Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 13 février 2018 à 15h00
Protection des données personnelles — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La protection des données personnelles est d'abord un enjeu en termes de libertés et de droits des personnes. Ces derniers jours, un tribunal de Berlin a jugé illégale l'utilisation par Facebook des données personnelles de ses utilisateurs, estimant que le réseau social ne les avait pas informés de manière pertinente de l'usage qu'il en fait. Ceci alerte sur la nécessité d'affirmer et de protéger les droits des personnes.

Mon propos sera centré sur les acquis que représente la législation européenne, la nouvelle architecture qu'apporte l'évolution, les progrès à accomplir et la vigilance à exercer.

La stratégie de l'Union européenne est de créer des conditions d'établissement d'un marché facilitant les échanges et l'innovation nés du développement du numérique, et parallèlement d'assurer que les droits des consommateurs, des travailleurs et des citoyens européens soient bien garantis. Parmi les questions importantes figurent la propriété des données collectées, le droit pour les personnes de consentir à leur traitement, d'y accéder, de les récupérer et de les faire oublier. Si les principes vont dans le bon sens, des interrogations ont porté sur l'efficacité du dispositif de protection à mettre en oeuvre pour assurer l'effectivité des garanties.

J'en viens à la nouvelle architecture de la protection des données personnelles en Europe. L'article 1er du projet est emblématique du changement qu'elle emporte. Cet article confère logiquement à la CNIL un nouveau pouvoir. Il s'agit, pour elle, de définir un cadre de référence, d'exercer un soft power pour emmener les organisations vers une sécurisation croissante, et de contrôler et de sanctionner plus sévèrement.

Passer d'un système de déclaration et d'autorisation à un système d'exercice responsable, au sens où on répond de ce qu'on fait, constitue, au plan des principes, une libéralisation, puisqu'on ne demande plus en amont la possibilité d'exercer, mais on exerce en se conformant à des normes dont le non-respect peut être lourdement réprimé. L'organisme de régulation a donc un pouvoir important de fixation des règles techniques et de contrôle.

Je note que la CNIL pourra considérer que des traitements doivent faire l'objet d'une consultation préalable. Elle pourra présenter des observations devant toute juridiction à l'occasion d'un litige relatif à l'application du règlement ou de la loi de 1978. Nous sommes heureux de constater que nos droits et libertés font l'objet d'une attention conforme aux standards les plus élevés.

Malgré les progrès accomplis tant au niveau européen qu'au plan national, certains choix faits par le Gouvernement appellent une vigilance continue et accrue. Je citerai deux domaines où nous aurions pu aller un peu plus loin et où les raisons invoquées ne paraissent pas à la hauteur des ambitions affichées.

Le premier domaine concerne les données personnelles et l'éducation. Le projet de loi ne traite pas les données en matière d'éducation et de scolarité de façon différente des autres domaines, et les données concernées ne sont donc pas protégées par un régime particulier. L'éducation nationale doit contrôler pleinement l'accès aux données et les mettre au service exclusif de l'éducation.

Le second domaine concerne l'utilisation des algorithmes. Je l'ai dit en séance, les algorithmes suscitent légitimement des inquiétudes. Sont en jeu rien moins que le droit à l'information, les principes de neutralité, de loyauté, d'équité, de non-discrimination, de lutte contre la concurrence déloyale, de respect du consentement et de la vie privée. Notre groupe défend une conception ouverte et transparente de l'utilisation des algorithmes.

Les données utilisées, les traitements logiques et reproductibles et leur objet doivent être connus, accessibles à ceux pour qui ils sont utilisés et à qui ils sont opposés. Nous avons souhaité que cette information préalable soit systématique pour les administrés pour lesquels un tel traitement est utilisé, mais notre proposition d'amélioration du texte a été refusée. Nous comptons sur l'avenir.

Malgré ces points importants pour la protection des droits des citoyens qui restent en suspens, le groupe Nouvelle Gauche a décidé d'apporter son soutien à ce texte, qui marque l'adoption d'une législation européenne visant à concilier la nécessaire évolution des techniques, leur grande diffusion et un contrôle adapté, proportionné et dissuasif.

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