Intervention de Géraldine Bannier

Séance en hémicycle du mercredi 28 mars 2018 à 21h30
Régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGéraldine Bannier :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons ce soir de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

Le contexte est bien connu de tous : alors que le nombre d'établissements hors contrat augmente de façon importante, en même temps que celui des élèves concernés – ils sont aujourd'hui de l'ordre de 60 000 – , la loi ne permettait pas, jusqu'à présent, aux autorités compétentes de s'opposer à temps à l'ouverture d'un établissement ne respectant pas les conditions requises, en raison de délais trop courts – huit jours pour les maires – ou de motifs d'opposition peu opérants – l'hygiène ou les bonnes moeurs. Dès lors, la proposition de loi qui nous est soumise se révèle pleinement nécessaire.

Elle est également indispensable pour répondre à certaines dérives. Certes, ces écoles ne perçoivent pas d'argent public, mais un meilleur encadrement se justifie si nous voulons éviter les cas, rares mais graves, d'indigence pédagogique ou de détournement communautariste ou révisionniste. À cet égard, l'actualité donne évidemment une résonance toute particulière à ce texte, même si elle ne doit pas donner lieu à surenchère.

La proposition de loi présentée par la sénatrice de l'Union centriste Françoise Gatel est un texte d'équilibre, qui garantit à la fois la liberté d'enseignement et le nécessaire contrôle que l'État doit exercer en matière d'éducation de nos enfants. Elle a d'ailleurs reçu un accueil favorable de la part d'une large majorité de sénateurs et du Gouvernement. Ce texte améliore et renforce le système déclaratif ; allonge les délais d'opposition et en étend les motifs, harmonise les trois régimes d'ouverture existants et accentue les sanctions en cas de manquement à ces principes.

Ainsi, l'article 1er étend les motifs d'opposition à des considérations d'ordre public ou de protection de l'enfance et de la jeunesse et précise les pièces que le dossier de déclaration d'ouverture devra comporter, notamment à propos de l'établissement et des modalités de son financement.

L'article 2 institue, entre autres, un contrôle des établissements privés au cours de la première année de leur ouverture, puis de manière aléatoire les années suivantes. Sur ce point, il y a eu débat au Sénat et en commission pour définir la fréquence de ces contrôles. Nous avons été sensibles aux arguments de certains de nos collègues qui souhaitaient les systématiser chaque année mais, par souci de réalisme et d'efficacité, nous nous sommes rangés à la méthode retenue et à l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, auprès du Sénat de renforcer les contrôles touchant les établissements privés hors contrat.

De plus, nous notons le contrôle annuel des noms et titres des chefs d'établissement instauré par ce texte. L'ensemble de ces mesures nous semble ainsi pleinement répondre aux enjeux.

L'article 3, quant à lui, fixe les conditions sans lesquelles un dirigeant ou un enseignant ne peut être désigné : conditions d'âge, de nationalité ou d'ancienneté à un poste similaire.

Comme cela a été rappelé, la liberté de l'enseignement est un droit fondamental inscrit dans la constitution de notre république. La nécessité de protéger nos enfants de certaines dérives observées dans ces enseignements hors contrat n'en est pas moins importante. La liberté est un bien fragile qu'il nous faut parfois protéger d'elle-même, contre ceux qui seraient tentés d'en abuser au détriment de l'intérêt général et pour l'intérêt de quelques-uns.

Les débats tenus en commission la semaine dernière ont été l'occasion d'échanges intéressants et d'apports pertinents sur tous les bancs de notre assemblée. Les groupes politiques ont pu exprimer leurs inquiétudes, qu'il nous faut prendre en compte, car elles découlent d'attentes légitimes.

Nous pensons néanmoins que le système déclaratif est suffisant. Un régime d'autorisation préalable, outre qu'il n'apporterait rien de nouveau, n'aurait pour effet que de rendre plus complexes les démarches effectuées par les écoles qui ne posent pas problème.

Dans le même temps, le texte donne aux autorités compétentes les moyens de réagir à temps si un doute subsistait. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas aller plus loin sur ce point. Par ailleurs, sur le régime des interdictions faites aux personnels de direction et d'enseignement, il faudra que le Gouvernement et le rapporteur expliquent clairement à la représentation nationale quelles garanties ces dispositifs apportent, afin de ne pas laisser passer d'individus qui n'auraient pas toutes les qualités que nous sommes en droit d'attendre dès lors qu'on leur confie la responsabilité d'enfants – nous avons vu, du reste, qu'il fallait rassurer ce soir.

Si donc tout cela vise à mieux encadrer les écoles hors contrat et constitue, de notre point de vue, un progrès, nous attendons toutefois du débat en séance, monsieur le ministre, quelques précisions sur deux points : l'extension du régime d'interdiction à des personnes qui seraient fichées, et l'étendue du régime dérogatoire prévu, notamment pour ce qui concerne les cinq ans d'expérience dans des fonctions de direction ou d'enseignement requis pour diriger un établissement hors contrat.

Enfin, nous ne devons pas négliger les questions venues de toutes ces écoles hors contrats qui ne se font remarquer que par leurs remarquables innovations pédagogiques et qui sont parfois des sources d'inspiration pour notre propre école républicaine. Il faut les rassurer car ce texte de loi ne porte en aucun cas atteinte à leur liberté. La liberté d'enseignement, principe à valeur constitutionnelle, est préservée et il ne doit pas être question de la remettre en cause. C'est aussi pourquoi le contrôle de la pédagogie choisie ne doit pas être prévu dans la loi.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutiendra le texte qui nous est présenté et qui, sous cette forme, établit un plein équilibre entre le droit à l'enseignement libre et l'impératif, pour la République, de se prémunir de certaines dérives. C'est la condition pour ne pas faire de l'école un lieu d'instrumentalisation des consciences, mais bien de plein épanouissement.

Toutes les écoles françaises, qu'elles soient publiques, privées ou hors contrat, sont animées du même et formidable espoir, porté par les Lumières, de l'émancipation de tous par le savoir. Avec cette loi, nous renforçons les conditions pour voir s'accomplir ce rêve.

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