Voilà pourtant un bel exemple de tout ce que le peuple rejette de l'Europe.
Venons-en au fond et à l'opportunité de légiférer sur le secret des affaires. Il est, bien entendu, légitime d'accorder une protection légale aux entreprises, face aux menaces d'espionnage. Pour autant, l'état de la législation française leur permet d'ores et déjà de faire valoir leurs droits dès lors qu'elles estiment avoir subi un préjudice. Le droit commercial, celui de la propriété intellectuelle ou des contrats existent et protègent, chacun à leur façon, la création et l'innovation.
In fine, quel est donc l'objectif de cette directive ? Elle accorde une protection juridique à la quasi-intégralité des informations internes d'une entreprise, qui seront désormais couvertes par le secret des affaires. L'obtention, l'utilisation et la divulgation de ces informations pourraient ainsi faire l'objet de poursuites judiciaires à l'initiative des entreprises, réduisant au silence les salariés et les syndicalistes prêts à dévoiler des faits graves et mettant sous l'éteignoir les journalistes et les lanceurs d'alerte soucieux de dénoncer les comportements d'acteurs économiques.
En érigeant en principe l'opacité des affaires et en faisant de la transparence une exception, la directive que vous nous proposez de transposer apporte une garantie juridique ultime aux entreprises soucieuses de dissimuler leurs agissements, qu'ils soient légaux, comme l'optimisation fiscale, ou illégaux. Elle agira telle une arme de dissuasion massive contre ces acteurs qui font vivre la liberté d'expression et notre démocratie.
Cette situation nous concerne, nous aussi, parlementaires, dans l'exercice de nos fonctions. Nous sommes régulièrement contactés par des citoyens, des salariés, des journalistes, qui nous transmettent des informations internes aux entreprises, des documents comptables ou sociaux faisant état d'un dépeçage en cours ou à venir d'un collectif de travail, de velléités de délocalisation, de projets de leverage buy out– LBO – , de licenciements en préparation ou de fraude fiscale avérée. Ces informations nous sont essentielles pour anticiper, préparer, discuter et alerter. Qu'en sera-t-il à l'avenir ?