Intervention de Isabelle Santiago

Séance en hémicycle du mercredi 9 février 2022 à 15h00
Reconnaissance et réparation des préjudices subis par les harkis — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago :

Dès le début de la guerre d'Algérie, on estime ainsi qu'ils sont près de 150 000 à avoir répondu à l'appel pour défendre la République française. Certains l'ont payé de leur vie. Nous nous devions de reconnaître ce sacrifice ; c'est ce que nous faisons avec cette loi.

Cette reconnaissance ne peut aller sans celle des conditions inhumaines dans lesquelles les harkis et leurs familles ont ensuite été accueillis en France. Déjà entièrement déracinés de leur terre d'origine, ils sont près de 88 000 à avoir été relégués dans des centres de transit, des hameaux de forestage, des camps, des cités fermées. Ils y subissent ségrégation, isolement, faim et insalubrité, loin du respect de la dignité humaine. Je voudrais rappeler qu'il faut attendre 1975, soit treize ans après le début des rapatriements, pour que la République française commence à améliorer leurs conditions de vie, et trente-deux ans pour que le dernier camp ferme ses portes. Ce retard coupable a provoqué chez les harkis, les rapatriés d'Algérie et leurs familles un traumatisme profond et durable. Pour cet abandon, cette injustice, la France doit demander pardon.

Mais si cette reconnaissance doit s'inscrire dans les lois de la République et dans notre mémoire collective, elle doit également passer par une réparation financière. Aussi, je me réjouis que la CMP ait permis d'avancer et de confirmer plusieurs points au sujet desquels nous avions alerté le Gouvernement en première lecture.

En effet, le texte initial évoquait le « délaissement des harkis ». Nous avions déposé un amendement pour remplacer cette expression par celle, plus forte et plus juste, « d'abandon des harkis » ; la CMP l'a confirmée.

Notre groupe avait aussi insisté sur l'importance de bien clarifier les missions de l'ONACVG et celles de la future commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, afin d'éviter les navettes administratives qui découragent parfois nos concitoyens de faire valoir leurs droits. Le texte précise désormais ces compétences, et distingue la commission de reconnaissance et de réparation de l'ONACVG, en la plaçant directement sous la tutelle du Premier ministre. C'est une bonne chose.

Je voudrais saluer une troisième avancée : l'extension du dispositif de réparation, qui permettra l'indemnisation de l'ensemble des harkis, et non plus seulement de ceux qui sont passés dans les camps ou hameaux de forestage, comme cela avait été initialement proposé par le Gouvernement.

La CMP a enfin confirmé l'avancée obtenue au Sénat concernant l'extension à six années, au lieu de quatre, de la durée des arrérages dont bénéficient les veuves au titre de l'allocation viagère. Elle a également maintenu le principe qui consiste à aider les descendants des harkis jusqu'au second degré dans leurs démarches administratives pour l'accès aux dispositifs d'aide de droit commun. C'est une avancée importante dont les conséquences pratiques sont non négligeables pour tous ceux qui pourront en bénéficier.

Pour finir, je souhaiterais renouveler les alertes de mes collègues Olivier Faure et David Habib ainsi que du groupe Socialistes et apparentés dans son ensemble. On estime en effet que le dispositif de réparation devrait bénéficier à plus de 50 000 personnes, là où les aides déjà en place ne concernaient que 5 469 personnes. Le Gouvernement doit donc impérativement s'assurer que les moyens humains et financiers seront suffisants pour traiter les demandes.

Je terminerai en rappelant que cet esprit de concorde s'inscrit dans la continuité des positions qui ont été celles de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Ce dernier indiquait dans sa déclaration du 25 septembre 2016 : « Cette vérité est la nôtre, et je l'affirme ici clairement, au nom de la République. Je reconnais la responsabilité des gouvernements français dans l'abandon des harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d'accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France. Telle est la position de la France. »

Je le redis, le groupe Socialistes et apparentés votera pour ce texte, car la nation doit être unanime dans la reconnaissance des torts faits aux harkis.

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