Intervention de Patrick Vignal

Séance en hémicycle du lundi 21 février 2022 à 16h00
Choix du nom issu de la filiation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Vignal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le garde des sceaux l'a dit, la commission mixte paritaire des deux chambres, la semaine dernière, n'est pas parvenue à un accord. Je le regrette. Nous sommes donc réunis aujourd'hui afin d'examiner en nouvelle lecture la proposition de loi dont j'ai la fierté d'être le rapporteur.

Il est fort probable que nous devrons nous retrouver pour un vote définitif le jeudi 24 février, et la loi entrera alors en vigueur le 1er juillet 2022. Ce sera un moment de célébration collective pour des milliers d'hommes et de femmes pris dans l'embarras des tracasseries quotidiennes, comme celui de devoir supporter une identité civile qu'ils abhorrent. Ils pourront enfin changer de nom.

On nous dit que nous n'avons pas conduit d'étude d'impact. Les nombreux témoignages reçus et le caractère long, difficile, incertain et coûteux de la procédure de changement de nom constituent à nos yeux la meilleure justification de la nécessité de légiférer. Les auditions successives que nous avons menées, l'étude du collectif Porte mon nom, mais aussi les débats que nous conduisons successivement à l'Assemblée et au Sénat nous éclairent suffisamment sur la situation.

Quelle est la genèse de cette proposition de loi ? Un matin, j'ai reçu dans ma permanence la porte-parole du collectif Porte mon nom, Marine Gatineau Dupré, qui m'a fait part des difficultés rencontrées par les parents séparés pour prendre un avion ou conduire leur enfant à l'hôpital. Au départ, je me suis demandé s'il n'y avait pas de sujets plus importants – économie, sécurité, immigration, « grand remplacement » pour certains –, puis je me suis rendu compte que ces préoccupations du quotidien concernaient beaucoup de monde autour de moi. D'ailleurs, je sais, monsieur le garde des sceaux, que votre boîte aux lettres électronique est, comme la mienne, tous les jours pleine de demandes.

Le point de départ est donc la proposition de ce collectif et je m'en félicite. Il serait temps que les lois partent aussi du terrain et soient non seulement discutées et amendées de manière juridique avec des cabinets parisiens, mais aussi votées avec des collectifs. C'est peut-être comme cela que les Français retrouveront le chemin des urnes, en nous faisant confiance.

La demande du collectif portait uniquement sur le nom d'usage à ajouter : quand un des deux parents n'a pas transmis le nom à son enfant, il doit pouvoir ajouter le nom d'usage, et uniquement ce dernier. Mais qu'avons-nous découvert, avec la puissance citoyenne ? Nous avons découvert des témoignages glaçants, où une personne de soixante-dix ans vous dit qu'elle ne veut pas que sur sa tombe il y ait le nom de son bourreau. Rien que pour cette personne cette loi mérite d'exister. Imaginez aussi quand des personnes ont des noms comme Abdeslam ou Fourniret, des noms très compliqués qu'elles n'ont pas demandé de porter mais qui leur ont été imposés. Sur l'article 2, nous sommes donc allés plus loin, en permettant la substitution ou l'ajout d'un nom, et tant mieux.

Je voudrais remercier deux personnes : le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, et Richard Ferrand, le président de notre assemblée. Monsieur le garde des sceaux, nous avons travaillé avec vos services, et je dois dire que nous avons bénéficié de votre soutien inoxydable. Tout à l'heure, je disais que pour connaître les réponses, il faut vivre les questions, et c'est votre cas. Voilà ce qui nous a sensibilisés, et c'est ainsi qu'on parviendra à retrouver de la prestance aux yeux de nos concitoyens. Les lois peuvent être impulsées dans les cabinets ministériels – on a besoin des sachants –, mais on a également besoin de la force citoyenne, des gens qui vivent les réalités du terrain tous les jours et qui nous éclairent sur les dispositions à adopter.

Sans être trop long, je voudrais également remercier l'opposition. D'ailleurs, dans les débats que nous avons eus, ce n'était pas vraiment une opposition. Quand j'ai écouté mes amis socialistes, ou encore Danièle Obono – avec laquelle je ne partage pourtant rien politiquement –, j'ai constaté qu'il existait une concorde intéressante entre quasiment tous les groupes. Certains membres des Républicains se sont même contentés de s'abstenir face à une loi de bon sens, une loi d'équité, une loi d'égalité. Au passage, je voudrais aussi saluer le travail d'Emmanuelle Ménard. Madame Ménard, nous ne sommes pas d'accord sur plein de sujets, mais vous avez su nous aider à construire la loi parce que vous avez compris son intérêt, et je vous en remercie.

Chers collègues, je ne vous cache pas que lorsque la proposition de loi a quitté l'Assemblée, elle avait une magnifique robe de mariée. Je pensais qu'une fois au Sénat, elle serait amendée dans le même esprit. Au Sénat, j'ai entamé la même démarche qu'à l'Assemblée : je suis allé voir Jean-Pierre Grand, sénateur du groupe Les Républicains et j'ai demandé son soutien ; j'ai également rencontré les sénateurs Hussein Bourgi, Henri Cabanel et Christian Bilhac. Je suis allé voir les collègues en leur disant : « C'est la fin du quinquennat, pensez à ces gamins qui nous regardent dans les tribunes. Quelle fierté de finir avec une loi qui ne prend rien à personne, une loi qui remet de la justice et de l'équité ! »

Malheureusement, certains en ont fait un objet de politique politicienne.

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