Nous sommes invités à nous prononcer sur le texte d'une proposition de loi qui permettra de reporter à 2041 la question de la mise en concurrence de la concession du Rhône. Nous nous réjouissons bien entendu de ce report. Le projet présenté dans ce texte est attendu et partagé non seulement par les collectivités et les associations, mais aussi par les salariés. Tous sont fortement attachés à notre modèle hydroélectrique caractérisé par la prise en compte solidaire des nombreuses missions qui lui sont confiées, dont les plus importantes sont liées à la gestion équilibrée et partagée de la ressource en eau, ainsi qu'à l'aménagement du territoire.
Le grand mérite de la proposition de loi est de permettre à la Compagnie nationale du Rhône de poursuivre la réalisation des missions d'intérêt général qui sont les siennes en faveur du développement de la vallée du Rhône, tout en lui donnant les moyens de relever les défis qui l'attendent en matière d'anticipation et de gestion des conséquences du réchauffement climatique et de reconquête de la biodiversité, en concertation étroite avec les élus locaux.
Dans le paysage des concessions hydroélectriques françaises, le « modèle Rhône », rénové au début des années 2000, est unique. Il illustre le bien-fondé et la plus-value que procure une approche intégrée et sous maîtrise publique des enjeux liés à l'eau dans la multiplicité de ses usages. Il doit servir d'alerte sur le caractère impraticable et dangereux d'une ouverture à la concurrence qui viendrait démanteler de tels outils, lesquels ont au contraire vocation à se multiplier.
C'est pourquoi nous partageons les regrets, exprimés par certains de nos collègues du Sénat, concernant le fait que le Gouvernement ne se soit pas penché avec autant de sollicitude sur les difficultés rencontrées par d'autres concessions hydroélectriques, notamment celles qui sont détenues par le groupe EDF et qui sont sous le coup d'un contentieux vieux de bientôt dix ans avec la Commission européenne. Comme le rappelait la présidente de la commission mixte paritaire : « Le secteur de l'hydroélectricité attend des solutions globales, afin de sortir par le haut de cette situation d'insécurité juridique, sans rien sacrifier de notre souveraineté économique ni de notre transition énergétique. » Les opérateurs historiques, parmi lesquels la Compagnie nationale du Rhône, sont les seuls à offrir actuellement des garanties suffisantes en matière de gestion des risques sécuritaires, de soutien à l'économie et à l'emploi et de prise en compte effective de la diversité des usages de la ressource en eau. Ils sont aussi les seuls à pouvoir s'inscrire dans des logiques de long terme et à conduire les investissements nécessaires pour accroître nos capacités en hydroélectricité dans le respect de l'environnement.
Comme je le rappelais en première lecture, nous avions été, en avril 2019, à l'initiative d'une proposition de résolution européenne concernant l'avenir du secteur hydroélectrique. Signé par plus d'une centaine de députés issus de tous les bords, ce texte invitait le Gouvernement à se rapprocher de ses partenaires européens en vue d'exclure explicitement le secteur hydroélectrique du champ des directives européennes sur les services dans le marché intérieur et l'attribution de contrats de concession. Nous y rejetions comme dangereuse et irrationnelle l'ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique aux plans économique, social et environnemental. En effet, nous estimons, comme une majorité des citoyens et de très nombreux élus de nos territoires, que l'hydroélectricité dépasse de très loin le seul cadre de la production d'énergie et qu'elle concentre de multiples enjeux, notamment celui d'un service public incontournable qui intéresse le rôle propre des barrages dans nos territoires en matière d'irrigation agricole, de fourniture d'eau potable, de soutien d'étiage ou de tourisme.
À l'heure où le Président de la République prend un virage impromptu en faveur du nucléaire, nous mesurons, là aussi, l'intérêt d'une maîtrise publique de ces installations.