Avec cet article, monsieur le ministre d'État, vous confondez vitesse et précipitation. Or en matière de procédure juridique, la précipitation est toujours source de contentieux. C'est tout le risque de la réduction des délais d'instruction.
Vous réduisez de 120 à 90 jours le délai dont dispose un étranger, à partir de son entrée sur le territoire, pour déposer une demande d'asile. Comme si un demandeur d'asile pouvait entamer des démarches dès le jour de son arrivée sur le sol national ! Vous méconnaissez évidemment les réalités vécues.
Une fois ce délai écoulé, la procédure accélérée s'appliquera.
Il faudra alors procéder à des recrutements massifs à l'OFPRA, sans quoi il faut s'attendre à un véritable engorgement. Le traitement des demandes sera contesté, les recours devant la CNDA exploseront, d'autant que celle-ci devra statuer en cinq semaines, contre cinq mois dans le cadre d'une procédure normale. La pression sera intenable !
À l'heure actuelle, déjà, l'administration ne parvient pas à recevoir dans les délais les étrangers qui souhaitent déposer une demande d'asile – Stéphane Peu vient de le rappeler. Comment voulez-vous qu'elle y parvienne demain ?
De la même manière, à l'heure actuelle, 40 % des dossiers sont déjà traités en procédure accélérée. Quel serait le sens d'une procédure accélérée qui deviendrait la règle pour l'immense majorité des dossiers ? Au surplus, si l'instruction est de même qualité en procédure normale et en procédure accélérée, les demandeurs d'asile comprendront vite qu'il faut laisser passer le délai de 90 jours pour que leur demande soit traitée rapidement.
Cet article résume bien les limites de ce projet de loi : il ne réglera rien – à moins, bien entendu, que vous consentiez à approuver les quelques amendements de bon sens que nous présenterons tout à l'heure.