J'ai entendu les craintes ou les inquiétudes que M. Ruffin a exprimées. Je respecte son point de vue. Il me semble toutefois qu'une attitude moins passionnelle et plus raisonnée permettrait de trouver des éléments de réponse à vos inquiétudes, monsieur le député.
Vous adressez trois griefs à ce texte : la difficulté générale que pose le mode d'élaboration de la loi européenne ; la définition trop large du secret des affaires ; l'insuffisance des dérogations.
Sur le premier point, en effet, la loi européenne n'est pas élaborée de la même manière que notre loi nationale. Le processus, en Europe, repose sur l'intervention de plusieurs partenaires de manière ouverte. C'est le système des lobbies, on peut le critiquer – je l'entends parfaitement – mais il est consubstantiel à l'élaboration des textes européens : tous les lobbies, y compris publics – j'étais élue d'une région qui, comme de nombreuses autres régions françaises, avait un bureau de lobbying à Bruxelles – participent. On peut regretter l'existence de ce système mais il fait partie du processus d'élaboration de la loi européenne.
Sur le deuxième point, la définition prévue dans le texte à l'article L. 151-1 du code de commerce est conforme à celle qui résulte de l'article 2 de la directive. Cette définition est précise en ce que seules les informations qui ont une valeur commerciale et qui font l'objet de mesures raisonnables de protection de la part de leur détenteur seront protégées. On peut encore juger cette définition trop large – j'ai lu des critiques en ce sens qui rejoignent la vôtre – mais le cumul des critères fixés me semble garantir un cadre.
Le secret des affaires peut correspondre par exemple au secret des procédés, à celui des informations économiques et financières, des stratégies commerciales ou industrielles – bref, à des éléments précis. Cette notion n'est d'ailleurs pas complètement nouvelle. Elle existe déjà en droit interne, mais elle n'avait pas encore été définie. Les juridictions se référaient jusqu'à présent à la définition donnée à l'article 39 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui est exactement celle de la directive. En tout état de cause, même si le secret des affaires était invoqué, il ne pourrait être opposé, je l'ai déjà dit, aux lanceurs d'alerte, aux journalistes ou aux représentants des salariés qui font usage de leur liberté d'expression.
Sur le troisième point, encore une fois je peux comprendre vos inquiétudes mais il me semble que le texte dont nous souhaitons la transposition y répond. Vous avez cité l'exemple des risques médicaux, en évoquant le document de DuPont de Nemours, ainsi que les risques environnementaux. Or ces deux sujets sont expressément cités comme faisant l'objet de dérogations à la protection du secret des affaires. Le texte apporte donc des éléments de réassurance, me semble-t-il.
Enfin, vous dites espérer que cette assemblée compte des hommes et des femmes qui ont soif de justice et de vérité, qui ont l'esprit de résistance. Je serais tentée de dire qu'à l'initiative de M. le rapporteur, cette soif de vérité et de justice ainsi que cette énergie de résistance se traduisent dans un dispositif juridique – nous sommes aussi là pour élaborer des dispositifs juridiques pertinents – , l'amende infligée à celui qui intente indûment une procédure bâillon. Il se trouve donc chez les parlementaires ici présents un esprit de résistance qui, je n'en doute pas, rejoindra le vôtre, monsieur le député.