Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, « le Gouvernement est prêt à considérer les propositions qui permettent de mieux lutter contre les occupations illégales de terrains ». C'est dans ces termes que vous vous êtes exprimés, madame la ministre, devant les sénateurs, le 31 octobre dernier. Animés par la même ambition, nous avons donc repris, avec ma collègue Virginie Duby-Muller, la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, adoptée au Sénat. Nous avions travaillé en amont avec Jean-Claude Carle et Loïc Hervé, mais aussi avec vous, madame la ministre, et vos services – nous nous sommes rencontrés au ministère en juillet, et vous êtes venue en Haute-Savoie.
Pourtant, les débats en commission des lois, loin de nous prouver votre volonté de résoudre la problématique de l'occupation illicite de terrain par les gens du voyage, ont plutôt démontré tout le contraire. Votre majorité, en déposant et en faisant adopter des amendements de suppression de six articles sur dix, a, à ce stade, complètement vidé ce texte de sa substance. Cette proposition mériterait probablement d'être améliorée, mais c'est à cela que sert la navette, mes chers collègues. Nous pensons qu'il faut saisir cette bonne occasion pour faire des propositions concrètes et envoyer ainsi un signal aux collectivités territoriales, aux agriculteurs, aux industriels et aux populations qui doivent faire face à ce problème au quotidien. Mais force est de constater que telle n'est pas votre volonté, à ce stade.
Contrairement à ce que votre majorité a soutenu en commission des lois, la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites n'a pas pour but de stigmatiser la communauté des gens du voyage. Nous respectons leur choix de mode de vie non sédentaire et nous sommes pleinement conscients que, dans de nombreux départements, certains gens du voyage respectent parfaitement les règles et s'installent sur les aires de grand passage sans aucune difficulté.
Nous sommes aussi pleinement conscients que, dans certains départements, les objectifs en matière d'accueil des gens du voyage ne sont pas entièrement atteints, et qu'il manque environ 30 % de places disponibles dans les aires permanentes d'accueil aménagées, par rapport aux prescriptions des schémas départementaux. Cela dit, de nombreux départements ont fait les efforts de mise en conformité avec la loi en adoptant des schémas départementaux, qui sont désormais définitifs. De tout cela, madame la ministre, mes chers collègues, nous en avons pleinement conscience.
Cependant, le respect des objectifs fixés en matière d'aires d'accueil n'est absolument pas le gage que les problèmes d'installations illicites des gens du voyage disparaîtront. J'en veux pour preuve les incidents qui ont lieu chaque année dans mon département, et encore l'an dernier et cette année. Vous le savez, madame la ministre, ce département a mis en place des aires de grand passage : deux aires fixes et trois aires temporaires. De plus, quatorze aires d'accueil destinées à accueillir des groupes de six à cinquante caravanes ont été aménagées à différents endroits du département. Bien que les objectifs fixés par le schéma département soient presque tous remplis, plusieurs incidents ont eu lieu, l'année dernière, du fait de l'arrivée massive et de l'installation sans autorisation et de façon répétée de gens du voyage.
Beaucoup de groupes – ce n'est pas spécifique à mon département – viennent d'ailleurs sur des territoires où ils ne se sont pas annoncés, alors qu'ils ont l'obligation de le faire. Ces groupes occupent des aires prévues pour d'autres groupes, lesquels refusent alors parfois de s'installer à leur tour, parce qu'ils ne veulent pas occuper une aire où d'autres gens du voyage sont déjà présents. Comme l'a indiqué mon collègue Arnaud Viala en commission des lois, dans d'autres départements, des installations sauvages ont même eu lieu sur des terrains connexes à l'aire d'accueil.
Vous en conviendrez, madame la ministre, mes chers collègues, ces situations ne sont tout simplement plus tenables sur certains territoires. Elles ont pour conséquence de créer de vives tensions entre les élus, les agriculteurs, les populations et les différentes communautés de gens du voyage. En matière de sécurité, les risques ne sont pas non plus négligeables, ces installations illicites pouvant s'accompagner de violences verbales et physiques. Je rends hommage aux préfets, aux sous-préfets et aux forces de gendarmerie, qui, dans certains départements, comme la Haute-Savoie, travaillent tout bonnement à temps plein, du 15 avril au 15 octobre, pour aider les acteurs concernés à gérer les gens du voyage.
Contrairement à ce qu'a dit tout à l'heure madame la secrétaire d'État, il y a urgence. Nous n'avons jamais tenu de propos stigmatisant. Notre proposition n'est ni disproportionnée ni anticonstitutionnelle.