Intervention de Bruno Bonnell

Séance en hémicycle du mercredi 7 février 2018 à 21h30
Protection des données personnelles — Après l'article 24

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Bonnell :

Si le RGPD constitue une avancée au regard de l'opacité actuelle du traitement de notre vie numérique, il n'est qu'une étape. Il permet à chaque individu de repérer et de piloter le flux de ses données numériques, mais il est muet sur la valeur patrimoniale et morale de ces dernières.

Pourtant, nous vivons un moment de l'histoire du monde où, au-delà du corps et de l'esprit, les femmes et les hommes, qui utilisent désormais des outils interactifs et intelligents, génèrent des informations, numérisent leur quotidien, enregistrent sous forme numérique les détails de leur vie, qu'ils concernent la santé, les transports, des activités, des échanges ou des transactions. Ces informations sont compilées et interprétées par des algorithmes élaborés par des gestionnaires, souvent des GAFAM américains – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – ou des BATX asiatiques – Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi – , qui les utilisent à des fins commerciales, en propriétaires de fait, pour cibler les publicités.

S'il existe un droit des brevets ou des droits d'auteur, il n'y a aucun droit attaché aux données numériques personnelles.

Cet amendement a pour objectif de rendre à tout un chacun ce qui lui appartient : la jouissance des droits moraux sur ses données numériques, une spécificité française. Chacun aura ainsi le loisir de les léguer à ses héritiers, de les mettre à la disposition librement de la communauté, mais il détiendra surtout une autorité sur son intégrité numérique. La prise de conscience de la valeur de ces données, qui dépasse la question de leur valeur marchande, est un enjeu culturel clé de notre siècle. En laissant piller librement nos productions numériques, sans discussion sur leur propriété, nous risquons un nivellement, voire un effacement de la diversité mondiale.

Nombre d'objets et d'images de civilisations disparues désormais protégés au nom de la préservation du patrimoine et exposés dans les vitrines des musées n'ont jamais été pensés ou réalisés par autre chose que les nécessités et les routines du quotidien. Nous devons considérer que nos données numériques sont du même ordre. Si nous osions aujourd'hui donner un droit moral à nos concitoyens sur leurs données numériques, nous ferions un petit pas, mais aussi, certainement, un bond de géant vers le débat auquel nous n'échapperons pas : à qui appartiendront nos mémoires du futur ?

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