour permettre l'attribution directe de prestations à nos concitoyens et, ce faisant, mieux lutter contre le non-recours aux droits, dispositions complétées par un volet sur l'accompagnement des personnes en insertion. Je pense aussi au recours à la visioconférence dans les assemblées locales, introduit par le Sénat et étendu ici aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique et aux commissions permanentes. Je pense également aux simplifications déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dispositions votées au Sénat que nous avons utilement complétées.
Je pense enfin au renforcement de la coopération transfrontalière, qui permettra par exemple le développement de l'apprentissage avec les pays voisins.
Plusieurs dispositions portent sur l'évaluation des politiques publiques, et je me réjouis des nouvelles missions qui sont confiées par le texte aux chambres régionales des comptes. Le projet du Gouvernement, complété par le Sénat, était ambitieux et nous l'avons approfondi : les juridictions financières pourront désormais être consultées par une région, un département, une métropole ou une communauté urbaine sur tout projet d'investissement exceptionnel dont il ou elle assure la maîtrise d'ouvrage.
Une mention spéciale doit être faite des entreprises publiques locales, car elle résume bien l'état d'esprit de la discussion de ce texte : le projet comportait des mesures bienvenues, le Sénat l'a enrichi de nombreuses dispositions que nous avons jugées intéressantes, notamment sur les conflits d'intérêts, et l'Assemblée a parachevé cet édifice législatif que la CMP a conservé.
Enfin, je songe aux mesures en matière de droit funéraire, introduites par le Sénat, et que nous avons précisées et enrichies. Je me félicite notamment du renforcement de l'information des ayants cause lors du renouvellement d'une concession temporaire, qui était suggérée par la Défenseure des droits.
Le texte qui vous est soumis est le résultat d'un travail parlementaire riche, marqué par l'écoute, le dialogue et une coopération remarquable entre nos deux assemblées. Je vous invite à l'adopter, ainsi que les ajustements de coordination qui seront proposés afin de permettre une application aussi rapide que possible de ces dispositions attendues et bienvenues.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Nous clôturons près de neuf mois de travail parlementaire sur ce projet de loi 3DS et deux ans de coconstruction avec les élus locaux, leurs associations, les préfets et près de vingt ministères.
Je veux saluer la grande qualité des débats, en séance comme en commission ; remercier l'ensemble des présidents de commission et, bien sûr, des rapporteurs, qui ont défendu ce texte avec détermination et su fédérer le travail collectif pour enrichir substantiellement le projet de loi ; remercier, enfin, les députés de l'ensemble des groupes, qui se sont fortement engagés tout au long des dernières semaines. Votre contribution à ce texte a été importante. Vous l'avez fait dans un esprit de responsabilité qui honore le travail parlementaire.
Le projet de loi que vous vous apprêtez à voter conserve l'ensemble, ou presque, des mesures adoptées par l'Assemblée nationale, à la faveur d'un travail constructif avec le Sénat, depuis la première lecture jusqu'en CMP.
Ce texte est passé, grâce aux deux chambres, de 84 à 270 articles. C'est le signe que nous partagions une même ambition : celle de nous saisir de cette occasion pour améliorer l'efficacité de l'action publique locale dans tous les domaines du quotidien. Je crois que les positions des associations d'élus, qui saluent les avancées de ce texte, en sont un témoignage.
Avec ce projet de loi, nous avons choisi de mettre de l'huile dans les rouages, d'améliorer le paysage institutionnel plutôt que de le bouleverser. C'est une marque de confiance vis-à-vis de nos 510 000 élus locaux, qui sont aux avant-postes de la République et dont l'engagement est une immense richesse pour notre pays. Nous avons construit des réponses pragmatiques aux blocages qu'ils rencontrent, afin de leur donner des outils pour agir.
Simplifier l'action locale, différencier les solutions, rapprocher l'État du terrain, lever les freins inutiles et faciliter le quotidien des collectivités et de leurs élus : c'est cela, l'armature de ce projet de loi. Je mentionnerai quelques-uns des grands objectifs que nous avons définis avec ce texte.
D'abord, accélérer la revitalisation des territoires, qui est, comme vous le savez, l'une des grandes priorités de mon ministère. Le texte met en place de nouveaux outils pour récupérer les biens sans maître, pour renforcer les opérations de revitalisation des territoires (ORT) ou encore pour lutter contre la disparition des chemins ruraux.
Deuxième objectif : préserver notre modèle de logement social, avec la pérennisation des objectifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), tout en les en adaptant aux spécificités des territoires grâce aux contrats de mixité sociale.
Troisième objectif : renforcer le rôle des collectivités en matière de santé et d'action sociale, avec une meilleure association des élus à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS), de nouveaux outils pour lutter contre la désertification médicale, un nouveau champ de compétences pour les départements sur l'habitat inclusif et la recentralisation du RSA pour les départements qui le souhaitent.
Quatrième objectif : consolider le modèle français de mobilité, lequel repose sur l'action coordonnée des collectivités et de l'État. Le texte permettra d'aller au bout du long processus de décentralisation des routes nationales, sur une base volontaire. Il facilitera également le développement des transports collectifs, notamment les petites lignes ferroviaires.
Cinquième objectif : conforter le rôle des collectivités dans la transition écologique, en leur donnant plus d'outils pour développer les énergies renouvelables et favoriser la biodiversité.
Sixième objectif : répondre aux défis spécifiques des territoires frontaliers, avec des avancées significatives en matière de coopération transfrontalière.
Septième objectif : donner de la souplesse à l'intercommunalité tout en préservant l'ambition, en favorisant la différenciation, notamment pour faciliter les délégations de compétences.
Huitième objectif : renforcer la métropole Aix-Marseille-Provence en simplifiant son organisation et en clarifiant ses compétences et celles des communes.
Neuvième objectif : sécuriser les élus dans l'exercice de leur mandat avec la clarification du régime de prévention des conflits d'intérêts.
Dixième objectif : simplifier la relation citoyens-administrations, avec le développement du guichet Dites-le nous une fois ou l'inscription dans la loi du modèle France Services.
Onzième objectif : renforcer la mission des préfets en leur confiant le rôle de délégué territorial pour les grandes agences nationales, comme l'ADEME et l'OFB, sur le modèle de ce qui a été déjà été fait avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Dans tous ces domaines, nous avons fait ensemble le choix du pragmatisme, pour offrir aux élus des outils concrets et utiles, et je tenais à vous en remercier.
Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, je crois que nous entrons dans une nouvelle ère des relations entre l'État et les collectivités, l'ère de la maturité, de la confiance, des contrats et des projets, l'ère de la cohésion. La cohésion, c'est l'idée simple selon laquelle il faut mettre en solidarité tous les éléments d'un système ; c'est l'idée que la diversité des territoires est une force, à condition, bien sûr, de garantir à chaque Français « l'égalité des possibles ».
C'est dans cette perspective que nous avons significativement augmenté, depuis 2017, les moyens à disposition des collectivités, notamment les moins bien dotées, en termes financiers mais aussi en termes d'ingénierie, avec l'appui de l'ANCT.
C'est pour cela que nous avons redonné un nouveau souffle à la contractualisation, en partant des projets défendus par les élus. Et c'est pour cette raison que, à l'initiative du Président de la République et aux côtés du Premier ministre, j'ai moi-même défendu ce projet de loi avec conviction et détermination.
Oui, mesdames et messieurs les députés, nos générations ont à vivre des transitions historiques. Et plus que jamais, je suis convaincue que nos territoires sont la bonne échelle de résolution de ces défis. Car faire réussir les territoires, c'est naturellement faire réussir la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, UDI-I et Agir ens.
Je vous rappelle que, pour les lectures des conclusions d'une commission mixte paritaire, les interventions dans la discussion générale valent explication de vote.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Nous sommes évidemment opposés à ce texte, mais pas parce que nous sommes contre la décentralisation et son principe ; bien au contraire, nous l'approuvons. Depuis 1789, et plus généralement depuis la I
…qui anime encore ce pays avec ses belles 36 000 communes.
L'article 1er de la Constitution de 1958 disposant que la République est indivisible prend sa source en 1792, quand la République fut décrétée « une et indivisible ». C'est une conception en réalité assez singulière en Europe, où la plupart des régimes sont fédéralistes ; si bien qu'on ne s'y soucie pas de l'égalité en droit sur l'intégralité du territoire, et l'on accepte des modulations locales. Nous avons choisi, en France, un autre contrat social, un autre contrat politique, consistant à dire que, la loi étant décidée collectivement, les droits sont les mêmes pour tous à travers le pays.
Évidemment, un tel principe ne résiste pas au problème que pose l'application des lois. Comment faire pour que, dans des situations et des contextes différents, les mêmes droits aboutissent au même résultat objectif et concret ? C'est tout l'art de la décentralisation et, en partie aussi, de la déconcentration dans les services de l'État. Ce que vous faites là, avec votre droit à la différenciation, s'apparente davantage au détricotage de l'indivisibilité de la République qu'à une œuvre d'adaptation aux contextes et aux collectivités.
Je ne sais s'il y a des territoires, mais il y a d'abord des gens qui y vivent et une démocratie locale. C'est cela, l'important. Le reste n'est que bavardage, éventuellement sur la géographie, même si cette matière, dont je suis amoureux, est fort intéressante.
Vous en venez à nous vanter, par exemple, les maisons France Services. Extraordinaire ! On démantèle la République, on ferme les sous-préfectures, les services de proximité, et patatras ! On se rend compte que les citoyennes et les citoyens n'y trouvent plus leur compte car ce qu'ils veulent, ce sont des services publics locaux de proximité.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Les gilets jaunes arrivent et disent : « Nous voulons le référendum d'initiative citoyenne, la diminution du prix du carburant et, surtout, des services publics de proximité, c'est-à-dire avoir accès à nos droits. » Ils veulent que les droits ne soient pas seulement des choses écrites dans des textes de loi, aussi intéressants soient-ils, mais qu'ils soient tangibles, concrets, palpables et réalisables au plus près de chez soi ; sinon tout cela ne sert à rien, ce n'est que de la palabre entre nous.
Vous mettez dans les mêmes maisons des gens à tout faire et, d'après tous les retours que j'en ai – de la part de certains anciens collègues comme des agents –, il n'est pas possible de connaître l'essentiel de tous les dispositifs accumulés dans une maison France Services.
On nous dit que derrière, en back-office, il y a la ressource ; mais ce sont des fadaises puisque les moyens globaux de l'État n'ont cessé de diminuer. On maintient les effectifs tout en les réorganisant, nous répète-t-on à l'envi ; mais, finalement, on baisse le nombre d'équivalents temps plein travaillé (ETPT), on diminue le nombre de gens qui travaillent concrètement dans les services déconcentrés des administrations, alors que la population, elle, ne cesse de croître.
Il ne faut pas de maisons France Services ; ce qu'il faut, c'est rouvrir des guichets dans les sous-préfectures, rouvrir des bureaux de poste, des gares, des écoles, des antennes de la CAF – caisse d'allocations familiales –, de Pôle emploi et des trésoreries locales.
Tout cela, vous ne le faites pas, puisque vous préférez rationaliser et mutualiser, avec le new public management appliqué aux collectivités territoriales. Évidemment, vous ne faites rien, hormis diminuer les contraintes de la loi SRU plutôt que de les augmenter, alors que nous sommes en pleine crise du logement, et notamment du logement social – la fondation Abbé-Pierre nous a encore une fois alertés à ce sujet.
Vous transférez les autoroutes et les routes non concédées, alors que le grand sujet devrait être celui de la renationalisation des autoroutes pour développer la mobilité.
Vous devriez mettre en place un grand plan d'investissement en faveur d'un service public du rail, et maintenir ce qu'on appelle les petites lignes ,
Mme Caroline Fiat applaudit
qui sont en réalité des lignes de vie, des lignes de train qui permettent d'aller travailler, de rendre visite à sa famille, d'accéder à des loisirs – bref, des lignes qui permettent de vivre au quotidien et de ne pas être enfermé dans la ruralité. Puisque je n'ai que cinq minutes,…
…je ne serai pas plus long. La République dont nous rêvons, ce n'est pas la République disloquée que vous êtes en train de nous préparer. C'est pourquoi le groupe La France insoumise votera contre le texte.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Nous arrivons au terme de nos débats sur une loi emblématique du quinquennat, une loi qui, nous le craignons, aggravera la rupture du pacte républicain et renforcera les inégalités territoriales.
Les députés communistes, d'hier comme d'aujourd'hui, ont toujours combattu les lois de même inspiration : hier, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) ou la loi « engagement et proximité » ; aujourd'hui, la loi 3DS. En effet, nous sommes fidèles à une certaine conception de l'État : un État fort ; un État qui régule, qui répartit et qui protège ; un État qui garantit l'égalité républicaine sur tout le territoire ; mais aussi un État stratège qui sait se mettre au service des collectivités.
Cet État fort que nous défendons n'est pas la négation de la décentralisation, de même que la décentralisation n'est pas, pour nous, l'occasion de justifier un nouvel affaiblissement de l'État. C'est pourquoi nous considérons toujours que les équilibres d'une loi d'organisation des territoires sont à apprécier au regard des moyens financiers mobilisés à son service. Or c'est selon nous votre première faute politique : vous transférez aux collectivités des responsabilités nouvelles sans les moyens afférents, et vous le faites dans un contexte où l'autonomie fiscale des collectivités a déjà été gravement mise à mal tout au long du quinquennat.
Ainsi en est-il, pêle-mêle, du transfert de la médecine scolaire aux départements, entraînant le risque d'accroître encore les inégalités dans nos écoles, ou des 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires menacées de disparition, mais que vous proposez de transférer aux régions volontaires. Celles-ci seront donc soumises à un choix cornélien : soit se déclarer prêtes à gérer un patrimoine dégradé nécessitant des investissements importants, soit renoncer à un service public essentiel à nos territoires.
Deuxième faute politique : vous invoquez le principe de lisibilité pour justifier vos décisions, mais la loi 3DS est un grand bond dans le brouillard. Ainsi, le transfert de compétences à la carte des communes vers les intercommunalités – tentative hasardeuse de traiter les problèmes résultant d'intercommunalités géantes et non choisies – ne peut que conduire à une illisibilité totale des politiques publiques pour les citoyennes et les citoyens, et ce faisant à accroître la défiance.
Or, troisième faute politique, vous ne vous attaquez pas aux logiques qui ont dévitalisé les communes, pierre angulaire de notre socle démocratique, ni au processus de métropolisation qui éloigne toujours plus les citoyens des instances où se décident les politiques publiques, confirmant l'adage : « Loin des yeux, loin du cœur. » C'est l'inverse que réclame le pays, notamment depuis le mouvement des gilets jaunes : les Français veulent être à nouveau entendus, être au cœur des processus de décision, et en ont assez du fatras de la start-up nation
M. Ugo Bernalicis applaudit
qui dématérialise à tout va et dilue la responsabilité politique.
Pour conclure, j'évoquerai la loi SRU. Bien sûr, vous avez mis en vitrine sa prolongation au-delà de 2025, et nous vous avons soutenu sur ce point. Mais quand on regarde dans le détail, surtout dans le texte issu de la CMP, cette prolongation se fait au prix d'un affaiblissement marqué d'une loi qui nous est chère et que nous devons, entre autres, à Louis Besson et Jean-Claude Gayssot, alors membres du gouvernement de Lionel Jospin.
En cédant ainsi aux injonctions du Sénat, mais aussi avec les nombreux amendements de votre majorité, vous avez affaibli les sanctions, allongé les délais de mise en conformité et instauré des contrats de mixité sociale qui entérinent un droit au logement à géométrie variable. Enfin, cerise sur le gâteau, vous avez renoncé aux avancées obtenues par les députés communistes en première lecture, comme l'interdiction de la vente de logements HLM dans les villes carencées.
Au moment même où la fondation Abbé-Pierre vient de nous rappeler combien le droit au logement est bafoué dans ce pays, et où cette même fondation vous met en garde sur le danger d'affaiblir la loi SRU, un tel recul est bien une faute politique majeure. C'est une faute politique d'autant plus lourde que vous donnez le point aux pires ennemis de la mixité sociale, les candidats de l'extrême-droite – Marine Le Pen un jour, Éric Zemmour le lendemain –, qui ne cessent de demander la suppression de la loi SRU.
Mes chers collègues n'en doutez pas : renoncer à la mixité sociale, c'est renoncer au pacte républicain, un pacte malmené tout au long de ce texte qui utilise le mot « différenciation » pour décrire l'émiettement du territoire ; qui acte la victoire du contrat sur la loi ; qui se soumet à l'injonction de la concurrence entre les territoires ; qui nous enferre, enfin, dans un modèle qui n'est pas le nôtre, le couple Europe-région, plutôt que le triptyque républicain commune-département-État. C'est pourquoi nous voterons contre le texte.
MM. Pierre Dharréville et Hervé Saulignac applaudissent.
La loi 3DS, c'est d'abord une méthode qui consiste à aller sur le terrain ; madame la ministre, vous n'avez pas compté vos heures ni ménagé vos efforts.
Vous avez bousculé votre agenda pour aller rencontrer, dans chaque région, les élus des territoires. Ils sont venus nombreux pour vous faire passer des messages précis sur leur quotidien et sur ce qu'il fallait améliorer et changer. Je peux en témoigner s'agissant de la région Bourgogne-Franche-Comté.
C'est ainsi qu'est née cette loi, après la loi « engagement et proximité », après la création de la collectivité européenne d'Alsace, après les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain, et après le réseau France Services. Chaque fois, la méthode est la même : on part du terrain, on dénoue les fils,…
…on facilite l'action, on sécurise les statuts et les procédures, on renforce la concertation et la contractualisation.
Pour être synthétique concernant la loi 3DS, qui comporte plus de soixante avancées majeures,…
…retenons deux axes. D'abord, il s'agit de faciliter la tâche des maires et des élus locaux, et ce dans de nombreux domaines : pour récupérer des biens sans maître ; pour mieux encadrer le développement de l'éolien à travers la définition d'un zonage dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) ; pour faciliter la gestion des conséquences et des compensations liées aux changements climatiques et pour mieux accompagner les besoins d'ingénierie liés à la transition écologique, à travers les évolutions de l'ADEME ou du CEREMA.
La loi permettra aussi de renforcer le rôle des préfets comme interlocuteurs des maires, notamment en matière d'environnement ; d'assouplir des transferts de compétences vers les syndicats ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans des domaines où l'adaptation au terrain doit être de mise, comme le tourisme, l'entretien des voiries ou les réseaux ; de renforcer le pouvoir réglementaire local ; de renforcer la présence des maires et des élus locaux dans les structures de gestion en matière de santé et de présence médicale, et de renforcer leur action en matière de sécurité, notamment de sécurité routière.
La loi facilitera également le travail transfrontalier dans de nombreux domaines liés à l'économie, la formation, le sport ou l'animation territoriale, de même qu'elle facilitera l'action des élus locaux auprès des universités et pour le développement d'équipements à caractère culturel, notamment cinématographiques. Les élus locaux seront mieux protégés dans l'exercice de leur mandat grâce à une définition plus précise des notions de conflit d'intérêts et de prise illégale d'intérêts.
Deuxième axe : la loi 3DS permettra de stabiliser des législations essentielles, de simplifier et de répondre à des besoins spécifiques. Parmi les avancées, mentionnons l'inscription de la loi SRU sur le logement social dans la durée, avec un renforcement de l'adaptation et de la contractualisation ; la poursuite de la décentralisation des infrastructures routières et la facilitation du transfert de petites lignes ferroviaires stratégiques aux régions ; la clarification de l'autorité fonctionnelle des gestionnaires de collèges et de lycées pour ce qui ne relève pas des aspects pédagogiques ; l'amélioration du fonctionnement de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et son travail au service des communes qui la constituent ; l'amélioration du fonctionnement du pouvoir local en Corse et dans les départements et territoires d'outre-mer au plan institutionnel, mais aussi pour favoriser la maîtrise foncière et spatiale ou expérimenter des mesures nouvelles en matière de gestion de l'état de calamité naturelle exceptionnelle adapté à l'outre-mer.
Je ne terminerai pas mon propos sans revenir sur la méthode. À l'avenir, tout approfondissement de la décentralisation des pouvoirs ou de la différenciation des territoires devra d'abord partir du terrain, d'une démarche de concertation approfondie et sincère avec les élus de nos territoires. Ce ne fut pas toujours le cas par le passé,…
…ni en ce qui concerne la concertation – c'est un doux euphémisme –, ni en ce qui concerne le suivi de celle-ci. Rappelons-nous que les assises des libertés locales de 2003-2004 avaient abouti à un texte de loi absolument opposé aux conclusions qui en étaient issues.
En matière d'organisation de la République dans nos territoires, la méthode – celle d'une concertation de qualité – a une place majeure. Toute avancée en matière de décentralisation et de différentiation doit forcément s'accompagner d'adaptations et d'améliorations de la déconcentration des pouvoirs de l'État ; il ne faut pas opposer l'un et l'autre. C'est aussi ce que nous apprend ce texte 3DS qui, pour la première fois, traite en même temps le triptyque, les trois enjeux d'une meilleure action publique dans nos territoires : décentralisation, différenciation, mais aussi déconcentration et repositionnement de l'État.
Permettez-moi enfin de remercier tous les rapporteurs, les responsables du texte et les administrateurs, pour le travail remarquable que ce texte a nécessité dans la durée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Madame la ministre, permettez-moi de commencer par une suggestion. En cette période de présidence française du Conseil de l'Union européenne, vous êtes à la tête d'un ministère qui pourrait inspirer une réunion des ministres européens sur le sujet de l'organisation des pouvoirs publics locaux. Sur les autres sujets, le Gouvernement cherche plutôt à imposer sa vision à l'Europe – avec relativement peu de succès, on s'en rend bien compte ces temps-ci. Sur ce thème, je pense que nous gagnerions à examiner ce que font nos amis européens, et à nous en inspirer.
En effet, la France est depuis longtemps à la traîne, à l'échelle européenne, sur les sujets d'administration locale, de même que sur le respect de la Charte européenne de l'autonomie locale. Nous aurions beaucoup à apprendre de nos collègues européens, qu'ils soient ou non dans des États fédéraux, parce que nombre d'États centralisés ont adopté des organisations de leurs pouvoirs publics locaux beaucoup plus efficaces et pertinentes qu'en France.
Voilà une méthode, cher collègue Rebeyrotte, qui aurait pu être intéressante : commencer par regarder comment cela se passe ailleurs et y chercher des idées. Notre système d'administration locale est face à un mur, face à une incapacité à agir qui s'est progressivement organisée depuis les grandes lois de décentralisation, dans un mouvement qui visait progressivement à recentraliser les différents pouvoirs.
Le processus de construction du texte, la méthode, a été à l'opposé du principe dont il prétend s'inspirer. Ce texte, qui devait être une grande promesse de décentralisation, a été construit en suivant le calendrier des élections départementales et régionales ; mais l'échec de La République en marche à gagner un seul département ou une seule région aura conduit ce gouvernement à vider l'ambition initiale du projet de loi de toute sa substance et à proposer quelques mesures d'adaptation ; bref, la promesse est ratée.
Résultat : on se retrouve avec un texte de plus de 300 articles, autant dire aucun. Quand aucun article ne retient l'attention des élus locaux ou de la population, ou ne fait figure de symbole, c'est bien que ce qui est censé être un grand texte n'est en réalité qu'une succession de mesures techniques.
On peut d'ailleurs se réjouir que le transfert du haras national du Pin au conseil départemental de l'Orne fasse l'objet d'un titre entier au sein du projet de loi. C'est une avancée nécessaire, mais le fait que ce sujet occupe une telle place dans le texte montre à quel point son contenu est d'intérêt national !
Heureusement, un travail de fond a été mené par le Sénat s'agissant des intercommunalités, qui doivent redevenir un outil de coopération plutôt qu'une simple collectivité territoriale, et de la compétence eau et assainissement, cette question irritante que vous refusez depuis cinq ans de traiter, mais aussi sur la prééminence du préfet dans les territoires quand il s'agit de représenter l'État, et sur la capacité des maires à s'opposer à l'installation d'éoliennes grâce à leur PLU.
Malheureusement, ces améliorations de fond apportées par le Sénat ont fait l'objet d'un travail de sape en première lecture à l'Assemblée. Eh oui, madame la ministre ! Rien qu'en commission, ce sont près de soixante-dix avancées du Sénat qui ont été supprimées ; autant l'ont été dans l'hémicycle, et tout cela vous conduit…
…dans une impasse au moment de la CMP. En effet, il vous fallait mobiliser les élus locaux et, en cette période de collecte des parrainages en vue de l'élection présidentielle, vous deviez adopter un texte qui s'adresse à eux en leur disant : « Nous avons l'intention d'apprécier votre travail. »
Vous étiez donc dans l'obligation d'aboutir à une CMP conclusive. C'est la veille du jour où elle devait se tenir, à vingt-deux heures, que la réunion a été décalée au lundi matin ;…
…et en deux heures, monsieur le rapporteur, vous avez accepté de vous coucher sur à peu près tous ce contre quoi vous vous étiez battu dans l'hémicycle :…
N'importe quoi !
…face à la nécessité d'aboutir, vous avez accepté de conserver toutes les mesures contre lesquelles vous vous étiez mobilisé ici même.
Grâce à cet engagement du Sénat et au travail de fond effectué par les sénateurs, il reste tout de même des mesures intéressantes. C'est un texte que l'histoire ne retiendra pas,…
…un texte-balai de fin de mandat qui vise à apporter quelques modifications et simplifications administratives ; le groupe Les Républicains le soutiendra donc.
J'invite chacun de nos collègues à écouter les différents orateurs dans le calme et le respect – n'est-ce pas, monsieur Rebeyrotte !
La parole est à M. Patrick Loiseau.
Nous sommes tous ici des élus de la nation, mais notre mandat est d'abord ancré dans une réalité locale. Nous expérimentons quotidiennement l'importance vitale de nos structures territoriales : elles sont le cœur battant de notre République, font vivre la démocratie et sont à la racine de notre engagement politique.
Les élus locaux sont le pilier de l'organisation décentralisée que nous connaissons depuis plusieurs décennies dans notre pays. L'attachement de nos concitoyens aux territoires n'est plus à démontrer : au fil des enquêtes, le maire reste la personnalité préférée des Français. Pourtant, la complexité du millefeuille territorial et le manque de moyens ont rendu l'engagement local toujours plus difficile. Il nous fallait donc agir pour simplifier les institutions, pour rendre l'action publique territoriale plus efficace et pour approfondir la décentralisation.
C'était un engagement fort qu'avait pris le Président de la République, en réponse notamment à la crise des gilets jaunes – il faut s'en souvenir –, et nous sommes en passe de le concrétiser grâce à votre remarquable investissement, madame la ministre. Tout au long de cette législature, notre majorité a démontré son attachement aux territoires ; la loi « engagement et proximité » et la loi organique relative à la simplification des expérimentations locales en témoignent, ainsi que la récente réforme de la formation des élus. Nous savons aussi quel a été l'effort du Gouvernement pour renforcer le maillage du territoire, par le développement des maisons de services au public (MSAP) ou des contrats de relance et de transition écologique (CRTE).
Le groupe Démocrates a toujours eu à cœur de consolider la démocratie locale. La semaine dernière, nous avons ainsi fait adopter une proposition de loi dont ma collègue Élodie Jacquier-Laforge était rapporteure, visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, ainsi qu'une proposition de résolution de Philippe Vigier pour la création du conseiller territorial – nous avons ainsi satisfait une revendication ancienne.
Il reste bien entendu des choses à faire, mais nous pouvons être fiers de notre bilan : cette loi est une nouvelle pierre apportée à l'édifice. Nous avons fait le choix d'un texte ambitieux et pragmatique, tout en assumant de ne pas engager un big bang territorial. L'insuccès des réformes entreprises à la chaîne par les deux précédentes majorités est la preuve que nos institutions locales ont aussi besoin de stabilité.
Notre groupe se félicite qu'un accord ait pu être trouvé à l'issue de la commission mixte paritaire ; s'agissant d'un texte aussi riche et concret que celui-ci, il était important que nous nous retrouvions pour avancer ensemble. Je tiens en particulier à saluer le remarquable travail de Mme Jacquier-Laforge, rapporteure sur les titres relatifs à la déconcentration et aux mesures de simplification de l'action publique, ainsi que celui de ses autres collègues rapporteurs. Il faut aussi rendre hommage au travail des sénateurs, qui ont su apporter au texte d'intéressantes améliorations, notamment en matière de différenciation, de logements sociaux ou de médecine scolaire.
Tout au long des débats, le groupe Démocrates a tenu à faire preuve de cohérence et d'efficacité, en concentrant ses efforts sur quelques aspects précis du texte. En ce qui concerne la gouvernance des agences, le renforcement du rôle du préfet de département au sein de l'Office français de la biodiversité et des agences de l'eau constitue ainsi une avancée indéniable. Il nous faut cependant poursuivre nos efforts vers une harmonisation complète des agences ; celle-ci permettra de réarmer l'État territorial en lien avec l'ANCT, dont vous avez permis la création, madame la ministre, en 2020.
S'agissant du dispositif SRU, il était important de préserver les dérogations apportées par l'Assemblée nationale pour les petites communes et celles qui connaissent un taux élevé d'inconstructibilité ; elles satisfont à l'esprit de différenciation et d'adaptation qui anime le texte. Nous avons également su préserver l'essentiel des sanctions non financières que le préfet peut appliquer à l'encontre des communes carencées en logements sociaux. Notre groupe n'a cessé de se positionner en faveur de la lutte contre la ghettoïsation et pour l'accès au logement des ménages les plus modestes, notamment par la voix de François Pupponi, et nous saluons la disposition d'équilibre qui a été retenue.
En matière de santé, la transformation du conseil de surveillance des ARS en conseil d'administration permettra de renforcer le rôle de ces agences et de conforter le poids des élus en son sein. Nous aurions souhaité aller plus loin sur ce sujet, notamment en prévoyant une autorité fonctionnelle du préfet de région ; c'est ce que proposait notre collègue Philippe Vigier.
Concernant l'outre-mer, enfin, qui constituait un point de vigilance pour notre groupe, en particulier pour nos collègues Justine Benin et Max Mathiasin, nous saluons l'accord trouvé sur le développement de la culture de la résilience face aux catastrophes naturelles.
Le projet de loi qui nous est présenté est un texte de compromis, élaboré dans un esprit constructif et permettant à nos élus locaux d'être plus efficaces au quotidien. Il constitue un pas supplémentaire vers la décentralisation ; il en appelle certes d'autres, mais notre groupe le votera avec enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La CMP réunie le 31 janvier dernier a donc conclu sur un texte qui recouvre des sujets divers et variés et qui conduit à considérer un verre à moitié vide ou à moitié plein, selon ce que l'on souhaite en retenir. S'il règle un certain nombre de problèmes et ouvre quelques pistes, il reste très en deçà de ce que nous aurions pu attendre pour réactiver une démocratie qui s'essouffle, un processus décentralisateur en panne, une différenciation balbutiante et une simplification qui reste un vœu pieux.
On regrettera notamment que dans le titre Ier , la différenciation n'ait pas été approfondie, même si le pouvoir réglementaire accordé aux collectivités pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été reconnues constitue une avancée significative. La CMP a par ailleurs supprimé l'article qui facilitait les délégations de compétences entre l'État et les collectivités, alors qu'il apparaissait comme une avancée majeure ; nous le regrettons.
Faute d'accord, le titre II, relatif à la transition écologique, ne parvient pas à clarifier correctement les compétences des différents niveaux de collectivité ; s'agissant de la compétence eau et assainissement, qui a fait l'objet de bien des débats depuis de nombreux mois – pour ne pas dire de nombreuses années –, chacun admettra que la CMP n'a rien simplifié mais qu'elle a plutôt ajouté des éléments de complications à la compréhension du sujet.
Ah bon ?
Nous saluons toutefois les efforts consentis dans ce titre II sur l'éolien : ils ne visent pas à empêcher son développement mais à permettre aux élus locaux de reprendre la main, dans le cadre d'une modification simplifiée de leur PLU ou de leur PLUI. Le titre II marque aussi la fin d'une histoire entre l'État et ses routes. Il nous restera Charles Trenet et sa « Route nationale 7 » pour nous souvenir de cette histoire…
…qui, pour le coup, ne s'achève pas dans la simplification ; en effet, le texte prévoit une improbable expérimentation de transfert aux régions, mesure dont nous aurions pu nous passer pour satisfaire au titre du projet de loi, qui nous invitait à faire simple et lisible. Sur ce sujet important, nous nous réjouissons que notre demande de concertation entre collectivités ait pu être entendue.
Le titre III, relatif à l'urbanisme et au logement et que l'Assemblée avait enrichi, a quelque peu fait les frais de la CMP, mais nous retiendrons que l'essentiel a été préservé s'agissant de la pérennisation de la loi SRU au-delà de 2025.
Le titre IV, qui a trait à la santé, constitue pour le groupe Socialistes et apparentés une occasion manquée de traiter un sujet devenu une préoccupation majeure des Français, partout sur le territoire national. La possibilité ouverte aux collectivités de financer des établissements de santé n'est pas pour nous rassurer, tant il est vrai que ce sont d'abord les engagements de l'État qui sont attendus en la matière.
Retenons cependant dans ce titre le principe d'une expérimentation visant à lutter contre le non-recours aux prestations sociales ; elle devra se généraliser pour que personne ne soit privé de ses droits. C'est également dans le titre IV qu'a été glissé le transfert des gestionnaires d'établissements scolaires, sans expérimentation. Même si un certain nombre de garde-fous ont été introduits, le sujet aurait mérité qu'une plus large concertation soit menée avec les intéressés et les chefs d'établissement, très majoritairement hostiles à cette mesure.
Enfin, le titre VI conforte la gouvernance du CEREMA ainsi que ses relations avec les collectivités, à l'heure où nombre d'entre elles ont un besoin d'expertise que cet établissement plutôt méconnu, malgré sa taille, pourra désormais leur apporter encore plus efficacement.
Pour terminer, je veux saluer les avancées dues notamment à l'initiative de notre collègue Josette Manin, qui a permis que chaque EPCI des collectivités ultramarines nomme un référent chargé des propriétés en indivision.
Ainsi s'achève un long travail, issu d'un engagement pris à la suite du mouvement des gilets jaunes. À l'évidence, entre les annonces faites il y a trois ans et ce que nous allons voter aujourd'hui, il y a comme un fossé. À défaut d'une grande loi de décentralisation, nous nous contenterons d'ajustements, çà et là, qui permettront aux députés de la majorité de dire que le Gouvernement n'est pas resté inactif sur ce sujet. Pour ce qui nous concerne, nous retiendrons que le verre est à moitié plein ; par conséquent, notre groupe, dans sa très grande majorité, votera le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem.
D'autres l'ont dit avant moi, le projet de loi 3DS trouve ses origines dans le grand débat national lancé en 2019 à la suite de la crise des gilets jaunes. Ce grand débat avait révélé un certain nombre de fractures au sein de notre pays, qui se manifestent aussi au niveau territorial ; le présent texte entend y répondre. À propos de fractures, j'aimerais souhaiter un prompt rétablissement à notre collègue Christophe Euzet, actuellement convalescent. Il s'était beaucoup investi sur ce texte.
Madame la ministre, nous saluons le fait que vous ayez mené une consultation de l'ensemble des territoires, de l'ensemble des représentants et élus de nos territoires. Ce n'était pas une mince affaire ; bravo, donc, d'avoir su réunir les conditions permettant d'aboutir à un texte équilibré. Le projet de loi répond en effet à de nombreuses attentes qui émanent de nos collectivités, à commencer par une volonté d'approfondissement de la décentralisation, et il le fait en s'inspirant du principe de subsidiarité afin de permettre un exercice des compétences au plus près des réalités locales.
Il promeut aussi une ambition nouvelle pour nos territoires : leur faire confiance en leur donnant les moyens de mener une action publique efficace et de garantir la stabilité institutionnelle. Comme le rappelait récemment Jean Castex lors de l'inauguration d'une maison France Services dans la banlieue de Strasbourg, le troisième « D » de la loi 3DS, celui qui désigne la déconcentration, est tout aussi important que les autres : il vise à redonner une lettre de mission claire aux services déconcentrés de l'État.
Nous avons mesuré, lors des premières semaines de la crise sanitaire, à quel point le pilotage des préfets était essentiel au niveau local pour la coordination des moyens, y compris avec les collectivités territoriales.
Je voudrais, au nom du groupe Agir ensemble, souligner quelques points particuliers concernant le texte.
S'agissant de la loi SRU, nous nous félicitons que le projet de loi 3DS prolonge son dispositif et propose une approche qualitative, et pas simplement quantitative, de la mixité sociale. Le contrat de mixité sociale est l'un des éléments qui favorisera le dialogue avec les élus pour aboutir à un résultat de qualité.
En ce qui concerne l'encadrement des loyers, j'avais moi-même défendu des amendements pour aider les collectivités territoriales à mieux exercer leur mission de contrôle. C'est à cette seule condition que les dispositions issues de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) pourront démontrer leur efficacité sur le terrain.
S'agissant de la lutte contre l'artificialisation des sols, source de crispations dans les territoires, les différents amendements qui ont été adoptés sur le sujet nous permettront de donner du temps au temps et d'inscrire progressivement cet objectif dans les documents de planification, les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).
Au sujet des ARS, nous nous félicitons que les collectivités territoriales puissent librement s'engager dans le cofinancement des projets.
Je veux souligner, enfin, le travail de la rapporteure Maina Sage sur l'outre-mer, qu'il s'agisse des risques naturels majeurs, du foncier, de la gestion environnementale, de la police, de l'adaptation de la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et de la lisibilité du droit.
Enfin, j'ai gardé une petite friandise pour la fin – c'est sans doute l'Alsacien qui parle ! – les députés de territoires frontaliers désireux de lever les obstacles aux manifestations sportives dans les zones transfrontalières et d'encourager la coopération hospitalière transfrontalière saluent les amendements adoptés sur ce sujet. Les dispositions du projet de loi 3DS font écho à la proposition de résolution pour une coopération hospitalière transfrontalière effective, présentée par Olivier Becht et l'ensemble des membres du groupe Agir ensemble afin de tirer les enseignements de la crise sanitaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble votera en faveur du projet de loi 3DS. Je ne sais pas, monsieur Schellenberger, ce qu'en retiendra l'histoire, mais méfiez-vous : elle s'écrit parfois à nos dépens !
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
Madame la ministre, lors de la première lecture du projet de loi, j'avais exprimé, au nom du groupe UDI et indépendants, nos regrets au sujet du texte que vous nous proposiez, estimant que nous devions revenir sur les aspérités de la loi NOTRE et de la loi MAPTAM. Vous m'aviez répondu que vous ne souhaitiez pas une énième réforme institutionnelle. Dont acte ! La loi « engagement et proximité » procédait d'ailleurs de la même philosophie. Je constate qu'au terme de la procédure législative, nous sommes passés de 84 articles à près de 247 après une CMP conclusive – je sais, madame la ministre, quels efforts vous avez déployés pour cette issue positive.
Vous étiez hier dans mon département, la Lozère, accompagnée de Joël Giraud, secrétaire d'État chargé de la ruralité, et j'ai retenu de vos propos que le projet de loi contenait diverses mesures pour les territoires et les collectivités territoriales. Il ne s'agit plus, aujourd'hui, de critiquer votre texte, mais d'espérer qu'il sera efficace pour nos territoires.
Permettez-moi, à cet égard, de m'arrêter un moment sur le principe de différenciation, inscrit dans ce projet de loi ordinaire, lequel n'est donc ni un projet de loi organique, ni un projet de loi constitutionnel, comme je l'ai souligné hier devant vous. Il serait nécessaire, selon moi, d'expliciter ce principe juridique afin que nous puissions en appréhender toute la substance. Il est difficile de savoir, en effet, ce que diront le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État lorsque telle ou telle collectivité territoriale voudra l'appliquer. La rédaction du texte est-elle suffisamment précise pour qu'il n'y ait pas, demain, matière à discussion ? Notre collègue Jean-Pierre Cubertafon proposait une autre rédaction. Je crains que le principe de différenciation soit difficile à mettre en pratique. Vous m'avez expliqué hier qu'un principe d'expérimentation existait déjà : j'en prends acte et je souhaite que de nombreuses expérimentations aient lieu. Vous savez toutefois combien notre pays est complexe, et notre État de droit tout autant.
Pendant quelques heures, hier, dans le département de la Lozère, vous avez pu observer la réalité d'une ruralité fragile : 157 communes, 2 000 hameaux habités, une altitude moyenne de 1 000 mètres et 15 habitants au kilomètre carré. Comment voulez-vous que les normes et les lois adoptées au niveau national soient appliquées dans ce département ? Conformément aux principes de différenciation et d'expérimentation, ne pourrait-on pas envisager une adaptation pour ce département hors norme qu'est la Lozère, à l'instar de ce qui existe pour la Corse et les départements et territoires d'outre-mer ? Ne pourrait-on pas considérer de manière spécifique les territoires hyper-ruraux, qui sont une réalité de notre pays et dont parlait feu Alain Bertrand ? L'INSEE a redéfini récemment le concept de ruralité. Aujourd'hui, 88 % des communes et 33 % de la population représentent la ruralité en France. Je le redis, madame la ministre : le millefeuille institutionnel, les régions XXL, le seuil de 5 000 habitants minimum imposé pour la constitution d'une intercommunalité et le flou sur les compétences me laissent fort circonspect.
Je note cependant avec satisfaction que le projet de loi 3DS permet des avancées réelles, que je veux rappeler rapidement : la possibilité pour les communes touristiques de conserver la compétence en matière de tourisme ; le transfert « à la carte » des compétences des communes aux EPCI ; le transfert de la gestion des routes nationales vers les régions et les départements ; la création de zonages pour l'implantation des éoliennes dans le cadre des PLU ; l'assouplissement du régime des PLU ; la présence des élus dans certains organismes locaux ; le renforcement du rôle du préfet – nous en avons beaucoup parlé hier – dans l'attribution de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), au sein de l'OFB et des agences de l'eau ; enfin, l'information préalable des élus lors de toute suppression de services publics locaux.
Compte tenu de ces avancées, comme je vous l'ai dit hier, le groupe UDI et indépendants votera à l'unanimité en faveur du projet de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cela dit, chat échaudé craint l'eau froide, surtout après vingt ans de députation et de mandats locaux. Vous le savez, madame la ministre, la ruralité exige beaucoup d'attention, car ses souffrances sont réelles, qu'il s'agisse des déserts médicaux, de l'attractivité économique, de l'application de la réglementation ou du maintien des services publics. Bien d'autres sujets pourraient être évoqués, comme le loup, le vautour, les centres hospitaliers et les hôpitaux de proximité, la fibre et le service universel qu'Orange ne respecte plus depuis environ quatre ans. Hier, en Lozère, nous vous avons parlé de beaucoup de choses et nous avons évoqué de nombreux projets. Vous avez sans doute constaté la volonté d'agir des élus locaux. Souhaitons que ce projet de loi apporte un peu d'espoir à nos élus et à nos territoires !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM, Dem et LT.
À l'heure où le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale nous est soumis pour un dernier vote, à la suite de l'accord obtenu en commission mixte paritaire, le groupe Libertés et territoires ne peut cacher sa déception devant ce rendez-vous manqué. À n'en pas douter, notre pays va rester très centralisé. Finalement, la montagne – au vu du nombre d'articles – aura accouché d'une souris ! Car ce projet de loi est, en réalité, source de peu de changements.
Le texte ne comprend pas de transferts majeurs de compétences, ni de mesures fortes en matière de décentralisation. Les rares transferts de compétences prévus concernent les missions dont l'État veut se débarrasser, les plus coûteuses – la gestion des petites lignes de chemin de fer, dont certaines n'ont pas été entretenues depuis des dizaines d'années, ou la propriété de ce qui reste de certaines routes nationales, ou encore la faculté, désormais reconnue aux collectivités, d'investir dans les hôpitaux.
Évidemment, ces transferts de compétences ne s'accompagneront pas des transferts de ressources adéquats. C'est pour le moins inquiétant lorsqu'on sait que de nombreux hôpitaux doivent être reconstruits. Comment allons-nous y arriver ? Je pense tout particulièrement à l'hôpital de Redon : l'assurance maladie nous propose de participer à hauteur de 22 % au financement de la reconstruction du bâtiment et nous devons trouver le reste par nos propres moyens ! Dans ces conditions, tout le monde ira frapper à la porte des collectivités locales – les EPCI, le pays, le département, la région –, ce qui finira, au bout du compte, par nuire à la sécurité sociale elle-même. L'application du projet de loi se traduira, je le crains, par de nouvelles difficultés pour les territoires ruraux, car ce sont eux qui ont le moins d'argent.
Le projet de loi 3DS est en réalité un texte d'ajustement en matière d'action publique à l'échelon local. Quelle déception ! Après les deux crises majeures que nous avons connues durant le quinquennat – le mouvement des gilets jaunes et la pandémie de covid-19 –, tout le monde s'accordait à dire que la lourdeur de l'administration, la concentration des pouvoirs et le manque d'adaptation au niveau local constituaient un frein réel pour l'action publique. En avril 2019, lors du grand débat national organisé à la suite du mouvement des gilets jaunes, le Président de la République lui-même avait appelé de ses v?ux « un nouvel acte de décentralisation » afin de « changer le mode d'organisation de la République ». Cette démarche devait, selon lui, « porter sur des politiques de la vie quotidienne, le logement, le transport, la transition écologique, pour garantir des décisions prises au plus près du terrain. » Il ajoutait « qu'une vraie République décentralisée, ce sont des compétences claires que l'on transfère totalement en supprimant les doublons, on transfère clairement les financements et on transfère la responsabilité démocratique qui va avec. » Le groupe Libertés et territoires approuvait évidemment de tels propos.
Malheureusement, ce texte d'une portée on ne peut plus limitée va maintenir la France dans la catégorie des dinosaures institutionnels, dotés d'un centralisme exacerbé, nullement remis en question. Ce projet de loi sur lequel la majorité s'autocongratule ne contient que de simples ajustements. Nous sommes loin des promesses du Président de la République lors du grand débat national !
Brouhaha.
Comment croire sérieusement que ce que lui demandaient les Français dans ce grand débat était de légiférer sur l'alignement des arbres, sur les compétences des chambres régionales et territoriales des comptes ou sur le régime de la publicité foncière ? En vérité, le Gouvernement préfère laisser le pouvoir à la haute administration plutôt que de le donner aux élus locaux. Les corps préfectoraux sont les grands gagnants de cette évolution législative. Le texte prévoit ainsi de renforcer le rôle du préfet de département dans l'attribution de la DSIL et dans la gouvernance de l'OFB. De même, le préfet de région devient le maître de l'ADEME.
Vous savez pourtant comme moi, madame la ministre, que la déconcentration ne signifie pas forcément la décentralisation. Comme l'indiquait fort justement Odilon Barrot en son temps, à propos de la déconcentration : « C'est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche. » Je ne suis absolument pas convaincu que le renforcement des pouvoirs du préfet entraînera une plus grande efficacité et une meilleure lisibilité de l'action de l'État pour nos concitoyens.
Brouhaha persistant.
Notre groupe avait présenté de nombreux amendements, dont un grand nombre ont été jugés irrecevables…
Chers collègues, je vous invite à faire preuve de respect à l'égard de l'orateur…
…et à poursuivre vos discussions privées en dehors de l'hémicycle – ou tout au moins à parler moins fort – afin de ne pas gêner ceux d'entre nous qui écoutent. Vous pouvez poursuivre, monsieur Molac !
Je vous remercie, monsieur le président !
Nous devrons donc nous contenter d'un texte procédant à de simples ajustements. Si nous regrettons la suppression par la CMP de l'article relatif à l'expérimentation législative en Corse, nous nous félicitons du maintien de plusieurs autres mesures relatives à ce territoire, comme celle qui concerne la composition de la chambre des territoires. De même, la possibilité ouverte aux EPCI à fiscalité propre de déléguer leurs compétences aux départements et aux régions est une mesure bienvenue. Enfin, nous nous félicitons du maintien de la disposition, proposée par notre groupe, visant à interdire aux communes carencées de vendre leurs logements sociaux.
Voter contre ces mesures de bon sens serait bien entendu malvenu, mais voter en leur faveur irait à l'encontre de la raison d'être de notre groupe, qui est de défendre une décentralisation et une autonomie beaucoup plus poussées et conformes au principe de subsidiarité et, au fond, au modèle européen. C'est la raison pour laquelle la majorité des députés du groupe Libertés et territoires s'abstiendront.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
Je vous informe tout d'abord, chers collègues, que sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons maintenant aux amendements.
Les amendements n° 15 , 6 , 7 , 8 , 9 , 10 , 3 , 4 , 5 , 11 , 2 , 12 , 13 , 16 , 17 , 18 , 19 , 21 , 22 , 14 et 20 du Gouvernement sont des amendements de précision, de coordination ou rédactionnels.
La parole est à Mme la ministre.
Il s'agit d'amendements purement techniques, qui visent à corriger des problèmes rédactionnels ou de coordination.
Ils prennent notamment en compte la création du code général de la fonction publique, qui entrera en vigueur le 1er mars 2022 et auquel il est nécessaire de faire référence dans le projet de loi.
Tous ont été rédigés en lien avec les rapporteurs des deux chambres ; autrement dit, nous nous sommes mis d'accord avec le Sénat sur chacun d'entre eux.
Je ne m'arrête que sur le premier, l'amendement n° 15 , qui est un peu particulier : il a trait à la procédure de libre composition des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), prévues à l'article 3. Dans la rédaction actuelle, il manque la date butoir à laquelle l'absence d'accord serait constatée. Cet amendement prévoit en conséquence que l'accord devrait intervenir « au plus tard six mois avant le renouvellement général des conseils municipaux. » La CTAP pourra ainsi, après le scrutin municipal, être constituée dans les délais de droit commun.
Quel est l'avis de la commission sur ces vingt et un amendements rédactionnels, de précision ou de coordination du Gouvernement ?
Avec ma collègue Élodie Jacquier-Laforge, nous émettons un avis favorable à tous ces amendements qui ne sont que d'ordre légistique.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 184
Nombre de suffrages exprimés 172
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 154
Contre 18
L'ensemble du projet de loi est adopté.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi relative à l'adoption (texte adopté n° 754).
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Permettez-moi avant toute chose de partager avec vous une pensée pour Georges Labazée, ancien vice-président du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), qui nous a quittés il y a quelques jours. Tout au long de sa carrière politique, que ce soit dans les Pyrénées-Atlantiques ou en tant que parlementaire, il s'est beaucoup investi dans la protection de l'enfance et l'adoption. C'est une triste nouvelle et nous avons une pensée pour ses proches.
Je me réjouis néanmoins d'être devant vous car, plus d'un an et demi après son dépôt par son auteure et rapporteure, Monique Limon, que je salue, la proposition de loi visant à réformer l'adoption, soutenue depuis l'origine par le Gouvernement, arrive à son terme.
Je m'en réjouis car elle était le fruit, dès le départ, d'un travail sérieux mené par Monique Limon et sa collègue la sénatrice Corinne Imbert, que j'avais toutes les deux chargées très tôt d'une mission de réflexion large sur cette thématique.
Je m'en réjouis car le débat parlementaire, ici et au Sénat, a permis d'enrichir ce texte, de le compléter, de le préciser. Il a permis aux divers points de vue de se confronter, aux convictions de s'exprimer et aux constats et idées d'être partagés librement dans un débat de qualité dont je remercie l'ensemble des participants.
Et je m'en réjouis enfin et surtout car ce texte riche, complet et précis aura un impact direct et bénéfique sur le quotidien et le développement de milliers d'enfants dans notre pays : ceux qui, malgré les améliorations successives de notre système d'adoption, sont encore trop nombreux à ne pas bénéficier d'un projet de vie pleinement sécurisant, à même de répondre à leurs besoins et à leurs attentes. Grâce à ce texte, ce sera désormais le cas.
Cette loi permettra d'abord à davantage d'enfants d'être adoptés. C'est sa grande force que d'augmenter les chances de donner une famille à chaque enfant qui n'en aurait pas ou dont la famille ne serait plus en mesure de s'occuper de lui.
Aux enfants qui en étaient jusqu'alors privés, elle ouvrira ainsi l'adoption plénière au-delà de 15 ans dans différents cas : par leurs beaux-parents ; lorsqu'ils sont pupilles de l'État ; lorsqu'ils ont été déclarés judiciairement délaissés et sont donc dans des parcours de fragilité qui n'étaient pas suffisamment pris en compte.
Je souligne également la force de l'article 8, qui permet au tribunal de prononcer l'adoption d'un mineur âgé de plus de 13 ans ou d'un majeur protégé hors d'état d'y consentir personnellement, après avoir recueilli l'avis d'un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. C'est une mesure juste, claire, sécurisante.
En plus d'ouvrir de nouvelles perspectives, le texte garantit une plus grande sécurité affective et physique aux enfants – c'est sa ligne directrice – grâce à des règles claires. Celles-ci lèvent l'ambiguïté sur plusieurs points : la prohibition de l'adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, afin d'éviter le brouillage des lignes générationnelles ; le consentement des parents biologiques qui nous a valu des débats utiles sur l'article 13 du texte.
La nouvelle rédaction, à laquelle nous avons abouti avec toujours à l'esprit l'unique intérêt des enfants, permettra de garantir aux enfants des parcours sécurisants tant du point de vue affectif que juridique.
Je pense également à l'encadrement de l'activité des organismes autorisés pour l'adoption (OAA), sujet qui aura suscité de nombreux débats ici et ailleurs. Je le redis une dernière fois : la grande majorité des OAA mène un travail sérieux, salué par les acteurs du secteur. La loi pérennisera ce travail sur le plan national, par le biais de l'accompagnement que les OAA proposent aux départements, comme sur le plan international en matière d'intermédiation des adoptions, avec une double habilitation par les conseils départementaux et par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Il existe en France un système, celui de l'aide sociale à l'enfance (ASE), dont l'existence même signale la préoccupation collective d'assurer une intervention, un regard, une garantie de la puissance publique sur la sécurité des enfants.
Puisque le statut de pupille de l'État est en la matière le plus protecteur et que la sécurité de ces enfants est notre priorité absolue, la loi permettra de mieux contrôler les activités des OAA, en interdisant le recueil direct d'enfants en France, et donc en appliquant à ces activités les réglementations suffisantes pour garantir le bien-être des enfants.
Parce que la sécurité tant affective que matérielle et physique des enfants passe par un meilleur accompagnement, une meilleure préparation des parents adoptants, je suis heureux de constater que le texte contient des avancées puissantes en la matière. Les futurs adoptants bénéficieront d'un soutien étoffé et renforcé, garantissant que l'arrivée des enfants dans ces nouveaux foyers se fasse dans les meilleures conditions possibles.
Il y avait eu l'allongement du congé d'adoption à seize semaines, dans le cadre de la prise en compte des parcours spécifiques, pilier essentiel de la politique des 1 000 premiers jours de l'enfant. Il y aura désormais les précisions apportées en ce qui concerne le placement en vue de l'adoption, le renforcement des réunions d'information pendant la durée de validité de l'agrément, ou encore la préparation psychologique, éducative, médicale et juridique aux enjeux de l'adoption.
En matière de stabilité et de sécurité affective des enfants, je n'oublie pas l'importance de la solution que ce texte apporte aux difficultés rencontrées par certaines femmes ayant eu recours, depuis l'entrée en vigueur de la loi de bioéthique, à l'assistance médicale à la procréation à l'étranger. Grâce au mécanisme de reconnaissance judiciaire de la filiation retenu par votre assemblée, pour lequel je remercie les députés mobilisés, les enfants concernés pourront à l'avenir compter sur les deux parents reconnus comme tels par la loi.
Ce texte contribue à ancrer fermement et définitivement l'adoption dans la protection de l'enfance. Ce n'est pas anodin. Ce n'est pas une formule. Cela veut dire que les mesures de cette proposition de loi viennent directement et utilement compléter celles de la loi sur la protection des enfants, que vous avez adoptée récemment et qui a été publiée hier. Ces deux initiatives montrent que le Gouvernement et le Parlement ont avancé ensemble dans la voie d'une meilleure prise en compte des besoins des enfants qui, pour une raison ou une autre, peuvent avoir besoin d'une protection renforcée.
Cela veut dire aussi que l'effort nécessaire de désinstitutionnalisation de la protection de l'enfance se poursuit, que nous faisons toujours plus pour garantir que les enfants ne resteront pas durant des années et des années dans des structures qui ne leur conviennent pas, car cela n'est pas dans leur intérêt.
Ce texte contribue aussi à ancrer l'adoption dans une modernité qui donne davantage leur place aux modèles familiaux qui font la richesse de notre société. Je suis heureux d'y retrouver des dispositions fortes, comme l'ouverture de l'adoption aux couples non mariés, cohérente avec l'évolution de la société, ou encore le renforcement de la diversité des conseils de famille, qui permettra de réaffirmer certains principes déontologiques et éthiques, et donc de garantir une meilleure prise en compte de la spécificité des multiples modèles familiaux.
Alors, au nom de ces parents et surtout de ces enfants, je vous remercie les uns et les autres.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Tout d'abord je m'associe à l'hommage rendu par le secrétaire d'État à Georges Labazée, vice-président du CNPE, que j'avais bien sûr auditionné sur la question de l'adoption.
Nous voici arrivés au terme d'un long processus législatif puisque notre assemblée a été saisie en première lecture de ce texte il y a plus d'un an et demi. C'est dire si nous avons pris le temps de la réflexion et de l'écoute des différentes parties prenantes.
Le texte dont nous sommes saisis prévoit une réforme importante qui profitera aux enfants. D'ailleurs, deux principes m'ont guidée tout au long de ce processus : l'intérêt de l'enfant ainsi que la volonté de donner une famille à un enfant, et non l'inverse.
Je propose de revenir sur les principaux apports du texte. D'abord, il ouvre à des enfants, qui en étaient jusqu'alors privés, la chance de pouvoir être adoptés si cela constitue leur projet de vie. Il ancre l'adoption dans le cadre de la protection de l'enfance.
L'article 1er vise à revaloriser l'adoption simple par rapport à l'adoption plénière. Il prévoit qu'elle confère à l'adopté une filiation qui s'ajoute à sa filiation d'origine. Il rendra possible, j'en suis sûre, l'adoption de bon nombre d'enfants.
L'article 4 permettra aux enfants de plus de 15 ans de bénéficier d'une adoption plénière, laquelle peut s'avérer tout à fait pertinente, même à cet âge. Elle sera donc ouverte aux pupilles de l'État, aux enfants déclarés judiciairement délaissés et dans le cadre de l'adoption par les beaux-parents.
Cette proposition de loi répond aussi à un souci d'égalité et d'adaptation aux évolutions de la société. L'article 2, mesure emblématique, ouvre l'adoption aux couples non mariés. La limitation qui prévalait jusqu'alors, en plus d'être inégalitaire et dans un déni total de l'évolution de la société, était aussi illogique en raison du contournement possible par la voie de l'adoption individuelle. En conséquence, nous avons intégré les couples, dans toute leur pluralité, à l'article 10 bis qui définit l'adoption internationale. Nous pouvons être fiers de ces mesures en faveur d'une plus grande égalité entre les citoyens.
Ce texte répond aussi à l'exigence de respect de la parole donnée. Je veux parler de la promesse, faite par plusieurs ministres au banc de cet hémicycle, de trouver une solution pour qu'un enfant né d'une PMA, une procréation médicalement assistée, réalisée à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi bioéthique, et dont les deux mères se séparent, puisse voir sa filiation établie à l'égard de la femme qui n'a pas porté l'enfant, la mère d'intention.
L'article 9 bis permettra à cette femme d'adopter l'enfant lorsque la femme qui a accouché s'oppose, sans motif légitime, à la reconnaissance conjointe rétroactive de l'enfant. C'est important parce que nous offrons une solution sécurisante pour des enfants qui ne doivent pas souffrir d'une situation qu'ils n'ont pas choisie.
Je n'ai eu de cesse de le répéter : l'enfant est au cœur de nos préoccupations. Aussi certaines dispositions favorisent-elles une meilleure prise en considération de la parole de l'enfant.
L'article 9 impose par exemple le recueil du consentement de l'enfant de plus de 13 ans à l'adjonction du nom de l'adoptant simple à son nom ou, dans le cas d'une adoption plénière, au changement de son prénom. Je suis persuadée qu'il ne faut pas craindre cette parole mais au contraire l'accueillir pour favoriser le déroulement d'une adoption dans les meilleures conditions possibles.
Cela me conduit à évoquer la question du recueil du consentement des parents, qui a suscité quelques crispations dans notre assemblée en nouvelle lecture. Or je juge important de rappeler la nécessité du consentement exprès et éclairé des parents à l'admission de leur enfant dans le statut de pupille de l'État et à ses conséquences. Le consentement devra pleinement porter sur la possibilité de l'adoption de l'enfant une fois celui-ci confié à l'aide sociale à l'enfance.
Nous avons aussi renforcé les garanties en matière d'adoption internationale, tout d'abord en interdisant l'adoption internationale individuelle – il ne sera plus possible d'adopter à l'étranger sans bénéficier d'un accompagnement par un OAA ou par l'Agence française de l'adoption –, ensuite en réformant le rôle ainsi que la procédure de contrôle des OAA.
Il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause l'expertise de ces organismes et le travail qu'ils mènent sur le terrain – bien au contraire. D'ailleurs, nous préservons leurs compétences en matière d'accompagnement des enfants à besoins spécifiques. En revanche, nous mettons fin au recueil d'enfants en France. Nous considérons que le statut de pupille de l'État est plus protecteur. En effet, en cas de non-adoption, l'aide sociale à l'enfance garantit à l'enfant une protection juridique durable. Seul l'État peut offrir un tel cadre.
Enfin, plusieurs dispositions visent à améliorer le déroulement de la procédure d'adoption. Nous renforçons les volets formation et préparation des candidats à l'adoption. En effet, nous savons que l'adoption est un processus long et que cette situation est parfois douloureuse à vivre. C'est pourquoi il est nécessaire que les futurs parents adoptifs soient préparés le mieux possible à ce qui les attend et qu'ils soient conscients des réalités de l'adoption. Ce volet formation s'applique également aux membres des conseils de famille, dont la composition est d'ailleurs modifiée pour une meilleure objectivité des apparentements réalisés.
Je suis particulièrement fière de défendre une réforme qui nous permet d'accomplir des progrès significatifs. Nous devons ces avancées importantes en premier lieu aux enfants mais aussi aux familles et aux professionnels qui les accompagnent. Elles vont toutes, sans exception, dans le sens de l'intérêt de l'enfant qui est, et a été, ma seule ligne de conduite. C'est pour cette raison que je vous invite à voter définitivement cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et GDR.
Je vous rappelle que, pour les textes examinés en lecture définitive, les interventions des orateurs dans la discussion générale valent explications de vote.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Cette proposition de loi visant à réformer l'adoption suscite des espoirs et répond à des attentes. Quelques années après l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 2016, le régime juridique relatif à l'adoption connaît encore des lacunes auxquelles la proposition de loi, dont nous discutons pour la dernière fois, à la suite de la CMP, entend remédier.
Je ferai plusieurs observations. Tout d'abord, ce texte vise à apporter des solutions juridiques et donc pratiques à un certain nombre de situations et à répondre à une situation anormale à bien des égards.
En effet, une tendance à la diminution des agréments est observée depuis 2007 même si celle-ci a ralenti en 2019, passant de 11 % l'année précédente à 4,5 %. Fin 2019, 10 200 agréments étaient en cours de validité. Cette même année, 3 220 enfants avaient le statut de pupille de l'État, un chiffre en augmentation de plus de 6 % par rapport à 2018. Cette hausse s'inscrit dans une tendance longue et croissante puisque le nombre de pupilles a augmenté de 44 % depuis 2008. Parallèlement, en 2019, seuls 690 pupilles de l'État auraient quitté le statut à la suite d'un jugement d'adoption au cours de l'année, un chiffre en baisse de 5 % par rapport à l'année précédente et qui est en diminution depuis 2016.
Face à cette situation, le texte discuté comporte de réelles avancées. Deux principes fondamentaux le guident : d'une part l'intérêt de l'enfant, d'autre part la volonté de donner une famille à un enfant.
Le titre I de cette proposition de loi entend à la fois valoriser davantage l'adoption simple et déconnecter l'adoption du statut matrimonial de l'adoptant pour autoriser l'adoption en cas de pacs ou de concubinage. Il met fin, entre autres, à une différence de traitement entre couples hétérosexuels et homosexuels mariés et entre couples hétérosexuels et homosexuels non mariés.
Néanmoins, il continue de susciter des commentaires ou interrogations sur quelques points, à la suite de la commission mixte paritaire qui n'a pas été conclusive. Je pense aux articles 9 bis , 11 bis , 11 sexies et 13.
L'article 9 bis , conférant des droits à la femme n'ayant pas accouché, à l'issue d'une PMA réalisée à l'étranger, est rétabli dans sa version initialement adoptée par l'Assemblée nationale. Nous nous en félicitons.
L'article 11 bis redéfinit le régime de l'adoption sur le plan international. Il prévoit l'adaptation des dispositions relatives aux organismes autorisés pour l'adoption, notamment – c'est le point important – une nouvelle définition de la mission d'intermédiation pour l'adoption centrée sur l'adoption internationale.
À la suite de la suppression de cet article par le Sénat, nous avions reçu des lettres d'alerte, comme nous l'avions expliqué dans cet hémicycle. Il nous faut donc retenir une version du texte qui préserve une expérience humaine d'accompagnement des familles adoptantes tenant compte des besoins tant des enfants que des futurs parents.
L'article 11 sexies habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances en matière d'adoption en tirant les conséquences de la présente loi sur l'adoption simple, l'objectif étant d'harmoniser ces dispositions en vue d'une meilleure cohérence. Cette large délégation porte sur des sujets importants et sensibles sur lesquels le Parlement, nous semble-t-il, devrait pouvoir légiférer directement.
S'agissant de l'article 13, l'association ATD Quart Monde avait fait remarquer que les raisons pour lesquelles un enfant devient pupille de l'État sont multiples. Cette qualité maintient en tout état de cause la filiation. Si, comme le promeut le texte dans sa version discutée, le consentement initial des parents au statut de pupille vaut accord ou consentement à une possible adoption plus tard, le même article supprimant ainsi la filiation, la situation devient problématique. Il aurait fallu, nous semble-t-il, garantir une rédaction claire et sans ambiguïté.
Le groupe Socialistes et apparentés avait déposé un amendement précisant que tout projet d'adoption nécessite la recherche préalable du consentement spécifique des parents.
Enfin, les garanties prévues concernant le consentement des parents à l'adoption de leurs enfants restent parfois insuffisantes.
Cependant, les dispositions importantes qui permettent d'améliorer la situation vécue aujourd'hui par les familles et par les enfants nous conduisent à soutenir ce texte. Nous soulignons néanmoins qu'une prochaine étape est nécessaire pour aller plus loin et répondre aux difficultés qui ont été soulevées dans cet hémicycle.
« Il n'y a pas un modèle unique qui représenterait la vraie famille. Les familles sont de plus en plus diverses. Il faut pouvoir les reconnaître et permettre à chacun de vivre sa vie de couple et ses responsabilités parentales »
C'étaient les mots d'Emmanuel Macron qui, en 2017, avant son élection, souhaitait « conduire un travail de pacification de la société et de lutte pour l'égalité des droits en application et en actes ».
La promesse est tenue. Nous nous sommes battus pour faire aboutir les engagements du Président de la République jusqu'au bout du quinquennat, jusqu'à cette séance qui n'aurait peut-être pas eu lieu si la CMP avait été conclusive – nous sommes plusieurs, je crois, à le regretter, mais ce choix est notamment celui de nos amis sénateurs.
Les familles sont de plus en plus diverses, c'est notre réalité sociale. « Toutes ces configurations familiales ont droit à une égale considération, toutes ont la même mission : les soins et l'éducation de l'enfant, le guidage et l'accompagnement du jeune dans son apprentissage progressif de l'autonomie. La filiation est toujours un engagement, un statut que l'on endosse en se déclarant parent d'un enfant au regard du droit et en assumant les responsabilités [immenses] qu'implique ce statut. Elle peut être fondée non seulement sur la procréation, ce qui est le cas le plus fréquent, mais aussi sur l'adoption et [comme nous avons pu en débattre précédemment dans cet hémicycle] sur l'engendrement avec un tiers donneur. Ces trois façons de devenir parents doivent être reconnues à égalité de droit et de dignité. »
C'étaient encore les mots d'Emmanuel Macron, en 2017.
Le Président de la République tient chacun de ses engagements.
Toutes ces lois n'enlèvent rien au couple père-mère, elles enrichissent les vies familiales telles que nous les connaissons en France.
Avec cette proposition de loi relative à l'adoption, que nous examinons en lecture définitive, les possibilités d'adoption pour tous les enfants en attente d'un foyer seront plus nombreuses – encore une promesse tenue.
Si cette promesse a été tenue, si ce travail a été accompli, c'est grâce à l'engagement total de Mme la rapporteure Monique Limon, que je remercie. L'engagement de notre secrétaire d'État, Adrien Taquet – à qui on doit parallèlement le projet de loi relatif à la protection des enfants – a également été sans faille, je le remercie également.
Ce projet de loi sur l'adoption a aussi, et surtout, pu se construire grâce aux associations, aux familles, aux services de l'État, aux services départementaux et aux professionnels qui n'ont cessé d'alimenter la réflexion et de discuter avec nous. Merci à eux.
Enfin, cette promesse sera tenue par la majorité présidentielle – et, peut-être, par des députés d'autres groupes politiques, qui feront preuve de courage et voteront selon leur intime conviction.
Parce que s'il y a ceux qui reconnaissent toutes les familles et tous les possibles qui peuvent s'offrir à un enfant, il en est d'autres qui préfèrent se cantonner à l'exclusivité d'un modèle unique.
Comme le Président de la République, nous tenons à ce que tous les enfants aient droit à une vie familiale et à ce que toutes les familles soient reconnues dans leur égale dignité. Le groupe La République en marche votera donc évidemment en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous examinons en lecture définitive la proposition de loi visant à réformer l'adoption, qui fait suite au rapport « Vers une éthique de l'adoption : donner une famille à l'enfant » coécrit par la rapporteure Monique Limon et la sénatrice Corinne Imbert en octobre 2019. Le texte avait initialement pour objectif de refonder le modèle de l'adoption afin de définir le projet de vie le plus adéquat pour chaque enfant, et de réformer son régime juridique pour prendre en considération l'évolution des pratiques et les zones grises qui fragilisent le processus actuel.
Nous connaissons, madame la rapporteure, votre investissement sur cette question sensible, qui touche au plus profond des êtres. Nous savons combien les parcours d'adoption sont longs et semés d'attentes et d'espoirs, mais aussi de déceptions et de souffrances. Notre collègue Xavier Breton a eu l'occasion de le souligner au cours des précédentes lectures : nous regrettons que vous ayez décidé d'engager la procédure accélérée sur un texte de cette importance et de nous priver délibérément de l'avis du Conseil d'État ainsi que d'une étude d'impact en le présentant sous la forme d'une proposition de loi. Ces documents auraient pourtant été précieux pour éclairer nos travaux.
Au bout du compte, le texte qui nous est présenté nous laisse, à tout le moins, un goût d'inachevé. Le Sénat avait procédé à des modifications substantielles afin de le rendre plus pertinent sur le plan juridique et plus conforme au but qui doit nous animer, à savoir sécuriser la situation de l'enfant. Nous ne pouvons passer sous silence les préoccupations exprimées par plusieurs associations ou fédérations très engagées dans le domaine de l'adoption, qui s'inquiètent des conséquences de certains articles tels qu'ils sont actuellement rédigés.
À l'article 2, vous avez, par le biais d'un amendement adopté en première lecture en commission des lois, abaissé l'âge minimal des futurs adoptants de 28 à 26 ans et réduit la durée minimale de communauté de vie entre les adoptants d'un couple de deux à un an. Privés de l'avis du Conseil d'État, nous ne disposons d'aucune étude ni d'aucune statistique sur le profil des candidats à l'adoption ni sur leur âge moyen lors de la demande de l'agrément, lors de son obtention, ou au moment de l'arrivée de l'enfant.
S'agissant de l'article 9 bis , ajouté en première lecture à l'Assemblée nationale, nous devrions écouter avec attention le Conseil national de la protection de l'enfance, qui a émis un avis défavorable, estimant que « cette disposition revient à permettre, à l'issue d'une PMA, à l'ancienne compagne de la mère de naissance, mère légale de l'enfant, l'adoption de cet enfant, quelle que soit leur durée de vie commune et même si l'enfant n'a pas vécu avec cette femme. Cette disposition poursuit un autre but que l'intérêt supérieur de l'enfant…
…en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaître un droit sur l'enfant. »
Venons-en maintenant aux dispositions prévoyant d'exclure les OAA des procédures d'adoption nationale : l'article 11 bis vise à leur interdire de recueillir des enfants sur le territoire national. Ces organismes, qui doivent être agréés, jouent en quelque sorte le rôle d'intermédiaire entre les enfants adoptables et les familles : ils représentent une option alternative aux services sociaux et aux services publics. Dès lors que cette solution existe, il semble normal de la laisser à la disposition des familles. Elle est en effet parfois privilégiée par des femmes qui, ayant vécu une expérience douloureuse avec l'ASE, ne souhaitent pas qu'elle se renouvelle. Il importe également de souligner que seuls les OAA sont capables de recruter, de former et d'accompagner des familles volontaires pour adopter des enfants handicapés. Ces derniers restent trop souvent dans des structures qui ne sont pas faites pour eux et sont incapables de les prendre en charge correctement.
Nous ne pouvons donc pas priver ces organismes de cette possibilité d'action, d'autant que le taux d'adoptions réussies dans ce cadre est impressionnant. Lors des derniers débats qui se sont tenus au Sénat, vous avez vous-même confirmé, monsieur le secrétaire d'État, que tous les enfants confiés à un OAA en vue d'une adoption étaient adoptés rapidement.
Non !
L'article 13, quant à lui, vise à priver les parents de naissance de leur droit à consentir ou non à l'adoption de leur enfant, battant en brèche un droit fondamental. Lors des auditions qui ont eu lieu au Sénat, l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et la fédération d'associations Enfance et familles d'adoption (EFA) ont estimé que cette mesure, qui signe le retour au procès-verbal d'abandon, constitue une grave régression.
Dans une tribune, plusieurs associations se sont inquiétées de cette disposition.
Murmures.
Je songe à ATD Quart Monde, à La Voix des adoptés, à la Fédération française des organismes autorisés pour l'adoption (FFOAA), ou encore au Mouvement pour l'adoption sans frontières (MASF). Je rappelle enfin l'avertissement formulé par la magistrate honoraire Marie-Christine Le Boursicot, déjà citée lors de l'examen du texte en nouvelle lecture : attention à ce que cette absence de consentement ne conduise pas à ce que l'adoption puisse être contestée à tout moment, y compris des années plus tard, ce qui plongerait l'enfant au cœur de conflits douloureux.
Je n'ai pas donné la position de mon groupe, monsieur le président !
Sans le maintien des avancées notables du Sénat, qui contribuaient à un juste équilibre du texte, vous comprendrez que les élus du groupe Les Républicains ne pourront voter en faveur de cette proposition de loi.
Sauf M. Minot !
Heureusement qu'on n'est pas viré quand on vote contre l'avis du groupe !
Sourires.
Les choses ont bien changé…
Depuis cinq ans, notre majorité défend sur les questions de société un projet d'ouverture et de progrès, afin de permettre à notre droit d'accompagner l'évolution des modèles familiaux. C'est ce que nous avions fait en ouvrant l'accès à la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. L'adoption de votre texte, madame la rapporteure, permettra de parachever cette réforme. Chacun ici connaît la qualité de votre travail et votre engagement sans faille sur cette question.
L'achèvement de ce processus législatif montre aussi, à mon sens, l'ampleur que peuvent avoir les textes d'initiative parlementaire. Cela a été rappelé : c'est le rapport que vous avez rédigé avec la sénatrice Corinne Imbert qui a donné lieu à la présente proposition de loi. Le Conseil d'État n'a certes pas rendu d'avis sur le texte, mais il me semble, précisément, que le Parlement peut lui aussi s'engager dans une démarche d'évaluation. Je crois aussi que nous ne devons pas nous censurer : faisons preuve d'audace dans les textes que nous présentons !
Je remercie donc une nouvelle fois la rapporteure pour son travail, qui permettra de faciliter et de sécuriser l'adoption, dans l'intérêt exclusif de l'enfant. La présente proposition de loi renforcera le statut de pupille de l'État, tout en améliorant le fonctionnement des conseils de famille. Elle prend aussi en considération l'évolution de la société, notamment des familles, dont la forme change, tout en renforçant ce qui nous tient tous à cœur, à savoir la protection des enfants. Elle vise à résoudre nombre de difficultés liées au régime de l'adoption tel qu'il a été modifié par la loi du 14 mars 2016, en partant du constat selon lequel trop de mineurs protégés restent placés en établissement ou en famille d'accueil, sans qu'une solution durable et plus stable ne leur soit proposée. Avec un recul de quelques années, nous ne pouvons que partager les conclusions de Pascale Salvage-Gerest, professeure honoraire de l'université de Grenoble, qui soulignait que l'état de l'institution de l'adoption est devenu alarmant.
Il permettra d'abord, cela a été rappelé, la reconnaissance rétroactive de filiation tardive dans le cadre d'une PMA réalisée par un couple de femmes en l'absence de reconnaissance conjointe : il s'agit de permettre, pour une durée déterminée, à la mère d'intention d'adopter l'enfant né d'un projet parental, malgré la séparation du couple et le refus de la femme qui a accouché de recourir à une reconnaissance conjointe. Dans la continuité de la loi de bioéthique, notre groupe a soutenu le rétablissement de cette mesure, qui vise à sécuriser la filiation de l'enfant.
Vous le savez, si les chiffres de l'adoption manquent de précision, ils sont néanmoins explicites : 12 000 enfants en moyenne sont adoptés chaque année en France. En 2018, les juges ont statué sur près de 10 000 requêtes. Environ 3 000 enfants bénéficient du statut de pupille de l'État. Parmi eux, à peine 1 000 sont confiés à une famille en vue de leur adoption, tandis que les 2 000 autres vivent dans des familles d'accueil – pour les trois quarts d'entre eux – ou dans des établissements. La majorité des enfants qui ne sont pas confiés à une famille en vue d'être adoptés présentent d'ailleurs des besoins spécifiques.
Bien entendu, nous regrettons que, sur une question aussi importante, qui suscite autant d'attentes, aucun accord n'ait pu être trouvé avec les sénateurs. Il n'en reste pas moins que le texte s'inscrit pleinement dans le projet sociétal défendu par les élus du groupe Démocrates.
Nous avons également soutenu le rétablissement de la version de l'Assemblée sur plusieurs points : l'abaissement de l'âge minimal des futurs adoptants de 28 à 26 ans et, dans le cas de l'adoption par un couple, le raccourcissement de la durée minimale de communauté de vie de deux à un an ; la suppression de l'écart d'âge maximal entre adoptant et adopté ; le consentement exprès des parents à l'admission de leur enfant en qualité de pupille de l'État ; le recueil du consentement de l'enfant âgé de plus de 13 ans en cas de changement de prénom ; les dérogations pour l'adoption plénière des enfants de plus de 15 ans. Nous y voyons d'indéniables avancées pour les enfants, attendues non seulement par ces derniers, mais aussi par les associations et par les familles.
C'est pourquoi, un an après le début de la navette parlementaire, à l'issue d'un long travail et faute d'accord avec le Sénat, le groupe Démocrates votera pour le texte que nous avons adopté en nouvelle lecture voilà quelques semaines. Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui a été la boussole de la rapporteure, du secrétaire d'État, mais aussi, je n'en doute pas, de l'ensemble des députés ici présents, nous estimons qu'il est temps de légiférer.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Chaque enfant qui naît est le fruit d'une histoire singulière. Depuis longtemps, des parents doivent se résoudre à confier leur enfant à l'adoption, parce qu'ils ont le sentiment, et même la certitude, de ne pas pouvoir faire autrement. Ce choix douloureux, fait dans des circonstances difficiles, est la dernière solution qu'ils envisagent pour le bien de leur enfant. Dans de telles situations, choisir de délaisser son enfant, c'est aussi lui donner une chance de s'épanouir dans une autre famille et de grandir dans l'amour de parents pour qui l'adoption d'un enfant est un projet de vie mûrement réfléchi.
Notre pays est responsable de chaque enfant : nous avons l'impérieux devoir de le protéger et de lui donner les moyens de s'accomplir, quelle que soit son histoire. Pour ce faire, nous devons doter l'État de tous les moyens humains et matériels nécessaires pour être à la hauteur de ses responsabilités.
En somme, cette proposition de loi était nécessaire, car le fonctionnement de l'adoption en France appelle des améliorations, dans l'intérêt supérieur des enfants adoptables. Je tiens donc à saluer le travail de Mme la rapporteure et de Mme la sénatrice Corinne Imbert.
Je veux réaffirmer le progrès que représente l'ouverture du droit à l'adoption aux couples en concubinage ou pacsés. Le mariage n'est plus le seul régime garant de la stabilité et de la capacité d'un couple à accueillir un enfant : d'autres formes de communauté de vie représentent tout autant un gage d'amour, de protection et de repères fiables pour les enfants. Cette ouverture des droits à l'adoption concerne également les couples homosexuels pacsés ou concubins. Je me réjouis des avancées sociétales dont nous allons ainsi prendre acte.
Par ailleurs, je partage votre volonté de mieux faire connaître et de mettre en valeur l'adoption simple. Celle-ci permet en effet à l'enfant de conserver tous ses droits au sein de sa famille biologique, tout en reconnaissant le rôle de sa famille d'adoption et le lien de parenté qui l'unit à elle.
Créer de nouveaux liens sans effacer ceux préexistants, c'est permettre à l'enfant de se construire sans occulter une partie de son histoire personnelle. Nous saluons cette disposition.
Toutefois, comme en nouvelle lecture, des interrogations persistent sur ce texte. Je regrette que les organismes autorisés pour l'adoption ne puissent plus intervenir pour l'adoption d'enfants nés sur le sol français. Quand bien même le nombre d'enfants adoptables confiés est faible, ces organismes ont largement démontré leur capacité à trouver une famille à un enfant.
On rencontre plus de difficultés pour faire adopter les enfants à besoins spécifiques, pourtant ces organismes y parviennent et leurs compétences n'ont, jusqu'à présent, pas été remises en cause. J'entends les arguments de Mme la rapporteure à propos du statut de pupille de l'État, jugé plus protecteur. Toutefois, les OAA restent soumis à des exigences strictes, et chaque adoption fait l'objet de l'appréciation et du contrôle d'un juge. À notre sens, la protection des enfants confiés à des OAA est garantie, et il est regrettable, pour l'intérêt supérieur de ces enfants, de nous passer de leurs compétences.
Par ailleurs, de nombreuses associations continuent de nous faire part de leurs inquiétudes relatives à l'article 13. Le consentement des parents qui décident de confier leur enfant à l'adoption doit être clair et sans contestation possible une fois les délais de rétractation dépassés. Les associations qui nous alertent craignent que la nouvelle procédure pour l'intégration de l'enfant au statut de pupille de l'État ne comprenne pas explicitement d'acte de délaissement de la part des parents. Le sujet que nous examinons est bien trop sensible pour nous satisfaire d'une procédure dont l'application pourrait poser des problèmes. Il faut nous prémunir dès à présent contre toute situation qui pourrait être délicate et préjudiciable à l'intérêt de l'enfant.
Je regrette également que les moyens donnés à l'aide sociale à l'enfance n'aient pas été davantage questionnés lors de l'examen de la proposition de loi. Il existe encore trop de disparités entre les départements – nous en avons discuté en débattant du projet de loi relatif à la protection de l'enfance – pour garantir l'effectivité de ce texte sur tout le territoire. Madame la rapporteure, dans le rapport que vous avez remis au Premier ministre en 2019, intitulé « Vers une éthique de l'adoption – Donner une famille à un enfant », vous faisiez le constat des difficultés de certains départements à mettre en œuvre les dispositions de la loi votée en 2016. J'espère sincèrement que le texte que nous examinons ne se heurtera pas aux mêmes obstacles.
Néanmoins, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et Dem. – Mme la rapporteure applaudit également.
Comme il l'a fait à plusieurs reprises au cours des précédentes lectures, le groupe Agir ensemble votera en faveur de cette proposition de loi.
Alors que le régime relatif à l'adoption se heurte à des problématiques récurrentes, ce texte, déposé par notre collègue Monique Limon est bienvenu, et je la remercie de nouveau pour son travail. Il faut, à titre préliminaire, souligner que la mesure phare de cette proposition de loi, à savoir l'ouverture de l'adoption aux partenaires liées par un pacs et aux personnes en concubinage, a été acceptée par les parlementaires des deux chambres. La majorité des autres dispositions ont fait l'objet de nombreuses suppressions en première lecture au Sénat. Néanmoins, si la commission mixte paritaire a échoué, c'est principalement à cause de l'article 9 bis . En effet, l'Assemblée nationale et Sénat étaient parvenus à des compromis équilibrés sur les autres dispositions du texte.
Au cœur de l'article 9 bis se trouve la question de la filiation – elle était déjà centrale dans le texte relatif à la bioéthique. Certains couples de femmes ont construit le projet commun d'avoir un enfant grâce à une PMA à l'étranger. Donner une filiation au deuxième parent malgré le refus de la mère biologique s'inscrit dans la continuité du projet parental et correspond surtout à l'intérêt de l'enfant. Comme l'avait souligné ma collègue Coralie Dubost au cours de la CMP, sans cette disposition, si la mère biologique qui a porté l'enfant décède, celui-ci n'aura plus de filiation directe et se retrouvera orphelin, alors même qu'une personne ayant construit un projet parental autour de lui se trouvera en France. Ainsi, nous avons soutenu le rétablissement de cette mesure transitoire, voulu par nos collègues de la majorité en nouvelle lecture.
En nouvelle lecture, en commission, grâce à l'adoption d'un amendement déposé avec les collègues de la majorité, nous avons également rétabli l'abaissement de 28 à 26 ans de la condition d'âge pour adopter, et la réduction à une année, au lieu de deux, de la condition de durée de vie commune pour l'adoption par un couple. La commission des lois de l'Assemblée nationale avait ainsi redonné à la proposition de loi sa pleine portée, celle d'une réforme de l'adoption permettant de s'adapter aux évolutions de la société, tout en poursuivant toujours un objectif premier : la préservation de l'intérêt de l'enfant.
Au Sénat, en nouvelle lecture, la position de la commission des lois a été de ne revenir que sur les désaccords politiques majeurs. Dès lors, les sénateurs ont accepté de faire des compromis en acceptant notamment d'adopter sans modifications les dispositions relatives à l'écart d'âge maximal entre adoptant et adopté, à la validité du consentement des parents de l'adopté et de celui de l'enfant à son changement de nom lors d'une adoption simple. Le groupe Agir ensemble salue cet état d'esprit constructif.
Aujourd'hui, nous débattons sur la base du texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Nous voterons contre les amendements issus du texte adopté en nouvelle lecture au Sénat car ils ne correspondent pas à l'ambition que nous avons pour cette proposition de loi.
Nous avons conscience de toucher à un sujet sensible qui concerne la vie des gens, et la famille que nombreux de nos concitoyens souhaitent pouvoir créer. Mais l'adoption est surtout un sujet sérieux parce que le législateur doit prendre garde à toujours privilégier l'intérêt supérieur de l'enfant : le but est de donner une famille à un enfant et non l'inverse. L'adoption, c'est finalement donner à l'amour l'éveil d'une filiation.
Parce qu'il considère que cette proposition de loi est importante et aboutie, le groupe Agir ensemble la votera. Nous sommes ravis du travail accompli par la majorité sur ce sujet.
Mme la rapporteure applaudit, ainsi que Mme Catherine Kamowski et Mme Élodie Jacquier-Laforge.
L'adoption est une institution dont le visage continue d'évoluer et la loi se doit de refléter deux changements majeurs : l'ouverture de l'adoption à toutes les formes de couple, et un changement de paradigme qui, conformément à l'intérêt supérieur de l'enfant, ne vise plus à maintenir absolument les liens biologiques, mais à donner la meilleure famille à un enfant – et non à assouvir un désir de devenir parent.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui a le mérite de mettre ces sujets à l'ordre du jour. Nous regrettons cependant vivement que le Sénat et l'Assemblée n'aient pas abouti à un accord constructif. Le double objectif visé par le texte – d'une part, faciliter et sécuriser le recours à l'adoption, d'autre part, renforcer le statut de pupille de l'État – aurait pourtant dû mettre tout le monde d'accord. Si quelques ajouts du Sénat ont été conservés et que des points de convergences ont pu être trouvés sur certaines dispositions, il demeure des désaccords majeurs et, finalement, nous allons voter en lecture définitive un texte décevant.
Tout d'abord, il ne comble absolument pas toutes les lacunes en matière d'adoption. Le constat est partagé sur les nombreuses difficultés de ce régime juridique qui conduit au paradoxe selon lequel de nombreuses familles sont à la recherche d'un enfant à adopter, tandis que des pupilles de l'État restent sans solution. De plus, les mesures disparates de ce texte semblent parfois concerner davantage la volonté de faciliter l'adoption pour les candidats, que celle de sécuriser la situation de l'enfant.
Ensuite, ce texte est décevant parce qu'il intègre de manière inopportune des mesures qui ne devraient pas s'y trouver. Je pense notamment à l'article 9 bis . Le groupe UDI et indépendants s'est opposé à cet article qui aurait mérité une discussion approfondie dans le cadre de la loi bioéthique. Comme le souligne le Sénat, cette mesure n'a pour objet que de régler un litige entre adultes sans considération de l'intérêt de l'enfant. L'ajout de la mention « à titre exceptionnel » n'est qu'un artifice sans aucune portée juridique. De même, nous ne vous suivons ni au sujet de l'absence de consentement exprès à l'adoption des enfants placés à l'ASE ni concernant la suppression de la possibilité de confier son enfant à un organisme autorisé à l'adoption, car parfois ces organismes sont bien utiles.
Enfin, ce texte est décevant car il ne présente pas de vision globale de la protection de l'enfance, qui fait actuellement l'objet de textes divers et d'habilitation à légiférer par ordonnances sans cohérence d'ensemble.
Je ne dis pas tout cela contre vous, madame la rapporteure : vos intentions étaient louables. D'ailleurs, votre rapport de 2019, qui a donné lieu à cette proposition de loi, est un travail que je tiens à saluer. Il aura permis quelques avancées inscrites dans ce texte. Je tiens en effet à souligner tout de même des points de consensus.
Je pense tout d'abord à l'ouverture de l'adoption aux couples pacsés ou en concubinage, qui est la mesure phare de ce texte. Il y a ensuite le fait de mieux préparer les familles à l'adoption, notamment grâce à une formation préalable à l'obtention de l'agrément. C'est une bonne chose car, trop souvent, les couples demandeurs ne sont pas assez informés sur le processus d'adoption et ses suites. Nous soutenons enfin le fait de faciliter l'adoption des enfants qui peuvent l'être, au besoin sous la forme d'une adoption simple, objectif qui transparaît dans l'ensemble de la proposition de loi.
Il y a donc quelques petites évolutions positives qui, nous l'espérons, vont pouvoir soutenir le processus d'adoption d'enfants qui en ont vraiment besoin. Mais, vous l'aurez compris, le groupe UDI et indépendants reste très partagé sur ce texte. Nous aurions souhaité plus et mieux pour nos enfants.
« Le bonheur est une habitude à cultiver » nous enseigne la sagesse populaire. Je finis par croire que nos collègues sénateurs trouvent du bonheur à nous renvoyer des textes qui auraient pu faire consensus. Si le groupe Libertés et territoires a bien noté les compromis faits au palais du Luxembourg, notamment sur l'écart d'âge maximal entre adoptant et adopté aux articles 3 et 10, ainsi que sur la validité du consentement des parents de l'adopté à l'article 7 et celui de l'enfant à son changement de nom lors d'une adoption simple à l'article 9, nous regrettons que le Sénat ait décidé de maintenir le droit en vigueur concernant les conditions d'âge ou de durée de communauté de vie requises pour adopter.
De même, il a de nouveau supprimé l'article 9 bis qui vise à établir la filiation de la mère d'intention par la voie de l'adoption de l'enfant issu d'une assistance médicale à la procréation à l'étranger. Il a également supprimé l'incrimination du fait de recueillir des mineurs en vue de l'adoption par des organismes autorisés pour permettre aux quelques associations concernées de continuer de se voir confier des enfants en vue de l'adoption. Sur ce dernier point, le groupe Libertés et territoires donnait raison au Sénat.
Ce soir, je ne peux que réitérer la position de notre groupe que j'avais exposée en nouvelle lecture, le 17 janvier : nous partageons l'ambition défendue par notre collègue Monique Limon, qui, avec cette proposition de loi, vise à donner une famille à un enfant et non l'inverse. Rappelons-le, loin de toute polémique sur la PMA ou la GPA, la gestation pour autrui : nous légiférons dans l'intérêt seul, et je dis bien « seul », de l'enfant, qu'il soit pupille de l'État, confié à l'ASE ou né à l'étranger.
Nous sécurisons juridiquement des familles que les parcours de vie, différents, parfois complexes, ont créées, car c'est bien cela dont il est question ce soir : de familles, d'enfants ayant perdu leurs parents, d'enfants nés sous X, de neveux, de cousins, d'oncles et tantes, de parents dans l'âme qui engagent un parcours du combattant pour fonder une famille, en allant de rendez-vous en rendez-vous chez le psychologue, chez l'assistante sociale. Ils vont de conseil de famille en conseil de famille, ils posent des RTT tous les trois mois pour renouveler un certificat médical nécessaire à leur agrément puis pour se rendre en mairie afin de faire authentifier leur signature et d'obtenir des certificats de copie conforme. Ils sont suspendus à des décisions de justice différentes d'un département à l'autre pour qu'un juge reconnaisse la qualité de leur famille.
Je pense à Chloé, 4 ans, qui attend depuis plus de deux ans de voir sa famille s'agrandir avec l'arrivée, depuis l'autre côté de la planète, d'un petit frère ou d'une petite sœur. Elle doit elle aussi se rendre régulièrement à des rendez-vous médicaux pour devenir grande sœur.
Je pense à titre très personnel – cela n'engage que moi et non mon groupe – à Olympe, née d'une GPA aux États-Unis, qui a reçu sa carte d'identité française près de six ans après sa naissance et dont la petite sœur, Hope, elle aussi née aux États-Unis il y a près de deux ans, n'a pas été reconnue hier par la justice comme faisant partie de sa famille, comme la fille aimée de ses deux papas et de sa grande sœur.
Certains diront que je dépasse ici le périmètre de la loi que nous allons adopter tout à l'heure. Je leur répondrai qu'il s'agit d'un seul et même sujet : celui de l'amour. Car oui, mes chers collègues, c'est un mot que nous entendons très peu dans cet hémicycle, et pourtant il est au cœur de la vie de chacun de nos concitoyens et, je l'espère, de celle des membres de cette assemblée. Il me semble qu'il est toujours bon de rappeler que les textes que nous adoptons chaque semaine dans cet hémicycle ont des répercussions concrètes sur la vie de nos concitoyens.
Avec cette proposition de loi, c'est le quotidien d'enfants que la vie a déjà chahutés que nous allons améliorer et sécuriser à l'heure où ils ne devraient se préoccuper que de poupées, de cubes et d'histoires de cours de récré.
C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés et territoires soutient ce texte, que je voterai tout à l'heure, non sans une certaine émotion. « La loi, l'unique loi, farouche, inexorable, qui régit tout progrès, c'est la loi du plus fort. » Nous y ajoutons celle du cœur.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme la rapporteure applaudit également.
En 2019, 884 des 3 220 pupilles de l'État – enfants nés sous X, orphelins ou délaissés par leurs parents – vivaient dans une famille en vue d'une adoption ; un nombre en recul qui, conjugué à l'augmentation du nombre de pupilles, a pour conséquence de diminuer la proportion des enfants confiés à l'adoption. On comptait la même année plus de 10 000 demandes d'agrément en cours pour les familles souhaitant adopter sachant que, en 2017, la durée d'attente moyenne entre l'octroi d'un agrément et le placement de l'enfant était de trois ans. Cette situation paradoxale est marquée, de surcroît, par de fortes disparités territoriales.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en lecture définitive vise à remédier aux lacunes du régime juridique de l'adoption, notamment à l'hétérogénéité d'application de la loi sur le territoire, « en respectant les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant et la volonté de donner une famille à un enfant », et de « permettre de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt », selon l'exposé des motifs. Elle prévoit à ce titre d'ouvrir l'adoption aux couples stables non mariés, de permettre l'adoption au sein des couples de même sexe des enfants issus de PMA à l'étranger même en cas de séparation du couple et de renforcer le statut de pupille de l'État ainsi que les droits des enfants dans leur famille adoptive.
Le groupe La France insoumise soutient ces mesures. Aucune raison valable ne peut en effet justifier que l'adoption soit ouverte aux couples mariés et aux personnes seules mais non aux personnes pacsées ou en concubinage. Nous nous réjouissons donc que l'Assemblée ait rétabli cette disposition qui permet à tous les couples d'adopter en prenant pour seuls critères leur stabilité et leur aptitude à élever un enfant.
Nous sommes également favorables à l'article 4 qui prévoit de faciliter l'adoption plénière des enfants après l'âge de 15 ans car c'est une avancée significative. Nous considérons d'ailleurs qu'on pourrait aller plus loin en instituant un nouveau statut : l'adoption sociale. Ce statut permettrait à deux personnes d'établir entre elles un partenariat civil par lequel elles s'assureraient mutuellement aide et assistance, les règles de la filiation directe s'appliquant en matière d'héritage.
En revanche, nous déplorons que la majorité ait rejeté notre proposition en faveur de l'ouverture, au sein des couples de même sexe, de la possibilité pour la femme qui n'a pas accouché d'adopter l'enfant issu d'une PMA après la séparation. Surtout, nous regrettons l'insuffisance des mesures de protection des pupilles de l'État, qui auraient dû être incorporées dans la loi sur la protection de l'enfance adoptée il y a quelques semaines par notre assemblée, et le rejet de la proposition de renationalisation de l'aide sociale à l'enfance, confiée aux départements depuis 1983 et seule à même de garantir l'égalité effective des pupilles de l'État devant la loi.
Rappelons que l'aide sociale à l'enfance prend en charge un peu plus de 300 000 mineurs, dont 138 000 sont placés en familles d'accueil ou en établissements. Or, comparés aux près de 9 milliards d'euros de dépenses des départements, les 200 millions débloqués dans le budget en 2021 pour financer la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance apparaissent largement insuffisants pour réformer un système marqué par de profondes carences et de fortes disparités. De nombreux observateurs, comme Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l'enfance, considèrent que ce choix traduit l'absence totale de colonne vertébrale idéologique de ce gouvernement en matière de protection de l'enfance.
Au reste, la loi sur la protection de l'enfance n'a globalement pas permis de corriger les lacunes dont souffre la protection de l'enfance : l'attribution d'un avocat à tout enfant soumis à une mesure de protection a été éludée ; le placement des enfants à l'hôtel demeure possible malgré l'annonce de son interdiction ; la protection des jeunes majeurs est temporaire et laissée à l'appréciation des départements malgré l'impérieuse nécessité de lutter contre les mises à la rue sèches à leur majorité ; les tests osseux pour évaluer l'âge des mineurs étrangers isolés sont généralisés alors que cette pratique est réprouvée scientifiquement.
En conséquence, si les dispositions en faveur des pupilles de la nation contenues dans ce texte ainsi que celles concernant l'adoption nous semblent positives, et nous les soutenons, elles ne suffisent pas à assurer une protection effective et uniforme à tous les enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance. Notre groupe votera tout de même en faveur de ce texte en attendant de pouvoir y remédier lors de la prochaine législature.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La discussion générale est close.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
J'appelle l'Assemblée a statué tout d'abord sur plusieurs amendements dont je suis saisi.
Nous commençons par deux amendements identiques, n° 1 et 21 .
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Cet amendement vise à revenir sur l'abaissement de l'âge et de la durée de communauté de vie. L'exposé des motifs précise que l'objectif est d'inscrire les règles de l'adoption dans le sens de l'évolution de la société, mais l'abaissement de l'âge requis pour adopter et de la durée minimale de vie commune est directement contraire à l'évolution de la société puisque, selon l'INSEE, l'âge moyen des femmes à leur premier enfant ne cesse de reculer – de 24 ans en 1974, il est passé à 28 ans en 2010 et à 28,5 ans en 2015, la moyenne dans l'Union européenne étant de 29 ans. Ce recul est dû, on le sait, aux choix de vie des femmes, notamment parce qu'elles souhaitent être stables financièrement, professionnellement et sentimentalement avant d'avoir un enfant. C'est la raison pour laquelle la dernière loi de bioéthique incite les femmes à congeler leurs ovocytes pour pouvoir les utiliser plus tard. Quant aux hommes, l'âge moyen au premier enfant est de 31 ans.
Ensuite, la vie commune débute usuellement lorsque les personnes se rencontrent et vivent aussitôt ensemble, et la durée de vie commune dans le concubinage est donc identique à la durée d'existence du couple. Dès lors, il paraît contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant de permettre la demande d'adoption au moment où le couple en est encore à ses débuts.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Cet amendement vise en effet, comme celui que vient de défendre Mme Bassire, à revenir à la durée minimale de deux ans de vie commune et, dans le cas d'une personne célibataire, à l'âge de plus de 28 ans pour pouvoir adopter. Il ne me semble pas du tout pertinent d'abaisser ces critères parce que l'adoption d'un enfant nécessite que les parents jouissent d'une vie de couple stable et, même si je reconnais aisément que les critères d'âge et de durée de vie commune ne sont pas parfaits, ce sont néanmoins deux critères objectifs pour s'assurer de la maturité du projet parental. Je propose donc le statu quo : restons-en aux conditions actuelles imposant que le couple justifie de deux ans de vie commune et que les adoptants soient âgés de plus de 28 ans, gage pour l'enfant d'une structure familiale qui présente les meilleures garanties en termes de sécurité et de stabilité. Ce serait un peu léger de décider d'adopter un enfant après une seule année de vie commune.
Je souhaite appeler votre attention sur un point particulier : la longueur des procédures d'adoption, d'au moins trois ou quatre ans, suppose une durée de vie commune au moins équivalente. De même, s'il est évident que l'âge ne suffit pas à justifier de la maturité du projet d'adoption, vous ne pouvez nier qu'un âge plus élevé garantisse une meilleure intégration économique et professionnelle des adoptants, sachant que la durée des études s'allonge de plus en plus en France et que l'entrée dans la vie professionnelle est aujourd'hui plus difficile qu'auparavant. À partir d'un certain âge, l'intégration économique, sociale et professionnelle est suffisante pour qu'une personne puisse raisonnablement avoir un projet d'adoption.
Si je comprends les arguments s'agissant de la réduction de la durée de vie commune requise, je pense qu'il est important de revenir au moins sur la question de l'âge au vu de la nécessaire maturité professionnelle et sociale des adoptants.
Nous avons confirmé en nouvelle lecture notre souhait de modifier les conditions de durée de vie commune exigées dans le cadre de l'adoption en couple et celle de l'âge minimal pour toutes les adoptions. Je ne reviendrai pas sur tous les arguments déjà développés durant les deux lectures précédentes. Je pense que nous sommes parvenus à un bon équilibre. De plus, je rappelle que les futurs adoptants sont accompagnés par des professionnels qui procèdent aux apparentements dans l'intérêt de l'enfant. Par conséquent, une personne dont la maturité ou la stabilité ne serait pas jugée suffisante ne se verrait pas confier d'enfant. Faisons confiance aux professionnels. Avis défavorable.
Conformément à la position constante du Gouvernement, j'émettrai une nouvelle fois un avis de sagesse.
Les amendements rédactionnels identiques n° 17 et 26 de Mme la rapporteure et de Mme Emmanuelle Ménard sont rédactionnels.
Les amendements rédactionnels identiques n° 18 et 27 de Mme la rapporteure et de Mme Emmanuelle Ménard sont rédactionnels.
Motif d'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale a pourtant rétabli en nouvelle lecture l'article 9 bis qui permet l'établissement de la filiation de la mère d'intention à l'égard d'un enfant né d'une assistance médicale à la procréation à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi de bioéthique du 2 août 2021. Cet article, supprimé par le Sénat en première lecture, tend à régler les situations dans lesquelles la mère qui a accouché refuse « sans motif légitime » de faire une reconnaissance conjointe rétroactive pour établir la filiation de la mère d'intention, permettant alors à cette dernière de demander à adopter l'enfant dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi. Mais cette disposition conduit à imposer un second lien de filiation en se passant, dans des conditions trop floues, du consentement de la mère qui a accouché. Cela n'est pas acceptable et l'appréciation de la légitimité du motif paraît à cet égard particulièrement incertaine et source d'insécurité juridique. Une telle disposition n'a pour objet que de régler un litige entre adultes sans considération de l'intérêt supérieur de l'enfant.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement n° 7 .
Derrière les belles intentions se cachent parfois des choses qui, sur le plan juridique, peuvent être contreproductives voire dangereuses, et l'article 9 bis en est une bonne illustration.
Premièrement, je rappelle que le Conseil national de la protection de l'enfance est tout à fait opposé à cette mesure parce qu'elle ne correspond pas à la défense de l'intérêt supérieur de l'enfant et qu'il s'agit avant tout de régler un litige éventuel entre deux mères potentielles ayant eu un projet de GPA à l'étranger.
Deuxièmement, l'évocation d'un motif légitime pour demander le rétablissement par la justice de la filiation pour la seconde mère est une notion tout à fait floue qui risque d'aboutir à des situations juridiques ubuesques, facteurs de grande complexité dans la vie de l'enfant concerné et donc dans sa construction.
Troisièmement, et cet argument n'est pas le moindre, on se rend compte que cet article est fait avant tout pour faire avancer, dans notre droit, la légalisation progressive de la gestation pour autrui, y compris quand elle est faite à l'étranger, ce qui ne correspond ni au droit français ni aux intentions que les uns et les autres ont manifestées ici tout au long de cette législature. Je relève tout de même sur ce point une certaine hypocrisie de la part de la majorité et du Gouvernement.
Avec cet article 9 bis que nous proposons de supprimer, nous rentrons dans le vif du sujet car le mécanisme qu'il instaure suscite beaucoup d'interrogations. Il tire les conséquences d'un article de la loi de bioéthique promulguée en août dernier, qui autorise deux femmes à avoir recours à la PMA et qui établit un double lien de filiation pour l'enfant – à cet effet, la mère d'intention et la mère biologique s'engagent devant notaire au début du parcours de procréation. Il prévoit ainsi qu'un juge pourra prononcer l'adoption de l'enfant par la mère d'intention dès lors que celle-ci a démontré son implication et sa présence auprès de la mère biologique – et c'est là que ça se corse – nonobstant le refus de cette dernière.
Il me semble important de rappeler, comme mes collègues l'ont fait, que le Conseil national de la protection de l'enfance s'est prononcé contre cet article, en estimant qu'il « revient à permettre, à l'issue d'une PMA, à l'ancienne compagne de la mère de naissance, mère légale de l'enfant, l'adoption de cet enfant, quelle que soit leur durée de vie commune et même si l'enfant n'a pas vécu avec cette femme. Cette disposition poursuit un autre but que l'intérêt supérieur de l'enfant en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaître un droit sur l'enfant. »
Autrement dit, vous créez un mode de filiation ad hoc qui force la mère biologique à accepter une adoption dont elle ne veut plus pour son enfant. Vous avez expliqué en commission, madame la rapporteure, qu'il s'agissait d'un dispositif exceptionnel. C'est bien le cas puisqu'il s'appliquera de manière rétroactive à des PMA réalisées à l'étranger, à un moment où elles étaient encore illégales en France, ce qui, vous en conviendrez, pose question.
Cet article introduit un concept paradoxal : l'adoption forcée, au bénéfice de femmes qui, certes, ont initialement participé à un projet parental commun mais qui s'en sont par la suite retirées – adoption forcée qui ne respecte en outre pas l'intérêt supérieur de l'enfant.
La parole est à Mme Myriane Houplain, pour soutenir l'amendement n° 34 .
Je demande aussi la suppression de l'article 9 bis parce qu'on ne saurait appliquer le droit français de l'adoption aux situations de procréation médicalement assistée réalisées à l'étranger dans des conditions prévues par une loi étrangère.
Cet article 9 bis , dont nous demandons aussi la suppression, n'a pas sa place au sein de ce texte. Notre groupe s'est opposé à ce qu'un tel dispositif soit introduit dans la proposition de loi car il aurait mérité une discussion approfondie dans la loi de bioéthique. De plus, comme le souligne le Sénat, cette mesure n'a pour objet que de régler un litige entre adultes, sans que l'intérêt de l'enfant soit pris en considération. Enfin, l'ajout de la mention « à titre exceptionnel » n'est qu'un artifice sans aucune portée juridique.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression de l'article 9 bis ?
Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, il faut trouver une solution afin d'établir la filiation pour la femme qui n'a pas accouché. C'est un engagement pris par notre majorité et nous y tenons. L'article 9 bis instaure, dans l'intérêt de l'enfant, un dispositif exceptionnel et transitoire de rétroactivité de la filiation tardive. Il n'en reste pas moins qu'il est encadré : le juge ne peut prononcer l'adoption qu'après avoir vérifié que celle-ci est bien conforme à l'intérêt de l'enfant et qu'elle est rendue nécessaire par l'exigence de protection à son égard. Il devra aussi s'assurer que la mère ayant accouché n'a pas un motif légitime de s'opposer à la reconnaissance de ce lien de filiation. Nous en avons longtemps débattu et nous estimons que pour l'intérêt de l'enfant, il importe de procéder ainsi. Avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Je le répète, cet article pose vraiment problème. Je comprends que vous teniez à vos engagements mais peut-être les avez-vous pris un peu à la légère pendant l'examen de la loi de bioéthique. Permettez-moi d'insister : avec ce dispositif, vous instaurez certes un lien de filiation mais, du fait de sa rétroactivité, vous générez une insécurité juridique. Nous considérons en effet que chacun doit pouvoir agir en s'appuyant sur le droit en vigueur sans avoir à craindre les conséquences inattendues de dispositions votées ultérieurement. Chacune des femmes membres d'un couple pouvait agir en connaissance de cause sans être trompée. Avec ce nouveau dispositif, vous permettez à l'une d'elles d'adopter un enfant alors que ce n'était pas ce qui était prévu.
Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 371-4 du code civil autorise déjà le juge à statuer sur le maintien des liens entre l'enfant et un adulte qui a partagé sa vie. Il dispose en effet que « si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. » Le droit prévoit déjà cette situation. Point n'est besoin d'ajouter une nouvelle disposition, source d'insécurité juridique.
Notre assemblée a rétabli en nouvelle lecture l'interdiction faite aux OAA de recueillir des enfants en France en vue de l'adoption, souhaitant conférer ainsi un monopole à l'aide sociale à l'enfance.
En première lecture, au contraire, il était apparu important au Sénat de conserver pour les familles une solution alternative à l'ASE pour l'adoption : les personnes ayant elles-mêmes connu ces services peuvent être désireuses d'éviter à leur enfant d'avoir à suivre ce parcours. Les OAA mènent leurs actions en France sous le contrôle des services départementaux et du juge des tutelles. Pourquoi ne pas s'assurer de l'effectivité de ce contrôle plutôt que d'empêcher les rares associations qui exercent cette activité de la poursuivre ? Le présent amendement tend à maintenir le droit en vigueur.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 23 .
Nous proposons de modifier la rédaction de l'article 11 bis afin de permettre aux OAA de continuer à faire adopter ou placer des enfants en France – et non pas seulement des mineurs étrangers. Le Sénat avait rétabli la possibilité pour ces organismes de poursuivre ces activités, en particulier le recueil d'enfants confiés par leurs parents en vue d'une adoption, que notre assemblée avait malencontreusement interdit. En nouvelle lecture, vous restreignez à nouveau leur rôle pour ne conserver que celui d'intermédiaire en vue de l'adoption internationale.
Je considère qu'il est nécessaire de maintenir l'activité de ces organismes en France car ils rendent un service inestimable aux enfants concernés par l'adoption pour trois raisons principales. Tout d'abord, répétons-le, tous les enfants qui ont été confiés aux OAA, y compris les enfants malades ou handicapés ou bien les enfants faisant partie d'une même fratrie – configuration toujours compliquée –, ont trouvé des familles d'adoption, ce qui est très précieux. Ensuite, les OAA jouent un rôle d'accompagnement et vous avez eu beau me dire qu'ils pourront continuer à le remplir auprès des familles et des femmes enceintes,…
Vous l'avez même voté !
…vous n'avez jamais répondu, monsieur le secrétaire d'État, à mon objection, qui est la suivante : les femmes ayant été placées par l'ASE qui ne veulent pas que leurs enfants subissent le même sort qu'elles se retrouveront dans une situation très compliquée qui les conduira peut-être à se détourner… Mais je vous vois regarder votre montre, monsieur Rebeyrotte, l'adoption ne vous intéresse-t-elle donc pas ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est sidérant, monsieur le président. Si je l'ennuie tant, M. Rebeyrotte peut sortir de l'hémicycle !
Madame Ménard, M. Rebeyrotte peut tapoter sur sa montre autant que bon lui semble, je lui ferai simplement observer que jusqu'à preuve du contraire, c'est moi qui contrôle le temps de parole dans cet hémicycle. En l'occurrence, madame Ménard, vous étiez dans les temps et puisque nous vous avons interrompue, vous disposerez de vingt secondes supplémentaires !
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Merci, monsieur le président, je serai rapide car ce sont des arguments que j'ai déjà présentés.
Ces femmes qui ont eu une enfance compliquée lorsqu'elles étaient prises en charge par l'ASE n'ont pas forcément envie que leurs enfants suivent le même parcours. Or la proposition de loi leur ôte la possibilité de choisir.
Avis défavorable. Vos amendements visent à rétablir la possibilité pour les OAA de recueillir des enfants en France en vue de leur adoption. Il s'agit, comme vous l'avez dit vous-même, d'offrir une solution alternative à l'aide sociale à l'enfance. Nous avons longuement débattu de cette question et si nous avons décidé de retirer ce rôle à ces organismes, c'est uniquement parce que nous estimons que le statut de pupille de l'État est plus protecteur pour les enfants.
J'insiste très fortement sur le fait que nous ne remettons nullement en cause la qualité du travail d'accompagnement des familles que les OAA effectuent, notamment pour celles qui sont susceptibles d'adopter des enfants à besoins spécifiques. Ce rôle indispensable est d'ailleurs pleinement reconnu par les départements.
Est-il besoin de rappeler que l'article 11, que vous avez adopté, consacre le rôle des OAA, dont nous reconnaissons la qualité, dans l'accompagnement des familles adoptantes en France ? Nul besoin d'apporter une quelconque précision en ce sens puisque le texte y répond déjà et que vous l'avez voté vous-même ! Ce que les OAA ne pourront plus faire, c'est recueillir directement des enfants. Évitons les confusions.
Arrêtez de laisser penser, et je m'adresse ici aussi à Mme Bassire, que si l'on ne maintient pas le droit en vigueur, des enfants risquent de passer dix-huit ans à l'ASE. Généralement, ils attendent trois mois avant de trouver une famille. Votre argument ne tient pas.
Et si nous instaurons cette interdiction, c'est que le statut de pupille de l'État est objectivement plus protecteur pour les enfants. Vous qui n'avez que l'intérêt supérieur de l'enfant à la bouche, vous devriez être sensible à cette préoccupation. Et oui, nous assumons que l'on confie à la puissance publique le monopole du recueil et du placement des enfants en voie d'adoption.
Je maintiens que ce faisant, vous empêchez les femmes enceintes ou les familles d'avoir le choix entre le privé et le public, vers lequel va votre préférence, je l'ai bien compris.
Je ne peux vous laisser dire que les enfants n'attendent que deux ou trois mois dans les services de l'ASE avant d'être recueillis par une famille. J'ai discuté la semaine dernière avec un couple ayant adopté une fratrie de trois enfants : l'aîné avait 8 ans quand il a été accueilli chez eux. Il faut quand même vous confronter à la réalité ! J'ajoute que ce couple m'a bien précisé qu'il avait souhaité passer par les OAA et non pas par l'ASE. C'est une question de confiance et pour ma part, je ne peux pas aller contre cela.
L'article 11 quater a un double objet : d'une part, il tire les conséquences de l'interdiction du recueil par les OAA des mineurs sur le territoire français en vue de leur adoption, posée à l'article 11 bis, en créant un nouveau délit le punissant ; d'autre part, il instaure un dispositif d'accompagnement obligatoire pour les parents accueillant un enfant pupille de l'État ou un mineur placé en vue d'être adopté ou adopté en vertu d'une décision étrangère.
Si tous les intervenants s'accordent à reconnaître l'importance d'un accompagnement de l'enfant et de ses parents adoptifs pour la réussite du projet d'adoption, le caractère obligatoire qu'entend lui donner la proposition de loi est contesté. Dès lors que l'adoption est prononcée, y compris en vertu d'une décision étrangère, les adoptants sont des parents « de plein exercice » et l'intervention d'un tiers ne devrait pas pouvoir leur être imposée autrement que sur décision d'un juge en cas de danger pour la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant.
Cet accompagnement post-adoption, qui ne serait obligatoire qu'en cas d'adoption internationale, pourrait être analysé comme une immixtion indue dans la vie privée de la famille et considéré comme une forme de discrimination. Cette mesure nous semblant inopportune, nous proposons de conserver le caractère optionnel que cet accompagnement revêt dans le droit en vigueur.
L'amendement n° 39 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements proposent de supprimer l'article 11 quater , qui prévoit un dispositif d'accompagnement pour les parents accueillant un enfant pupille de l'État ou un mineur placé en vue de l'adoption ou en vertu d'une décision étrangère, car vous estimez que cet accompagnement constituerait une immixtion intolérable dans la vie privée et familiale. Je ne partage évidemment pas du tout ce point de vue : ma seule boussole, encore une fois, est l'intérêt de l'enfant, mais aussi celui des familles – plusieurs de celles que nous avons auditionnées nous ont réclamé cette mesure. L'accompagnement va dans le bon sens et pourra être prolongé à la demande des familles, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Je précise que nous ne demandons pas la suppression du dispositif, mais juste la suppression de son caractère obligatoire, ce qui n'est pas du tout la même chose.
Il vise à supprimer l'article 11 sexies . L'Assemblée a rétabli en nouvelle lecture l'habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement et, eu égard au caractère sensible et important du sujet de l'adoption, cet amendement vise à supprimer cette habilitation.
Cet amendement vise à supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement, car ce sujet est trop important pour ne pas être débattu par le Parlement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 24 .
L'article 11 sexies , qui a fait l'objet de longs débats, notamment en première lecture, a pour objet d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnances. À mon sens, le champ de l'habilitation que vous avez prévu est trop large, puisque vous voulez modifier les dispositions du code civil et du code de l'action sociale et des familles en matière d'adoption, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de tutelle des pupilles de l'État et de tutelle des mineurs. Je rappelle que ce texte est une proposition de loi sur laquelle le Conseil d'État n'a pas rendu d'avis. Dans ces conditions, le souhait du Gouvernement d'être autorisé à légiférer par ordonnance sur un sujet aussi important ne me semble ni sérieux, ni souhaitable.
Nous avons déjà longuement débattu de cette question. Avis défavorable.
Il n'est pas sérieux de votre part, madame la députée, d'affirmer que nous demandons une habilitation à modifier par ordonnances le fond des dispositions. Depuis les débats que nous avons eus en première lecture, le Gouvernement a entendu les arguments des parlementaires, et nous avons précisé et circonscrit le cadre de cette habilitation qui, in fine, va se limiter à des questions de réorganisation et de pure forme. S'il en était encore besoin, je veux rassurer les députés : il ne s'agit que de procéder à quelques modifications s'apparentant à du chapitrage, du toilettage et de la réorganisation afin de simplifier les choses pour les praticiens du droit, sans aucun changement sur le fond, évidemment, compte tenu de l'importance du sujet. J'émets donc un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est ici qu'on légifère : au Parlement, c'est-à-dire au Sénat et à l'Assemblée.
Vous avez regardé le texte ?
Oui, j'ai regardé le texte, mais j'ai aussi écouté tout ce qui m'a été rapporté en provenance du monde associatif. De l'avis général, tout cela est fait de manière précipitée, et légiférer par ordonnances – ne serait-ce que partiellement – sur un texte concernant l'enfance, l'adoption et la famille, avec toutes les conséquences que cela suppose sur le code civil, ce n'est pas sérieux. C'est parce que vous êtes en fin de mandat…
…que vous pratiquez la politique classique du mauvais élève qui n'a pas fini son devoir à temps
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
et se dépêche de rendre une copie bâclée – en l'occurrence, en légiférant par ordonnances. Pour notre part, nous considérons que c'est une grave erreur que de faire passer des dispositions de cette nature par ordonnances.
L'Assemblée nationale a supprimé en nouvelle lecture la clarification apportée par le Sénat relative au rôle du consentement à l'adoption des parents qui confient leur enfant à l'aide sociale à l'enfance en vue de son admission au statut de pupille de l'État.
La suppression de tout consentement des parents a été dénoncée par de nombreuses associations, qui souhaitent que le droit fondamental des parents à consentir à l'adoption de leur enfant continue de figurer dans les dispositions relatives à la remise d'un enfant à l'ASE.
Le présent amendement rétablit la rédaction adoptée par le Sénat qui clarifie les rôles respectifs des parents et du conseil de famille des pupilles de l'État en la matière.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 25 .
L'article 13 est extrêmement important, et l'une de ses dispositions me semble porter atteinte à un principe fondamental de l'adoption, à savoir le recueil du consentement des parents de naissance à l'adoption. Quand ils prennent cette décision, les parents – dans les faits, il s'agit souvent de la mère seule – signent un procès-verbal de recueil contenant un ensemble d'informations ainsi qu'un formulaire de consentement à l'adoption. Désormais, ce consentement exprès ne sera plus demandé.
Sur le plan symbolique, pourtant, la manifestation de ce consentement est absolument essentielle. Du point de vue de l'enfant, elle est la preuve irréfutable de la volonté des parents – ou de la mère – de consentir à l'adoption. Le consentement peut être vu comme un passage de témoin entre le parent de naissance et la famille adoptante, une espèce de trait d'union dans la vie de l'enfant permettant d'éviter ultérieurement – notamment à l'adolescence – certaines remises en cause douloureuses.
En outre, la suppression du consentement écrit et du délai de rétractation de deux mois qui l'accompagne actuellement risque de fragiliser l'adoption sur le plan légal. Selon la magistrate Marie-Christine Le Boursicot, la conséquence est majeure pour l'enfant ; ses parents de naissance pourront contester son adoption à tout moment, y compris des années plus tard, et les enfants concernés se retrouver au cœur de conflits douloureux.
Pour ces deux raisons, il est essentiel de revenir sur la suppression du recueil de consentement des parents de naissance à l'adoption.
Il vise à maintenir la possibilité de consentir à l'adoption pour les parents qui remettent leur enfant en vue de son admission en qualité de pupille de l'État. Les clarifications qui avaient été apportées par le Sénat en la matière sont opportunes compte tenu de l'importance de ce consentement, tant pour les parents qui remettent un enfant à l'ASE que pour l'enfant lui-même.
Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, notre intention n'a jamais été de changer le fond du droit, mais de renforcer au contraire le caractère éclairé du consentement des parents au stade de l'admission de leur enfant dans le statut de pupille de l'État, afin qu'ils en comprennent bien les conséquences. En deuxième lecture, nous avons d'ailleurs voté un amendement de réécriture afin de rendre les choses plus explicites. Avis défavorable.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement n° 10 .
Cet amendement de mon collègue Xavier Breton vise à modifier l'article 14. Il ne nous semble pas souhaitable que l'ensemble des pouvoirs puissent être concentrés entre les mains du tuteur, qui pourrait en outre être élu président du conseil de famille, où il disposerait donc d'une voix prépondérante. Si nous sommes favorables à ce que le tuteur puisse être présent au sein du conseil de famille et y conserver ses prérogatives, notamment la possibilité d'être désigné secrétaire, nous sommes opposés aux évolutions prévues à l'article 14.
Ce n'est pas très clair !
L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 96
Contre 15
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Examen du texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante ;
Examen des textes des commissions mixtes paritaires sur les propositions de loi ordinaire et organique visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra