Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 21h30
Récépissé de contrôle d'identité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je veux dire à Mme Vichnievsky – mais elle n'est plus là – qu'il est également fort de café qu'une ancienne magistrate estime normal qu'un jeune de dix-huit ans, surtout quand il a un profil de noir ou de Maghrébin, soit plus contrôlé qu'une mère de famille de cinquante ans ou un retraité, au motif de la lutte contre le trafic de drogue, alors que 95 % de ces vérifications, quoiqu'en dise Mme Ménard dans ses affabulations, ne donnent aucun résultat. Je suis très déçu que Mme Vichnievsky ait recouru à cet argument discriminatoire.

Je remercie nos collègues des groupes NG et GDR de leur soutien. Par ailleurs, d'autres collègues n'ont pas nié l'existence des discriminations – Mme la ministre elle-même ne l'a pas fait non plus. Certains, il est vrai, les ont sous-estimées, mais j'explique cela par le fait que nous – je dis bien nous – ne vivons pas dans le même monde que les victimes des contrôles au faciès.

Madame la ministre, vous reconnaissez qu'il existe toujours des discriminations et vous énumérez les dispositifs mis en place pour y remédier. Mais je m'étonne que vous citiez des mesures décidées antérieurement aux déclarations de M. Macron pendant la campagne présidentielle. Si ces dispositifs fonctionnaient, pourquoi a-t-il soudainement affirmé qu'il y avait trop de contrôles et que ceux-ci étaient discriminatoires ? Cela traduit l'insuffisance des dispositifs décidés en compensation – je le rappelle – des promesses de M. Hollande sur l'instauration du récépissé.

Si j'étais méchant, madame la ministre, je dirais que vous poursuivez avec une contre-vérité – comme je ne le suis pas, je parlerai d'erreur – s'agissant de votre analyse des arrêts de la Cour de cassation de novembre 2016. Ceux-ci ne se terminent pas en affirmant que c'est à la personne contrôlée de justifier qu'elle a subi un acte discriminatoire. C'est exactement l'inverse : la Cour de cassation estime qu'il est extrêmement compliqué, pour une personne contrôlée, de prouver qu'elle a été discriminée, ne serait-ce que parce que, ne pouvant se référer à des statistiques globales – le contrôle étant évidemment individualisé – , il lui est difficile de montrer qu'elle n'est pas la seule dans ce cas et que c'est parce qu'elle appartient à la catégorie de ceux qui ont vingt fois plus de chances, ou plutôt de malchances, d'être contrôlés dans notre pays, faute d'être blancs de peau.

Comme M. Morel-À-L'Huissier, vous considérez également que les « raisons plausibles » incluent les « raisons objectives et individualisées ». Là encore, vous invoquez la jurisprudence mais, je suis désolé, celle-ci n'est pas aussi précise. Je vous renvoie au rapport : « La jurisprudence a ainsi admis que constitue une raison plausible désignant une personne à la force publique le fait, pour une personne, de changer de direction ou de trottoir à la vue des agents de police, de marquer un temps d'arrêt et une gêne manifeste au passage d'un véhicule de police ou enfin de tenter de se dissimuler au passage des policiers. En revanche, n'a pas été analysé comme désignant une personne à la force publique le comportement qui consiste à marquer un temps d'hésitation à la vue de la police et à brusquement accélérer le pas ou le fait d'exécuter un brusque demi-tour à la vue de la police ». On voit bien que tout cela est très vague, très flou. Si vous pensez que les raisons plausibles incluent les raisons objectives et individualisées, pourquoi ne pas l'écrire dans la loi ? Au moins, les choses seraient claires.

On nous dit que cela prendrait beaucoup de temps. Je ne comprends pas bien.

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