Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l'heure où pouvoirs publics et populations prennent conscience de la nécessaire préservation de notre environnement, les autorités européennes laissent pourtant se développer une technique très dangereuse pour notre écosystème : la pêche au chalut électrique.
Le chalut électrique est un chalut de fond constitué de rangées d'électrodes envoyant des décharges paralysantes en direction du sédiment pour y capturer les poissons. Il s'est développé en vue de proposer une solution alternative au chalut à perche, qui détériorait les fonds marins. Interdite en Europe en 1998, en même temps que la pêche aux explosifs, la technique controversée de la pêche électrique a toutefois été réintroduite par le biais d'un statut dérogatoire en 2007, puisque l'Union européenne, sous la présidence des Pays-Bas, a autorisé chaque État membre à équiper jusqu'à 5 % de sa flotte de chaluts à perche au titre d'une expérimentation.
Profitant allègrement de cette autorisation, les Pays-Bas ont équipé leurs navires. Dépassant largement le seuil dérogatoire, ils usent et abusent de cette technique dans les eaux de la mer du Nord et pratiquent parallèlement, à Bruxelles, un lobbying intensif pour que la pêche électrique soit généralisée. Précisons par ailleurs que le nombre de licences actuellement accordées est largement supérieur au niveau habituellement associé aux recherches scientifiques.
Les Néerlandais évoquent une technique innovante, qui participe aux objectifs de réduction des émissions carbone. Nous ne sommes pas dupes : seul le profit de court terme justifie l'usage de cette technique.
Colonnes vertébrales fracturées, ecchymoses, lésions neurologiques, affaiblissement du système immunitaire, altération de la reproduction… Les pêcheurs des Hauts-de-France constatent chaque jour les ravages que provoque la technique de la pêche électrique dans les eaux de la mer du Nord. En visite sur le port de Dunkerque, le 12 janvier dernier, avec mon homologue européen Dominique Riquet, nous n'avons pu que partager cet amer constat face aux poissons abîmés qui nous étaient présentés. Je saisis l'occasion pour vous inviter, monsieur le ministre, à venir les rencontrer.
Suite à une requête de la France, le Conseil international pour l'exploration de la mer – CIEM – a publié un avis en 2016, complété par un rapport du groupe de travail « Electra » mené en son sein en 2017. Il en ressort, en premier lieu, un manque certain de connaissances quant aux conséquences du chalut électrique sur les espèces des fonds marins, les raies et requins, sur les espèces de la liste Natura 2000 et sur la dynamique des nutriments. En second lieu, le rapport fait état de faibles taux de survie pour les individus rejetés, de lésions vertébrales sur des cabillauds ou des merlans, ainsi que des impacts négatifs sur les oeufs, larves et juvéniles de poissons. Ces conclusions ne poussent pas à l'optimisme et nous confortent dans l'idée qu'il faut définitivement interdire la pêche électrique.
Le 16 janvier dernier, le Parlement européen était appelé à statuer sur le devenir de cette pratique. Nos homologues se sont prononcés par 402 voix contre 232 en faveur d'une interdiction stricte de la pêche électrique. Nous saluons cette décision très courageuse, qui n'est toutefois pas suffisante puisque la Commission européenne propose, a contrario, de maintenir l'expérimentation.
La décision finale sera tranchée lors de négociations au sein de la formation « Agriculture et Pêche » du Conseil de l'Union européenne, dans le cadre de la procédure ordinaire de codécision. Les discussions s'annoncent d'ores et déjà difficiles, mais la France devra tenir bon.
Les marges de manoeuvre des parlementaires nationaux pour influencer cette décision sont réduites, mais pas inexistantes. En amont des négociations à venir, cette proposition de résolution européenne permet en effet à la représentation nationale d'envoyer un message très clair au Gouvernement, et plus largement au reste de l'Europe, en demandant l'interdiction de la pêche électrique.
La position actuelle du Gouvernement n'est pas suffisamment rassurante pour notre groupe UDI, Agir et indépendants – mais vous venez de l'éclairer, monsieur le ministre.
Dès juin 2016, j'avais alerté Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, sur les désastres causés par la pêche électrique. Elle déclarait alors être opposée à cette pratique, sans toutefois agir concrètement pour l'interdire.
Le 27 septembre 2017, je vous avais interrogé une première fois, monsieur le ministre, dans le cadre d'une audition de la commission des affaires économiques autour du thème de la pêche. Vous ne m'aviez pas répondu avec précision, oscillant entre statu quo et interdiction pure et simple.
Le 8 novembre dernier, je vous avais donc interpellé, une nouvelle fois, publiquement, en séance. Vous déclariez alors : « Sachez que la France demande le maintien de la réglementation actuelle encadrant la pêche électrique ». Vous ne vous prononciez donc pas totalement contre cette technique de pêche, puisque vous souhaitiez le maintien de l'expérimentation.
De nouveau interrogé les 29 novembre et 13 décembre par mes collègues du groupe majoritaire et de La France insoumise, vous vous répétiez : « La France s'opposera à toute levée d'interdiction de la pêche électrique au-delà de la dérogation actuelle ».
Les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre, sont de nature à me rassurer. Nous ne vous demandons pas de défendre le statu quo en maintenant l'expérimentation, mais bien de vous engager clairement pour le « zéro pêche électrique », ce que vous venez de faire.