Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la liberté de l'enseignement constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, dans le respect du droit de l'enfant à l'éducation et de la liberté pour les parents de faire un choix éducatif. C'est cette injonction républicaine qui nous conduit aujourd'hui à discuter de cette proposition de loi.
Un rappel historique s'impose à nous : depuis la loi du 31 décembre 1959, un établissement privé n'a pas l'obligation de signer un contrat avec l'État. Il ne bénéficie alors d'aucune aide, ce qui induit un moindre contrôle de son activité. Il existe aujourd'hui 1 300 établissements hors contrat, qui accueillent plus de 70 000 enfants.
Cependant, force est de constater que le rythme des ouvertures de ces établissements est en forte augmentation : quatre-vingt-treize écoles ont été créées en 2016, contre trente et une en 2011. Cette inflation s'explique, certes, par la volonté de certains parents d'offrir une autre éducation mais également par un cadre juridique obsolète et inadéquat. En effet, l'ouverture de ces écoles n'est soumise qu'à une simple déclaration auprès du maire, du préfet, du directeur départemental de l'Éducation nationale et du procureur de la République.
Parallèlement à cette augmentation significative, des signalements, de plus en plus nombreux, parviennent aux services de l'État à l'encontre d'une minorité de ces établissements. En cause, la faiblesse des projets pédagogiques, un encadrement déficient et, sur le fond comme sur la forme, un contenu politique et idéologique qui ne participe pas forcément à former de futurs adultes éclairés mais, bien au contraire, les éloigne du reste de nos concitoyens – pour résumer, ils opposent le « rester ensemble » au « vivre ensemble ».
Les causes en sont nombreuses. Citons, parmi elles, les contrôles de leur fonctionnement, qui ne peuvent être menés que a posteriori par la puissance publique – en cas de volonté de fermeture, elle doit au préalable obtenir une décision de justice en arguant d'une atteinte aux bonnes moeurs, d'un trouble à l'ordre public ou de mauvaises conditions d'hygiène – , ou encore le non-respect du socle commun des connaissances. À ce titre, nous vous renvoyons au rapport de 2016 de l'académie de Versailles, qui pointait des dérives en matière d'enseignement ; il aura fallu des contrôles inopinés pour faire la lumière sur ces agissements.
Ce sujet n'est pas nouveau : il a été soulevé à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale, notamment dans la proposition de résolution de Jean Glavany de 2011 demandant la création d'une commission d'enquête sur les pratiques fondamentalistes et sectaires portant atteinte aux lois, aux principes et aux valeurs de la République dans certains établissements. De même, le projet de loi présenté par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, en 2016, entendait passer à une autorisation préalable. Ses efforts se sont alors heurtés à un rejet du Conseil constitutionnel.
Désormais, le présent texte propose plusieurs dispositions susceptibles de répondre aux dérives constatées : la simplification et l'unification du régime d'ouverture de tous les établissements hors contrat pour mettre fin à l'insécurité juridique ; l'unification des délais d'examen des dossiers, avec l'instauration d'un guichet unique ; enfin, la modernisation des motifs d'opposition pour les rendre plus opérants.
Mes chers collègues, nous ne remettons pas en cause le bien-fondé de ces dispositions mais elles ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Notre groupe, dans sa volonté de faire respecter le pacte républicain, a présenté plusieurs amendements en commission pour répondre aux problématiques posées : ils ont été rejetés.
Nous proposions le passage d'un régime de déclaration d'ouverture des établissements à un régime d'autorisation préalable par l'État. Cette évolution aurait permis de fournir une garantie supérieure à celle de la simple déclaration, même si elle impliquait une augmentation du nombre de contrôles ; de donner plus de moyens à l'État et aux élus pour procéder à la fermeture des écoles concernées ; d'apporter plus d'efficacité aux services des mairies et de l'État en matière de délais d'opposition ; enfin, de garantir l'intérêt et le bien-être de l'enfant.
Nos débats devraient soulever la question non pas du passage d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation préalable, mais des modalités de mise en service de cette nouvelle procédure. Nous ne devrions pas nous interroger sur le « si » mais sur le « comment » de ce nouveau régime.
Monsieur le ministre, notre république ne peut avoir ni préférence culturelle, ni préférence cultuelle. En revanche, elle doit protéger ceux qui veulent s'émanciper, encourager l'acquisition des savoirs au sein d'un socle de valeurs et de connaissances communes. Il ne s'agit pas ici seulement d'éducation mais bien de la protection de nos enfants contre toutes formes de fondamentalismes, de dérives sectaires et de manipulation de l'esprit de nos jeunes.