Madame la ministre, la semaine dernière, dans cet hémicycle, j'ai eu l'occasion de demander au Gouvernement s'il entendait la colère des Français, et notamment celle des métiers de la justice. Sans prétention aucune, je n'ai pas eu de réponse à la hauteur de ma question. Pourtant dans l'ensemble des juridictions, la colère est toujours aussi forte. Avocats, magistrats, greffiers, personnels administratifs : tous plaident contre la réforme annoncée de la justice. Les conclusions rendues dans le cadre des chantiers de la justice préconisent de nouvelles méthodes de travail cherchant, je cite, à garantir « un maillage de la justice irriguant l'ensemble des territoires, une organisation géographique plus lisible et un meilleur accès au droit et au juge ». À la lecture du projet de loi de programmation pour la justice, j'y vois plutôt un effondrement du système juridictionnel au détriment, encore une fois, des justiciables et des territoires les plus fragiles.
Certes, à propos des tribunaux d'instance et de grande instance, vous n'employez pas le terme de fermeture, lui préférant celui de fusion. Or les tribunaux d'instance sont des juridictions de proximité, rapides, clairement identifiées et proches des justiciables. Ces futurs lieux, vidés de leurs compétences premières, deviendront des « super-tribunaux », mais sans avoir pour autant plus de moyens ni d'effectifs. Vous proposez également la dématérialisation. Le règlement des petits litiges sera totalement déshumanisé et se passera parfois sans audience, sans aucune possibilité d'avoir accès au juge. Aujourd'hui, les tribunaux d'instance ont des délais de traitement de six mois contre quinze mois dans les tribunaux de grande instance, et un taux d'appel de 6 % seulement. Alors ma question sera simple : pourquoi s'en prendre à ce qui fonctionne ?
Autre point de désaccord, la spécialisation des tribunaux et des cours d'appel pouvant intervenir à n'importe quel moment par décret, après avis des chefs de cour. Pour étayer mon propos, je prendrai l'exemple d'un couple entamant une procédure de divorce à Douai, mais qui, pour le traitement de la liquidation de leur communauté de vie, devra peut-être aller à Dunkerque ou dans une autre ville pour s'adresser à un tribunal spécialisé en la matière. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je n'y vois ni simplification ni proximité pour les justiciables.