Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 17 avril 2018 à 9h30
Questions orales sans débat — Dénomination du collège roger-vercel du mans

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le ministre l'éducation nationale, je voulais vous interroger sur la dénomination du collège Roger-Vercel du Mans dans la Sarthe.

Les enseignants, les parents d'élèves et la Fédération nationale des déportés et internée résistants et patriotes réclament le changement de nom de ce collège depuis 2012. Les parents d'élèves ont exprimé massivement, à près de 90 %, leur souhait de voir ce collège changer de nom. Comme moi, de nombreux élus se sont joints à cette demande.

Si l'on connaît Roger Vercel comme le lauréat du prix Goncourt 1934, on sait aussi qu'il a collaboré en tant qu'éditorialiste à un journal vichyste condamné à la Libération, dans lequel il a pris une position clairement antisémite en 1940. Il se félicitait alors de la prochaine élimination du Juif de la vie littéraire française : « l'élimination du Juif, en tant que penseur et écrivain réagira d'extraordinaire façon sur la littérature de demain ».

Ces propos publics ne sont pas seulement condamnables, ils condamnent aussi leur auteur à ne pas pouvoir incarner les valeurs qu'on attend de celui à qui le nom d'un établissement d'enseignement public est donné. Le choix du nom propre qui s'inscrit aux frontons de nos collèges est porteur de sens et de valeurs. Nommer un collège, c'est rendre hommage à une personnalité, à son oeuvre et à ses actions.

Même si cette modification appartient juridiquement au conseil départemental, le ministère de l'éducation nationale ne peut rester indifférent à cette situation. Le conseil municipal du Mans qui, en 1968, nomma ce collège Roger-Vercel, a, il y a trois semaines, abrogé majoritairement cette décision. Cette délibération, qui a probablement peu de valeur juridique, représente en revanche l'expression d'une opinion locale acquise.

L'exécutif du conseil départemental s'oppose à cette décision pour des raisons comme « On ne refait pas l'histoire » ou « Il appartient aux enseignants d'expliquer aux élèves que la France, lors de l'Occupation, fut antisémite ». À ces arguments, il est répondu : « L'histoire, c'est ce que nous en faisons, c'est une science humaine et vivante » et « Les enseignants font leur travail quand ils traitent de la France occupée ».

Or, comment transmettre des valeurs laïques et républicaines quand les élèves du collège doivent porter le nom d'un homme qui ne partageait pas ces valeurs ? Comment parler du devoir de mémoire aux enfants si le département ne prend pas lui-même en charge ce devoir ? En cette période où la République cherche à être exemplaire, maintenir le nom d'un écrivain dont les idées exprimées sont détestables n'est guère audible.

Monsieur le ministre, quelle est la position de l'État sur cette situation, qui doit nous conduire à ne pas laisser croire que la nation, porteuse de valeurs, ne les défend pas au quotidien au profit des générations actuelles et nouvelles ? La terrible actualité récente doit nous conduire à une vigilance accrue.

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