On le voit bien, les inquiétudes soulevées par la transposition de cette directive sont multiples et bien légitimes, tant cette initiative s'avère bancale, truffée d'ambiguïtés et d'incertitudes juridiques. L'examen en commission et la faiblesse des réponses apportées à nos interrogations ne nous ont guère rassurés. Plus généralement, le signal politique envoyé aujourd'hui est funeste, tant votre texte de loi va à rebours du mouvement légitime en faveur de la transparence : celle de la vie publique, bien sûr, mais aussi celle des affaires. À quand une directive européenne instaurant un reporting public pays par pays, pour faire la lumière sur les agissements fiscaux des multinationales ?
Ce texte est également un signal politique funeste, car il fragilise l'amorce de protection accordée aux lanceurs d'alerte dans notre pays. Or, mes chers collègues, sans les lanceurs d'alerte, il n'y aurait pas eu les Panama papers, l'affaire du Mediator et le scandale Monsanto ne seraient pas sortis, il n'y aurait pas eu de liste HSBC ni de révélations salutaires sur UBS. Notre pays doit beaucoup au courage de ces femmes et de ces hommes, dont la protection s'avère encore largement lacunaire. Bien souvent, les lanceurs d'alerte doivent faire face à l'isolement, dans ce qui s'apparente souvent à une traversée du désert, car ils sont confrontés aux recours multiples initiés par des acteurs économiques bien plus puissants. Quand la Commission européenne va-t-elle enfin proposer un statut européen pour les lanceurs d'alerte ? Plutôt que de les fragiliser, quand allez-vous proposer de renforcer leur protection dans notre pays ?
Nos sociétés empruntent une pente dangereuse : celle qui tend à placer le droit des affaires à un rang supérieur à celui des droits fondamentaux. En érigeant la protection des affaires en principe fondamental, ce texte en est bien l'une des illustrations. Les accords commerciaux dits de nouvelle génération, comme le traité de libre-échange transatlantique, le TAFTA, ou l'accord économique et commercial global, ou CETA, et leurs tribunaux arbitraux en sont d'autres. Ce sont les illustrations d'une bascule qui fragilise peu à peu les pactes sociaux, qui remet en cause les fondements de la démocratie et soumet la souveraineté du peuple.
Cette soumission nous est inacceptable. Le droit est vu comme un outil de compétitivité qui doit être mis au service des entreprises, et d'elles seules. Nous n'accepterons jamais cette dérive, comme ne l'accepteront jamais ceux qui agissent pour le bien commun en mettant en lumière les dérives d'un système financier à bout de souffle. Quelles que soient les tentatives pour mettre sous l'éteignoir celles et ceux qui oeuvrent pour l'intérêt général, il y aura toujours des voix pour faire éclater la vérité. En cela, je partage l'optimisme de François Ruffin. Bien évidemment, nous serons toujours aux côtés de ceux qui oeuvrent pour l'intérêt général.