Monsieur Huppé, vous appelez l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui regrette sincèrement de ne pouvoir être présent ce matin, sur l'inégale répartition des ressources en eau dans le temps et dans l'espace, laquelle peut expliquer des situations locales de pénurie ou de surexploitation des nappes. Les agriculteurs de ma circonscription en font, hélas, eux aussi l'expérience.
Ces éléments peuvent justifier l'intérêt de la réutilisation d'eaux usées traitées comme ressource en eau supplémentaire ou de substitution. C'est en tout cas une solution alternative que nous étudions sérieusement. Néanmoins, comme vous le savez, les principes de la réglementation française se fondent principalement sur les travaux d'expertise qui ont été menés par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – AFSSA – et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – au cours des dernières années. Ce sont ces agences qui statuent sur l'utilisation des eaux usées et nous avons donc l'obligation de travailler étroitement avec elles.
L'arrêté du 2 août 2010, modifié par l'arrêté du 4 juillet 2014, s'applique aux stations d'épuration d'eaux usées urbaines. Seule l'irrigation de cultures ou d'espaces verts y est autorisée. Conformément aux avis et rapports de l'ANSES, l'arrêté définit des contraintes d'usage, de distance et de terrain, en fonction du niveau de qualité sanitaire des eaux usées traitées. Il impose la mise en place d'un programme de surveillance de la qualité des eaux usées traitées et de la qualité des sols, ainsi que la traçabilité des opérations d'irrigation.
Les ministères en charge de ce dossier – à savoir le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de la transition écologique et solidaire et celui de l'agriculture et de l'alimentation – se sont accordés sur la nécessité de modifier certaines prescriptions de cet arrêté. Des travaux ont donc été engagés depuis 2014 avec les parties prenantes afin de modifier les prescriptions de l'arrêté. Le projet d'arrêté issu de ces travaux devra obligatoirement faire l'objet d'un avis de l'ANSES – je l'ai déjà dit, mais j'y insiste.
La Commission européenne a par ailleurs lancé en décembre 2015, dans le cadre du paquet économie circulaire, des travaux qui visent à définir, par le biais d'une directive ou d'un règlement, des critères minimaux de qualité pour la réutilisation d'eaux usées traitées, pour l'irrigation et la recharge de nappe. Tout cela est très encadré, vous le voyez. La Commission prévoit de faire une proposition de règlement qui devra être soumise à la discussion avec les États membres et le Parlement européen – tout cela prendra du temps. Un groupe de travail national se penchait sur ces questions mais, pour des raisons de coordination entre les différents niveaux de gouvernance, il a été contraint de suspendre la concertation qu'il avait engagée.
Sachez en tout cas que la question de la gestion quantitative de la ressource en eau fait l'objet d'une attention particulière de la part de nos ministères et qu'une cellule d'expertise sur la gestion de la ressource en eau dans le domaine agricole, pilotée par le préfet Pierre-Étienne Bisch, a été mise en place en novembre 2017. Placée sous l'autorité conjointe du ministre de l'agriculture et du ministre de la transition écologique et solidaire, elle a pour mission d'examiner les projets en cours, notamment sur le stockage de l'eau, mais aussi d'identifier des solutions susceptibles d'améliorer le dispositif général, la qualité des projets et surtout d'accélérer leur réalisation. Je vous invite donc – même si je suis sûre que vous l'avez déjà fait – à vous rapprocher des ministères concernés, pour voir concrètement comment travailler de concert et accélérer la mise en oeuvre de solutions.