Intervention de Karine Lebon

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 15h00
Réforme de l'adoption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

Chaque enfant qui naît est le fruit d'une histoire singulière. Depuis longtemps, des parents doivent se résoudre à confier leur enfant à l'adoption, parce qu'ils ont le sentiment, et même la certitude, de ne pas pouvoir faire autrement. Ce choix douloureux, fait dans des circonstances difficiles, est la dernière solution qu'ils envisagent pour le bien de leur enfant. Dans de telles situations, choisir de délaisser son enfant, c'est aussi lui donner une chance de s'épanouir dans une autre famille et de grandir dans l'amour de parents pour qui l'adoption d'un enfant est un projet de vie mûrement réfléchi.

Notre pays est responsable de chaque enfant : nous avons l'impérieux devoir de le protéger et de lui donner les moyens de s'accomplir, quelle que soit son histoire. Pour ce faire, nous devons doter l'État de tous les moyens humains et matériels nécessaires pour être à la hauteur de ses responsabilités.

En somme, cette proposition de loi était nécessaire, car le fonctionnement de l'adoption en France appelle des améliorations, dans l'intérêt supérieur des enfants adoptables. Je tiens donc à saluer le travail de Mme la rapporteure et de Mme la sénatrice Corinne Imbert.

Je veux réaffirmer le progrès que représente l'ouverture du droit à l'adoption aux couples en concubinage ou pacsés. Le mariage n'est plus le seul régime garant de la stabilité et de la capacité d'un couple à accueillir un enfant : d'autres formes de communauté de vie représentent tout autant un gage d'amour, de protection et de repères fiables pour les enfants. Cette ouverture des droits à l'adoption concerne également les couples homosexuels pacsés ou concubins. Je me réjouis des avancées sociétales dont nous allons ainsi prendre acte.

Par ailleurs, je partage votre volonté de mieux faire connaître et de mettre en valeur l'adoption simple. Celle-ci permet en effet à l'enfant de conserver tous ses droits au sein de sa famille biologique, tout en reconnaissant le rôle de sa famille d'adoption et le lien de parenté qui l'unit à elle.

Créer de nouveaux liens sans effacer ceux préexistants, c'est permettre à l'enfant de se construire sans occulter une partie de son histoire personnelle. Nous saluons cette disposition.

Toutefois, comme en nouvelle lecture, des interrogations persistent sur ce texte. Je regrette que les organismes autorisés pour l'adoption ne puissent plus intervenir pour l'adoption d'enfants nés sur le sol français. Quand bien même le nombre d'enfants adoptables confiés est faible, ces organismes ont largement démontré leur capacité à trouver une famille à un enfant.

On rencontre plus de difficultés pour faire adopter les enfants à besoins spécifiques, pourtant ces organismes y parviennent et leurs compétences n'ont, jusqu'à présent, pas été remises en cause. J'entends les arguments de Mme la rapporteure à propos du statut de pupille de l'État, jugé plus protecteur. Toutefois, les OAA restent soumis à des exigences strictes, et chaque adoption fait l'objet de l'appréciation et du contrôle d'un juge. À notre sens, la protection des enfants confiés à des OAA est garantie, et il est regrettable, pour l'intérêt supérieur de ces enfants, de nous passer de leurs compétences.

Par ailleurs, de nombreuses associations continuent de nous faire part de leurs inquiétudes relatives à l'article 13. Le consentement des parents qui décident de confier leur enfant à l'adoption doit être clair et sans contestation possible une fois les délais de rétractation dépassés. Les associations qui nous alertent craignent que la nouvelle procédure pour l'intégration de l'enfant au statut de pupille de l'État ne comprenne pas explicitement d'acte de délaissement de la part des parents. Le sujet que nous examinons est bien trop sensible pour nous satisfaire d'une procédure dont l'application pourrait poser des problèmes. Il faut nous prémunir dès à présent contre toute situation qui pourrait être délicate et préjudiciable à l'intérêt de l'enfant.

Je regrette également que les moyens donnés à l'aide sociale à l'enfance n'aient pas été davantage questionnés lors de l'examen de la proposition de loi. Il existe encore trop de disparités entre les départements – nous en avons discuté en débattant du projet de loi relatif à la protection de l'enfance – pour garantir l'effectivité de ce texte sur tout le territoire. Madame la rapporteure, dans le rapport que vous avez remis au Premier ministre en 2019, intitulé « Vers une éthique de l'adoption – Donner une famille à un enfant », vous faisiez le constat des difficultés de certains départements à mettre en œuvre les dispositions de la loi votée en 2016. J'espère sincèrement que le texte que nous examinons ne se heurtera pas aux mêmes obstacles.

Néanmoins, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra cette proposition de loi.

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