Intervention de Xavier Breton

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 21h30
Euthanasie et suicide assisté pour une fin de vie digne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Breton :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la fin de vie est un sujet complexe et délicat, parce qu'il renvoie chacun d'entre nous à son expérience intime de l'accompagnement d'un proche, et je suis persuadé que nous souhaitons tous un débat apaisé et serein, qui respecte chaque parcours ; je crois que c'est le cas ce soir.

Le sujet fait aussi appel à nos convictions et à notre manière de concevoir la vie en société et la vie de chaque personne. Le débat de ce soir permet à nos collègues de La France insoumise d'afficher avec clarté leur objectif de voir notre pays reconnaître l'euthanasie et le suicide assisté. À l'image de Mme la rapporteure, Caroline Fiat, ils défendent leurs convictions avec détermination et cohérence.

C'est avec la même détermination et la même cohérence que ceux qui, comme moi, sont opposés à l'euthanasie et au suicide assisté interviennent dans ce débat pour exprimer et motiver leur opposition. Nous aimerions d'ailleurs que la majorité parlementaire fasse preuve de la même clarté. Les groupes majoritaires sont-ils pour ou contre le texte qui nous est proposé aujourd'hui ? Certes, le débat n'est sans doute pas aussi manichéen, et l'on peut être en faveur du texte sous certaines conditions ou y être opposé sauf exceptions. Mais, sur un sujet aussi crucial, nous sommes en droit de connaître les intentions claires de la majorité, ces intentions ne devant pas se cacher derrière des prétextes ambigus de calendrier.

En attendant, ces débats vont nous permettre d'exprimer des conceptions différentes, ce qui est normal car ces différences parcourent aussi notre société. Je voudrais exprimer trois convictions, qui sont autant de divergences avec le texte qui nous est proposé.

La première divergence a trait au calendrier. Une loi a été votée il y a moins de deux ans. Il faut, avant toute autre initiative, la mettre en oeuvre, mieux la faire connaître et l'évaluer. Aujourd'hui, il est beaucoup plus urgent de développer les soins palliatifs ; certes, des plans sont régulièrement annoncés en la matière mais, comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, il reste beaucoup à faire sur le terrain pour répondre aux attentes et aux besoins, et pour combler les inégalités territoriales. Dans cet esprit, nous pourrions nous retrouver dans la proposition de loi qui soutient le projet de faire des soins palliatifs la grande cause nationale de 2018. Nous pouvons reprendre cette proposition soutenue par des associations. Nous sommes déjà plus de soixante-dix, issus de cinq groupes, à avoir cosigné cette proposition de loi. Je tiens d'ailleurs à souligner que l'ensemble du groupe La France insoumise s'est joint à cette démarche. En sens inverse, nous ne pouvons que déplorer l'absence de soutien des groupes majoritaires. Notons d'ailleurs que les groupes de la majorité ont même voté en commission contre deux amendements à travers lesquels nous proposions un rapport visant au développement des soins palliatifs.

La deuxième divergence touche aux arguments invoqués. S'agissant des sondages, méfions-nous de la manière dont sont posées les questions, comme l'indiquait tout à l'heure notre collègue Alain Ramadier. Les méthodes employées peuvent effectivement orienter les réponses. Prenons également garde aux sondages concernant les questions de société ; ainsi, allons-nous déposer une proposition de loi pour rétablir la peine de mort, au prétexte qu'une majorité de nos concitoyens y serait favorable ? Il faut employer ces arguments avec une extrême prudence. Il en va de même lorsque l'on cite d'autres pays en exemple : méfions-nous du moins-disant, du dumping éthique qui nous conduirait à nous aligner sur des pays qui n'ont ni notre histoire ni notre conception de la bioéthique. Soyons, au contraire, fiers de l'exception française en matière de bioéthique ; défendons cette exception éthique et refusons les logiques américaine et anglo-saxonne, imprégnées par l'individualisme, l'ultralibéralisme et l'utilitarisme.

La troisième divergence concerne nos conceptions de la personne et de la société. Oui, nous avons des conceptions divergentes sur la notion de dignité, par exemple. Pour nous, la dignité est intrinsèque à la personne humaine et indissociable de celle-ci. Pour vous, elle est variable en fonction des situations, elle est aléatoire, elle est contingente. À partir de là, deux conceptions de l'éthique se déploient : d'un côté, une éthique de l'autonomie, fondée sur une liberté individuelle absolue, et de l'autre, une conception de l'éthique fondée sur la vulnérabilité, qui prend en compte la fragilité et la dépendance. Vous l'avez compris, mes chers collègues, nous défendons cette éthique de la vulnérabilité pour nous opposer à ce texte, mais nous la défendrons aussi tout au long des débats qui nous attendent sur les sujets de bioéthique.

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