La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Nous nous retrouvons aujourd'hui parce que la commission mixte paritaire (CMP) n'a pu aboutir à un accord, ce que, croyez bien, je regrette amèrement. Une fois de plus, la majorité et le Gouvernement se retrouvent seuls, avec toutefois un certain nombre de groupes de l'opposition…
…que je veux saluer, respectueusement, chaleureusement, qui nous aident à donner vie à une nouvelle loi de liberté et d'égalité pour chacun de nos concitoyens.
Cette loi vise aussi à simplifier la vie de milliers de Français qui vivent au quotidien des difficultés, voire des souffrances qu'il ne tient qu'à nous, Gouvernement et Parlement, d'alléger, voire d'apaiser, par une réforme qui est au fond de grand bon sens. Oui, il est de notre devoir d'adapter les règles à notre société, car ce n'est pas le droit qui façonne celle-ci mais bien l'inverse. Je le redis sans détour et avec force : j'approuve cette réforme.
J'approuve cette réforme car, j'en suis convaincu, elle va améliorer la vie de nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Je l'approuve car elle répond à des attentes fortes de simplification. Je l'approuve car il n'est pas normal d'obliger, par exemple, nos compatriotes à porter le nom de leur bourreau. Porter son nom, oui ; le supporter comme on supporte un fardeau, non. J'approuve enfin cette réforme car elle va faciliter la vie des mères qui doivent présenter leur livret de famille à tout bout de champ parce que leurs enfants ne portent pas leur nom. Vous l'aurez compris, j'approuve cette réforme parce qu'elle est juste.
Cependant, je l'ai entendu aussi, cette réforme a suscité des inquiétudes. Certaines sont légitimes et je me suis efforcé et m'efforcerai d'y répondre jusqu'au dernier moment. D'autres semblent un peu plus politiciennes. D'aucuns ont parlé de « grand chambardement ». D'autres, dans une espèce de surenchère réactionnaire de mauvais aloi, ont parlé de « déconstruction de la famille » – rien que ça. Je souhaite devant vous insister encore une fois : cette proposition de loi n'a pas pour ambition de changer notre société mais bien de résoudre des problèmes concrets auxquels nos concitoyennes et concitoyens sont confrontés dans leur quotidien.
Vous me permettrez donc de revenir quelques instants sur ce qui s'est passé au Sénat, que l'on peut résumer en un mot : détricotage en bonne et due forme.
S'agissant du nom d'usage, tout d'abord, vous aviez souhaité en première lecture que le parent dont le nom n'a pas été transmis puisse unilatéralement adjoindre son nom à celui de l'enfant, à condition d'en avoir préalablement informé l'autre parent. C'était une demande forte des mères célibataires, prônée haut et fort par le collectif Porte mon nom.
Le Sénat a supprimé ce dispositif. À la place, il voulait que le juge soit saisi par le parent qui souhaitait ajouter son nom, c'est-à-dire que l'on revienne purement et simplement au droit actuel. C'est contraire à l'esprit même de cette proposition de loi de liberté et d'égalité. Mais, au-delà, c'est surtout très injuste puisque cela revient à faire peser sur la mère la responsabilité de saisir le juge. Car, oui, il faut le dire, c'est bien des mères qu'il s'agit la plupart du temps.
Je me félicite donc que votre commission ait rétabli la possibilité d'adjoindre unilatéralement au nom de l'enfant le nom d'usage du parent qui ne l'a pas transmis. C'est très bien ainsi. Cette faculté, en effet, ne retire rien au parent dont l'enfant porte le nom puisqu'on ajoute simplement le nom de l'autre parent. C'est une question d'égalité qui répond à des attentes concrètes et fortes d'hommes et de femmes, mais surtout de femmes. Il était temps de changer les choses en la matière.
Pour ce qui est du changement de nom de famille pour les majeurs, enfin, le Sénat a refusé purement et simplement la réforme proposée et renvoyé à un aménagement inutilement lourd et bureaucratique qui aurait allié tous les inconvénients des deux systèmes sans en présenter aucun des avantages. C'était assurément une fausse bonne idée. Pour choisir entre le nom du père et le nom de la mère ou l'adjonction des deux noms, une procédure passant par une instruction des services de la Chancellerie et un arrêté du ministre n'est pas justifiée. En tout cas, à nos yeux, elle ne l'est plus. Il était donc indispensable de rétablir la procédure simplifiée de changement de nom, ce que votre commission a fait dès jeudi. Je m'en félicite et l'en remercie.
Ce texte est bien trop important pour en faire une proie de certaines considérations bassement politiciennes que j'ai lues ici et là dans la presse.
Je voudrais prendre un instant pour remercier les parlementaires qui se sont saisis de mon invitation à travailler ensemble en bonne intelligence et dans une logique transpartisane. Je pense bien sûr aux parlementaires à ma gauche, qui ont accompagné l'élan progressiste de cette proposition de loi. Mais je pense aussi à certains à ma droite qui ont compris que nul ici ne voulait déstructurer quoi que ce soit mais plutôt apaiser les douleurs et simplifier la vie de ces hommes et femmes pour qui le nom de famille est synonyme de souffrance ou de difficultés quotidiennes.
Je ne sais s'il votera in fine le texte mais je veux saluer le député Schellenberger – vous lui transmettrez, si vous voulez bien – qui nous a accompagnés pour intégrer à cette loi un délai de réflexion, sur lequel je reviendrai dans un instant. C'est là une amélioration concrète du texte.
Je voudrais également remercier le rapporteur Vignal qui n'a pas ménagé sa peine pour parvenir à la rédaction qui vous est présentée. Il a pu compter sur le soutien des députées Camille Galliard-Minier – et sa maîtrise fine des enjeux juridiques –, Aude Luquet et Alexandra Louis, qui nous accompagnent depuis longtemps sur tous les sujets d'égalité.
Je veux conclure en évoquant très rapidement le principal ajustement apporté au texte par rapport à la première version issue de l'Assemblée : je parle du délai de réflexion. Votre commission a fait le choix judicieux d'introduire un délai de réflexion pour le changement de nom dans le cadre de la procédure simplifiée. Vous vous souvenez que nous avions évoqué cette question lors des débats en première lecture.
Il est raisonnable, plus même, il est responsable d'empêcher que le changement de nom se fasse sur un coup de tête car, oui, si cette loi a autant de force, c'est parce que changer de nom n'est pas une broutille. Tout en le simplifiant, il est donc important de donner à cet acte toute la solennité qui convient. Désormais, il faudra donc confirmer devant l'officier de l'état civil, après un délai qui ne pourra être inférieur à un mois, la volonté de changer de nom. Ce délai et cette confirmation soulignent l'importance et la solennité de la démarche de changement de nom. Avec cette modification, je crois que le texte a désormais atteint un équilibre presque parfait.
Vous le savez maintenant, je crois en cette réforme avec vigueur, avec enthousiasme. Elle simplifie la vie de nos concitoyens, elle est logique et surtout elle est juste.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.
La parole est à M. Patrick Vignal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le garde des sceaux l'a dit, la commission mixte paritaire des deux chambres, la semaine dernière, n'est pas parvenue à un accord. Je le regrette. Nous sommes donc réunis aujourd'hui afin d'examiner en nouvelle lecture la proposition de loi dont j'ai la fierté d'être le rapporteur.
Il est fort probable que nous devrons nous retrouver pour un vote définitif le jeudi 24 février, et la loi entrera alors en vigueur le 1er juillet 2022. Ce sera un moment de célébration collective pour des milliers d'hommes et de femmes pris dans l'embarras des tracasseries quotidiennes, comme celui de devoir supporter une identité civile qu'ils abhorrent. Ils pourront enfin changer de nom.
On nous dit que nous n'avons pas conduit d'étude d'impact. Les nombreux témoignages reçus et le caractère long, difficile, incertain et coûteux de la procédure de changement de nom constituent à nos yeux la meilleure justification de la nécessité de légiférer. Les auditions successives que nous avons menées, l'étude du collectif Porte mon nom, mais aussi les débats que nous conduisons successivement à l'Assemblée et au Sénat nous éclairent suffisamment sur la situation.
Quelle est la genèse de cette proposition de loi ? Un matin, j'ai reçu dans ma permanence la porte-parole du collectif Porte mon nom, Marine Gatineau Dupré, qui m'a fait part des difficultés rencontrées par les parents séparés pour prendre un avion ou conduire leur enfant à l'hôpital. Au départ, je me suis demandé s'il n'y avait pas de sujets plus importants – économie, sécurité, immigration, « grand remplacement » pour certains –, puis je me suis rendu compte que ces préoccupations du quotidien concernaient beaucoup de monde autour de moi. D'ailleurs, je sais, monsieur le garde des sceaux, que votre boîte aux lettres électronique est, comme la mienne, tous les jours pleine de demandes.
Le point de départ est donc la proposition de ce collectif et je m'en félicite. Il serait temps que les lois partent aussi du terrain et soient non seulement discutées et amendées de manière juridique avec des cabinets parisiens, mais aussi votées avec des collectifs. C'est peut-être comme cela que les Français retrouveront le chemin des urnes, en nous faisant confiance.
La demande du collectif portait uniquement sur le nom d'usage à ajouter : quand un des deux parents n'a pas transmis le nom à son enfant, il doit pouvoir ajouter le nom d'usage, et uniquement ce dernier. Mais qu'avons-nous découvert, avec la puissance citoyenne ? Nous avons découvert des témoignages glaçants, où une personne de soixante-dix ans vous dit qu'elle ne veut pas que sur sa tombe il y ait le nom de son bourreau. Rien que pour cette personne cette loi mérite d'exister. Imaginez aussi quand des personnes ont des noms comme Abdeslam ou Fourniret, des noms très compliqués qu'elles n'ont pas demandé de porter mais qui leur ont été imposés. Sur l'article 2, nous sommes donc allés plus loin, en permettant la substitution ou l'ajout d'un nom, et tant mieux.
Je voudrais remercier deux personnes : le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, et Richard Ferrand, le président de notre assemblée. Monsieur le garde des sceaux, nous avons travaillé avec vos services, et je dois dire que nous avons bénéficié de votre soutien inoxydable. Tout à l'heure, je disais que pour connaître les réponses, il faut vivre les questions, et c'est votre cas. Voilà ce qui nous a sensibilisés, et c'est ainsi qu'on parviendra à retrouver de la prestance aux yeux de nos concitoyens. Les lois peuvent être impulsées dans les cabinets ministériels – on a besoin des sachants –, mais on a également besoin de la force citoyenne, des gens qui vivent les réalités du terrain tous les jours et qui nous éclairent sur les dispositions à adopter.
Sans être trop long, je voudrais également remercier l'opposition. D'ailleurs, dans les débats que nous avons eus, ce n'était pas vraiment une opposition. Quand j'ai écouté mes amis socialistes, ou encore Danièle Obono – avec laquelle je ne partage pourtant rien politiquement –, j'ai constaté qu'il existait une concorde intéressante entre quasiment tous les groupes. Certains membres des Républicains se sont même contentés de s'abstenir face à une loi de bon sens, une loi d'équité, une loi d'égalité. Au passage, je voudrais aussi saluer le travail d'Emmanuelle Ménard. Madame Ménard, nous ne sommes pas d'accord sur plein de sujets, mais vous avez su nous aider à construire la loi parce que vous avez compris son intérêt, et je vous en remercie.
Chers collègues, je ne vous cache pas que lorsque la proposition de loi a quitté l'Assemblée, elle avait une magnifique robe de mariée. Je pensais qu'une fois au Sénat, elle serait amendée dans le même esprit. Au Sénat, j'ai entamé la même démarche qu'à l'Assemblée : je suis allé voir Jean-Pierre Grand, sénateur du groupe Les Républicains et j'ai demandé son soutien ; j'ai également rencontré les sénateurs Hussein Bourgi, Henri Cabanel et Christian Bilhac. Je suis allé voir les collègues en leur disant : « C'est la fin du quinquennat, pensez à ces gamins qui nous regardent dans les tribunes. Quelle fierté de finir avec une loi qui ne prend rien à personne, une loi qui remet de la justice et de l'équité ! »
Malheureusement, certains en ont fait un objet de politique politicienne.
Comment oser m'accuser de lobbying ? Comment ignorer le combat de l'association Porte mon nom ou encore les plus de 3 000 demandes de changement de nom chaque année ? Vous avez la possibilité de remédier à des souffrances, et on vous explique que vous faites du lobbying ou que vous détricotez la famille.
Je ne sais pas si nous avons tout bien fait au cours de la législature. Je pense que nous avons commis des erreurs,…
…de liberté !
…de société, une loi capable de rassembler, main dans la main, la majorité des élus, dans une chaîne d'union pour l'intérêt des citoyens, me semble être un beau geste.
J'espère que la future majorité – que ce soit nous ou d'autres – sera capable de faire confiance à des collectifs de citoyens et de s'appuyer sur la parole citoyenne. Il faudra se rendre compte un jour qu'il n'y a pas que l'avis des sachants : il y a aussi des gens qui ont l'expérience quotidienne du terrain.
J'espère que nous serons tous présents jeudi, dernier jour de séance de la session, pour voter en lecture définitive cette loi qui ne retire rien à personne, mais qui met du cœur. Or je le sais bien : la justice a du cœur.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT.
Le choix du nom issu de la filiation : tel est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Vaste débat, vous en conviendrez, compte tenu de l'échec de la CMP – que je regrette également, mais que nous n'avons pu que constater.
Il est question du nom, pas simplement celui servant à identifier tel ou tel objet, mais bien le nom de famille, celui déterminant l'appartenance à une lignée, à une famille, à une histoire ; celui qui ouvre des droits et comporte des devoirs – succéder mais aussi secourir et protéger ses descendants ou ses aïeux.
Il est question de cette identité qui nous appartient et qui permet d'être en société. C'est la première des choses qui est faite à notre naissance : nommer le nouveau-né est une obligation figurant à l'article 57 du code civil. Il s'agit de nommer pour identifier, pour savoir qui l'on est, pour savoir d'où l'on vient ; pour protéger le nouveau-né, pour qu'il dispose d'une filiation et de la protection qui en découle.
Un nom, nous en avons tous un, parfois deux. Ce ou ces noms nous ont été attribués à la naissance selon les dispositions de l'article 311-21 du code civil. Nous ne les avons pas choisis et nous apprenons avec l'âge ce qu'ils engendrent. Les aléas et parfois la violence de la vie peuvent rendre insupportable d'avoir à porter le nom de celle ou de celui dont on souhaite se démarquer.
Pour oublier, pour ne plus avoir à subir le regard des autres ou tout simplement pour être soi-même, changer de nom est une possibilité offerte par la loi. Mais à quel prix ? Au moyen de quels efforts, dans quels délais et suivant quelles procédures ? Celui qui n'a jamais lu le désarroi dans les yeux d'un candidat au changement de nom, lorsqu'il vient de prendre connaissance du parcours du combattant dans lequel il souhaite s'engager, ne peut pas comprendre.
Nous avons tous une histoire que nous portons, à travers notre filiation, depuis l'enfance – une histoire imposée. Mais une fois majeurs, nous avons aussi notre histoire, celle que nous avons vécue et qui, du fait de fautes ou de manquements de l'un ou l'autre des parents, peut nous conduire à vouloir changer de nom, juste pour être soi-même aux yeux de la société et non le prolongement, à travers le nom, des errances d'un père ou d'une mère.
Voilà ce dont il est question aujourd'hui : ne pas imposer le poids du passé, le poids du vécu, à ceux qui ne seraient plus en mesure de le supporter et encore moins de l'assumer à travers un nom trop lourd ou trop douloureux à porter. Cela n'enlèvera rien à la filiation à l'état civil, mais évitera à certains d'avoir à supporter, à subir la douleur profonde à l'évocation dudit nom.
Depuis la loi de 2002, le nom de naissance n'est plus nécessairement patronymique : l'enfant peut porter le nom du père ou de la mère, ou encore les deux lorsque les parents sont soit d'accord soit, au contraire, en désaccord. Aujourd'hui, huit enfants sur dix portent le nom de leur père. C'est souvent le choix assumé d'une pratique traditionnelle dont les familles n'entendent pas se départir. Ce choix demeurera non seulement possible, mais restera également la règle après l'adoption du présent texte.
Mais notre société évolue : la famille monoparentale est de plus en plus fréquente et le nombre de mères élevant seules un enfant qui ne porte pas leur nom est de plus en plus important, avec la légion de complications administratives que cela entraîne, sans compter le possible problème identitaire auquel l'enfant peut être confronté, souvent douloureux et toujours source de confusion pour les plus jeunes.
Il convient donc de simplifier la procédure de changement de nom du mineur, mais également de respecter le choix du majeur. Ce choix continuera à respecter la lignée parentale – le nom ne pouvant qu'être celui de l'un ou l'autre des parents –, pour faciliter le quotidien, mais aussi et surtout – et c'est à eux que je pense en premier – pour décharger certains du poids d'un passé qu'ils n'ont pas voulu.
J'en terminerai par cette citation de Léon Tolstoï : « Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon. » Alors, parce que nous ne pouvons légiférer pour tous ceux qui souffrent individuellement, à leur manière et pour les raisons qui sont les leurs, offrons-leur tout de même la possibilité de choisir ; pas d'effacer, mais d'oublier un peu.
Vous l'aurez compris, ce sujet de société n'a rien de politique, il relève de la conscience et du vécu de chacun. Le texte ne changera rien pour ceux qui le rejettent, il ouvrira un nouvel avenir à ceux qui en bénéficieront ; la continuité pour les uns, la paix pour les autres. Nous voterons donc chacun en notre âme et conscience.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne sais pas si dans cet hémicycle et dans celui du Sénat certains sont de l'ancien monde ou du nouveau monde mais ce qui est sûr, c'est qu'ils sont dans un autre monde, pour être aussi hermétiques à certaines souffrances et à certaines réalités : souffrances de femmes et d'hommes, de mères et de pères, ou d'enfants qui portent leur nom ou l'absence de nom comme un fardeau.
Dans la proposition de loi que nous examinons, on ne parle pas de changer de nom pour le plaisir et encore moins pour choisir un nom farfelu. Non, on pense à la mère qui souhaite ne plus avoir à sortir son livret de famille pour prouver que son enfant est bien le sien dans les démarches du quotidien. On pense à cette jeune fille ou ce jeune homme, victimes d'un père ou d'une mère bourreau et qui, une fois devenus adultes, font le choix courageux et salutaire de ne plus vouloir porter un nom qui leur fait si mal.
Vous qui êtes opposés à ce texte, que leur répondez-vous ? Que ce sera encore à cette mère d'aller devant la justice parce que son ex-mari lui refuse ne serait-ce que l'adjonction de son nom ? Que cette jeune fille ou ce jeune homme victime devra encore supporter une démarche longue, coûteuse et aléatoire auprès de la Chancellerie pour changer le nom de son bourreau et se reconstruire ? Que d'énergie gaspillée et de temps perdu !
Nous avons une autre ambition que le statu quo. Nous voulons lever ces obstacles inutiles et parfois inhumains. D'autant plus que le texte installe un cadre commun et clair : le choix de substituer un nom ou d'adjoindre un autre nom ne peut se faire qu'entre le nom du père et celui de la mère, dans le respect de la filiation. Où est la perte d'identité, où est la rupture ? Il n'y en a aucune.
Au groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, nous sommes fiers de soutenir une loi qui vient faciliter le quotidien de Françaises et des Français qui souffrent face à une administration qui les freine dans leur reconstruction ou dans leur vie quotidienne.
Nous ne devons pas craindre d'avancer, d'entendre les souffrances et les demandes de nos concitoyens. La procédure simplifiée de changement de nom à l'état civil que nous avons adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale est une réponse à ces attentes. Pour autant, elle ne vient pas remettre en cause nos principes fondamentaux relatifs à la filiation. Le Sénat s'est montré frileux sur cette procédure simplifiée et a souhaité la recentraliser, remettre du formalisme en gage de garantie. Nous avons entendu les inquiétudes des sénateurs : il est en effet important de s'assurer que le changement de nom à l'état civil ne se fera pas sur un coup de tête. C'est la raison pour laquelle, en commission des lois, nous avons adopté un amendement du rapporteur visant à ajouter à la procédure un délai de réflexion. Cependant, nous devons rester dans la simplification, avec une démarche effectuée auprès de l'officier d'état civil.
Nous étions prêts à œuvrer pour une commission mixte paritaire conclusive, mais ce point était pour nous une ligne rouge à ne pas franchir sous peine de dénaturer la proposition de loi. Nous n'avons pas réussi à trouver un équilibre avec les sénateurs sur cette procédure, c'est bien dommage.
Chers collègues, inutile d'être plus longue. Notre groupe votera cette loi pour ajouter un peu plus d'humanité dans notre monde qui, lui, est bien réel.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est des lois qui changent les choses et ouvrent des perspectives ; il est des lois qui accompagnent le changement et répondent à des besoins exprimés et non encore possibles. Assurément, ce texte ressortit à la seconde catégorie.
Contrairement à ce que certaines interventions dans notre assemblée ou au Sénat ont pu laisser entendre, l'usage du nom de famille précédé du prénom n'a pendant longtemps été ni la règle ni une évidence. Jusqu'au XI
La loi du 4 mars 2002, sous le gouvernement Jospin, a supprimé la transmission automatique et exclusive du nom du père à l'enfant. Elle a permis aux parents de choisir le nom de famille de l'enfant : soit le nom du père, soit celui de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux. Jusqu'à cette loi, l'enfant légitime portait obligatoirement le nom de son père seulement dans trois pays européens : la Belgique, la France et l'Italie. Par la suite, la loi du 17 mai 2013 est allée un peu plus loin en permettant à l'enfant, en cas de désaccord entre les parents, de porter leurs deux noms accolés par ordre alphabétique. Si j'insiste sur ces points d'histoire, c'est pour montrer que l'évolution a été longue, mais qu'elle ne s'arrête pas à ce qui a été hier.
L'évolution sociale passe aujourd'hui par le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe de non-discrimination figurant à l'article 14. La Cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion d'affirmer que le nom est un élément d'identification de la personne et qu'à ce titre, il se rattache bien à sa vie privée et familiale. Que l'État soit en mesure d'en réglementer l'usage ne retire rien au fait que le nom patronymique est d'abord un élément essentiel de la relation de l'individu avec ses semblables.
Le texte dont nous discutons ne bouscule pas le cadre existant. Il lui donne une souplesse qui permettra de concilier une potentielle évolution personnelle et la stabilité que requiert l'identité des personnes. En ce sens, il modifie la donne de façon raisonnable et équilibrée.
L'article 1er donne le droit à toute personne majeure de porter, à titre d'usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, par substitution ou adjonction à son propre nom et dans l'ordre qu'elle choisit, dans la limite – bien entendu – d'un nom de famille pour chacun des parents. L'article 2 prévoit que toute personne puisse demander à l'officier d'état civil dépositaire de son acte de naissance de changer de nom, par substitution ou adjonction à son propre nom du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Quant à l'article 3, il établit les conditions dans lesquelles cette capacité peut être mobilisée pour les majeurs protégés.
Le texte permet donc d'introduire davantage de responsabilité et de liberté. Il facilitera les changements de nom des enfants qui, malheureux car victimes de violences de la part de leur père ou ayant fait l'objet d'un abandon, pourront choisir, sans difficulté majeure et en évitant un parcours qui peut être long, amer et humiliant, de faire correspondre leur identité patronymique avec celle de parents aimants. Il complète un mouvement législatif auquel les députés du groupe Socialistes et apparentés ont contribué et souscrivent.
Nos collègues du Sénat se sont majoritairement opposés à la disposition pivot de la proposition de loi, qui concerne la simplification du changement de nom de famille ; ils ont proposé une procédure spécifique, relevant du ministère de la justice. Ils ont par ailleurs repoussé la substitution de nom pour les mineurs. Enfin, ils se sont opposés à la possibilité pour un parent de décider seul d'adjoindre, à titre d'usage, son nom de famille à celui de l'enfant. Autrement dit, ils ont vidé le texte de sa substance, mus par la volonté de faire comme si le processus d'évolution était en la matière déjà achevé. Nous le constatons et pour ma part, je le regrette, car il s'agit d'un combat d'arrière-garde.
Les amendements déposés et défendus par les députés du groupe Socialistes et apparentés ont été débattus et adoptés. En l'état, le texte permet donc d'atteindre un nouveau point d'équilibre. Nous le voterons car il se conforme à une évolution sociale – certains diraient sociétale –, règle des situations personnelles et familiales difficiles et garantit mieux le droit s'appliquant au nom patronymique, qui constitue un élément majeur de la vie privée et familiale. Nous sommes heureux d'être réunis pour travailler en ce sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LT.
Voici un texte qui devrait nous rassembler ; en effet, il a trait à un sujet qui préoccupe au quotidien nombre de nos concitoyens. Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à un accord avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire, et je dois dire que je le regrette moi aussi profondément, en particulier au nom de ceux qui attendent beaucoup d'une telle proposition de loi. Son objectif est simple : elle vise à permettre aux Français de modifier leur nom patronymique ou leur nom d'usage quand la nécessité le commande.
C'est une question de bon sens, comme l'a rappelé M. le ministre, et c'est d'ailleurs la vocation du code civil que de faciliter la vie de nos concitoyens en s'adaptant à la société dans laquelle nous vivons. Ce n'est pas aux Français de s'adapter au code civil – et encore moins au code Napoléon ; c'est l'inverse, et il est important de le rappeler.
Ainsi, l'objectif du texte que nous voterons, je l'espère, aujourd'hui est de clarifier deux types de situation. Tout d'abord, la proposition de loi simplifie la procédure de changement de nom de famille dans le cas où une personne majeure souhaite porter le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Ensuite, elle ouvre la possibilité, pour le parent qui n'a pas transmis son nom, de l'adjoindre au nom de l'enfant à titre d'usage ; évidemment, le consentement personnel de l'enfant est requis lorsque celui-ci est âgé de plus de treize ans.
La proposition de loi, qui a déjà évolué lors de nos nombreux débats parlementaires, n'impose donc rien ! Au contraire, elle promeut un nouveau droit et simplifie une procédure complexe, tout en maintenant un cadre strict qui permet de ménager le principe de stabilité de l'état civil. En outre, nous prenons en compte l'intérêt de l'enfant, notamment en ce qui concerne le nom d'usage, à propos duquel des interrogations à mon sens inutiles ont été exprimées par le Sénat lors de la CMP.
J'ai bien conscience, chers collègues, qu'il existe dans notre droit français une certaine sacralisation du nom de famille. C'est notre identité administrative qui est en jeu, mais aussi les liens qui nous rattachent à la société et même à notre famille. C'est la raison pour laquelle il est très difficile d'en changer. L'objectif du texte n'est pas d'autoriser les gens à s'inventer un nouveau nom, mais bien de leur permettre de porter celui de leur autre parent. Rassurons donc nos concitoyens et – sans doute – certains de nos collègues : il ne s'agit pas ici d'attaquer la famille mais au contraire de la reconnaître dans toutes ses dimensions, au plus proche de sa réalité individuelle et collective.
Voilà pourquoi j'aimerais revenir avec vous plus en détail sur quelques aspects principaux du texte et sur les modifications que nous avons défendues à la suite de l'échec de la CMP. Le premier point – celui qui a suscité le plus de débats – consiste à créer une procédure simplifiée de changement de nom. Il vise à mettre fin à un parcours du combattant qui, chaque année, empêche de nombreux Français de changer de nom. Pour certains, porter le nom de famille qu'ils ont reçu à la naissance est un enfer. Nous voulons donc leur simplifier la vie sans qu'ils aient à s'engager dans une procédure fastidieuse et coûteuse, comme c'est le cas aujourd'hui.
Par ce texte, nous ouvrons le droit à toute personne majeure de demander, une fois dans sa vie, à l'officier d'état civil dépositaire de son acte de naissance d'adjoindre ou de substituer à son nom de famille celui du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Les sénateurs souhaitaient revenir sur cette mesure phare, mais la commission des lois de l'Assemblée nationale a fort heureusement réintégré la disposition, tout en prenant en compte leurs interrogations. Ainsi, un délai de réflexion d'un mois minimum sera respecté entre le dépôt du formulaire et la confirmation du changement de nom, ce qui permettra d'éviter par exemple des décisions qui, prises sous le coup de l'émotion, pourraient s'avérer hâtives – même si je pense que cela ne concernerait qu'un nombre de cas très limité. Une telle modification est la preuve que notre assemblée a entendu les remarques de nos collègues sénateurs et a soutenu jusqu'à l'hémicycle un texte de compromis.
Le deuxième point concerne le nom d'usage. Il s'agit de simplifier le quotidien des familles, et particulièrement celui des mères et de leurs enfants, en indiquant clairement dans le code civil qu'il est possible pour l'enfant d'utiliser le nom d'usage de sa mère en plus de celui de son père. Nous avions fait adopter un amendement visant à bien préciser qu'il revenait au parent s'opposant à l'adjonction de saisir le juge aux affaires familiales (JAF), en cas de désaccord sur le nom d'usage de l'enfant. La rapporteure au Sénat a souhaité revenir au droit actuel : en cas de désaccord, le JAF peut être saisi par le parent souhaitant adjoindre son nom, pour qu'il statue en fonction de l'intérêt de l'enfant. Cela ne nous paraît absolument pas opportun. En effet, c'est à celui qui fait obstacle à cette mesure de simplification que doit incomber la charge de la procédure judiciaire. Je me réjouis donc qu'une telle logique ait été rétablie dans le texte, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Enfin, malgré une CMP non conclusive, le groupe Agir ensemble se satisfait de constater que les deux chambres se sont accordées sans difficulté sur l'article 2 bis . Il a été intégré en séance au moyen d'un amendement déposé par notre groupe et tous les groupes de la majorité, afin de faciliter le changement de nom des enfants dont le parent s'est vu retirer l'autorité parentale.
Pour conclure, considérant qu'ainsi amendé il confère enfin à tout Français le droit de porter un nom reflétant plus fidèlement son histoire familiale, le groupe Agir ensemble votera bien évidemment pour le texte, dans sa version adoptée jeudi soir en commission des lois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Que l'on puisse prendre le nom de son autre parent, c'est-à-dire le plus souvent celui de sa mère, ne va pas entraîner la destruction de la société ni de la famille. Cela ne va pas non plus contribuer à la création d'un état civil à la carte, ou nuire à l'intérêt de l'enfant. Tous ces arguments, avancés pour s'opposer à la présente proposition de loi, sont bien loin de la réalité.
Je regrette donc que le Sénat n'ait pas su entendre l'aspiration citoyenne à l'origine de ce texte : l'échec de la commission mixte paritaire en a résulté. Si porter son nom est une fierté pour beaucoup d'entre nous, cela peut être un lourd fardeau pour certaines et pour certains. Un nom de famille renvoie à l'identité d'une personne, à son héritage. Il suit l'individu toute sa vie ; il est bien plus intime qu'une simple appellation administrative.
Or de nombreuses personnes sont condamnées à porter le nom de quelqu'un qui les a abandonnées, délaissées, maltraitées ou abusées sexuellement lorsqu'elles étaient enfants. C'est pour elles qu'une telle loi est nécessaire. Dans leur cas, changer de nom peut être vécu comme une libération.
Par ailleurs, porter le nom de la personne qui n'exerce pas l'autorité parentale est souvent source de lourdes complications administratives. Nous le savons, cette situation se rencontre de plus en plus fréquemment, en particulier dans les familles monoparentales. Il arrive bien souvent qu'une mère élève seule un enfant ne portant pas son nom mais celui du père, ce qui complique le quotidien.
Enfin – c'est l'héritage d'une société patriarcale –, le code civil de 1804 avait inscrit dans la loi que les enfants prendront le nom de leur père, d'ailleurs longtemps désigné sous le terme de « patronyme ». Aujourd'hui encore, plus de huit enfants sur dix portent le seul nom de famille de leur père. Faciliter la possibilité de changer de nom, c'est aussi faciliter la transmission du nom de la mère. En la matière, notre droit a déjà largement évolué ces dernières années, et c'est heureux. Ainsi, depuis la loi de 2003 relative à la dévolution du nom de famille, les parents peuvent choisir le nom de leur enfant, qui peut être celui du père, celui de la mère ou l'adjonction des deux noms. Depuis la loi de 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, en cas de désaccord entre les parents, l'enfant se voit attribuer le nom composé de ceux des deux parents, dans l'ordre alphabétique.
La présente proposition de loi permettra de franchir une étape supplémentaire bienvenue, et j'en profite pour remercier et saluer son auteur, Patrick Vignal, pour le travail important qu'il a effectué. Elle prévoit, pour les personnes qui le souhaitent, la possibilité de substituer à leur nom d'usage – celui qu'elles utilisent dans la vie quotidienne – le nom du parent qui ne leur a pas transmis le sien. Cette mesure va faciliter la vie de nombreuses personnes, notamment des mères de familles monoparentales, qui pourront donner leur nom aux enfants qu'elles se chargent d'élever.
La proposition de loi vise aussi à simplifier considérablement la procédure de changement de nom de famille – celui inscrit sur l'acte de naissance –, dans le cas où une personne majeure souhaite porter le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Elle rend ainsi possible le changement de nom de famille une fois au cours de la vie, sans avoir à le justifier, par simple déclaration auprès de l'officier d'état civil. Cette nouvelle procédure simplifiée, très attendue, va rendre accessible au plus grand nombre ce qui ressemble aujourd'hui à un parcours du combattant.
Avant de conclure, je souhaite remercier les nombreuses et nombreux citoyens qui ont œuvré pour porter ce sujet jusqu'au Parlement. Le collectif Porte mon nom a collecté des milliers de témoignages de personnes souhaitant changer de nom de famille, ce qui illustre l'attente forte ressentie par une partie de la population en la matière. La lecture de ces témoignages dresse un constat très clair : trop nombreux sont ceux qui sont contraints de porter un nom qui est pour eux synonyme de souffrance au quotidien.
J'adresse une pensée toute particulière à ces personnes, qui attendent avec impatience le vote de cette loi. Vous l'aurez compris : le groupe Libertés et territoires renouvelle son plein soutien au texte et le votera avec conviction.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation n'est pas anodine. Elle constitue une véritable avancée pour des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants qui souffrent de porter un nom de famille ne correspondant pas à leur histoire. Le nom de famille est un des éléments constitutifs de notre identité, de notre héritage et ensuite de ce que nous transmettons, lorsque nous avons à notre tour des enfants.
Mais comment accepter de porter le nom d'un parent qui vous a abandonné, d'un père ou d'une mère qui vous a maltraité ? Comment ne pas entendre la souffrance que représente le fait de transmettre à ses propres enfants un nom synonyme de violences ? Comment justifier l'enfer vécu par les mères de famille qui élèvent seules leurs enfants et qui ne portent pas le même nom de famille qu'eux ?
Pour mener à bien des procédures administratives ou de simples actes de la vie courante, elles sont sans cesse obligées de justifier qu'il s'agit bien de leurs enfants.
Oui, le texte apporte une réponse concrète et équilibrée à de nombreuses souffrances, qui relèvent le plus souvent de l'intime. En effet, la procédure actuelle est inadaptée, trop lourde et trop coûteuse. Elle enferme des femmes, des hommes et des enfants dans un nom de famille qui ne reflète en rien leur identité et les liens d'amour qui les construisent.
En exigeant un motif légitime pour procéder au changement de nom, en prévoyant l'obligation d'une instruction par la Chancellerie et en demandant le paiement de 200 euros, les démarches actuellement en vigueur découragent nos concitoyennes et nos concitoyens de se lancer dans ce qui s'apparente parfois à un parcours du combattant.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine dénoncent l'attitude de la majorité sénatoriale qui, par peur de déconstruire la famille et par refus de légiférer pour une minorité, a empêché l'adoption du texte. Nous rejetons ses arguments, à la fois faux et empreints d'une vision patriarcale archaïque, et nous soutenons la proposition de loi issue des travaux de la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Ce texte marque une nouvelle évolution de notre droit, qui, après avoir prescrit l'attribution automatique du nom du père, a prévu la possibilité d'y adjoindre le nom de la mère et, aujourd'hui, celle de changer, substituer ou compléter le nom de famille sur simple demande à un officier d'état civil. Le droit de changer, et non plus simplement de demander à changer, est une réelle avancée, que notre groupe soutiendra.
Le droit doit être en phase avec la société. Or la souplesse offerte par le texte, qu'il s'agisse du nom d'usage, désormais sécurisé, ou du nom inscrit sur l'acte de naissance, traduit la volonté de rendre la mère visible dans la filiation. Si cet objectif n'est pas directement au cœur de la proposition de loi, il l'inspire fortement, comme il a inspiré les différentes réformes de l'état civil depuis la loi du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs.
Aujourd'hui, 85 % des enfants qui naissent portent le nom de leur père, ce qui s'explique par le poids des traditions dans notre société, qui reste profondément marquée par le patriarcat. Nous ne changerons pas cela du jour au lendemain : la société évolue petit à petit, et le droit avec elle.
Il est nécessaire de mieux informer les parents pour qu'ils sachent qu'ils ont désormais la possibilité de choisir le nom de famille qu'ils donnent à leur enfant, et surtout d'accoler les noms du père et de la mère. À cet égard, nous avons une proposition à vous faire, monsieur le garde des sceaux. Dans le cadre de l'évolution des droits de l'enfant, un paragraphe sur l'autorité parentale et la responsabilité des parents en matière d'éducation a été ajouté dans les articles du code civil consacrés au mariage. Nous proposons de compléter ces articles par une phrase à l'intention des mariés et des personnes qui assistent au mariage afin de les informer des dispositions de la présente proposition de loi. Le mariage est un moment adéquat pour faire leur publicité.
Contrairement à ce qui a été dit par la droite sénatoriale, la proposition de loi ne nie pas le rôle du père et ne déconstruit pas la famille, bien au contraire. En permettant à chacune et chacun d'être à l'aise avec son nom de famille, de se reconnaître dans son identité et de s'ancrer dans une histoire familiale, tout en se projetant dans le futur par la transmission du nom, nous donnons plus de force aux familles, à toutes les familles, dans leur pluralité.
Nous soutenons la simplification du changement de nom et la possibilité pour chacun de porter, à titre d'usage, le nom du parent qui n'a pas été transmis. À la lecture des centaines de témoignages présentés par le collectif Porte mon nom, à la lumière des récits que nous avons tous entendus dans nos circonscriptions, nous voulons agir concrètement et rapidement, car nous connaissons les souffrances engendrées par le système actuel. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendront une nouvelle fois la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le 4 mars prochain, nous fêterons les vingt ans de la loi relative au nom de famille, qui a ouvert aux parents la possibilité de choisir le nom de leur enfant : il s'agissait d'une véritable avancée, alors que le droit antérieur prévoyait la dévolution automatique du nom du père. Désormais, grâce à cette loi, les parents ont le choix, à la naissance de leur enfant, de lui attribuer l'un de leurs deux noms ou les deux, dans l'ordre qu'ils souhaitent. La proposition de loi présentée par notre collègue Patrick Vignal et soutenue par le groupe La République en marche s'inscrit dans la lignée de ce texte fondateur et codifie les règles du choix du nom d'usage, en accordant un choix identique à l'enfant devenu adulte.
Ce texte est attendu par nos concitoyens et reflète l'évolution et la modernisation de la société. En première lecture, un grand nombre de députés de tous les bancs l'ont d'ailleurs soutenu et l'ont amélioré par leurs propositions de modification. Je pense, en particulier, à nos collègues du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, auxquels nous devons la modification du titre, qui traduit désormais parfaitement l'objet du texte, c'est-à-dire le choix du nom, mais aussi son champ d'application, le nom issu de la filiation. Je pense également à nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, qui ont souhaité que le choix du nom inclue l'ordre des noms, ce qui était en effet utile. Une nouvelle rédaction a été adoptée en commission afin de tenir compte de cette demande et de préciser expressément l'ensemble des options offertes aux parents à la naissance, telles que visées par l'article 311-21 du code civil.
Le travail d'échanges et de discussion s'est poursuivi avec nos collègues du Sénat en vue d'une rédaction commune de la proposition de loi emportant l'approbation des deux chambres. Malheureusement, malgré notre volonté partagée d'aboutir et les nombreuses propositions qui ont été formulées, nous avons échoué à nous entendre, ce qui reste une véritable déception. Nous avons manqué une occasion de nous réunir autour de ce texte d'égalité, de liberté et de simplification.
Deux points nous ont définitivement éloignés. Le premier concerne le nom d'usage. La disposition adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture prévoyait la possibilité d'adjoindre à titre d'usage, sans l'autorisation de l'autre parent, le nom du parent qui n'a pas transmis le sien à la naissance, réservant la double autorisation à la substitution du nom. Le Sénat a souhaité rétablir cette double autorisation, y compris pour l'adjonction.
Aucun compromis n'était possible dès lors que cette nouvelle disposition était considérée par nos collègues sénateurs comme ne répondant qu'à l'intérêt des parents, et non à celui de l'enfant. La disposition sera effectivement conforme à l'intérêt du parent qui ne porte pas le même nom que celui de son enfant, puisque son quotidien, notamment ses relations avec les écoles, les clubs de sport et les hôpitaux, sera grandement facilité, mais elle ne sera pas pour autant contraire à l'intérêt de l'enfant. Une disposition qui n'est pas prise en fonction de l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire qui n'est pas guidée par cet intérêt, n'est pas forcément en contradiction avec celui-ci.
Contrairement aux sénateurs, nous sommes convaincus que cette disposition apaisera les tensions entre les parents séparés et sera donc bénéfique à leurs enfants. En effet, cette nouvelle règle aura pour effet de sortir la question de l'adjonction du nom d'usage du champ des discussions, et donc d'éviter de possibles dissensions. Le contentieux sera ainsi réservé aux hypothèses dans lesquelles l'autre parent serait fondé à s'opposer à cette adjonction.
Ensuite, alors même que nous nous accordons tous sur la nécessité de simplifier la vie des Français, notamment dans leurs rapports avec l'administration, les sénateurs souhaitaient à tout prix maintenir, dans la procédure de choix du nom, l'intervention des services du ministère de la justice. À quelle fin ? Pour éviter une prétendue surcharge des officiers d'état civil, qui seraient amenés, avec le texte, à supporter de nouvelles missions. Cet argument est parfaitement irrecevable. En effet, que sera-t-il demandé demain aux officiers d'état civil dans le cadre de la procédure de choix du nom de famille ? Ils auront à reporter le nom de famille mentionné sur le document CERFA sur l'acte d'état civil du demandeur, soit l'exacte mission dont ils sont chargés aujourd'hui, que ce soit à la naissance de l'enfant, en inscrivant le nom choisi par les parents, ou après la procédure de changement de nom actuellement prévue par le code civil. Cette procédure est décentralisée auprès des mairies, auxquelles il appartient de tenir les registres des actes d'état civil. Imposer une autre boucle administrative, avec un passage obligé par une administration centrale, n'a aucun sens et serait contraire à l'esprit de simplification qui guide la proposition de loi.
Au bout du compte, nous conserverons tout de même une avancée des échanges avec nos collègues sénateurs – notre collègue Raphaël Schellenberger l'a évoquée lors de la première lecture. En effet, malgré l'échec de la commission mixte paritaire, le principe d'une confirmation du choix du nom à l'état civil après le dépôt de la demande a été introduit par un amendement de notre rapporteur, assortie d'un délai d'un mois.
Le groupe La République en Marche est convaincu de la nécessité de soutenir la proposition de loi dans sa version adoptée en première lecture par l'Assemblée et amendée en nouvelle lecture par la commission des lois. Il votera en faveur de ce texte avec fierté et enthousiasme !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
« Changer de nom, c'est changer de destin » a dit Marek Halter. Le nom, c'est quelque chose qui vous appartient et qui, en même temps, est offert à la société pour vous faire connaître. Sylviane Agacinski le dit d'ailleurs très bien : « L'état civil, c'est l'institution de la personne dans son identité sociale, son inscription symbolique dans une généalogie, un ordre qui ne dépend pas d'elle. » Selon elle, chacun ne peut pas décider de la loi commune.
Le « nom de famille » – quelle belle expression ! – est aujourd'hui l'objet de toute notre attention. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi initiale, « l'égalité entre les parents et la liberté dans le choix du nom méritent d'être encore mieux garanties tout en conservant un objectif de stabilité de l'état civil. » Dès lors, le nom devient un sujet de revendication : il s'agit de changer de modèle de société et de passer d'une société patriarcale, nous dit-on, à une société de l'égalité – égalité entre les hommes et les femmes, lesquelles, victimes du patriarcat, seraient aujourd'hui, grâce à vous, libérées une nouvelle fois par une loi de progrès…
Dans sa première version, le texte permettait à un fils ou à une fille d'abandonner le nom de son père par désir personnel : il autorisait non seulement la juxtaposition des noms de famille du père et de la mère, mais aussi la substitution du nom du père par celui de la mère. Cette possibilité a suscité de nombreuses réactions. Car s'il était permis à une personne de porter le nom de sa mère à la place du nom de son père, cela revenait in fine à lui permettre de porter le nom de son grand-père maternel. On en revenait donc au patriarcat, pourtant pris pour cible par la proposition de loi ! Vous en conviendrez, la revendication égalitariste était mal embarquée…
Cette faille dans la version initiale du texte n'était pas la seule, puisque celui-ci ouvrait également droit à une identité à la carte qui permettait l'effacement d'une partie de l'identité. Comme je l'ai souligné en commission et en séance publique, cette possibilité soulève plusieurs questions. Qu'en est-il, par exemple, des débiteurs, qui pourraient se soustraire plus facilement à leurs obligations grâce à un changement de nom, ou des délinquants, à qui une telle possibilité permettrait d'échapper à des poursuites judiciaires – nous l'avons déjà vu ? Je me suis également interrogée sur les conséquences de la proposition de loi sur l'organisation de l'État si les Français décidaient massivement de changer de nom de famille. Rappelons que celui-ci constitue un outil de police générale.
Monsieur le garde des sceaux, vous m'avez en partie répondu au sujet des délinquants en m'assurant qu'ils feront l'objet d'un suivi particulier. Quand une modification de nom est adoptée à la Chancellerie, le service du casier judiciaire national, désormais totalement informatisé, est tout de suite informé, m'avez-vous assuré en première lecture. Vous avez d'ailleurs souligné que « s'il suffisait de changer de nom pour passer sous les radars de la justice », vous n'auriez jamais défendu le texte, et je veux bien vous croire. Néanmoins, il reste quelques zones d'ombre.
Le sous-directeur des libertés publiques, auditionné par le Sénat, a expliqué, en effet, que « ni le ministère de l'intérieur ni le ministère de la justice ne disposent aujourd'hui de la possibilité de s'interconnecter avec le répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) […] alimenté par les communes qui doivent retransmettre au fil de l'eau les modifications apportées à l'état civil. » Avouez, monsieur le garde des sceaux, que cela affaiblit quelque peu votre démonstration !
Il est regrettable que la proposition de loi n'ait pas fait l'objet d'une étude d'impact, car elle est guidée par de bonnes intentions. Faciliter la vie d'une femme divorcée, qui doit prouver en permanence qu'elle est bien la mère de ses enfants, dont elle ne porte plus le nom ; permettre à une personne de ne pas porter le nom de son bourreau lorsqu'elle a été victime de violences intrafamiliales : évidemment, ces demandes sont légitimes. Mais pourquoi ne pas avoir choisi de préciser et de simplifier l'article 61 du code civil, qui impose un motif légitime pour tout changement de nom ? Cela aurait permis d'apporter des réponses rapides à ces cas particuliers.
Heureusement, le texte présenté aujourd'hui a été amélioré et il n'est plus question de substituer tel nom par un autre. Seule l'adjonction est libéralisée. De même, le caractère définitif du changement est rappelé, ainsi que le changement de nom automatique des mineurs dont les parents choisissent de modifier leur nom. Je salue ces avancées, en espérant qu'elles ne seront pas le prélude à un nouveau modèle de société dans lequel le père serait encore un peu plus écarté ou congédié…
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.
Cet amendement a été déposé à l'initiative de Xavier Breton, qui, vous le savez, est – avec de nombreux autres députés – un grand défenseur des valeurs de la famille.
L'article 1er modifie les règles relatives au nom d'usage et au changement de nom. La proposition de loi consacrerait la décomposition des familles si chacun pouvait désormais choisir une combinaison de noms différente. Elle consacrerait également l'effritement du rapport au collectif, en prétendant soumettre l'état civil à des critères affectifs, et l'irruption définitive du sentimentalisme, du subjectif et du relatif dans la loi et dans l'identité française. Loin d'apporter une solution à des situations affectives ou familiales difficiles, la libéralisation de l'état civil conduirait à exporter sur la scène publique ce qui relève de l'intime.
En outre, l'article 1er est déjà satisfait par l'article 61 du code civil, qui permet à toute personne de changer de nom si elle justifie d'un intérêt légitime à le faire.
Nous avons bien compris que cette proposition de loi vise à répondre à certains problèmes de société, mais un changement de nom ne peut suffire à lui seul à résoudre tous les problèmes d'une personne. Il ne paraît pas raisonnable d'adopter, en fin de législature, une modification aussi importante que celle-ci sans étude d'impact et sans avis du Conseil d'État. D'où cet amendement de suppression de l'article 1er .
Cet article, qui ne porte que sur le nom d'usage, est au cœur de la réforme proposée. Nous ne comptons pas y renoncer, pour deux raisons : il donne plus de visibilité au nom d'usage à raison de la filiation en l'inscrivant dans le code civil ; il simplifie les démarches du parent qui n'a pas transmis son nom à l'enfant et qui veut l'ajouter au nom d'usage de l'enfant.
Cher collègue, vous irez dire à des gens qui ont subi des souffrances physiques ou sexuelles que le fait de changer de nom ne compte pas pour eux. Avis défavorable.
J'émets évidemment un avis défavorable sur cet amendement dont, en réalité, je ne comprends pas le sens.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Il s'agit de compléter l'alinéa 2 de cet article 1er , en précisant que l'adjonction de nom doit se faire « selon un ordre choisi ».
Si cette proposition de loi vise à assouplir la modification du nom de famille, en l'occurrence le nom d'usage, il convient de rappeler que ce nom de famille est une donnée structurante de notre identité et doit donc garder une certaine stabilité.
Dans une fratrie, les frères et sœurs issus d'un même père et d'une même mère biologiques ne porteront plus nécessairement le même nom de famille, même si c'est un nom d'usage : ils pourront avoir un seul nom ou deux noms dans un ordre différent. Ne parlons pas de la généalogie, qui pourrait devenir de plus en plus complexe.
Dans un souci d'unité et de protection des fratries, je propose donc d'apporter cette précision.
Cette précision est inutile : l'article 225-1 du code civil permet déjà à la personne qui décide d'ajouter le nom de son conjoint à son nom d'usage de choisir l'ordre des deux noms. L'amendement étant satisfait, j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 27 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 3 vise à supprimer les alinéas 5 à 9, qui permettraient à toute personne majeure de porter, à titre d'usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Une telle disposition, signe de l'essor croissant de l'individualisme, marquerait un bouleversement dans la construction de l'identité et risquerait de faire éclater des fratries, des frères et sœurs ne portant parfois plus le même nom de famille.
L'amendement n° 4 , amendement de repli, se concentre sur la suppression de l'alinéa 7 de cet article. On ne peut exclure qu'un enfant soit pris dans un conflit familial qui le conduise à accepter un changement de nom, puis à le regretter et à le reprocher à ses parents une fois devenu adulte. Aussi les mineurs doivent-ils être exclus du champ d'application de cette mesure.
L'amendement n° 3 ne vise pas seulement à en rester à l'état du droit : il tend purement et simplement à supprimer le nom d'usage à raison de la filiation. Avis défavorable, car un tel recul est absolument injustifié.
Quant à l'amendement n° 4 , il ne conduirait pas à la suppression du nom d'usage pour les enfants mineurs, mais à celle d'une précision apportée par l'alinéa 7 : le choix du nom d'usage d'un enfant mineur est fait conjointement par les parents exerçant l'autorité parentale. Pour ma part, je pense qu'il faut au contraire conserver cet alinéa et faire en sorte que les parents essaient de trouver un accord sur ce nom d'usage. Avis défavorable.
Monsieur le député, c'est une chose que vous ne vouliez pas aller de l'avant et faire évoluer le droit pour tenir compte des évolutions récentes de la société parce que vous ne voulez voir ni le présent ni l'avenir. C'en est une autre de chercher à retourner vers le passé, ce que vous nous proposez avec ces deux amendements. C'est même de nature à m'inquiéter un peu.
À la faveur de cette intervention, j'aimerais saluer des citoyens présents dans les tribunes qui attendent ce texte, qu'ils ont appelé de leurs vœux. Cette proposition de loi vient du terrain, des vrais gens.
Vous avez eu raison de rappeler, monsieur le rapporteur, qu'il y a ceux qui savent le droit et ceux qui vivent les situations.
J'aimerais aussi saluer le conseil municipal des jeunes, nos futurs citoyens qu'il est très touchant de voir ici, au cœur du débat démocratique. Dans un tel débat, on peut ne pas être tous d'accord. Pour ma part, je ne suis pas d'accord avec vos propositions, monsieur le député. Avis défavorable pour les deux amendements.
C'est précisément ce que je viens de dire !
À mon tour, je voudrais saluer les membres du conseil municipal des enfants de Troyes, comme vous l'avez fait très gentiment, monsieur le ministre.
Pour en revenir au texte, sans être rétrograde, je trouve que vous allez faire courir un vrai risque aux fratries. L'existence de différents noms est perturbante. Si nous voulons protéger la famille et les enfants, attendons que ceux-ci soient majeurs avant de leur ouvrir une telle possibilité.
Avant de donner la parole à M. le garde des sceaux, je rappelle que les parlementaires et les membres du Gouvernement n'ont pas à solliciter le public. Comme nous sommes en fin de session, je ne vais pas en faire un drame si d'aucuns l'ont oublié.
Sourires.
Monsieur le président, je n'ai pas sollicité le public : je l'ai salué, ce qui est singulièrement différent. D'ailleurs, j'ai déjà entendu des présidents saluer…
Le président peut le faire, en application d'un usage local assez ancien. Mais tout ce qui est ancien est peut-être condamnable…
Exclamations et sourires sur divers bancs.
Vous êtes-vous adressé au garde des sceaux, à Mme la députée ou aux deux, monsieur le président ?
Je les ai salués : puisque c'est fait, je ne vais pas recommencer, monsieur le président.
Pour en revenir au débat, je vous poserai une question : quand une femme se marie et décide de prendre le nom de son époux comme nom d'usage, pensez-vous que cela bouscule les fratries ? Cela existe déjà.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 22 .
Il s'agit de compléter l'alinéa 7 par les mots : « pour tous les enfants communs ».
Le Sénat avait souhaité imposer l'adjonction de nom à tous les enfants communs du couple, pour des raisons d'unité des fratries issues d'une même union.
Il n'est pas question ici de nier la réalité et l'existence de familles constituées d'enfants qui ne portent pas le même nom parce que leurs parents biologiques ne sont pas les mêmes : une mère peut avoir des enfants issus de plusieurs pères.
En revanche, quand il s'agit de changer le nom de famille de son enfant par l'adjonction de son propre nom, il convient d'effectuer ce changement pour tous les enfants de la fratrie issus de la même union. Étant biologiquement frères et sœurs, ils partagent un héritage qu'il convient de rappeler dans leur nom de famille. Par cohérence, les enfants issus d'une même union doivent partager ce nom.
Vous allez me dire, monsieur le rapporteur, que c'est impossible : il faut l'accord des mineurs de plus de 13 ans et ceux-ci peuvent donc refuser. Il me semble que cet ordre identique est néanmoins souhaitable. Si le port de deux noms adjoints a été décidé, il devrait s'appliquer à tous.
Madame Ménard, je partage votre objectif : il est évidemment souhaitable que les parents choisissent un même nom d'usage pour tous les enfants communs. Toutefois, l'adoption de votre amendement poserait plusieurs problèmes. Sur le plan pratique, elle conduirait à complexifier l'émission des titres d'identité lorsqu'ils sont demandés pour un seul enfant au sein d'une fratrie. En outre, elle ne permettrait pas de garantir que tous les membres d'une fratrie aient le même nom, puisque le consentement des enfants de plus de 13 ans est requis. Nous devons et pouvons faire confiance aux Français. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je comprends votre argument concernant les mineurs de plus de 13 ans – je vous ai dit moi-même que je savais d'avance que vous alliez me l'opposer. En revanche, je ne comprends pas votre propos sur la complexité de l'état civil et des cartes d'identité. S'il s'agit de ne pas compliquer la tâche des services de l'état civil, restons-en à la loi actuelle : on ne compliquera rien du tout !
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 23 .
Il vise à compléter l'alinéa 7 par la phrase suivante : « Elle est définitive. »
Un changement de nom n'est jamais anodin. Il convient de ne pas l'autoriser à plusieurs reprises, pour éviter un nom « à la carte » qui ne voudrait plus rien dire. Une fois encore, monsieur le rapporteur, je sais ce que vous allez m'objecter : vous allez me dire que c'est impossible puisque, par définition, un nom d'usage n'est pas définitif.
En réalité, il ne s'agit pas de rendre un nom d'usage définitif ou non, mais d'éviter aux services de l'état civil – je vais ici dans votre sens – une surcharge de travail qui ne manquerait pas de se produire si l'on autorisait des changements de nom d'usage à tout bout de champ au gré des changements de vie.
Même s'il n'est que d'usage, un nom participe à la construction de l'identité d'un individu. Pour que l'on ne puisse pas en changer à tout bout de champ, il faut indiquer que le changement est définitif.
Cet amendement est problématique, car par définition, un nom d'usage attribué à un enfant ne peut pas être définitif. Quand il deviendra adulte, l'enfant pourra légitimement changer de nom d'usage à raison de la filiation. Lorsqu'il se mariera, il pourra, tout aussi légitimement, décider de prendre le nom de son conjoint comme nom d'usage. Avis défavorable.
L'amendement n° 23 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Il s'agit de compléter l'alinéa 8 en précisant que la déclaration doit se faire devant un officier d'état civil.
À propos de ce nouvel article 311-24-2, le rapporteur affirmait que « l'emploi du nom d'usage n'est pas confirmé devant un officier d'état civil, mais notifié à l'administration ». Mon amendement tend à rappeler que le nom est constitutif de toute personne et qu'il ne serait pas judicieux de pouvoir le modifier sans une certaine solennité, et cela par respect pour les demandeurs.
En outre, le passage automatique devant un officier d'état civil permettrait de sécuriser davantage cette adjonction. Si un parent qui n'a pas transmis son nom de famille à la naissance l'adjoint, à titre d'usage, au nom de son enfant mineur, un minimum de solennité s'impose. C'est le cas lorsque l'enfant a plus de 13 ans, puisque son consentement personnel est toujours requis. Pour les enfants de plus de 13 ans, ce sera un moment important dans la construction de leur identité. Le fait de passer devant un officier d'état civil est un élément constitutif de cette solennité.
Le nom d'usage ne peut pas être déclaré à l'officier d'état civil, car l'objectif est de simplifier les démarches et non de les complexifier. Avis défavorable.
Madame la députée, dites clairement que vous ne voulez pas de cette loi, qu'elle ne correspond pas à l'image que vous vous faites de la famille.
Les sénateurs nous ont affirmé qu'une telle disposition alourdirait la charge des officiers d'état civil – nous avons discuté de ce sujet pendant des heures. J'ajoute que lorsque la Chancellerie décide de la modification d'un nom, au terme d'une instruction longue, coûteuse et aléatoire, l'officier d'état civil transcrit de toute façon ce changement dans les actes d'état civil – cette étape est incontournable.
Or voilà que vous souhaitez ajouter, alors que personne ne le prévoit, une charge non compensée. Au fond, tous les prétextes sont bons pour ne pas dire clairement que vous ne voulez pas des mesures que nous prenons pour les familles modernes, pour les femmes, notamment celles qui sont en difficulté. Arrêtons de tourner autour du pot : vous usez d'un artifice technique qui a peu de sens à nos yeux.
Vous avez laissé entendre dans votre discours que nous étions presque d'accord, que cette proposition de loi était bonne, qu'elle allait dans le bon sens. La réalité n'est pas tout à fait celle-là : vous mettez tous les bâtons dont vous disposez dans nos roues afin que ce texte ne prospère pas.
Chacun doit se positionner clairement. Il s'agit d'une loi sociétale importante. Vous ne voulez pas la défendre avec nous, soit. Que voulez-vous que je vous dise ? Acceptez ce clivage !
Ah, très bien ! Il y a pourtant vingt amendements !
Depuis le début de l'examen de ce texte, j'ai proposé des amendements, en commission comme en séance, en essayant de le faire de la manière la plus constructive possible.
En première lecture, j'avais déjà dit qu'à quelques corrections près, je n'étais absolument pas opposée à l'article 1er , relatif au nom d'usage.
Je ne me fais pas le porte-parole du Sénat. Non seulement je ne siège pas à la chambre haute, mais je ne suis pas d'accord avec tout ce qui y est proposé – loin de là.
Cependant, la déclaration de consentement devant un officier de l'état civil, pour un mineur de plus de 13 ans, apporterait un tout petit peu de solennité à ce moment.
Monsieur le ministre, vous-même nous avez dit dans cet hémicycle, en première lecture, que les demandes de changement de nom concernaient environ 3 000 à 4 000 personnes par an en France. J'en déduis que ce chiffre est beaucoup moins élevé si l'on considère uniquement les mineurs de 13 à 18 ans. Cela ne représente, dans chaque ville ou dans chaque département, que quelques cas par an qui ne vont pas submerger l'administration et les services de l'état civil.
Il ne me semble pas complètement aberrant de conférer un peu de solennité à ce moment en demandant à l'enfant – qui doit de toute façon, comme le prévoit le texte, donner son accord pour l'adjonction du nom du parent à titre d'usage – de confirmer son choix devant un officier de l'état civil.
Je ne vois pas en quoi une telle disposition serait pour moi une manière de manifester mon opposition à cette proposition de loi, que j'approuve en partie – seulement en partie, certes. Souffrez que je ne sois pas absolument d'accord avec tout ce que vous proposez : cela peut arriver, c'est même à cela que servent les oppositions.
L'amendement n° 21 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 25 .
L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Avec cet amendement, je reviens sur une expression employée dans l'alinéa 8 : « en temps utile ». J'avais déjà soulevé ce problème en première lecture. Le texte prévoit en effet que le parent qui souhaiterait adjoindre son nom au nom d'usage de son enfant doit en informer l'autre parent – celui qui a transmis son nom patronymique – « en temps utile ».
J'ai déjà fait part de mes interrogations à propos de cette formule qui me semble un peu floue. Vous allez encore me dire que c'est parce que je suis contre le texte, mais ce n'est pas le cas.
En première lecture, monsieur le rapporteur, vous avez justifié l'usage de ces mots en expliquant que la rédaction était inspirée de l'article 373-2 du code civil, qui dispose que « tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent ». L'expression étant déjà utilisée dans un autre article du code civil, vous considérez qu'elle peut être reprise.
Or, selon moi, cette notion est trop floue s'agissant d'un changement de nom. Si l'on peut comprendre son utilisation pour un changement de résidence – qui implique des démarches telles que la signature d'un bail, un déménagement ou encore des inscriptions scolaires –, la question se pose bien différemment s'agissant d'un changement de nom, qui n'a pas les mêmes implications matérielles.
L'expression « en temps utile » autorise toutes les interprétations – ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des commentaires de jurisprudence. Il me semblerait donc plus judicieux d'employer une autre expression, par exemple « dans un délai raisonnable », plus simple à utiliser en droit, plus communément admise et donc plus claire.
Votre amendement vise à supprimer purement et simplement les mots « en temps utile ». Il produirait donc l'effet inverse de celui que vous recherchez, l'information de l'autre parent ne faisant plus l'objet d'aucune contrainte temporelle. J'estime préférable de conserver ces termes, qui pourront d'ailleurs être pris en considération par le juge si celui-ci est saisi en cas de désaccord. Avis défavorable.
Défavorable également.
Dans un esprit constructif, rien ne vous empêche de corriger ou de sous-amender mon amendement si vous estimez que l'expression « délai raisonnable » est un peu plus pertinente. En tant que rapporteur, vous en avez la possibilité.
L'expression « en temps utile » me pose problème, car elle pourrait créer des situations instables. L'enfant pourrait ainsi être nommé différemment selon qu'il se trouve chez son père ou chez sa mère – il porterait soit son nouveau nom soit son nom d'origine, selon les cas.
Il ne me semble absolument pas judicieux d'employer l'expression « en temps utile » dans le texte, car elle pourrait susciter bon nombre d'interprétations.
Vous faites signe que non, monsieur le ministre, mais nous verrons à l'usage ! Cela pourrait être problématique dans des contextes de séparation difficile.
L'amendement n° 26 n'est pas adopté.
L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'avais prévu de dire simplement : « Défendu ! » Mais votre réaction face à l'amendement n° 21 de Mme Ménard, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, me laisse penser que vous êtes un peu mal à l'aise sur cette question.
Le texte prévoit que le consentement est requis pour les mineurs de plus de 13 ans. Par cet amendement, nous proposons de compléter l'alinéa 9 – et non le 8 comme Mme Ménard – en précisant que ce consentement doit être recueilli devant un officier d'état civil. Nous venons d'avoir cette discussion.
Je pense sincèrement que la charge supplémentaire que vous invoquez ne pourrait être que bénéfique au vu de la solennité que réclame un changement de nom. C'est pourquoi nous souhaitons que le mineur donne son consentement devant un officier d'état civil.
Le nom d'usage ne fait l'objet d'aucune – je dis bien aucune – inscription à l'état civil.
L'intervention d'un officier d'état civil n'a donc pas lieu d'être en la matière, tout simplement.
En revanche, parce que nous faisons confiance à la jeunesse, le consentement de l'enfant de plus de 13 ans sera recueilli par l'agent en charge de l'enregistrement de la demande du titre d'identité si celle-ci s'accompagne d'une demande d'adjonction pour le seul nom d'usage. Avis défavorable.
L'amendement n° 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vais défendre ce nouvel amendement, au risque d'être accusée de faire de l'obstruction – ce qui, comme vous le savez, n'est absolument pas ma volonté…
Mais non !
Je vous sens un peu ironique, monsieur le ministre !
Par cet amendement, je souhaite prévoir, à l'alinéa 9, une période de réflexion d'un an.
M. le rapporteur et M. le ministre lèvent les bras au ciel.
Je vous vois bondir ! Mais, je le répète, un changement de nom de famille n'est pas une démarche anodine.
Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser une question : actuellement, lorsqu'une personne formule une demande de changement de nom auprès de vos services, combien de temps, à peu près, dure l'instruction ?
Dans le cas du changement de nom de famille, dix à douze mois…
Dix à douze mois ? Pendant ce délai, la personne peut donc retirer sa demande, se rétracter…
Je vous parlais à l'instant du changement de nom de famille. Or nous discutons ici du changement de nom d'usage, qui ne nécessite pas même une seconde. On ne saisit pas la Chancellerie pour le nom d'usage. Pardon, monsieur le président…
Vous pourrez prendre la parole si vous le souhaitez dans un instant, monsieur le ministre.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Je vois qu'un public nombreux assiste à nos débats dans les tribunes. Je vais être clair : nous avons voulu simplifier la loi, comme nous le faisons à l'article 2, pour des personnes qui souhaitent changer de nom pour diverses raisons – il peut s'agir par exemple d'un nom difficile à porter, ou de celui de votre bourreau.
Allez demander au citoyen de la rue s'il pense que les lois sont conformes à ce qu'il souhaite, si nous allons assez vite pour changer la société. Je vous le dis de façon très amicale et sympathique, madame la députée, car je sais que vous êtes une élue de terrain.
Imaginez quelqu'un qui a décidé de changer de nom parce que celui-ci représente un fardeau, un boulet. Faut-il lui demander d'attendre un an pour être sûr qu'au terme de cette période, il aura bien réfléchi ? Lorsque nous avons soumis ce texte aux sénateurs, nous avions prévu qu'ils formuleraient ce type de demande. Je dois le reconnaître, ils ont proposé d'instaurer un délai de réflexion de trois mois. Nous préférons faire confiance aux Français et fixer un délai d'un mois, pendant lequel la personne désireuse de changer de nom pourra se rétracter.
J'ai entendu quelqu'un prétendre qu'un jeune majeur pourrait se rendre à la mairie un beau matin pour demander un changement de nom parce que son père ou sa mère n'aurait pas voulu lui prêter sa voiture ! Arrêtons d'infantiliser nos concitoyens et faisons-leur confiance ! Avis défavorable.
J'entends ces arguments. Dans la mesure où nous parlons du nom d'usage, je retire mon amendement.
L'amendement n° 29 est retiré.
Vous avez oublié de me donner la parole, monsieur le président, mais vous noterez que par mon silence, j'ai réussi à convaincre Mme Ménard !
C'est souvent ainsi, monsieur le ministre : c'est en ne disant rien qu'on obtient ce que l'on veut !
Sourires.
Mes silences sont particulièrement éloquents, je vous le concède !
L'amendement n° 6 est retiré.
L'article 1er est adopté.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l'amendement n° 7 , qui tend à supprimer l'article 2.
L'article 2 ouvre la procédure simplifiée de changement de nom par déclaration devant l'officier de l'état civil aux personnes majeures qui souhaitent substituer ou adjoindre à leur propre nom le nom de famille du parent qui n'a pas été transmis.
La législation actuelle, qui donne déjà de nombreuses possibilités en termes de dévolution du nom de famille, permet d'en changer dans des cas légitimes. La proposition de loi est fondée sur la référence à des cas particuliers qui ne justifient pas l'abandon du cadre commun, d'où cet amendement de suppression.
L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à ajouter, à l'alinéa 3 de l'article 2, la notion de « motif légitime » qui figurait déjà dans l'article 61 du code civil. Je le répète, le changement de nom n'est pas un acte anodin.
Ils visent à revenir sur une avancée qui, rappelons-le, avait fait l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous estimons que lorsqu'une personne souhaitant changer de patronyme choisit un nom issu de la filiation, l'État n'a pas à apprécier si le motif du changement est légitime ou non.
De plus, l'adoption de ces amendements imposerait aux officiers d'état civil d'apprécier le caractère légitime du motif invoqué. Outre que ce n'est pas leur rôle, cela créerait des divergences d'application selon les territoires. Avis défavorable.
Je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer durant la discussion générale pour saluer le rétablissement de la rédaction de l'article 1er , qui permettra aux mères d'adjoindre leur nom à celui de leur enfant sans recueillir l'autorisation du père. Le rapporteur l'a rappelé à juste titre, ce changement bénéficiera aux mères divorcées ou encore aux femmes à la tête de familles monoparentales qui étaient à la merci d'une saisine du juge aux affaires familiales par leur ex-conjoint ou le père de leurs enfants.
Les amendements n° 18 et 19 visent à mettre en avant la liberté de choisir son nom. J'estime que la procédure de changement de nom doit être facilitée, dans une démarche de réappropriation de soi : il appartient aux individus, et non aux services du ministère de la justice, de juger de la pertinence d'un tel changement. Je propose donc de supprimer cette formalité.
La deuxième modification prévue dans les amendements concerne le principe, que vous avez conservé, d'un unique changement de nom au cours de la vie. Même si je comprends votre souci d'assurer la stabilité de l'état civil, une telle limitation me semble excessive : chaque individu peut, selon sa propre histoire, vouloir changer de nom plus d'une fois dans sa vie, sans pour autant bouleverser l'état civil. Supprimer cette contrainte n'entraînerait pas une multiplication des demandes abusives, la majorité des personnes ne souhaitant pas changer de nom.
La rédaction de l'alinéa 3 qui avait été adoptée par le Sénat a été modifiée afin de gagner en clarté : le renvoi à l'article 311-21 du code civil permet de couvrir tous les choix de noms possibles. C'est pour cette raison que la procédure ne doit pouvoir être utilisée qu'une seule fois au cours de la vie. Si une personne regrette son choix initial, elle devra passer par la procédure existante, prévue à l'article 61 du code civil. Avis défavorable aux deux amendements.
Même position, pour les raisons exposées par le rapporteur.
L'amendement n° 10 est retiré.
L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Rédigé, comme les précédents, par mon collègue Xavier Breton, il vise à exclure les mineurs du champ du texte. Le simple fait, pour un enfant, de se trouver dans une situation de conflit familial pourrait le conduire à choisir un nom plutôt qu'un autre, décision qu'il pourrait regretter par la suite. Un tel choix suppose une certaine maturité. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'alinéa 6.
Contrairement à ce que vous suggérez dans l'exposé sommaire de votre amendement, l'article 2 ne permettra pas aux enfants de moins de 13 ans de choisir leur nom. En revanche, si une fois devenu adulte, l'enfant souhaite choisir le nom de son autre parent, il aura à son tour la possibilité d'utiliser la procédure simplifiée nouvellement créée, une fois dans sa vie. Nous entendons donner le choix aux individus. Avis défavorable.
L'amendement n° 12 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Il s'agit d'un amendement d'appel – pas d'opposition, et encore moins d'obstruction. Je propose de remplacer les mots « de plein droit » par l'expression « de facto », pour m'assurer – mais je retirerai bien volontiers mon amendement si vous me confirmez que tel sera bien le cas – que le changement de nom s'appliquera bien automatiquement aux mineurs de moins de 13 ans.
Je vous le confirme. L'emploi des mots « de plein droit », qui figurent d'ailleurs déjà à l'article 61-2 du code civil, me paraît plus correct sur le plan juridique. Avis défavorable.
Depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts, la langue de l'administration est en outre le français et non le latin.
Sourires.
Avis défavorable.
L'amendement n° 20 est retiré.
L'article 2 est adopté.
Je suis saisi d'un amendement, n° 13 , tendant à supprimer l'article 4. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le soutenir.
L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 14 de M. Xavier Breton est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Je souhaite connaître l'avis du garde des sceaux sur la suggestion consistant à prévoir qu'à l'occasion des mariages, les officiers d'état civil, après avoir donné lecture des articles prévus par la loi, mentionnent d'une phrase le droit au changement de nom de famille. Si l'on répète souvent que « nul n'est censé ignorer la loi », il peut parfois s'avérer nécessaire de consacrer un moment à rappeler que certains droits existent, sans entrer dans le détail. Quelle est l'opinion du ministre sur ce point ?
C'est toujours une bonne idée que de faire connaître les textes existants, surtout quand ils sont faits pour simplifier la vie de nos compatriotes. Seulement, 65 % des enfants naissent hors mariage. Les articles dont l'officier d'état civil donne lecture – de mémoire, les articles 212 et suivants du code civil – disposent notamment que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance » : ils s'inscrivent strictement dans le cadre du mariage. Ces principes peuvent bien sûr s'appliquer hors mariage, mais il s'agit alors de morale, et non plus de droit. Voilà où est la difficulté.
Je ne m'oppose pas à votre suggestion, mais je tiens surtout à vous rassurer : nos travaux sont suivis de très près par nos compatriotes. Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, j'ai reçu au sujet de cette proposition de loi un nombre invraisemblable de lettres, couvrant toutes sortes de situations – si nous avons, les uns et les autres, cité de nombreux exemples, nous en avons d'ailleurs oublié beaucoup. Je pense, très franchement, que nos concitoyens connaîtront l'existence de ce droit et qu'il entrera dans les mœurs.
La parole est, très brièvement, à M. Jean-Paul Lecoq, qui profite en cette occasion de mon indulgence coupable.
Au-delà des articles 212 et suivants, les officiers d'état civil donnent aussi lecture de l'article relatif à l'autorité parentale, dans sa nouvelle version.
Si l'on suivait votre raisonnement, on en conclurait que ceux qui ne se marient pas ne sont pas informés du droit de leurs enfants à être associés aux décisions qui les concernent. Pourtant, ce rappel est bien effectué à l'occasion des mariages, ce qui permet aussi d'assurer la publicité de ce droit auprès de tous ceux qui y assistent : à cette occasion, c'est la société qui prend connaissance de la loi. Voilà pourquoi je faisais cette suggestion : le mariage est un événement qui permet de communiquer à l'ensemble des personnes présentes.
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'ai demandé un scrutin public, car j'estime que s'agissant d'un texte aussi important, il est nécessaire de montrer à nos concitoyens que les choses évoluent et suivent le cap tracé avec l'adoption des lois de 2002, puis de 2013. Il est nécessaire d'affirmer cette volonté auprès des enfants, des familles et de tous ceux qui peuvent être concernés par cette question. C'est pourquoi nous avons demandé la tenue d'un scrutin public, afin de marquer clairement notre choix.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 34
Contre 2
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra