Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 9h30
Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran :

Finalement, tout cela est assez cohérent : quand on parle de pouvoir d'achat des classes moyennes, quand on veut revaloriser le travail, il n'est pas illogique de trouver des formes de consensus.

À titre personnel, je suis favorable à une exonération des heures supplémentaires, mais avec le calendrier et la méthode proposés par le Président de la République.

S'agissant de la méthode, c'est une désocialisation qui est proposée, c'est-à-dire une suppression des cotisations salariales et patronales sur les heures supplémentaires, et non une défiscalisation. À titre personnel, je ne suis pas favorable à la multiplication des niches fiscales. Nous avons l'habitude de dénoncer ces dernières, mais nous sommes tout aussi prompts à rétablir celles qui ont été supprimées, voire à en inventer de nouvelles ! La défiscalisation ne me semble donc pas une méthode optimale.

Et pour ce qui est du calendrier, le Président a proposé que la mesure entre en vigueur en 2020, et non en 2019 comme proposé aujourd'hui. En effet, nous avons aujourd'hui suffisamment de recul pour reconnaître que la loi TEPA voulue par Nicolas Sarkozy a eu un impact plutôt défavorable sur l'emploi : elle a entraîné davantage de destructions que de créations d'emplois. Or nous assistons aujourd'hui à une reprise sur le marché de l'emploi.

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale– ACOSS – a publié voilà trois semaines de bons chiffres, faisant apparaître une augmentation de 4 % des créations d'emplois au quatrième trimestre 2017 par rapport au quatrième trimestre 2016, soit une augmentation des créations d'emplois de 3,5 % sur l'année, au lieu des 3,3 % attendus. C'était plutôt une bonne nouvelle car plus on crée d'emplois, plus on réduit le chômage, ce qui est bon pour les Français mais aussi pour les caisses de l'État et de la sécurité sociale : à mesure que des emplois sont créés, les cotisations sociales reviennent dans les caisses.

Ce n'est donc assurément pas le moment d'instaurer un dispositif de désocialisation des heures supplémentaires qui pourrait, par endroits, réduire cette dynamique de créations d'emplois. En revanche, si cette dynamique se poursuit – et il n'y a pas de raisons de penser qu'elle ne se poursuivra pas – on peut réellement espérer que d'ici à l'horizon 2020, les créations d'emplois auront été suffisantes pour pouvoir envisager des mesures de pouvoir d'achat supplémentaires pour les salariés.

La deuxième raison, pour ce qui est du calendrier, tient au déficit et à la dette. Nous avons aussi été élus pour les réduire ! Le déficit de la sécurité sociale est en effet de 5,1 milliard d'euros pour 2017, et sera de 2,2 milliards en 2018 – nous l'avons voté récemment. Les chiffres seront du reste peut-être meilleurs que prévu, grâce à la bonne dynamique du marché de l'emploi. Or, la mesure proposée pourrait alourdir le déficit de la sécurité sociale de 4 milliards d'euros sur une seule année, ce qui reviendrait presque à le doubler, alors que, pour la première fois depuis vingt ans que la Sécu est en déficit, nous savons que l'équilibre sera atteint d'ici un à deux ans et que nous aurons enfin supprimé le fameux « trou de la Sécu ».

Ce n'est donc pas le moment d'adopter ce dispositif. Le sérieux budgétaire, c'est aussi respecter nos engagements européens et ceux que nous avons pris devant les Français de réduire la dette de l'État pour maintenir notre souveraineté et être crédibles face à nos partenaires internationaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.