Le choix du nom issu de la filiation : tel est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Vaste débat, vous en conviendrez, compte tenu de l'échec de la CMP – que je regrette également, mais que nous n'avons pu que constater.
Il est question du nom, pas simplement celui servant à identifier tel ou tel objet, mais bien le nom de famille, celui déterminant l'appartenance à une lignée, à une famille, à une histoire ; celui qui ouvre des droits et comporte des devoirs – succéder mais aussi secourir et protéger ses descendants ou ses aïeux.
Il est question de cette identité qui nous appartient et qui permet d'être en société. C'est la première des choses qui est faite à notre naissance : nommer le nouveau-né est une obligation figurant à l'article 57 du code civil. Il s'agit de nommer pour identifier, pour savoir qui l'on est, pour savoir d'où l'on vient ; pour protéger le nouveau-né, pour qu'il dispose d'une filiation et de la protection qui en découle.
Un nom, nous en avons tous un, parfois deux. Ce ou ces noms nous ont été attribués à la naissance selon les dispositions de l'article 311-21 du code civil. Nous ne les avons pas choisis et nous apprenons avec l'âge ce qu'ils engendrent. Les aléas et parfois la violence de la vie peuvent rendre insupportable d'avoir à porter le nom de celle ou de celui dont on souhaite se démarquer.
Pour oublier, pour ne plus avoir à subir le regard des autres ou tout simplement pour être soi-même, changer de nom est une possibilité offerte par la loi. Mais à quel prix ? Au moyen de quels efforts, dans quels délais et suivant quelles procédures ? Celui qui n'a jamais lu le désarroi dans les yeux d'un candidat au changement de nom, lorsqu'il vient de prendre connaissance du parcours du combattant dans lequel il souhaite s'engager, ne peut pas comprendre.
Nous avons tous une histoire que nous portons, à travers notre filiation, depuis l'enfance – une histoire imposée. Mais une fois majeurs, nous avons aussi notre histoire, celle que nous avons vécue et qui, du fait de fautes ou de manquements de l'un ou l'autre des parents, peut nous conduire à vouloir changer de nom, juste pour être soi-même aux yeux de la société et non le prolongement, à travers le nom, des errances d'un père ou d'une mère.
Voilà ce dont il est question aujourd'hui : ne pas imposer le poids du passé, le poids du vécu, à ceux qui ne seraient plus en mesure de le supporter et encore moins de l'assumer à travers un nom trop lourd ou trop douloureux à porter. Cela n'enlèvera rien à la filiation à l'état civil, mais évitera à certains d'avoir à supporter, à subir la douleur profonde à l'évocation dudit nom.
Depuis la loi de 2002, le nom de naissance n'est plus nécessairement patronymique : l'enfant peut porter le nom du père ou de la mère, ou encore les deux lorsque les parents sont soit d'accord soit, au contraire, en désaccord. Aujourd'hui, huit enfants sur dix portent le nom de leur père. C'est souvent le choix assumé d'une pratique traditionnelle dont les familles n'entendent pas se départir. Ce choix demeurera non seulement possible, mais restera également la règle après l'adoption du présent texte.
Mais notre société évolue : la famille monoparentale est de plus en plus fréquente et le nombre de mères élevant seules un enfant qui ne porte pas leur nom est de plus en plus important, avec la légion de complications administratives que cela entraîne, sans compter le possible problème identitaire auquel l'enfant peut être confronté, souvent douloureux et toujours source de confusion pour les plus jeunes.
Il convient donc de simplifier la procédure de changement de nom du mineur, mais également de respecter le choix du majeur. Ce choix continuera à respecter la lignée parentale – le nom ne pouvant qu'être celui de l'un ou l'autre des parents –, pour faciliter le quotidien, mais aussi et surtout – et c'est à eux que je pense en premier – pour décharger certains du poids d'un passé qu'ils n'ont pas voulu.
J'en terminerai par cette citation de Léon Tolstoï : « Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon. » Alors, parce que nous ne pouvons légiférer pour tous ceux qui souffrent individuellement, à leur manière et pour les raisons qui sont les leurs, offrons-leur tout de même la possibilité de choisir ; pas d'effacer, mais d'oublier un peu.
Vous l'aurez compris, ce sujet de société n'a rien de politique, il relève de la conscience et du vécu de chacun. Le texte ne changera rien pour ceux qui le rejettent, il ouvrira un nouvel avenir à ceux qui en bénéficieront ; la continuité pour les uns, la paix pour les autres. Nous voterons donc chacun en notre âme et conscience.