Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, la proposition de résolution no 632 pour l'interdiction de la pêche électrique est présentée aujourd'hui à notre assemblée et à votre approbation.
La pêche électrique est déjà interdite dans la plupart des pays du monde, notamment en Chine, aux États-Unis et au Brésil. J'ai participé à la fin du mois de décembre, avec mes trois collègues Erwan Balanant, Paul Christophe et Joachim Son-Forget, à la rédaction d'une tribune appelant les parlementaires français à interdire définitivement la pêche électrique. Publiée dans Le Monde le 13 janvier, elle a été cosignée par 250 de nos collègues, toutes tendances confondues. Je les en remercie chaleureusement. Nul doute que cette initiative a joué son rôle dans le vote intervenu le 16 janvier au Parlement européen, à une très large majorité – 402 voix contre 232 – de la stricte interdiction de la pêche électrique.
Celle-ci est interdite en Europe depuis 1998 par l'article 31 du règlement du Conseil européen no 85098. Pourtant, en 2006, la Commission et le Conseil de l'Union ont introduit une dérogation pour la mer du Nord, qui autorise les États membres à équiper jusqu'à 5 % de leur flotte de chaluts d'une perche électrique, sous prétexte d'expérimentation. Cette pêche, principalement développée par les Hollandais, a bénéficié d'aides publiques. On estime à près de 6 millions d'euros les subventions versées à la flotte néerlandaise, dont les deux tiers proviendraient de fonds européens.
Ce système de pêche électrique soulève des problèmes majeurs.
Premièrement, les Hollandais ont outrepassé les dérogations, puisque 28 % de leur flotte est aujourd'hui équipée de matériel électrique, au lieu des 5 % autorisés, soit 84 bateaux au lieu de 17. Les Pays-Bas arguent, pour justifier un tel développement, d'accords avec la Commission, dont on n'a aucune trace.
Deuxièmement, je veux rappeler ici que l'octroi de dérogations en 2006 s'est fait contre l'avis du Comité scientifique, technique et économique des pêches, qui soulignait « l'effet inconnu de la pêche électrique sur les espèces non ciblées ». À l'heure actuelle, on ne connaît absolument pas les conséquences de l'usage du courant électrique sur les poissons – oeufs, alevins, poissons pubères – ni sur les écosystèmes – algues, fonds marins, pH de l'eau. Un programme d'étude lancé par des Néerlandais en 2016 doit permettre d'étudier dans quelle mesure le chalut électrique contribue à la diminution de la pêche accessoire et déterminer ses effets sur l'écosystème. Ce rapport devrait être publié à la fin de l'année 2019.
Troisièmement, les risques de surpêche et les risques socio-économiques pour nos pêcheurs sont réels. Les pêcheurs français des Hauts-de-France, ainsi que leurs homologues belges, hollandais et britanniques constatent un effondrement de la ressource dans la zone concernée, en particulier des soles. Cette pêche est malheureusement hyper-efficace. Les pêcheurs des Hauts-de-France et de Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, sont contraints de descendre plus au sud dans la Manche pour sauver leur activité.
Quatrièmement, et ce sera mon dernier point, le développement de la pêche électrique et son financement public sont contraires aux objectifs réglementaires européens. En effet, le règlement de base de la pêche, adopté en 2013, fixe à l'Union européenne l'objectif de restaurer les stocks halieutiques. En outre, dans le cadre des objectifs de développement durable adoptés aux Nations unies en 2015, l'Europe s'est engagée, d'ici 2020, à mettre un terme à la surpêche et aux pratiques de pêche destructrices.
En guise de conclusion, mes chers collègues, parce que je suis très impliqué dans la défense des pêcheurs français, victimes d'une pêche électrique qu'ils rejettent, je tiens à vous faire part, avec votre permission, d'une analyse personnelle.
La Commission européenne ne propose pas seulement le maintien du statut dérogatoire actuellement en vigueur. Elle envisage même désormais – c'est un comble ! – son extension. Comment expliquer cet acharnement de la Commission ? La réponse semble malheureusement évidente : elle cherche à entériner le non-respect par les Hollandais de la règle des 5 % maximum autorisés, qu'elle a pourtant elle-même édictée. Elle s'est manifestement rendue complice de ce non-respect en le tolérant et en refusant de le sanctionner, comme c'était pourtant son devoir. Bien sûr, le Parlement européen a largement voté contre la pêche électrique, mais c'est le trilogue qui se tiendra dans trois à neuf mois qui sera décisif, et notre ministre aura alors besoin de tout notre soutien.
Alors qu'ils ont violé la dérogation accordée, et même s'ils prétendent ne pas racler les fonds marins, les Hollandais, en dehors de la diminution de 50 % de leur consommation de gasoil, ont bien peu d'arguments pour leur défense. En revanche, ils disposent d'un certain nombre de moyens de pression : quota de pêche, construction de bateaux, capitaux hollandais dans les armements français.
Vous comprenez bien que la discussion avec Bruxelles ne sera pas facile. Il faudra toute la ténacité et la volonté de notre ministre de l'agriculture, en charge de la pêche, M. Stéphane Travert, pour s'opposer à tout maintien de l'autorisation de la pêche électrique et au prolongement de toute dérogation. Dans cette bataille difficile, votre soutien, dont je vous remercie par avance, sera déterminant.