Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Accueil des gens du voyage et lutte contre les installations illicites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Ce choix politique, pour être dépourvu d'ambiguïtés, n'en est pas moins parfaitement contestable. Une part importante des difficultés et des tensions qui, il faut le reconnaître, peuvent exister, vient de ce que les capacités d'accueil sont encore en quantité, et parfois même en qualité, insuffisantes pour répondre aux besoins de la communauté. Aujourd'hui, à peine 20 % des schémas départementaux sont complets, seules 50 % des aires de grands passages nécessaires sont réalisées et plus de 30 % des places d'accueil permanentes manquent encore. Ces chiffres masquent des situations géographiques différentes – Mme la secrétaire d'État l'ayant dit tout à l'heure, je n'y reviens pas.

La vraie réponse n'est donc pas de lever le pied, de rompre une mécanique laborieusement élaborée depuis trente ans, qui se heurte encore trop souvent – nous le voyons encore ce soir – à certaines inerties politiques. Il convient, tout au contraire, de poursuivre les efforts, de maintenir les objectifs de réalisation d'aires d'accueil, permanentes ou de grand passage, et de disposer enfin d'infrastructures adaptées et correctement réparties sur le territoire.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois a voté, la semaine dernière, des amendements de suppression des dispositions tendant à alléger les obligations des collectivités ou les contraintes pouvant leur être imposées par l'autorité du préfet – pour avoir exercé cette fonction, je sais de quoi je parle. Je pense en particulier à la suppression de l'exclusion des schémas départementaux des communautés de communes ne comprenant pas de communes de plus de 5 000 habitants ; cette mesure reviendrait, de fait, à exonérer 45 % des communautés de communes de cette contrainte, alors même que la répartition des aires d'accueil sur le territoire, y compris dans les zones rurales, est un enjeu. Je fais aussi référence au rétablissement de la procédure de consignation des fonds après mise en demeure par le préfet, en cas de non-réalisation des objectifs.

S'agissant du second volet, celui des contraintes à imposer aux gens du voyage, force est de constater que les auteurs de la proposition de loi ne se soucient que de très loin des principes élémentaires de proportionnalité, pour ne pas employer un vocabulaire plus tranché. Il ne fait aucun doute que les gens du voyage sont des sujets de droits mais, comme tout un chacun, ils doivent aussi respecter les devoirs qui fondent notre pacte républicain. La législation récente a significativement amélioré les capacités des autorités publiques à lutter contre les campements illicites, notamment en créant des procédures dérogatoires d'évacuation d'office et forcée sans l'intervention du juge, en cas de stationnement illicite et de troubles manifestes à l'ordre public.

De la même façon, le droit pénal couvre largement les situations d'occupation sans titre ou de dégradation. Nul besoin, dans ces conditions, d'en accentuer les pénalités, alors même que la difficulté réside, en réalité, davantage dans la mise en oeuvre de la politique pénale en la matière que dans le strict quantum des peines. Là encore, la commission des lois a rétabli l'indispensable équilibre en supprimant l'ensemble des dispositions d'aggravation, sans oublier – mais je préfère ne pas m'appesantir sur ce point à ce stade – les mesures comme la saisie des véhicules qui constituent aussi le domicile des voyageurs, ou leur transfert d'office, dont nous pouvons considérer qu'elles sont manifestement discriminatoires.

Reste que quelques dispositions peuvent encore être retenues dans ce texte. Il est sans aucun doute nécessaire de clarifier les compétences entre les communes et les EPCI, notamment, je le dis à mon tour, pour tenir compte des récentes lois MAPTAM et NOTRe, et d'instaurer une procédure forfaitaire délictuelle, qui permettra aux forces sur le terrain de disposer d'un outil moderne et adapté. De même, il n'est pas inconcevable de laisser le pouvoir de police spéciale à un maire disposant d'une aire d'accueil, quand bien même il est membre d'un EPCI qui n'a pas respecté ses obligations, ou de faire évoluer le dispositif d'information préalable des autorités en cas de grands rassemblements.

En définitive, je ne peux que souhaiter que l'ensemble des députés se rangent à la vision qui présente un équilibre entre le respect du mode de vie de 250 000 à 300 000 de nos concitoyens et l'attention nécessaire que nous devons porter à la tranquillité publique. Les amendements adoptés par la commission des lois en sont l'exacte expression.

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