« Le bonheur est une habitude à cultiver » nous enseigne la sagesse populaire. Je finis par croire que nos collègues sénateurs trouvent du bonheur à nous renvoyer des textes qui auraient pu faire consensus. Si le groupe Libertés et territoires a bien noté les compromis faits au palais du Luxembourg, notamment sur l'écart d'âge maximal entre adoptant et adopté aux articles 3 et 10, ainsi que sur la validité du consentement des parents de l'adopté à l'article 7 et celui de l'enfant à son changement de nom lors d'une adoption simple à l'article 9, nous regrettons que le Sénat ait décidé de maintenir le droit en vigueur concernant les conditions d'âge ou de durée de communauté de vie requises pour adopter.
De même, il a de nouveau supprimé l'article 9 bis qui vise à établir la filiation de la mère d'intention par la voie de l'adoption de l'enfant issu d'une assistance médicale à la procréation à l'étranger. Il a également supprimé l'incrimination du fait de recueillir des mineurs en vue de l'adoption par des organismes autorisés pour permettre aux quelques associations concernées de continuer de se voir confier des enfants en vue de l'adoption. Sur ce dernier point, le groupe Libertés et territoires donnait raison au Sénat.
Ce soir, je ne peux que réitérer la position de notre groupe que j'avais exposée en nouvelle lecture, le 17 janvier : nous partageons l'ambition défendue par notre collègue Monique Limon, qui, avec cette proposition de loi, vise à donner une famille à un enfant et non l'inverse. Rappelons-le, loin de toute polémique sur la PMA ou la GPA, la gestation pour autrui : nous légiférons dans l'intérêt seul, et je dis bien « seul », de l'enfant, qu'il soit pupille de l'État, confié à l'ASE ou né à l'étranger.
Nous sécurisons juridiquement des familles que les parcours de vie, différents, parfois complexes, ont créées, car c'est bien cela dont il est question ce soir : de familles, d'enfants ayant perdu leurs parents, d'enfants nés sous X, de neveux, de cousins, d'oncles et tantes, de parents dans l'âme qui engagent un parcours du combattant pour fonder une famille, en allant de rendez-vous en rendez-vous chez le psychologue, chez l'assistante sociale. Ils vont de conseil de famille en conseil de famille, ils posent des RTT tous les trois mois pour renouveler un certificat médical nécessaire à leur agrément puis pour se rendre en mairie afin de faire authentifier leur signature et d'obtenir des certificats de copie conforme. Ils sont suspendus à des décisions de justice différentes d'un département à l'autre pour qu'un juge reconnaisse la qualité de leur famille.
Je pense à Chloé, 4 ans, qui attend depuis plus de deux ans de voir sa famille s'agrandir avec l'arrivée, depuis l'autre côté de la planète, d'un petit frère ou d'une petite sœur. Elle doit elle aussi se rendre régulièrement à des rendez-vous médicaux pour devenir grande sœur.
Je pense à titre très personnel – cela n'engage que moi et non mon groupe – à Olympe, née d'une GPA aux États-Unis, qui a reçu sa carte d'identité française près de six ans après sa naissance et dont la petite sœur, Hope, elle aussi née aux États-Unis il y a près de deux ans, n'a pas été reconnue hier par la justice comme faisant partie de sa famille, comme la fille aimée de ses deux papas et de sa grande sœur.
Certains diront que je dépasse ici le périmètre de la loi que nous allons adopter tout à l'heure. Je leur répondrai qu'il s'agit d'un seul et même sujet : celui de l'amour. Car oui, mes chers collègues, c'est un mot que nous entendons très peu dans cet hémicycle, et pourtant il est au cœur de la vie de chacun de nos concitoyens et, je l'espère, de celle des membres de cette assemblée. Il me semble qu'il est toujours bon de rappeler que les textes que nous adoptons chaque semaine dans cet hémicycle ont des répercussions concrètes sur la vie de nos concitoyens.
Avec cette proposition de loi, c'est le quotidien d'enfants que la vie a déjà chahutés que nous allons améliorer et sécuriser à l'heure où ils ne devraient se préoccuper que de poupées, de cubes et d'histoires de cours de récré.
C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés et territoires soutient ce texte, que je voterai tout à l'heure, non sans une certaine émotion. « La loi, l'unique loi, farouche, inexorable, qui régit tout progrès, c'est la loi du plus fort. » Nous y ajoutons celle du cœur.