Pour populariser votre réforme, vous avez dans un premier temps stigmatisé le statut des cheminots via une campagne de dénigrement. Vous n'avez pu cependant cacher longtemps sous le tapis la question du devenir des petites lignes et des 9 000 kilomètres de voies menacés. Bien sûr, les rédacteurs des rapports Spinetta et Duron n'ont pas explicitement demandé de fermer des lignes. Vous avez dit que la question n'était pas à l'ordre du jour, et tenté de rassurer usagers comme élus en affirmant la main sur le coeur que l'État n'abandonnerait pas les petites lignes. Vous vous êtes voulue rassurante, madame la ministre, en indiquant que l'État allait consacrer 150 millions d'euros par an à soutenir les CPER.
Vous oubliez cependant de dire que ces crédits ne permettent pas de garantir l'avenir du réseau capillaire. Ces 150 millions d'euros par an ciblent en effet le réseau structurant, les noeuds ferroviaires et les « petites lignes » à fort potentiel.
En réalité, vous allez étouffer un tiers du réseau en faisant assumer cette responsabilité par les régions, qui auront mission de trouver des opérateurs qui acceptent d'assurer la circulation sur ces petites lignes. Autant dire qu'elles n'y parviendront pas, ou difficilement, et qu'elles ne lanceront leurs appels d'offres qu'après avoir assaini – c'est-à-dire atrophié – le réseau pour n'y maintenir que les lignes rentables.
Aux élus de terrain de juger de la pertinence socio-économique des petites lignes, exclues des investissements nationaux, et de faire les bons choix avec un porte-monnaie vide. Votre réforme sera un jeu de dupes, une réforme des territoires abandonnés. Ce que nous verrons, ce seront des gares transformées en sites propres pour de nouveaux modes routiers de transport collectif, ceux-là mêmes qui ont été présentés lors des Assises nationales de la mobilité. La boucle est bouclée. Tout cela est écrit d'avance, mais nous pouvons encore en décider autrement.