Voici un texte qui devrait nous rassembler ; en effet, il a trait à un sujet qui préoccupe au quotidien nombre de nos concitoyens. Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à un accord avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire, et je dois dire que je le regrette moi aussi profondément, en particulier au nom de ceux qui attendent beaucoup d'une telle proposition de loi. Son objectif est simple : elle vise à permettre aux Français de modifier leur nom patronymique ou leur nom d'usage quand la nécessité le commande.
C'est une question de bon sens, comme l'a rappelé M. le ministre, et c'est d'ailleurs la vocation du code civil que de faciliter la vie de nos concitoyens en s'adaptant à la société dans laquelle nous vivons. Ce n'est pas aux Français de s'adapter au code civil – et encore moins au code Napoléon ; c'est l'inverse, et il est important de le rappeler.
Ainsi, l'objectif du texte que nous voterons, je l'espère, aujourd'hui est de clarifier deux types de situation. Tout d'abord, la proposition de loi simplifie la procédure de changement de nom de famille dans le cas où une personne majeure souhaite porter le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Ensuite, elle ouvre la possibilité, pour le parent qui n'a pas transmis son nom, de l'adjoindre au nom de l'enfant à titre d'usage ; évidemment, le consentement personnel de l'enfant est requis lorsque celui-ci est âgé de plus de treize ans.
La proposition de loi, qui a déjà évolué lors de nos nombreux débats parlementaires, n'impose donc rien ! Au contraire, elle promeut un nouveau droit et simplifie une procédure complexe, tout en maintenant un cadre strict qui permet de ménager le principe de stabilité de l'état civil. En outre, nous prenons en compte l'intérêt de l'enfant, notamment en ce qui concerne le nom d'usage, à propos duquel des interrogations à mon sens inutiles ont été exprimées par le Sénat lors de la CMP.
J'ai bien conscience, chers collègues, qu'il existe dans notre droit français une certaine sacralisation du nom de famille. C'est notre identité administrative qui est en jeu, mais aussi les liens qui nous rattachent à la société et même à notre famille. C'est la raison pour laquelle il est très difficile d'en changer. L'objectif du texte n'est pas d'autoriser les gens à s'inventer un nouveau nom, mais bien de leur permettre de porter celui de leur autre parent. Rassurons donc nos concitoyens et – sans doute – certains de nos collègues : il ne s'agit pas ici d'attaquer la famille mais au contraire de la reconnaître dans toutes ses dimensions, au plus proche de sa réalité individuelle et collective.
Voilà pourquoi j'aimerais revenir avec vous plus en détail sur quelques aspects principaux du texte et sur les modifications que nous avons défendues à la suite de l'échec de la CMP. Le premier point – celui qui a suscité le plus de débats – consiste à créer une procédure simplifiée de changement de nom. Il vise à mettre fin à un parcours du combattant qui, chaque année, empêche de nombreux Français de changer de nom. Pour certains, porter le nom de famille qu'ils ont reçu à la naissance est un enfer. Nous voulons donc leur simplifier la vie sans qu'ils aient à s'engager dans une procédure fastidieuse et coûteuse, comme c'est le cas aujourd'hui.
Par ce texte, nous ouvrons le droit à toute personne majeure de demander, une fois dans sa vie, à l'officier d'état civil dépositaire de son acte de naissance d'adjoindre ou de substituer à son nom de famille celui du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Les sénateurs souhaitaient revenir sur cette mesure phare, mais la commission des lois de l'Assemblée nationale a fort heureusement réintégré la disposition, tout en prenant en compte leurs interrogations. Ainsi, un délai de réflexion d'un mois minimum sera respecté entre le dépôt du formulaire et la confirmation du changement de nom, ce qui permettra d'éviter par exemple des décisions qui, prises sous le coup de l'émotion, pourraient s'avérer hâtives – même si je pense que cela ne concernerait qu'un nombre de cas très limité. Une telle modification est la preuve que notre assemblée a entendu les remarques de nos collègues sénateurs et a soutenu jusqu'à l'hémicycle un texte de compromis.
Le deuxième point concerne le nom d'usage. Il s'agit de simplifier le quotidien des familles, et particulièrement celui des mères et de leurs enfants, en indiquant clairement dans le code civil qu'il est possible pour l'enfant d'utiliser le nom d'usage de sa mère en plus de celui de son père. Nous avions fait adopter un amendement visant à bien préciser qu'il revenait au parent s'opposant à l'adjonction de saisir le juge aux affaires familiales (JAF), en cas de désaccord sur le nom d'usage de l'enfant. La rapporteure au Sénat a souhaité revenir au droit actuel : en cas de désaccord, le JAF peut être saisi par le parent souhaitant adjoindre son nom, pour qu'il statue en fonction de l'intérêt de l'enfant. Cela ne nous paraît absolument pas opportun. En effet, c'est à celui qui fait obstacle à cette mesure de simplification que doit incomber la charge de la procédure judiciaire. Je me réjouis donc qu'une telle logique ait été rétablie dans le texte, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Enfin, malgré une CMP non conclusive, le groupe Agir ensemble se satisfait de constater que les deux chambres se sont accordées sans difficulté sur l'article 2 bis . Il a été intégré en séance au moyen d'un amendement déposé par notre groupe et tous les groupes de la majorité, afin de faciliter le changement de nom des enfants dont le parent s'est vu retirer l'autorité parentale.
Pour conclure, considérant qu'ainsi amendé il confère enfin à tout Français le droit de porter un nom reflétant plus fidèlement son histoire familiale, le groupe Agir ensemble votera bien évidemment pour le texte, dans sa version adoptée jeudi soir en commission des lois.