Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Bien sûr, il ne s'agit pas ici de réécrire l'histoire. Ce n'est pas notre rôle, d'autant que, sur un sujet aussi sensible et inévitablement diplomatique, il convient d'avancer avec prudence pour ne pas réveiller des passions anciennes. Les accords d'Évian de 1962, signés entre les gouvernements français et algérien, ont mis officiellement un terme à la guerre d'Algérie, ont tourné une page sombre de notre histoire commune et ont ouvert la voie à l'indépendance d'un pays devenu, depuis lors, un partenaire majeur de la France.

Toutefois, ces accords historiques, dont la portée politique et juridique reste incontestable, ont marqué, d'un point de vue opérationnel, non pas le début de la paix mais plutôt le début d'un processus de sortie de guerre. Sur le terrain, la démobilisation n'a pas été immédiate, et près de 80 000 militaires français ont continué à être déployés, conformément aux dispositions des accords. Dans un contexte de vives tensions, plus de 500 militaires sont tombés pour répondre à la mission qui leur avait été assignée, à savoir protéger les personnes d'« origine européenne » et les troupes stationnées sur le territoire du nouvel État algérien ainsi que certains biens et infrastructures.

Ces chiffres démontrent cruellement, à eux seuls, que les critères d'« insécurité permanente » et de « risque d'ordre militaire » retenus pour l'attribution de la carte du combattant peuvent et doivent s'appliquer au cas de ces oubliés. Paradoxalement, le titre de reconnaissance de la nation a d'ores et déjà été décerné à 35 000 de ces soldats, ce qui a officialisé au passage leur participation à un conflit armé comportant des risques militaires. À bien des égards, l'attente exprimée par le monde des anciens combattants est donc parfaitement légitime. Voilà plusieurs années qu'ils font valoir une différence de traitement manifeste, en ce sens qu'aucun dispositif législatif ne s'intéresse au cas précis de ces soldats qui ne font l'objet d'aucune reconnaissance pour leur engagement.

Parmi les ambiguïtés soulignées dans l'exposé des motifs de la présente proposition de loi, rappelons le fait que les soldats français ayant servi au Maroc et en Tunisie, dont les indépendances sont intervenues respectivement le 2 mars 1956 et le 20 mars 1956, ont disposé de la possibilité d'obtenir tous les titres du combattant, et ce pour des services jusqu'au 2 juillet 1962, soit six ans après la fin des combats. Aussi, il convient de s'interroger sur la pertinence d'avoir établi le 2 juillet 1962 comme date butoir pour l'attribution des cartes du combattant.

Qui plus est, le législateur a d'ores et déjà reconnu de manière implicite cette inégalité en instaurant la carte « à cheval », c'est-à-dire en accordant la qualité de combattant aux militaires français déployés avant le 2 juillet 1962 et mobilisés au-delà. Bien qu'ayant constitué une étape significative, l'introduction de ce dispositif dans la loi de finances pour 2014 n'a pas mis fin, force est de le constater, aux questions relatives à la reconnaissance des droits des militaires engagés sur ce théâtre d'opérations. Les revendications à cet égard restent donc parfaitement légitimes.

Dans une continuité logique et partant du principe que l'État algérien était indépendant le 3 juillet 1962, d'autres véhicules législatifs ont d'ailleurs reconnu aux militaires concernés le droit d'obtenir cette carte. De même, les auteurs du présent texte proposent, de manière pragmatique, de faire bénéficier les militaires déployés sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962 des dispositions relatives aux soldats engagés dans le cadre d'opérations extérieures, et selon les mêmes termes et conditions que ces derniers.

Nonobstant les interrogations de certains de nos collègues sur le nombre de bénéficiaires et sur le coût du dispositif, qui sont pourtant estimés respectivement à 24 000 personnes et à 18 millions d'euros par an, cette mesure serait avant tout, mes chers collègues, un symbole fort, une main tendue à ces anciens soldats pour leur exprimer notre gratitude et les assurer que la France n'a pas oublié les services qui lui ont été rendus.

Pour les bénéficiaires potentiels, c'est aussi l'assurance de voir leur engagement pour la France pleinement reconnu et, dans une logique d'équité, de se voir délivrer cette carte, qui donne à ses détenteurs le droit de bénéficier de la retraite du combattant et d'une demi-part d'impôt sur le revenu à partir de 75 ans, ainsi que de porter la croix du combattant.

Après examen de la présente proposition de loi et à la lumière des nombreux travaux parlementaires similaires restés jusqu'à présent sans suite, le groupe UDI, Agir et indépendants appelle de ses voeux l'adoption de cette nécessaire mesure d'équité et de dignité, qui entend enfin remédier à la situation injuste que subissent des milliers d'anciens soldats français ayant risqué leur vie pour la France et pour ses ressortissants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.