Intervention de Sylvie Charrière

Séance en hémicycle du mercredi 28 mars 2018 à 21h30
Régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Charrière :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, légiférer sur des structures n'accueillant que 0,5 % des 12 millions d'élèves actuellement scolarisés pourrait être considéré par certains comme une perte de temps, voire comme une proposition anodine. Cependant, en sept ans, le nombre d'écoles privées hors contrat a progressé de 60 %. Il me paraît important de préciser d'ores et déjà que seuls 45 % des élèves scolarisés dans le privé hors contrat le sont dans des écoles confessionnelles et que plus de 50 % des écoles hors contrat créées cette année étaient des écoles alternatives de type Montessori ou écoles démocratiques.

Cette nette progression peut être interprétée de plusieurs manières : tout d'abord, sous l'angle d'une créativité pédagogique très dynamique en France, qui témoigne de la réalité de la liberté d'enseignement ; ou alors par le fait que de nombreux parents ont des doutes quant à la qualité de l'enseignement dispensé dans nos écoles publiques, qu'ils sont entrés dans une logique de défiance du système scolaire ; ou encore par le fait que certaines communautés, qu'elles soient confessionnelles ou culturelles, souhaitent que soient enseignées à leurs enfants des matières spécifiques et des méthodes que l'école publique ne propose pas ; ou enfin par le fait que l'éducation nationale ne trouve pas de réponse suffisante à des problématiques bien spécifiques telles que celles que posent, par exemple, les très grands décrocheurs ou les enfants souffrant de troubles importants de l'apprentissage.

Même si la majorité des écoles inspectées montrent une réelle qualité pédagogique, on ne peut ignorer que certaines peuvent présenter une opposition frontale aux valeurs de la République, que d'autres occultent certains pans du savoir au profit d'une idéologie et que d'autres encore se caractérisent par une absence totale de preuve d'enseignement scolaire.

Aujourd'hui, le droit peine à cadrer des écoles hors contrat qui ouvrent de manière exponentielle. La présente proposition de loi vise donc à clarifier, simplifier, harmoniser et préciser le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés d'enseignement hors contrat. En effet, ce régime est très complexe pour les quatre administrations chargées de suivre l'ouverture des écoles, avec des moyens d'action très différents entre les services municipaux, les services académiques, les services de la préfecture et ceux du procureur de la République ; il est tout aussi complexe pour ceux qui veulent ouvrir une école.

Qu'on ne s'y méprenne pas, ce texte n'est pas liberticide. Il vise à trouver le juste équilibre entre les principes constitutionnels que sont la liberté de l'enseignement et le droit des enfants à l'éducation.

La liberté est indissociable de la responsabilité : l'État doit veiller à protéger les enfants contre l'insuffisance pédagogique, les phénomènes sectaires et la radicalisation. Contrôler, c'est aussi accompagner et valoriser tout en respectant la liberté. Nous devons offrir davantage de garanties aux parents en élargissant les points de vigilance. L'hygiène et les bonnes moeurs ne suffisent plus, il faut aussi s'intéresser à l'ordre public, à la protection de l'enfance et à l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences.

Je tiens, tout d'abord, à saluer l'important travail réalisé par les sénateurs, plus particulièrement par Mmes Gatel et Billon, qui a permis de faire progresser ce texte dans le sens d'une plus grande pertinence des contrôles.

Concernant l'ouverture de ces établissements, le travail législatif a permis, entre autres, d'affirmer clairement la distinction entre la personne qui souhaite ouvrir l'établissement et son directeur, de simplifier la procédure en créant un guichet unique auprès des services de l'État, d'unifier les motifs et les délais d'opposition, notamment en allongeant ce délai pour le maire, et d'actualiser les motifs d'opposition.

S'agissant des contrôles après ouverture, cette proposition de loi impose aux services de l'éducation nationale de contrôler ces établissements hors contrat dès leur première année d'exercice. Elle prévoit l'information des autorités compétentes en cas de changement d'identité du directeur ou du représentant légal de l'établissement. Elle renforce et rend plus efficace le contrôle a posteriori des établissements hors contrat – par exemple, par la communication annuelle des noms et titres des enseignants – et de leur moralité. Elle permet, enfin, de prononcer la fermeture d'un établissement en cas d'obstruction aux contrôles réalisés par les services de l'éducation nationale.

Je tiens aussi à souligner la qualité et la diversité des échanges que nous avons eus en commission.

À présent, mes chers collègues, nous allons pouvoir poursuivre nos débats autour de ce texte. Je nous fais confiance pour trouver ensemble une solution qui sécurise autant qu'elle protège, une solution qui garantira aussi la liberté d'enseigner.

Le groupe La République en marche se félicite que ce texte ait été inscrit aussi rapidement à l'ordre du jour de notre assemblée, car il est un instrument majeur permettant de renforcer la lutte contre les phénomènes de radicalisation voulue par le Gouvernement. Cependant, il ne faut pas réduire cette proposition de loi à un outil anti-radicalisation.

Nous pensons que ce texte a trouvé un juste équilibre qui permet de maintenir une liberté d'enseignement tout en protégeant les enfants pour qui les familles auraient fait le choix de ce type de structure.

Vous l'aurez compris, c'est avec responsabilité et en conscience que le groupe La République en marche votera en faveur de ce texte.

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