La lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil doit être une priorité de notre politique du logement. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés comprend donc l'esprit de cette proposition de loi. Chacun de nos compatriotes doit pouvoir disposer d'un logement décent et adapté à ses besoins, à l'endroit de son choix. C'est une règle fondamentale de notre vie en société, car tout se construit à partir du logement : la recherche et l'épanouissement dans l'emploi, la rencontre des autres, ou encore l'intégration sociale.
Cela étant, pour lutter efficacement contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, cette proposition de loi est incomplète et parfois candide, comme je vous l'ai dit en commission, monsieur Wulfranc. Elle est incomplète, parce qu'elle ne parle pas, par exemple, des outils de détection des marchands de sommeil à mettre en place. Elle est candide, notamment lorsqu'elle demande la révélation de l'identité du signataire d'une promesse d'achat, alors que ce document peut tout à fait être conclu avec un tiers de confiance de l'acquéreur final, sans que l'on connaisse son identité.
Ces enjeux cruciaux font d'ailleurs partie du troisième pilier de la stratégie « Logement » du Gouvernement, laquelle vise à renouveler notre politique du logement et à améliorer le cadre de vie des Français. Le ministre Jacques Mézard et le secrétaire d'État Julien Denormandie en ont détaillé les principaux enjeux en décembre dernier, lors de la présentation de leur plan de lutte contre les marchands de sommeil. Il s'agit de faciliter et de favoriser le regroupement des compétences relatives à l'habitat indigne dans les établissements publics de coopération intercommunale, et de simplifier les procédures de lutte contre l'insalubrité et le saturnisme.
En effet, dans de nombreux territoires, le niveau intercommunal est le plus à même d'être désigné comme autorité unique pour exercer l'ensemble des polices spéciales de lutte contre l'habitat indigne. Il faut donc accompagner ces collectivités pour qu'elles créent des services de lutte contre les logements indignes, des services capables de traiter les urgences immédiates et d'appliquer les sanctions.
Car, certes, s'il est important de renforcer les sanctions, il faudrait tout d'abord qu'elles soient en mesure d'être appliquées, ce qui est loin d'être le cas actuellement. Cette applicabilité des sanctions pourra seulement découler de l'amélioration de la gouvernance. Ce n'est qu'ensuite qu'il nous faudra passer au stade suivant et renforcer les sanctions contre les marchands de sommeil. Cela passera notamment par l'institution d'une présomption de revenus issus de la mise à disposition de logements indignes. Cette présomption de revenus sera à l'image de ce qui est pratiqué en matière de trafic de drogue ou de contrefaçon. Cela permettra à la justice et à l'administration fiscale de présumer que les marchands de sommeil ont perçu de l'argent de la location illégale de leur logement insalubre, renversant ainsi la charge de la preuve.
Poursuivre et sanctionner efficacement les marchands de sommeil permettra de créer un cercle vertueux de résorption de l'habitat indigne. Le renforcement des polices de l'habitat indigne sera financé par le versement au budget des collectivités concernées des astreintes payées par les marchands de sommeil.
Par ailleurs, les procédures de lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil sont actuellement beaucoup trop nombreuses et trop complexes. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés pense qu'il est désormais temps de les simplifier. Nous devons par exemple permettre un traitement de l'urgence, en donnant aux maires et aux présidents d'intercommunalité la possibilité de recouvrer auprès du propriétaire les frais engagés pour le traitement de la situation. Nous devons aussi simplifier les procédures d'urbanisme et raccourcir les délais, en rendant, par exemple, strictement consultatifs les avis des architectes des bâtiments de France pour les opérations de lutte contre l'habitat indigne.
Toutefois, au-delà de ces mesures parfois extrêmement techniques, je souhaite défendre ici au nom de mon groupe une réponse globale à cet enjeu social et sociétal. Il faut effectivement s'attaquer directement aux marchands de sommeil, mais également rénover les centres des villes moyennes, car nous savons tous que l'inadaptation de l'offre de logements y provoque de la vacance et y favorise le développement de l'habitat indigne.
C'est d'ailleurs dans cette optique de réponse globale que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés avait proposé, lors de la semaine de contrôle, un débat sur l'aménagement du territoire et la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Les opérations de revitalisation doivent en effet mettre en oeuvre un projet global dans chaque territoire. Ce projet doit adapter et moderniser le parc de logements et de commerces, ainsi que le tissu urbain, pour lui donner plus d'attractivité et pour lutter contre la vacance des logements et des commerces, et contre l'habitat indigne. Cela permettra de valoriser le patrimoine bâti et de répondre aux enjeux de développement durable et d'innovation dans les secteurs du commerce et de l'artisanat.
Finalement, pour accélérer la rénovation, la construction, la réhabilitation et la mise aux normes du parc de logements dans les centres des villes moyennes, nous devons mobiliser des moyens exceptionnels. Pour cela, nous devons accentuer les efforts et les services d'Action Logement, de l'Agence nationale de l'habitat et de la Caisse des dépôts et consignations. Ces agences sont essentielles pour financer des prestations d'ingénierie, investir en fonds propres dans des projets immobiliers, ou encore accorder des prêts afin d'accompagner les établissements publics fonciers et les collectivités.
Dans le cadre de cette réponse globale, je tiens ici à rappeler la mise en place en décembre dernier, par le ministre Jacques Mézard et le secrétaire d'État Julien Denormandie, de la conférence de consensus sur le logement. J'y ai participé au nom de mon groupe, aux côtés de mon collègue Jean-Noël Barrot. Cette large conférence a permis des avancées notables, notamment dans la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil, en fédérant toutes les parties prenantes représentées. Il s'avère que le futur projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique est issu de cette conférence de consensus sur le logement. Il sera donc le meilleur véhicule législatif pour endiguer les inégalités relevées par nos collègues, protéger les plus fragiles et ceux qui en ont le plus besoin, et améliorer le cadre de vie des Français.
Je suis certain que ce projet de loi répondra d'autant plus à ces problématiques que la proposition de loi examinée ce soir ne traite que partiellement le sujet. Elle oublie certains aspects, comme les moyens et la coordination des acteurs publics et privés intervenant dans cette lutte. Elle oublie l'amélioration du système de fichage ou l'interdiction pour les mauvais payeurs d'accumuler des biens. Elle oublie qu'il n'est pas vraisemblable de vouloir identifier l'acquéreur véritable d'un bien au moment de la signature du protocole de réservation.
Pour combler ces lacunes et adapter les outils existants, il convient donc de prendre part à l'examen, dans les mois à venir, du projet de loi ÉLAN. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés sera particulièrement actif durant les débats sur ce futur projet de loi, afin qu'il soit ambitieux et apporte des solutions concrètes et opérationnelles pour lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Nous serons également attentifs à la mise en oeuvre rapide, ordonnée et efficace de ces mesures, afin qu'elles produisent leurs effets dans les meilleurs délais.
En conséquence, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne soutiendra pas la proposition de loi du groupe GDR.