Hier, nous commémorions le massacre de Charonne. C'était il y a soixante ans. Le préfet de police, Maurice Papon, réprimait dans le sang une manifestation pour l'indépendance en Algérie ; 9 militants communistes et syndicalistes étaient alors assassinés, 250 blessés. J'aimerais que nous ayons une pensée pour ces hommes et femmes tombés sous la violence bestiale de l'État colonial français. « L'action coloniale, l'entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l'homme indigène tend inévitablement à modifier celui qui l'entreprend ; le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête. » Cette citation d'Aimée Césaire illustre le comportement inhumain qu'a eu la France à travers son entreprise coloniale en Algérie ; une inhumanité qui s'est traduite également dans l'abandon des harkis et de leurs familles, et dans le traitement indigne de ceux arrivés jusqu'en métropole.
La démarche engagée par ce texte touche à une page sombre de notre histoire. Je tiens au préalable à rappeler plusieurs positions fortes de notre groupe : l'émancipation des êtres humains est impossible quand les peuples subissent le colonialisme ou l'impérialisme ; l'autodétermination des peuples a toujours été notre boussole ; l'honneur de notre pays doit être de savoir regarder notre propre histoire avec objectivité et de demander pardon aux peuples exploités et colonisés pendant de trop nombreuses années.
Ce projet de loi vise à répondre à la légitime demande de réparation du préjudice subi par les harkis. Nous partageons bien sûr pleinement cette intention, comme nous l'avons rappelé en première lecture. Oui, il est sain de s'insurger de la manière indigne dont les harkis ont été accueillis à leur arrivée en France. Beaucoup d'entre eux arrivés par bateau, frôlant la mort, ont été enfermés, une fois la frontière franchie, dans des camps entourés de grillages et de fils barbelés. Une réalité dramatique source de souffrance et de traumatisme pour des milliers de personnes. Je voudrais rappeler les mots prononcés par André Chassaigne en première lecture quand il décrivait des humains « sortis en fantômes d'eux-mêmes, brisés, mutilés, appauvris, dépossédés de leurs biens, mais aussi déracinés – ce n'est pas la moindre de leurs souffrances –, coupés de leur terre natale […]. Ces conditions étaient inhumaines et l'État français doit répondre de ce préjudice. Si les harkis ont été si durement accueillis, ce n'est d'ailleurs pas parce qu'ils étaient harkis mais bel et bien parce que l'Algérie était devenue indépendante et eux, des étrangers.
Il est inadmissible de traiter de cette manière des êtres humains cherchant à rejoindre la France.
Autre époque, autre contexte, mais cela reste vrai aujourd'hui, notamment à Calais où la violence et la maltraitance exercées par l'État contre les exilés sont indignes de notre République.