Je ne suis pas certain de pouvoir vous apporter des réponses entièrement rassurantes, chers collègues. Madame la Présidente, la Commission européenne a indéniablement adopté une position surprenante, dans la mesure où elle a toléré le dépassement par les Pays-Bas de la dérogation des 5 % autorisés. La pêche électrique concerne ainsi 84 bateaux néerlandais au lieu des 15 initialement autorisés. Les Néerlandais affirment avoir obtenu des accords sur ce point, dont il n'y a cependant aucune trace écrite. Les deux arguments en faveur d'une telle pêche s'appuient, d'une part, sur une consommation de carburant, certes inférieure de 45 % par rapport à la consommation d'un chalutier classique, et, d'autre part, sur le moindre dommage porté aux fonds marins dès lors que les électrodes des bateaux ne raclent pas les fonds. Malheureusement, les résultats d'une étude scientifique actuellement en cours de réalisation au sein d'un organisme comparable au Conseil international pour l'Exploration de la mer (CIEM) ne seront pas disponibles avant la fin 2019. La Commission souhaite disposer des conclusions de cette étude pour arrêter sa position en laissant faire dans l'intervalle les pêcheurs néerlandais. Elle envisage d'élargir le cas échéant le recours à une telle pratique à hauteur de 25 % de la flotte. Il est toutefois probable que plusieurs États membres s'opposent à une telle position.
Ainsi que l'a indiqué Mme Tanguy, il ne faut pas négliger le fait que le Parlement européen ait voté non seulement contre la poursuite des dérogations accordées à la pêche électrique, mais également contre une série de dérogations dont certaines bénéficiant à la France, telle la possibilité de conserver un maillage des filets inférieur de 20 centimètres à la taille fixée par le Règlement européen. Si cette dernière dérogation venait à être effectivement supprimée, l'on devrait s'attendre à de vives réactions de la part des fileyeurs depuis les Hauts-de-France jusqu'à la Bretagne, et au-delà, au blocage de plusieurs ports outre celui de Calais. Lors du trilogue qui se déroulera à la fin de l'année, on ne peut donc exclure que ces dérogations fassent l'objet d'un marchandage, avec le maintien, jusqu'à l'obtention des résultats de l'étude scientifique en cours, de la dérogation à hauteur de 5 % en faveur de la pêche électrique, en contrepartie de celui de la dérogation relative au maillage des filets. Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, qui a reçu des représentants des fileyeurs, suit ces questions avec attention.
Soulignons à quel point la mer est le poumon de la planète : non seulement elle nous donne de l'oxygène mais encore elle absorbe le gaz carbonique. Les directives européennes ne s'appliquant pas aux territoires d'outre-mer, il est loisible d'y pratiquer une pêche à la fois économique et écologique, ce qui permet d'éviter certaines prises excessives de poisson.
Il faut savoir qu'en mer du Nord, la pêche à la senne est toujours pratiquée, alors qu'elle se révèle être assez destructrice. À cet égard, les Néerlandais ont menacé de la substituer à la pratique de la pêche électrique, si celle-ci venait à être interdite.
Pour en revenir au vote du Parlement européen du 16 janvier dernier, le nombre d'abstentions s'est certes élevé à 40. L'abstention est bien souvent inévitable, quel que soit l'objet du vote. L'obtention de 40 voix supplémentaires n'aurait de toute manière pas permis d'atteindre la majorité. Grâce à leur action de lobbying, les Néerlandais sont en effet parvenus à faire voter 232 eurodéputés en faveur de la poursuite de la pêche électrique. Alors même que la pêche continue à être pratiquée de plusieurs manières, mareyeurs, senneurs, chalutiers, et tenants d'autres méthodes ne se sont pas joints au mouvement des fileyeurs qui ont bloqué le port de Boulogne-sur-Mer. En revanche, si l'on devait revenir sur la dérogation relative au maillage des chalutiers, il faudrait s'attendre à une réaction plus générale et à un mouvement de blocage de tous les ports.
S'agissant de l'accompagnement susceptible d'être mis en oeuvre au profit des pêcheurs, une aide pourrait leur être apportée par la région. En revanche, une aide directe de l'État serait contraire à la réglementation européenne. Lorsqu'il a été reçu au ministère de l'Agriculture, M. Pinto, représentant des fileyeurs boulonnais, souhaitait avoir l'assurance que le Gouvernement français plaiderait, lors du trilogue, en faveur du maintien de l'interdiction de la pêche électrique en Europe.
Nous nous réjouissons du soutien apporté à la présente proposition de résolution par le groupe La France insoumise, nous avions pris l'attache de son président dès l'origine de cette initiative. Il faut bien avouer que la pêche dépasse les clivages politiques et que dans ce dossier, nous nous trouvons tous « embarqués sur le même bateau ».
La question du respect des règles renvoie à celle du contrôle effectué sur les bateaux. Or, il appartient à chaque État membre de contrôler sa propre flotte. Et, si les contrôles effectués par les autorités françaises sont stricts, il est permis de douter de la rigueur des contrôles dans d'autres États membres, les Pays-Bas ayant en particulier laisser dériver le nombre de leurs bateaux. L'absence d'étude scientifique sur les effets des différents systèmes de pêche rend ce contrôle plus délicat. Paradoxalement la Commission, qui s'appuie sur des données scientifiques pour déterminer les quotas de pêche, n'y a pas eu recours pour réglementer les pratiques de la pêche.
S'agissant des arguments avancés par les Pays-Bas en faveur du maintien de l'autorisation de la pêche électrique, ils ne sont pas négligeables : en effet, le coût économique que représenteraient pour les pêcheurs néerlandais l'augmentation de la consommation de gasoil, la réduction des quantités de poissons pêchés et le réarmement de la flotte est élevé. Pour autant, les armateurs Néerlandais détiennent nombre de bateaux de haute mer stationnés dans des ports tels que celui de Boulogne-sur-Mer. À titre d'exemple, la flotte d'un distributeur comme Intermarché est sous armement néerlandais.
En définitive, la négociation au cours du trilogue requerra un grand talent diplomatique de la part du Gouvernement pour concilier les différentes dérogations et l'on ne peut exclure, à ce stade, un accord donnant-donnant concernant le maintien de la dérogation accordée à la pêche électrique en contrepartie de celle relative à la taille des filets. Souhaitons que la solution adoptée soit respectueuse du milieu marin et de l'écologie tout en permettant à nos marins pêcheurs de poursuivre leur activité. Quelle que soit la décision finale, il y a malheureusement lieu de s'inquiéter pour la pérennité de l'activité sur les côtes françaises.