Comme cette loi concerne la mémoire, je voudrais porter à cette tribune officielle la mémoire des harkis de mon coin. On sait que l'histoire a commencé des milliers de kilomètres plus au sud, de l'autre côté de la Méditerranée, il y a soixante ans : la fin de la guerre d'Algérie avec, au milieu, les harkis enrôlés dans l'armée française ; après des années de conflit sonnait l'heure de l'armistice. M. L. raconte : « J'ai quitté l'uniforme en mars 62. Mais les Français nous ont abandonnés dans la défaite, voilà. Ils nous ont laissés là-bas. C'est pire qu'une trahison ! C'est comme si on nous menait à la boucherie. Nos chefs, ils en avaient rien à foutre, ils nous enlevaient nos fusils, nos chaussures, comme tu prépares un mouton pour l'Aïd ! » Certains officiers qui, heureusement, n'en avaient pas « rien à foutre » rapatrient alors leurs hommes en métropole, discrètement, dans les soutes des navires. Mais le ministre Louis Joxe s'empresse alors d'interdire ces initiatives. Il requiert des punitions. Il s'agit de « rechercher les promoteurs et les complices de ces entreprises et [de] prendre les sanctions appropriées. » Vouloir protéger ses soldats devient presque un crime de guerre.