À l'heure où le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale nous est soumis pour un dernier vote, à la suite de l'accord obtenu en commission mixte paritaire, le groupe Libertés et territoires ne peut cacher sa déception devant ce rendez-vous manqué. À n'en pas douter, notre pays va rester très centralisé. Finalement, la montagne – au vu du nombre d'articles – aura accouché d'une souris ! Car ce projet de loi est, en réalité, source de peu de changements.
Le texte ne comprend pas de transferts majeurs de compétences, ni de mesures fortes en matière de décentralisation. Les rares transferts de compétences prévus concernent les missions dont l'État veut se débarrasser, les plus coûteuses – la gestion des petites lignes de chemin de fer, dont certaines n'ont pas été entretenues depuis des dizaines d'années, ou la propriété de ce qui reste de certaines routes nationales, ou encore la faculté, désormais reconnue aux collectivités, d'investir dans les hôpitaux.
Évidemment, ces transferts de compétences ne s'accompagneront pas des transferts de ressources adéquats. C'est pour le moins inquiétant lorsqu'on sait que de nombreux hôpitaux doivent être reconstruits. Comment allons-nous y arriver ? Je pense tout particulièrement à l'hôpital de Redon : l'assurance maladie nous propose de participer à hauteur de 22 % au financement de la reconstruction du bâtiment et nous devons trouver le reste par nos propres moyens ! Dans ces conditions, tout le monde ira frapper à la porte des collectivités locales – les EPCI, le pays, le département, la région –, ce qui finira, au bout du compte, par nuire à la sécurité sociale elle-même. L'application du projet de loi se traduira, je le crains, par de nouvelles difficultés pour les territoires ruraux, car ce sont eux qui ont le moins d'argent.
Le projet de loi 3DS est en réalité un texte d'ajustement en matière d'action publique à l'échelon local. Quelle déception ! Après les deux crises majeures que nous avons connues durant le quinquennat – le mouvement des gilets jaunes et la pandémie de covid-19 –, tout le monde s'accordait à dire que la lourdeur de l'administration, la concentration des pouvoirs et le manque d'adaptation au niveau local constituaient un frein réel pour l'action publique. En avril 2019, lors du grand débat national organisé à la suite du mouvement des gilets jaunes, le Président de la République lui-même avait appelé de ses v?ux « un nouvel acte de décentralisation » afin de « changer le mode d'organisation de la République ». Cette démarche devait, selon lui, « porter sur des politiques de la vie quotidienne, le logement, le transport, la transition écologique, pour garantir des décisions prises au plus près du terrain. » Il ajoutait « qu'une vraie République décentralisée, ce sont des compétences claires que l'on transfère totalement en supprimant les doublons, on transfère clairement les financements et on transfère la responsabilité démocratique qui va avec. » Le groupe Libertés et territoires approuvait évidemment de tels propos.
Malheureusement, ce texte d'une portée on ne peut plus limitée va maintenir la France dans la catégorie des dinosaures institutionnels, dotés d'un centralisme exacerbé, nullement remis en question. Ce projet de loi sur lequel la majorité s'autocongratule ne contient que de simples ajustements. Nous sommes loin des promesses du Président de la République lors du grand débat national !