Monsieur le président, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis tend à ratifier une ordonnance du 9 août 2017 portant transposition d'une directive européenne datant de novembre 2015. Son objectif est d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur des services de paiement en abrogeant l'actuelle directive pour la remplacer par une autre dont le champ d'application est plus large.
Avec l'apparition de nouveaux types de services de paiement et la croissance rapide des paiements électroniques et mobiles, le marché des paiements de détail a en effet connu d'importantes innovations techniques. Ces innovations mettent à l'épreuve le cadre législatif actuel.
Dans ce contexte, la directive sur les services de paiement progresse sur les points suivants.
Elle tend à obliger les fournisseurs de services de paiement à adopter des méthodes de communication sécurisées. Il s'agit par exemple de sécuriser davantage les services de virement par texto et de durcir les règles d'authentification des consommateurs pour les paiements dépassant 30 euros.
La directive renforce également la protection des consommateurs en cas de fraude présumée : les consommateurs pourront exiger d'être remboursés par un service de paiement dès le lendemain d'une transaction frauduleuse.
Elle réglemente aussi les agrégateurs, ces applications qui nous proposent une interface unique pour gérer des comptes domiciliés dans plusieurs banques. Aujourd'hui, on le sait, ces applications vont chercher illégalement des informations sur les sites internet des banques en utilisant les identifiants des clients. La directive autorisera toujours cette pratique, mais, dorénavant, sous réserve de l'autorisation du client.
La directive rend plus strictes les exigences d'information des utilisateurs des services de paiement : ceux-ci devront recevoir une information claire et concise concernant les frais de résiliation, les délais ou encore les différents coûts applicables.
Enfin, la directive interdira certaines pratiques, comme les frais supplémentaires appliqués lors de paiements sur internet avec une carte de crédit.
On le voit, cette directive présente plusieurs aspects positifs : elle renforce la surveillance et la régulation pour tous les fournisseurs de paiement dans l'Union européenne et diminue le monopole des grandes banques en la matière. C'est la raison pour laquelle nous voterons en sa faveur.
Néanmoins, nous avons plusieurs remarques et mises en garde à formuler.
D'abord, il ne faut pas surestimer la portée du texte. En janvier dernier, Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission chargé de la stabilité financière, des services financiers et de l'union des marchés de capitaux, déclarait que la directive, en facilitant les paiements et les transactions, « stimuler[ait] l'économie et la croissance ». C'est lui accorder beaucoup trop de vertu ! Sans augmentation de l'investissement ou du pouvoir d'achat par la répartition des richesses, il sera en effet bien difficile de favoriser durablement l'activité économique. Aujourd'hui, la Banque centrale européenne verse des milliards d'euros aux banques et à la sphère financière. De surcroît, l'un des grands objectifs de la Commission est de poursuivre la dérégulation financière en développant les marchés financiers dans les vingt-huit pays de l'Union européenne à travers l'union des marchés de capitaux. Rien de tout cela ne va dans le sens de la relance de l'activité ; au contraire, cela prépare la prochaine crise financière. C'est peu de dire que la présente ordonnance ne permettra pas de résoudre ce problème.
Plus ennuyeux encore est la question des possibilités concrètes d'application de cette directive, à propos de laquelle nous vous alertons. Faute de moyens alloués à la régulation, de graves dérives pourraient survenir, par exemple en matière de fraude bancaire.
En France, vous le savez, c'est l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'ACPR, qui sera chargée de surveiller les nouveaux opérateurs. Or, dans la loi de finances pour 2018, la majorité a fixé le plafond d'emplois de l'ACPR à 1 050 équivalents temps plein, ce qui correspond à une baisse de 7 % de ses effectifs. On peut donc s'interroger sur les moyens réels dont disposera l'ACPR pour exercer de nouvelles missions de contrôle si ses personnels sont moins nombreux.
Cette question a déjà été soulevée en commission. La rapporteure a alors répondu que l'ACPR s'était engagée à réallouer des ressources en interne pour cette nouvelle mission. Quelles sont donc les autres missions actuellement accomplies par l'ACPR, toutes très importantes – il s'agit de la supervision du secteur bancaire et assurantiel, qui inclut une mission de protection de la clientèle – , qui pâtiront de cette réallocation ? Si l'on donne de nouvelles missions à l'ACPR, il faut augmenter ses moyens humains, pas les réduire !
D'autre part, la directive est loin d'être suffisante à plusieurs égards, et d'abord en matière de protection des droits des consommateurs.
Dans le texte, il est précisé qu'en cas de piratage de son compte, l'utilisateur d'un service de paiement pourra tout de même payer jusqu'à 50 euros, même hors cas de négligence grave de sa part : c'est beaucoup pour un grand nombre de Français modestes. C'est au service de paiement d'assurer la sécurité de son dispositif, non aux clients, qui sont obligés de recourir à celui-ci !
Par ailleurs, l'interdiction des frais supplémentaires appliqués lors des paiements sur internet ne remédie pas au problème beaucoup plus vaste des frais bancaires. La facturation appliquée par les banques au titre de la gestion du compte bancaire ou des incidents de paiement est excessive et ces frais pèsent toujours plus sur les pauvres, comme l'ont souligné les récentes études de l'Union nationale des familles et de 60 millions de consommateurs.
Il nous faut enfin rappeler que les moyens de paiements en ligne, dont il est question ici, ne sont malheureusement pas accessibles à tous nos concitoyens. Or les évolutions de notre société ont rendu aujourd'hui la bancarisation incontournable. La France insoumise s'engage donc pour l'inclusion bancaire. Nous pourrions profiter de cette directive sur les services de paiement pour prévoir, pour les citoyens en dessous du seuil de pauvreté, le droit d'ouvrir un compte bancaire gratuit avec carte de paiement. Les banques ont en effet une mission d'intérêt général. On pourrait l'oublier, vu leur comportement…
Notre programme appelle d'ailleurs à la création d'un service public bancaire. C'est cette notion d'intérêt général qui doit guider toutes les réglementations en matière financière, et nous en sommes loin avec cette directive. Mais, parce qu'elle représente néanmoins un progrès, nous voterons en sa faveur.