Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

En 2019, 884 des 3 220 pupilles de l'État – enfants nés sous X, orphelins ou délaissés par leurs parents – vivaient dans une famille en vue d'une adoption ; un nombre en recul qui, conjugué à l'augmentation du nombre de pupilles, a pour conséquence de diminuer la proportion des enfants confiés à l'adoption. On comptait la même année plus de 10 000 demandes d'agrément en cours pour les familles souhaitant adopter sachant que, en 2017, la durée d'attente moyenne entre l'octroi d'un agrément et le placement de l'enfant était de trois ans. Cette situation paradoxale est marquée, de surcroît, par de fortes disparités territoriales.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en lecture définitive vise à remédier aux lacunes du régime juridique de l'adoption, notamment à l'hétérogénéité d'application de la loi sur le territoire, « en respectant les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant et la volonté de donner une famille à un enfant », et de « permettre de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme un outil de protection de l'enfance lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné et uniquement dans son intérêt », selon l'exposé des motifs. Elle prévoit à ce titre d'ouvrir l'adoption aux couples stables non mariés, de permettre l'adoption au sein des couples de même sexe des enfants issus de PMA à l'étranger même en cas de séparation du couple et de renforcer le statut de pupille de l'État ainsi que les droits des enfants dans leur famille adoptive.

Le groupe La France insoumise soutient ces mesures. Aucune raison valable ne peut en effet justifier que l'adoption soit ouverte aux couples mariés et aux personnes seules mais non aux personnes pacsées ou en concubinage. Nous nous réjouissons donc que l'Assemblée ait rétabli cette disposition qui permet à tous les couples d'adopter en prenant pour seuls critères leur stabilité et leur aptitude à élever un enfant.

Nous sommes également favorables à l'article 4 qui prévoit de faciliter l'adoption plénière des enfants après l'âge de 15 ans car c'est une avancée significative. Nous considérons d'ailleurs qu'on pourrait aller plus loin en instituant un nouveau statut : l'adoption sociale. Ce statut permettrait à deux personnes d'établir entre elles un partenariat civil par lequel elles s'assureraient mutuellement aide et assistance, les règles de la filiation directe s'appliquant en matière d'héritage.

En revanche, nous déplorons que la majorité ait rejeté notre proposition en faveur de l'ouverture, au sein des couples de même sexe, de la possibilité pour la femme qui n'a pas accouché d'adopter l'enfant issu d'une PMA après la séparation. Surtout, nous regrettons l'insuffisance des mesures de protection des pupilles de l'État, qui auraient dû être incorporées dans la loi sur la protection de l'enfance adoptée il y a quelques semaines par notre assemblée, et le rejet de la proposition de renationalisation de l'aide sociale à l'enfance, confiée aux départements depuis 1983 et seule à même de garantir l'égalité effective des pupilles de l'État devant la loi.

Rappelons que l'aide sociale à l'enfance prend en charge un peu plus de 300 000 mineurs, dont 138 000 sont placés en familles d'accueil ou en établissements. Or, comparés aux près de 9 milliards d'euros de dépenses des départements, les 200 millions débloqués dans le budget en 2021 pour financer la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance apparaissent largement insuffisants pour réformer un système marqué par de profondes carences et de fortes disparités. De nombreux observateurs, comme Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l'enfance, considèrent que ce choix traduit l'absence totale de colonne vertébrale idéologique de ce gouvernement en matière de protection de l'enfance.

Au reste, la loi sur la protection de l'enfance n'a globalement pas permis de corriger les lacunes dont souffre la protection de l'enfance : l'attribution d'un avocat à tout enfant soumis à une mesure de protection a été éludée ; le placement des enfants à l'hôtel demeure possible malgré l'annonce de son interdiction ; la protection des jeunes majeurs est temporaire et laissée à l'appréciation des départements malgré l'impérieuse nécessité de lutter contre les mises à la rue sèches à leur majorité ; les tests osseux pour évaluer l'âge des mineurs étrangers isolés sont généralisés alors que cette pratique est réprouvée scientifiquement.

En conséquence, si les dispositions en faveur des pupilles de la nation contenues dans ce texte ainsi que celles concernant l'adoption nous semblent positives, et nous les soutenons, elles ne suffisent pas à assurer une protection effective et uniforme à tous les enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance. Notre groupe votera tout de même en faveur de ce texte en attendant de pouvoir y remédier lors de la prochaine législature.

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