La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 465 à l'article 4.
J'ai réuni la Conférence des présidents à l'instant. Nous avons discuté de façon approfondie, et examiné de façon non moins approfondie la situation, notamment l'avancement de l'examen des amendements du texte. Je tiens d'abord à vous donner quelques informations factuelles : la durée totale de nos débats est déjà de seize heures quarante-cinq, dont cinq heures quatorze ont été consacrées à la défense des motions et à la discussion générale, ainsi qu'aux réponses du Gouvernement ; sur les 1 046 amendements en discussion, 107 ont été examinés, ce qui revient à un nombre d'amendements examinés par heure de 9,3, …
… soit un rythme très faible au regard de la moyenne normale d'examen des amendements par notre assemblée. Comme la décomposition du temps de parole m'a été demandée en Conférence des présidents, je tiens à la communiquer à tous ceux qui sont présents cet après-midi : le Gouvernement a utilisé une heure cinquante-huit ; la commission saisie au fond quarante-sept minutes, et la commission saisie pour avis vingt-huit minutes ; le groupe La République en marche une heure quarante-quatre ; le groupe Les Républicains quatre heures quarante-trois ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LR
le groupe MODEM vingt minutes ; le groupe UDI, Agir et indépendants vingt-deux minutes ; le groupe Nouvelle Gauche une heure et une minute ; le groupe La France insoumise une heure et vingt-deux minutes ; le groupe de la Gauche démocrate et républicaine quarante-cinq minutes ; l'ensemble des députés non inscrits une heure et huit minutes.
Il reste 939 amendements à examiner. C'est pourquoi j'ai proposé à la Conférence des présidents, qui en a ainsi décidé, que les séances de samedi matin, après-midi et soir soient ouvertes, pour pouvoir anticiper. On ne va pas faire comme si l'on ne voyait pas qu'il serait difficile de finir l'examen des articles et des amendements d'ici à demain soir. Et le cas échéant – je le dis en toute transparence – , s'il s'avérait impossible de faire les choses correctement, nous pourrions siéger dimanche, comme cela a été fait à l'occasion de l'examen de beaucoup d'autres textes. Je rappelle que nous avons commencé l'examen du présent projet de loi lundi soir. Nous aurions dû commencer lundi après-midi, mais le débat sur la Syrie nous a conduits à reporter nos débats sur ce texte au soir. Voilà ce qu'il en est du déroulé de nos travaux.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 465 .
En guise de salut, je me contenterai de défendre l'amendement.
S'agissant de l'organisation des travaux, nous serons évidemment obligés de venir samedi, mais je tiens à souligner que l'examen du texte n'aura en réalité véritablement commencé que mercredi soir. La semaine a en effet été largement occupée par le discours de M. Trudeau et par un débat sur le projet de programme de stabilité. Si la semaine n'avait pas été ainsi entrecoupée, et si le Gouvernement avait organisé les débats différemment, nous n'aurions pas eu à venir ce week-end, et les droits de la majorité, de l'opposition, du Parlement auraient tout de même été respectés.
La parole est à Mme Élise Fajgeles, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 465 .
Dès lors qu'il s'agit de personnes qui recherchent la protection de la France parce qu'ils sont en danger dans leur pays d'origine, je ne vois pas comment nous pourrions restreindre leur nombre, pour quelque raison que ce soit, et certainement pas au motif que nos capacités d'accueil sont épuisées. Cela a été rappelé, il est important de pouvoir augmenter le budget permettant de les accueillir, car nous sommes confrontés, depuis deux ans, à des flux continus. C'est d'ailleurs une disposition forte figurant dans la loi de finances de 2018. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Je tiens à revenir, d'un mot, sur la suite de nos débats. Je précise que le groupe Nouvelle Gauche n'a déposé que 101 amendements sur un texte d'une telle importance, alors que le groupe La République en marche a déposé près de 20 % des amendements. Remettons donc les pendules à l'heure !
Mais j'en viens à l'amendement no 465 , car ce n'est pas parce que nous n'avons pas beaucoup de temps qu'il ne faudrait pas se pencher sur ce type d'amendement particulièrement dangereux. Je le répète pour ceux qui ne l'auraient pas entendu, l'asile est un droit inconditionnel qui découle de la Convention de Genève de 1951. Donc, monsieur Dumont, il ne saurait être limité par les capacités d'accueil de la France. Nos engagements internationaux nous imposent de suivre la logique inverse : il faut adapter les capacités d'accueil en fonction du nombre de réfugiés que la France s'honore de protéger.
Je pense d'ailleurs que cet amendement est inconstitutionnel. En effet, le droit d'asile découle de la Constitution de 1946, qui prévoit dans son préambule que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. »
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
L'amendement no 465 n'est pas adopté.
Je souhaite évoquer un cas de droit, qui nous éloignera des questions idéologiques qui animent beaucoup nos débats. En 1945, dans son arrêt Aramu le Conseil d'État a consacré le droit de la défense comme principe général du droit. Aujourd'hui, lorsque les demandeurs d'asile ont commis une infraction dans un autre pays, ils n'ont pas accès à leur dossier. Ils ne disposent donc pas des éléments nécessaires pour défendre leur dossier de demande d'asile et pour motiver leur recours. Je souhaite donc que le droit de la défense soit respecté à ce stade du recours.
Cet amendement vise à compléter l'article 4, lequel prévoit la faculté pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin en cas de condamnation pour faits graves. Au même titre que l'association des avocats du droit d'asile ELENA, nous jugeons le présent article incomplet. L'amendement vise donc à compléter les faiblesses juridiques existantes en accordant les droits nécessaires à la défense, notamment en donnant la possibilité aux demandeurs d'être informés de cette condamnation. Il s'agit de respecter les droits de la défense, parmi lesquels figure le principe du contradictoire, que tout le monde connaît ici.
Pour garantir ce droit, il incombera aux autorités chargées de l'examen des demandes d'asile de faire procéder à la traduction du document relatant la condamnation par un expert assermenté. Dans un État de droit, il apparaît fondamental que le demandeur et son conseil soient avisés de l'existence de cette décision et soient invités à formuler des observations la concernant. C'est le principe du contradictoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Les articles 724-1, 724-2 et 724-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – CESEDA – précisent bien qu'en cas de procédure de retrait de protection, l'Office doit informer la personne des motifs de cette décision et des délais de recours. Je partage tout à fait votre souhait de préserver les droits de la défense, mais je vous demande de retirer ces amendements car il sont satisfaits. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je l'ai déjà souligné lors de la discussion générale, notre amendement est soutenu par l'ensemble des professionnels du secteur. Je parle non pas des associations ou des organisations non gouvernementales – ONG – , mais des professionnels : l'OFPRA, le monde de la magistrature et du droit. Et je ne pense pas qu'une bonne loi puisse être élaborée contre l'avis ou l'expertise de ceux qui, demain, seront chargés de l'appliquer. C'est pourtant ce qui va être fait à plusieurs reprises avec ce texte. Nous maintenons donc l'amendement.
Concernant ces amendements, l'OFPRA n'a pas à rejuger des faits déjà jugés ou à évaluer une dangerosité déjà avérée. Il ne s'agit pas de refaire le procès pour éventuellement permettre à la personne de rester sur le territoire, de garder ou d'acquérir le statut de réfugié. Ces amendements me paraissent donc malvenus.
Quant à la longueur des débats, je tiens à dire que nous avons simplement posé deux questions au ministre. Si nous obtenions les réponses, cela nous permettrait de gagner énormément de temps.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai le droit de savoir si des régulations sont prévues, et dans quelles proportions. Je vous remercie d'ores et déjà, par avance, monsieur le ministre, pour votre réponse.
Si vous le permettez, monsieur le président, cette intervention vaudra aussi défense de l'amendement no 27 , qui sera appelé un peu plus tard.
Ces deux amendements visent à permettre une enquête administrative pour l'octroi de l'asile et, pour ce faire, de solliciter des services de police et de renseignement étrangers ainsi que ceux des organisations européennes et internationales.
Si de telles enquêtes administratives peuvent en effet être nécessaires pour connaître les éventuelles condamnations ou menaces graves que fait peser sur notre République un étranger qui sollicite le droit d'asile ou en bénéficie, le groupe UDI, Agir et indépendants estime qu'elles doivent faire appel aux informations détenues par les services étrangers et par les organisations communautaires et internationales, telles qu'Interpol ou Europol.
Cette possibilité n'existant pas dans la législation, il convient de l'y inscrire afin de sécuriser des procédures susceptibles de recours. Si ces sollicitations existent d'ores et déjà, ce dont je ne doute pas – et ce qu'à tout le moins j'espère – , il apparaît nécessaire de les autoriser.
À cet égard, l'amendement no 26 diffère légèrement du no 27, dans la mesure où il prévoit d'autoriser ces mêmes sollicitations pour l'ensemble des enquêtes administratives, y compris celles diligentées pour les recrutements à des emplois publics et privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense. Il s'agit donc de combler un vide juridique afin de sécuriser la procédure d'ores et déjà appliquée par les autorités.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. M. le ministre d'État s'était alors bien expliqué sur la coopération qui existe déjà entre nos services et nos partenaires européens. L'amendement étant satisfait, l'avis est défavorable, comme il l'est sur l'amendement no 27 .
Même avis, défavorable. Ces deux amendements recouvrent ce qui se fait déjà, en matière de coopération, avec l'ensemble des services. Mais la règle, en la matière, est d'agir discrètement.
L'amendement évoque bel et bien les « organismes européens et internationaux ». La réponse que vous avez donnée tout à l'heure sur la coopération européenne est cohérente avec ce qui a été dit en commission, monsieur le ministre d'État, mais j'avais alors posé une question sur les relations de la France avec un certain nombre de pays dont la justice coopère avec la nôtre, bien qu'ils ne soient pas membres de l'Union européenne : je pense notamment, je le répète, à Israël et aux États-Unis.
L'amendement no 26 n'est pas adopté.
J'utiliserai les deux minutes qui me sont imparties pour rappeler, tout d'abord, ce que notre groupe a dit en conférence des présidents, même s'il a été contraint d'accepter le cadre proposé pour nos débats : examiner neuf amendements par heure – comme vous l'avez indiqué, monsieur le président – revient à consacrer à peu près six minutes à chacun d'entre eux, soit deux minutes pour le soutenir et deux autres pour s'y opposer, plus une minute pour la rapporteure et une autre pour le ministre. Cela ne nous semble pas excessif pour un débat parlementaire en général, a fortiori sur un texte comme celui-ci. Ce n'est donc pas le rythme de nos débats qui pose problème, mais leur organisation et l'anticipation que l'on en a eue.
Avec le temps qu'il me reste, je présenterai l'amendement pour dire que l'extension de l'accès à certains fichiers par des agents de l'OFPRA et des préfectures pose des problèmes, comme l'avait notamment indiqué le Conseil d'État qui, dans l'un de ses avis, appelait l'attention du Gouvernement sur l'élargissement constant des destinataires des informations contenues dans ces fichiers et sur les motifs de leur consultation. Dans son avis, la Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL – souligne, de son côté, que le cumul d'enquêtes administratives portant notamment sur des données d'infraction, avec la communication directe et moins encadrée de données collectées, pouvait aussi poser un certain nombre de problèmes.
Plus généralement, il nous semble que de telles dispositions contribuent au climat de suspicion : on le verra bientôt avec l'amendement no 1141 rectifié du Gouvernement, qui vise l'ensemble des demandeurs de statut et de droit au séjour, et non plus seulement les réfugiés. C'est là un point très problématique du point de vue, non seulement des droits et des libertés individuelles, mais aussi de la manière dont ce projet de loi envisage la question des réfugiés et des migrants.
Nous parlons, je le rappelle, de personnes susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'État. Il faut donc faire preuve d'un minimum de pragmatisme. Ces enquêtes n'induisent pas de soupçon généralisé : elles visent à assurer la sécurité du territoire. Avis défavorable.
Défavorable également.
Ce que vous avez dit, madame la rapporteure, correspond à ce qui est indiqué dans le texte, mais, il y a six mois, nous avons longuement débattu d'un projet de loi, important, relatif à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme. L'argument du terrorisme, que vous vous sentez obligée de réintroduire ici, serait-il donc l'aveu que ce projet de loi n'a servi à rien ?
Le débat ne porte pas sur le fait de savoir qui défend ou non la sécurité. Nous ne devrions parler ici que du droit d'asile et de la garantie qui lui est apportée. De plus, la notion sur laquelle vous vous appuyez remet en cause ce que vous avez fait adopter il y a six mois. Outre que c'est contradictoire, cela ajoute à la confusion entre la commission des actes de terrorisme, la mise en danger de l'État et ce qui doit relever de la protection. De notre point de vue, cela justifie pleinement le maintien de l'amendement.
La question est d'importance, et Mme Obono a parfaitement raison. L'OFPRA étant une institution administrative et non une juridiction, c'est de plein droit que la CNIL exerce son contrôle sur lui. Il n'a pas de pouvoir exorbitant en matière administrative. Cela justifie d'ailleurs la thèse que je m'emploie à défendre depuis plusieurs semaines, selon laquelle nous sommes pénalisés par le fait qu'une institution administrative tente de jouer un rôle juridictionnel sans pouvoir le faire. Je me demande, monsieur le ministre d'État, si, tôt ou tard, vous réaliserez qu'une telle situation expose à des recours administratifs. Il serait peut-être temps d'envisager la possibilité que l'OFPRA devienne une véritable juridiction.
L'amendement no 896 n'est pas adopté.
En proposant de rendre obligatoires les enquêtes administratives en cas de demande d'asile, j'ai conscience que vous pourriez me reprocher d'ajouter une nouvelle lourdeur à la procédure. Mais ce n'est pas si sûr car, si nous nous donnons les moyens de traiter ainsi les demandes d'asile, je crois que, finalement, cela nous fera gagner beaucoup de temps. Avec cette disposition, en effet, nous n'aurions pas à enclencher une procédure administrative avant de nous rendre compte, plus tard, que la personne ne remplit pas les conditions nécessaires à l'octroi d'un titre de séjour en France. Pour mémoire, je rappelle que le taux d'admission global à la demande d'asile oscille, selon les années, entre 30 % et 38 %. Soyons bien clairs : ce que je propose ici ne remet pas en question l'engagement de la France auprès des personnes persécutées ; au contraire, cela permettrait de continuer d'accueillir les personnes qui doivent l'être tout en décourageant celles qui veulent abusivement bénéficier du statut de réfugié.
Nous n'avons pas à rougir de faire cette distinction entre les personnes qui cherchent à juste titre la protection de notre pays parce qu'elles craignent pour leur vie et celles qui migrent pour d'autres raisons. Cette distinction est absolument fondamentale pour contrôler notre flux migratoire et accueillir plus sereinement les vrais demandeurs d'asile.
J'irai même plus loin. Le recours à de telles enquêtes administratives en amont améliorerait aussi la qualité des décisions rendues par l'OFPRA. Il faut rappeler que la décision d'octroyer l'asile à une personne relève aussi d'une appréciation subjective puisque, je le rappelle, elle se fonde sur l'intime conviction. Autant dire que, si cette dernière peut être guidée par des éléments objectifs et factuels, issus d'une enquête administrative rigoureuse, nous ne devons pas nous en priver.
L'alinéa 5 de l'article 4 est symptomatique de l'aveuglement du Gouvernement et de la faiblesse du texte. La France a été frappée ces dernières années par de nombreux attentats terroristes et, au vu des différentes enquêtes auxquelles ils ont donné lieu, il est clairement avéré que leurs auteurs sont arrivés sur notre territoire avec les vagues de migrants.
Plusieurs attentats ayant frappé les pays voisins ont d'ailleurs montré que les auteurs pouvaient aussi être des demandeurs d'asile. Le présent amendement vise donc à rendre obligatoire une enquête administrative avant tout octroi de la protection subsidiaire. Il s'agit là, pour nous, d'appliquer un principe de précaution pour protéger les Français.
Pascal Brice nous a dit, lors de son audition en commission, que la sécurité du territoire était au centre des préoccupations de l'OFPRA et des vérifications qu'il opère. La coopération est donc permanente entre l'autorité administrative et les services de renseignement.
Il arrive même que des signalements interviennent en amont. Je salue le professionnalisme de l'OFPRA en la matière. Avis défavorable.
À quinze heures vingt-cinq, Mme Carole Bureau-Bonnard remplace M. François de Rugy au fauteuil de la présidence.
La parole est à M. Gérard Collomb, ministre d'État, pour soutenir l'amendement no 1141 rectifié .
Cet amendement, qui montre que le premier souci du Gouvernement est bien évidemment la protection de nos concitoyens, vise à étendre au titre de séjour la possibilité de recours à des enquêtes administratives.
Je profite de cette intervention, madame la présidente, pour relever que le président de l'Assemblée nationale n'a pour l'instant présidé nos débats sur ce texte, dont la qualité de nos échanges montre encore l'importance, que pendant une vingtaine de minutes.
L'amendement que vous venez de présenter, monsieur le ministre d'État, va dans le bon sens. Néanmoins, il pointe une faille que nous soulignons depuis quelque temps, notamment dans le cadre de cet article. Le processus de délivrance du statut de réfugié aux demandeurs d'asile doit être accéléré et sécurisé ; et pour ce faire, la période des délais de recours doit être correctement organisée : j'entends par là, d'abord, la période administrative qui suit la première décision, pendant laquelle les demandeurs d'asile sont présents sur le territoire national. Or cette période peut être très longue et générer des situations humaines compliquées, lesquelles provoquent ensuite des décisions de régularisation massive.
L'amendement ne change rien aux questions juridiques qui se posent, par exemple, après le refus d'une demande d'asile dans le cadre d'un recours. Aussi proposions-nous d'inscrire dans l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la possibilité de justifier le refus du droit d'asile par la présence du demandeur dans un fichier, notamment le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste – FSPRT. Votre amendement, monsieur le ministre d'État, justifie donc la mesure que nous réclamions et que vous aviez refusée.
Donc tout le monde est content !
L'amendement du Gouvernement justifie en effet tous les arguments de nos collègues du groupe Les Républicains et des non inscrits issus du Front national. Je réitère en effet ma question : à quoi auront donc servi les débats d'il y a six mois sur le texte renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, si l'on revient maintenant sur la question de la sécurité dans un texte ayant un tout autre objet ? Vous invoquez la sécurité, monsieur le ministre d'État, mais nous avons déjà eu un débat à ce sujet, et il a été très long. Ce n'est pas ce dont il est question ici. Alors que nous parlons du droit d'asile et des garanties apportées aux droits fondamentaux, vous proposez une mesure qui s'appliquera, au-delà des seuls réfugiés, à tous les demandeurs d'un titre de séjour.
Vous donnez vous-même l'occasion aux membres du groupe Les Républicains d'exprimer leur cohérence, eux qui, depuis le début des débats sur ce texte, font l'amalgame entre les réfugiés, les migrants et les actes de terrorisme.
Aussi, monsieur le ministre d'État, je vous repose la question : n'était-il pas temps de proposer de telles modifications lorsque nous avons eu ce débat ? Avez-vous, du jour au lendemain, découvert qu'il fallait faire ces rectifications et, afin de clarifier le débat, décidé d'aborder ce sujet au moment où il est question des réfugiés et des migrants ? Pourquoi introduire cet amendement à dernière minute ? Je sais bien que, depuis le début, vous cherchez à établir un équilibre des droites, mais là c'est particulièrement clair !
Mme Obono devrait-elle s'étouffer d'un amalgame soudain, je n'en pense pas moins que cette proposition du Gouvernement est tout à fait recevable.
Eh oui ! J'ai soutenu l'amendement précédent et cela ne vous a pas choquée. Lorsqu'une proposition est bonne, je le dis. Je ne suis pas, comme vous, obnubilé par la théorie des amalgames multiples, interstellaires et continuels. Cette disposition étant intelligente, je la soutiens. Et si cela vous déplaît, cela la rend encore meilleure.
La nécessité de déposer un amendement portant une telle mesure aujourd'hui prouve bien que celle-ci n'existait pas hier. Cela me permet de vous dire, monsieur le ministre d'État, que tout ce que vous nous avez raconté sur les relations entre l'administration et l'OFPRA était dénué de véracité. Sinon, il n'aurait pas été nécessaire de présenter cet amendement, que je soutiendrai par amabilité, mais en signalant tout de même, monsieur le ministre d'État, que vous nous avez trompés en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 1141 rectifié est adopté.
Le présent projet de loi entend modifier l'article 114-1 du code de la sécurité intérieure, en autorisant la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978.
Comme ailleurs, le juste équilibre entre sécurité publique et défense des droits est nécessaire en matière de droit des étrangers et d'asile.
Or, le Conseil constitutionnel a récemment rappelé qu'« aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ».
Le retrait ou le refus du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ne peut donc reposer sur la seule consultation du dossier. L'administration est tenue d'apprécier le comportement de l'individu dans sa globalité. Or, pour cela, elle est tenue de recueillir ses observations.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement identique no 813 .
Dans le prolongement de ce que vient de dire Sébastien Nadot, de nombreux professionnels et responsables d'associations s'inquiètent de cette nouvelle possibilité octroyée aux autorités, sans que les droits de la défense puissent être garantis. Il s'agit non pas de contester le principe de consulter des fichiers dans le cadre de l'instruction d'une demande, mais de respecter le principe du contradictoire.
M. Nadot vient de citer la décision du Conseil constitutionnel, qui avait rappelé les termes de l'article 2 de la loi informatique et libertés. Il en résulte que le retrait ou le refus du statut de réfugié ou de protection subsidiaire ne peut reposer que sur la seule consultation du dossier. L'administration est tenue d'apprécier le comportement de l'individu dans sa globalité et, pour cela, de recueillir ses observations. Autrement dit, il s'agit d'imposer aux autorités chargées de l'instruction des demandes d'asile de veiller au respect du contradictoire.
Cet amendement s'inscrit donc dans la ligne des dernières résolutions retenues par le Conseil d'État en matière d'enquête administrative. En référence à la fois à l'avis du Conseil d'État et à la loi informatique et libertés, il convient donc non pas d'entrer dans une surenchère mais de faire respecter le droit, notamment le principe du contradictoire. Il semble donc que cet amendement puisse être retenu et recueillir l'assentiment de cette assemblée.
Alors que l'article 4 prévoit la faculté, pour l'OFPRA, de mener des enquêtes administratives sur les demandeurs d'asile, aux fins de vérifier, notamment, qu'ils n'ont pas été condamnés par le passé pour des faits graves, il importe d'assurer a minima les garanties des droits de la défense.
Ainsi, cet amendement prévoit trois mesures élémentaires : l'information qu'une enquête est diligentée, la possibilité de formuler des observations et le versement de ces observations au dossier.
À défaut de ces trois garanties, le dispositif encourrait une censure pour méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République du respect des droits de la défense, consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 décembre 1976.
Le propre des enquêtes administratives est de reposer sur la discrétion. Si, sur leur fondement, un retrait de protection est prononcé, comme je le disais tout à l'heure, il y a dans le CESEDA toutes les voies possibles d'information, les motifs du retrait et l'information sur les voies de recours. Étant donné qu'un recours est toujours possible contre le retrait de la protection, le respect des droits de la défense est déjà assuré. Je vous demande donc, chers collègues, de retirer vos amendements. À défaut, l'avis sera défavorable.
À la suite de l'excellente explication de la rapporteure, je demande, comme elle, le retrait de ces amendements. À défaut, mon avis serait défavorable, car tout est déjà dans le CESEDA.
Les amendements de M. Nadot me rappellent les deux questions restées en suspens, sur lesquelles mes collègues et moi-même attendons vraiment une réponse de votre part, monsieur le ministre d'État, car ce texte porte non seulement sur l'asile, mais aussi sur l'immigration.
Il nous faudrait vraiment savoir ce qu'il en est de ces quelque 2 900 personnes étrangères qui restent inscrites au FSPRT. Je ne vous demande même pas si vous allez les expulser, mais ce qui vous empêche de le faire, de la même manière que je fais évoluer ma seconde question en vous demandant ce qui vous empêche de me répondre sur les régularisations des clandestins. À ce jour, certaines sources de presse avancent le chiffre de 40 000 régularisations, ce qui traduit un phénomène assez massif.
Ces informations auront une incidence sur nos débats et sur la définition de notre politique d'immigration. Il est donc très important que nous puissions les obtenir ou, du moins, que je puisse comprendre pourquoi vous n'arrivez pas à répondre à une question qui, somme toute, me semble assez facile.
Je note que, à l'image de l'évolution de la formulation de la question de Fabien Di Filippo, nos débats avancent.
Mais sûrement ! Ces amendements sont également intéressants du fait de la qualité de la réflexion à laquelle ils conduisent. Évidemment, nous ne partagerons pas leur finalité car nous proposons exactement l'inverse.
Ces amendements montrent en revanche la difficulté qu'induit l'objectif de raccourcir les délais de procédure, posé comme préalable à la discussion de ce texte, pour qu'une décision, si possible définitive, intervienne rapidement, et pour que l'État ait définitivement statué sur la demande d'asile d'un étranger afin qu'ensuite, la décision puisse être prise, soit de le protéger, soit de le renvoyer dans son pays d'origine.
Or ce texte ne changera rien à cela. Au mieux, monsieur le ministre d'État, vous parviendrez à accélérer de quelques semaines l'instruction initiale, mais cela ne changera absolument rien à toute la procédure juridique qui suivra. Car vous ne vous attaquez pas aux vrais problèmes, aux problèmes de fond : aujourd'hui, des étrangers en situation irrégulière, parce qu'ils sont en attente d'une décision judiciaire définitive, en ultime recours, passent plusieurs années sur notre territoire avant, s'ils sont finalement déboutés, de rejoindre un lot de régularisation de masse, comme cela a été annoncé dans Le Monde. Nous régulariserons ainsi des personnes qui auront violé le droit national pendant plusieurs années.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 116 |
Nombre de suffrages exprimés | 111 |
Majorité absolue | 56 |
Pour l'adoption | 25 |
contre | 86 |
L'amendement no 286 n'est pas adopté.
L'amendement no 27 a déjà été défendu, et a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
L'amendement no 27 n'est pas adopté.
« Et les explications de vote ? » sur les bancs des groupes LR et FI.
Vous vous êtes tous exprimés sur cet article, d'une manière ou d'une autre.
Protestations sur les mêmes bancs.
L'article 4, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 4.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 122 .
Je poursuivrai sous le signe de la bienveillance, sous lequel nous avons repris cette séance, en essayant de tenir une promesse de campagne d'Emmanuel Macron qui voulait harmoniser les régimes d'asile européen.
Cet amendement vise en effet à mettre fin au système de cabotage de pays en pays des demandeurs d'asile, décrié par l'ensemble des rapports annexés à ce projet de loi : les demandeurs d'asile déboutés dans un pays vont demander l'asile dans un autre pays, jusqu'à ce qu'ils l'obtiennent.
Vous comprenez bien que cette situation est impossible étant donné la diversité des taux d'obtention de protection d'un pays européen à l'autre : pour les Afghans, par exemple, il va de 60 % en Allemagne à 82,4 % en France. De ce fait, il ne peut pas y avoir de vision européenne.
Dès lors que nous avons des frontières ouvertes du fait du système de Schengen, il est nécessaire d'appliquer les mêmes critères, les mêmes taux de protection, donc – c'est le but de notre amendement – de refuser d'étudier la demande d'asile d'un requérant qui a déjà été débouté dans un autre pays européen. Cela résulte de la confiance que nous accordons à nos partenaires, avec lesquels nous partageons tous des valeurs et des ambitions.
Monsieur Dumont, vous savez bien qu'il est absolument impossible de revenir ici, dans cet hémicycle, sur tous nos engagements européens, et que ce genre de décision implique une discussion avec nos partenaires européens à laquelle, vous l'avez dit vous-même, le Président de la République s'est engagé.
Par ailleurs, votre amendement est totalement contraire au principe de non-refoulement inscrit dans la convention de Genève.
Avis défavorable.
Vous le savez, nous sommes en train de travailler sur le règlement Dublin au niveau européen. Cela n'empêche pas d'agir dès à présent : au cours de l'année 2017, nous sommes passés de 1 200 à 2 500 personnes transférées.
Oui, défavorable.
Selon l'exposé sommaire de l'amendement, celui-ci se justifie par le fait que tous les pays de l'Union européenne appliquent les mêmes normes démocratiques et d'accueil. J'espère que c'est une blague ! Vous le pensez sérieusement ? Vous voulez que l'on regarde comment se passe l'accueil des personnes réfugiées ou exilées un peu plus à l'est de l'Union européenne ?
Je suis pour que l'on applique le droit d'asile à toute personne qui vient le demander dans le pays.
J'espère, monsieur le ministre, que votre intervention ne voulait pas dire en filigrane que, sur le fond, vous approuvez tout de même l'amendement.
Protestations parmi les députés non inscrits et sur quelques bancs du groupe LR.
Puis-je m'exprimer à mon rythme, tranquillement ? Nous essayons de faire preuve de sérénité ; nous sommes restés calmes, même si nous n'avons pas pu expliquer notre vote sur l'article 4.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
En ce qui concerne l'amendement no 122 , il va de soi qu'il est pertinent. Aujourd'hui, dans l'Union européenne, si l'on n'applique pas la règle qu'il propose, il y aura un déport et un appel d'air – je sais que vous adorez l'expression, mes chers collègues – vers des pays comme le nôtre.
Il est donc irresponsable de continuer sur la même voie en permettant aux gens de déposer une demande d'asile dans chacun des pays de l'Union, pour deux raisons : premièrement, cela favorise le dévoiement du droit d'asile ; deuxièmement, toutes ces procédures coûtent de l'argent, un coût qui est assumé par le contribuable. Il faut donc raison garder à ce sujet.
Monsieur le ministre, tout dans votre propos allait dans le sens de l'amendement, tout ! On aurait presque cru que vous l'aviez écrit vous-même !
Je ne comprends donc pas que, d'un coup, vous donniez un avis défavorable. J'essaie d'être cohérent ; si on nous avait laissé nous exprimer sur l'article 4, nous aurions montré notre cohérence ; mais, ici, la cohérence veut que vous donniez un avis favorable, ou en tout cas que nous parvenions, avec la majorité, à faire voter l'amendement.
L'amendement no 122 n'est pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements, nos 901 rectifié , 287 , 72 , 50 et 802 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 50 et 802 sont identiques.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 901 rectifié .
Cet amendement vise à consacrer des garanties procédurales nécessaires eu égard à la situation particulière des migrants et migrantes LGBTI – lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, intersexes – persécutés pour leur identité ou pour leur orientation sexuelle. Sa version initiale nous a été proposée par l'association nationale Le Refuge.
De nombreux migrants et migrantes LGBT ne mettent pas en avant leur orientation sexuelle pour solliciter une demande d'asile ou, le cas échéant, une protection subsidiaire. En effet, outre l'invisibilité des personnes migrantes LGBT, cette catégorie de personnes éprouve des difficultés à évoquer sa sexualité, ayant souvent pour réflexe de garder leur orientation sexuelle secrète, y compris à l'occasion des entretiens avec l'OFPRA ou d'une audience auprès de la Cour nationale du droit d'asile – CNDA.
Nous souhaiterions que les rapports précis et circonstanciés délivrés par une association reconnue d'utilité publique à l'occasion de la prise en charge de jeunes migrants et migrantes LGBT puissent être considérés comme des informations de référence et pris en considération dans les demandes d'asile déposées à l'OFPRA ou étudiées en recours par la CNDA.
La démonstration d'une orientation sexuelle reste difficile, voire impossible. Le travail des bénévoles de l'association offre souvent à ces jeunes la première occasion de parler librement de leur orientation sexuelle, jusque-là réprimée, avec des conséquences souvent très lourdes, dans leur pays d'origine et, fréquemment, dans les pays de transit.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cet amendement, très proche du précédent, vise à prévoir la consultation par l'OFPRA des associations luttant contre les persécutions et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou les pratiques sexuelles.
En effet, ces dernières disposent d'informations pertinentes et régulièrement actualisées sur l'état des droits des LGBT et seront, à ce titre, en mesure d'éclairer l'OFPRA ainsi que la CNDA en tant que de besoin.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 72 .
Je voudrais mettre un peu de poésie dans ce texte qui en manque beaucoup, en citant la grande poétesse capverdienne Cesária Évora – bien connue, certainement, de Mme la présidente – , qui chantait « Sodade, sodade » : en créole capverdien, ce mot signifie toute la tristesse empreinte de nostalgie que ressentent les personnes dépossédées de leur passé, la déchirure du départ. Car migrer, quitter les siens, ce n'est jamais un plaisir.
Cet amendement vise à garantir la reconnaissance des jeunes migrants LGBT qui sont persécutés pour leur identité ou leur orientation sexuelle. Cela pourrait passer par la consultation, dans le cadre de l'examen des demandes d'asile déposées à l'OFPRA ou étudiées en recours par la CNDA, des associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle et reconnues d'utilité publique.
Je vois que nous sommes plusieurs, issus de différents groupes, à défendre des amendements en ce sens. En les acceptant, monsieur le ministre, vous feriez preuve d'une ouverture utile.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 802 .
Cet amendement, identique au précédent, vise à protéger les jeunes migrants LGBTI persécutés pour ce qu'ils sont : leur identité ou leur orientation sexuelle. Ces personnes éprouvent des difficultés à évoquer leur sexualité, car elles ont souvent pour réflexe de garder leur orientation sexuelle secrète, y compris à l'occasion de leurs entretiens avec l'OFPRA ou la CNDA.
Cet amendement pourrait permettre, grâce, par exemple, à l'association nationale Le Refuge, reconnue d'utilité publique, de disposer de rapports précis sur la situation de ces personnes, afin qu'elles puissent parler librement de leur orientation sexuelle, en raison de laquelle elles étaient jusqu'alors persécutées.
Sur les amendements identiques nos 50 et 802 , je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement no 901 rectifié , je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements soumis à une discussion commune ?
Ces amendements soulèvent l'important problème de la protection des personnes LGBTI.
Je rappelle à ce propos que la commission a adopté un amendement tendant à exclure expressément de la liste des pays d'origine sûrs ceux qui condamnent encore pénalement l'homosexualité.
Vous demandez que l'OFPRA soit saisie obligatoirement et doive obligatoirement suivre les recommandations d'associations qui prennent en charge ces problèmes.
L'OFPRA travaille beaucoup sur ces questions. En son sein, un groupe spécifique de travail et de formation des agents de protection se consacre au sujet de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre, en vue d'actualiser la doctrine de l'OFPRA dans ce domaine. Nous savons, pour en avoir discuté avec Pascal Brice lors de son audition, que ces thèmes sont largement pris en considération par les officiers de protection.
Mais rendre obligatoire cette consultation contreviendrait au principe d'indépendance des décisions de l'OFPRA. Celui-ci ne peut être obligé à suivre une recommandation.
Ce qui est important, c'est que l'OFPRA prenne ces questions en considération dans la formation de ses agents ainsi que pendant l'entretien, auquel les associations peuvent déjà assister, comme toute personne qui le souhaite, et après lequel elles peuvent formuler des observations. C'est le cas, mais, je le répète, on ne peut donner aux recommandations une force obligatoire, à moins de contrevenir à une indépendance à laquelle les agents de l'OFPRA, que nous avons reçus, sont tous très attachés.
Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même avis défavorable.
Je vous rappelle qu'il existe à l'OFPRA cinq groupes de travail qui se consacrent aux mineurs, à la traite des êtres humains, aux violences faites aux femmes, à la torture et à l'orientation sexuelle. Ce dernier élément est donc déjà pris en considération par l'OFPRA.
Nombreuses sont les raisons qui peuvent conduire le citoyen d'un pays à le quitter. Ces amendements résultent de cet état de fait. Personne ici ne peut contester la réalité vécue par les LGBT dans certains pays. S'il était nécessaire d'illustrer mon propos, je n'aurais besoin que d'un exemple : la persécution des homosexuels en Tchétchénie.
La France est une nation de valeurs, et notre assemblée se doit de porter un regard lucide sur la diversité des flux migratoires. Bien que n'étant pas cosignataire de ces amendements, je n'en suis pas moins le défenseur.
M. M 'jid El Guerrab applaudit.
Comme ceux qui les ont déposés, j'ai des valeurs. Nul besoin de parler davantage : mon vote sera plus fort que n'importe quel discours.
Mes chers collègues, ce sujet n'est pas partisan, il est simplement humain. Parce que les valeurs dont je parle ne sont le monopole d'aucune formation politique, je vous encourage tous à voter ces amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI. – M. M'jid El Guerrab applaudit également.
Je ne peux que me réjouir du fait que nous abordions la question des droits des demandeurs d'asile LGBT. Toutefois, mes chers collègues, je vous invite à faire preuve de discernement quand vous défendez des amendements issus d'associations.
De quoi parlons-nous, en effet ? Comme l'a dit la rapporteure, il s'agit de conférer la capacité de délivrer des certificats destinés aux demandeurs d'asile, pour éclairer le point de vue de l'OFPRA, à une association reconnue d'utilité publique – à ma connaissance, il n'y en a qu'une dans ce domaine, Le Refuge, qui fait par ailleurs un très bon travail, mais dont cela ne me semble pas être la vocation première.
Mais des certificats de quoi ? J'aimerais le comprendre – j'ai peur, à vrai dire, de le comprendre. Si le Gouvernement avait inscrit en creux dans la loi la même obligation, en demandant de fournir des certificats d'homosexualité, vous seriez les premiers – et je serais à vos côtés – à vous ériger contre une telle décision.
Je comprends bien votre intention, mais je ne sais pas combien d'entre vous ont pris la peine d'aller visiter les services de l'OFPRA, et notamment de rencontrer les membres du groupe qui s'occupe des droits des LGBT : celui-ci effectue un travail remarquable de finesse et de justesse pour éclairer le mieux possible la décision des officiers de protection.
Je ne crois pas que l'intérêt des demandeurs d'asile LGBT – que je suis, je le répète, le premier à défendre – passe par la délivrance de certificats par une association, fût-elle reconnue d'utilité publique.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
De notre point de vue – et vous le savez si vous avez lu notre amendement – , il ne s'agit pas de délivrer des certificats d'homosexualité. Nous avons rencontré des agents de l'OFPRA, ainsi que les associations, qui ont pointé, sans remettre en cause le travail des agents, la lenteur d'examen des dossiers. Qui plus est, viennent s'ajouter des problèmes de langue et la difficulté, pour des personnes qui ont subi tant de traumatismes et de violences au cours de leur migration, de les verbaliser dans des récits.
Si !
Nous n'avons pas repris telle quelle la demande de l'association ; nous l'avons rectifiée pour qu'elle s'intègre au projet. L'OFPRA fait une étude des récits de vie, afin de disposer d'éléments. Or, quel est l'objet de cette loi, si ce n'est de garantir les procédures, qui laissent place à des rapports, à des comptes rendus, à des récits ? Pour réaliser ce travail qualitatif et aller au fond des choses – sans doute avez-vous entendu la même requête de la bouche des agents de l'OFPRA – , il faut du temps et des moyens, étant donné le rythme auquel les dossiers arrivent. De plus, pour certains, la barrière de la langue fait obstacle.
Par ailleurs, le processus d'identification et d'expression de ces questions d'orientation sexuelle et de genre prend du temps. Or, c'est précisément le temps qui manque et manquera plus encore avec les procédures accélérées que vous voulez instaurer.
Ne nous faites pas dire n'importe quoi et ne vous donnez pas bonne conscience en travestissant les demandes de l'association nationale Le Refuge : elle ne demande pas un certificat d'homosexualité. Vos propos ne grandissent pas notre débat. Notre demande est légitime et vient répondre à un problème réel reconnu par l'OFPRA. Épargnez-nous donc un tel procès ; c'est vraiment indigne !
Soyons clairs. La France offre sa protection à celles et ceux qui sont persécutés dans leur pays d'origine du fait de leur orientation sexuelle. Nous n'avons aucun problème avec cela. Néanmoins, cet amendement pose des questions de droit essentielles, et nous n'avons sans doute pas eu suffisamment d'échanges techniques à ce sujet. Madame la rapporteure, en commission, vous avez parfois remarqué que certains de nos amendements étaient de qualité avant de les refuser pour des raisons politiques, alors qu'ils venaient résoudre des questions de droit. Faire dépendre d'une association la décision de l'OFPRA, lequel est un office de l'État, et non pas une juridiction, ce qui pose d'autres problèmes d'ailleurs, nous semble particulièrement difficile à imaginer dans le système français.
Nous souhaitons réaffirmer que, bien sûr, la France offre sa protection aux personnes persécutées dans leur territoire d'origine du fait de leur orientation sexuelle. En revanche, nous ne pouvons pas concevoir que l'OFPRA soit mis sous la tutelle d'une association, fût-elle reconnue d'utilité publique. Je rejoins donc sur ce point l'avis de la rapporteure.
Ces populations fuient des répressions dans des sociétés où le poids des traditions et des cultures est fort. Lorsque l'on sait qu'il est encore très difficile, dans nos sociétés ouvertes et modernes, d'exprimer son orientation et son identité sexuelles, on imagine ce que cela peut être dans une société où le poids des traditions est si lourd. On peut comprendre que ces personnes, quand elles arrivent, que leur identité soit en construction ou pas, aient du mal à en parler. Il me paraît donc tout à fait justifié de les accompagner et de leur permettre de faciliter leur expression.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 119 |
Nombre de suffrages exprimés | 107 |
Majorité absolue | 54 |
Pour l'adoption | 31 |
contre | 76 |
L'amendement no 901 rectifié n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 115 |
Nombre de suffrages exprimés | 104 |
Majorité absolue | 53 |
Pour l'adoption | 34 |
contre | 70 |
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l'amendement no 470 rectifié .
Cet excellent amendement de mon non moins excellent collègue Julien Aubert a trait au cas des apatridies. Il vise à faire en sorte que les conventions internationales – notamment celle de 1961 – soient appliquées, puisqu'elles permettent d'exclure de la définition de la qualité d'apatride les demandeurs qui feraient acte de déloyauté vis-à-vis de la France, qui porteraient allégeance à l'État islamique ou qui mettraient en péril la sécurité nationale. Ce texte, puisqu'il existe, doit être appliqué. Cela nous permettrait d'exclure toutes les personnes relevant des trois catégories que je viens de citer.
À vrai dire, je n'ai pas totalement compris votre amendement, puisque vous voulez permettre de retirer la nationalité à certaines personnes, tout en visant en même temps un article qui définit la qualité d'apatride. Par ailleurs, je ne suis pas d'accord avec la philosophie de votre amendement, lequel n'aurait pas, qui plus est, l'effet recherché. Avis doublement défavorable.
L'amendement no 470 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à combler un vide juridique en précisant les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux apatrides, afin de s'assurer que celles-ci ne puissent pas bénéficier automatiquement aux étrangers qui auraient été déchus de leur nationalité pour des faits de menaces ou d'atteintes graves à la sécurité ou à l'ordre public. Dans ce cas, et afin de ne pas exclure a priori les étrangers qui auraient été arbitrairement déchus de leur nationalité par un État dont nous ne reconnaîtrions pas les législation et juridiction, l'OFPRA est tenu de mener une enquête avant de se prononcer sur la demande. L'amendement prévoit, par ailleurs, que les conditions d'application de cet article sont fixées par décret en Conseil d'État.
S'agissant de la possibilité de mener une enquête pour vérifier que la personne peut bien bénéficier de la protection de la France sans contrevenir à des principes de sécurité, il existe une disposition fondée sur la Convention de Genève, pour les réfugiés, et sur la Convention de New York de 1954, pour les apatrides. Votre amendement étant satisfait, je vous suggère de le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis : retrait ou avis défavorable.
L'amendement no 28 n'est pas adopté.
Vingt-quatre orateurs sont inscrits sur l'article 5.
La parole est à M. Raphaël Gérard.
L'article 5 représente une avancée majeure pour les demandeurs d'asile homosexuels, bisexuels et transsexuels, et répond à une préoccupation ancienne des acteurs de terrain et des associations, toutes obédiences confondues. Les débats en commission ont en effet conduit à l'adoption d'un amendement permettant de compléter la définition des pays d'origine sûre, afin d'en exclure explicitement ceux où l'homosexualité fait l'objet de sanctions pénales. Cette disposition marque bien la volonté ferme de notre majorité de mieux protéger les demandeurs d'asile les plus vulnérables, preuve s'il en est de notre attachement à un accueil digne et humain des demandeurs d'asile.
Pour autant, j'appelle l'attention du Gouvernement et du conseil d'administration de l'OFPRA sur la nécessité de bien prendre en compte, dans l'établissement de cette liste, non pas uniquement les pays criminalisant l'homosexualité, mais aussi ceux où il existe des phénomènes d'ostracisation ou de violences sociales telles que les populations LGBT n'ont d'autre choix que de les fuir. Pour illustrer mon propos, j'aurai une pensée toute particulière pour Viken, un jeune Indien, le tout premier homosexuel à avoir fait une demande d'asile sur l'île de La Réunion. Originaire d'Inde, pays pourtant inscrit sur la liste des pays sûrs par la France, il a été violé à plusieurs reprises par un ami de sa famille, par un officier de police, puis séquestré par son père, du fait de son homosexualité, et ce dans un silence complice et sidérant, sans que jamais l'État indien ne lui fournisse la moindre protection.
Cette histoire singulière est malheureusement loin d'être unique. C'est pourquoi je souhaite vivement que soient effectivement exclus de la liste des pays sûrs tous les pays où l'environnement politique, social et culturel porte les marques d'une oppression envers ceux qui ont pour seul tort d'aimer une personne du même sexe.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Est-ce que la France peut qualifier de sûr un pays qui pénalise ou criminalise l'homosexualité ? Jusqu'à aujourd'hui, la réponse était oui. Grâce à l'amendement adopté en commission, désormais, ce ne sera plus possible. Je voulais souligner cette avancée, très importante, du texte. J'espère qu'il y aura un scrutin public, à l'issue de l'examen de l'article 5, de sorte que l'on voie que l'ensemble des parlementaires se félicitent d'une telle avancée.
Nos débats, un peu chaotiques depuis le début de l'examen, laissent apercevoir de vraies différences et de vrais clivages. À certains moments, sur les premiers articles, qui permettaient pourtant de renforcer les droits des demandeurs d'asile, des enfants ou encore des femmes, j'ai été choqué par certaines prises de position. Je ne savais parfois plus si elles venaient de la droite ou de la droite de la droite. J'espère que cette avancée majeure fera l'unanimité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je ne cesserai, tout au long du débat, de parler des plus vulnérables. Comment sortir de cette suspicion qui consiste à penser que la personne migrante chercherait à éviter systématiquement les procédures prévues ? Comment ne pas cautionner cette pensée collective prétendant que l'étranger ment ? Nous connaissons les traumatismes physiques liés aux violences subies et aux menaces encourues tout au long du parcours du demandeur d'asile. La réduction de 120 à 90 jours, à compter de l'entrée sur le territoire, du délai au-delà duquel le dépôt d'une demande d'asile passerait en procédure accélérée exclurait les personnes les plus fragiles, les moins entourées et les plus meurtries.
Il faut plus de temps. Aujourd'hui, il existe à Ivry-sur-Seine une structure – le centre d'hébergement d'urgence pour migrants – qui accueille ces primo-arrivants. Ce centre fait un travail remarquable que je ne peux qu'encourager. Vous engager, monsieur le ministre, pour que ce type de structure existe partout sur notre territoire, à l'endroit même où les primo-arrivants arrivent, serait une excellente chose.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et NG, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, l'un des objectifs fondamentaux de ce projet de loi est de faire en sorte que la situation administrative des demandeurs d'asile soit examinée au plus vite, sans dépasser le fameux délai de six mois. Simplifier et accélérer, voilà les buts poursuivis, et l'article 5 va dans ce sens. Répondant à un besoin de maîtrise des délais, il prévoit notamment la notification des convocations et des décisions de l'OFPRA par tout moyen garantissant la confidentialité. Cependant, monsieur le ministre, madame la rapporteure, bien que nous ayons échangé longuement sur cette disposition, il me semble que nous pourrions nous éviter une nouvelle insécurité juridique. En effet, comment avoir la preuve non seulement de la réception de la convocation par le destinataire, mais aussi de l'identité réelle de la personne à qui l'on doit rendre la décision ? Nous pourrions peut-être engager une discussion sur ce thème. Certes, je voterai l'article 5 ; mais peut-être qu'à l'avenir, on pourrait se pencher sur la question de la confidentialité de la décision comme sur le fait d'envoyer la convocation par tout moyen.
L'article 5 a pour objet la réduction des délais d'instruction des dossiers, actuellement de l'ordre de treize mois. Cela pourrait être un objectif partagé si les services concernés bénéficiaient pour cela de moyens adaptés. Le projet de loi propose notamment de réduire de 120 à 90 jours le délai à compter de l'entrée sur le territoire, au-delà duquel le dépôt d'une demande d'asile peut entraîner l'examen de celle-ci selon la procédure accélérée. Comme l'a rappelé le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, les obstacles linguistiques et matériels auxquels se heurtent les demandeurs d'asile à leur arrivée sur le territoire, la nécessité de bénéficier d'un accompagnement juridique et social pour rédiger leur demande et les difficultés rencontrées par certains d'entre eux pour accéder aux plate-formes d'accueil des demandeurs d'asile ou des centres d'accueil et d'examen des situations rendent ce délai difficilement tenable. Les procédures accélérées qui seront automatiquement appliquées par l'OFPRA, voire, en cas de recours, par la CNDA, conduiront à un traitement moins approfondi, apportant moins de garanties aux personnes concernées.
Dans le cadre de la procédure accélérée, l'OFPRA a quinze jours pour statuer, à compter de l'enregistrement du dossier, contre six mois en procédure normale. Quant à la CNDA, en procédure accélérée, elle doit statuer dans un délai de cinq semaines après enregistrement du recours, contre cinq mois en procédure normale. De plus, dans ce cas, l'affaire est jugée par un juge unique et non par une formation collégiale, ce qui prive le demandeur de garanties procédurales importantes qu'apporte la délibération collective. En effet, la discussion à plusieurs permet de fournir une réponse tenant compte des arguments et des contre-arguments.
Cet article permettra d'autant moins de garantir un traitement normal des dossiers que le projet de loi ne traite pas au fond de la phase procédurale qui renvoie à l'accès au guichet unique pour demandeurs d'asile. Faute de moyens, de personnel et de crédits suffisants, on ne peut prévoir aucune amélioration. Nous souhaitons donc, dans la discussion, faire des propositions pour avancer concrètement sur le terrain.
Réduire les délais de dépôt de dossiers des demandeurs d'asile aura clairement pour conséquence de placer les demandes en procédure accélérée. C'est nier, monsieur le ministre, la situation réelle de ces personnes lorsqu'elles arrivent sur le territoire, le suivi psychologique dont elles ont besoin et l'absence de repères dont elles souffrent. Comme vous tous, je reçois souvent des demandeurs d'asile à ma permanence. Je veux vous citer l'exemple de l'une d'entre eux : violée, mariée de force, arrivée mineure en France avec un enfant, sans papiers, sans état civil, ne parlant pas le français, elle a attendu cinquante jours avant d'être mise en relation avec une structure capable de l'aider, cinquante jours avant d'être informée dans sa propre langue de la procédure à engager et des protections qu'elle pouvait solliciter pour elle et son enfant – dont elle vient enfin de bénéficier hier.
Monsieur le ministre, si l'on ajoute le cynisme des dispositions qui imposent la langue et la notification des décisions par tout moyen, cet article constitue – oui ! – un recul inconstitutionnel sur un droit qui, le Président de la République l'a pourtant rappelé dimanche dernier, est inconditionnel. Certes, ce qu'on entend depuis le début de ce débat du côté de la droite et de l'extrême-droite est nauséabond, …
L'objectif du Gouvernement est, semble-t-il, de réduire les délais de procédure d'asile afin d'atteindre une durée moyenne de six mois contre treize mois aujourd'hui. Mais les moyens choisis pour atteindre ce but consistent exclusivement en une réduction des garanties procédurales, au détriment des demandeurs d'asile : l'augmentation du nombre des procédures accélérées, la réduction des délais de recours devant la CNDA, la fin du caractère suspensif de certains recours devant la CNDA, le choix de la langue de la procédure, les convocations envoyées par tout moyen et la systématisation de la visioconférence pour les audiences. Toutes ces dispositions du projet de loi méconnaissent manifestement le respect des droits de la défense – un principe fondamental reconnu par les lois de la République – et le droit à un procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l'homme.
L'un des enjeux majeurs de ce texte est de réduire les délais afin que les situations des demandeurs d'asile soient éclairées en six mois. L'article 5 y contribue puisqu'il prévoit la réduction du délai de dépôt de la demande d'asile de 120 à 90 jours ; il prévoit également que l'OFPRA pourra notifier ses convocations et décisions par tout moyen. S'agissant de la première mesure, nous avons trouvé un équilibre permettant à chaque demandeur de déposer son dossier dans un délai raisonnable. Les visites de terrain que nous avons faites montent que ce délai de 90 jours rend possible pour le requérant de rédiger son récit et de déposer son dossier dans la sérénité. On sait aussi que dans certains cas, le dépôt de la demande peut prendre du temps, à cause de la nécessité de se reconstruire et de réfléchir ; c'est pour cette raison que nous ne souhaitons pas descendre en deçà de ce seuil. Au-delà de ce délai, il est prévu que les dossiers pourront être examinés en procédure accélérée. Celle-ci ne constitue en aucun cas une procédure dégradée : les agents de l'OFPRA font très bien leur travail et estiment, quel que soit le cadre de l'examen, si la situation du demandeur appelle ou non la protection de la France.
Pour ce qui est de la notification par tout moyen, cette mesure permet également de gagner en efficacité et en fluidité. Aujourd'hui, beaucoup trop de courriers sont acheminés sans jamais trouver leur destinataire parce que les demandeurs d'asile changent de domicile ou que les courriers sont envoyés en PADA. Leur traitement et leur distribution nécessitent d'ailleurs des moyens très lourds pour les plate-formes. Néanmoins, si la notification par tout moyen représente un gain de temps et introduit de la fluidité dans les relations entre requérant et administration, il convient de garantir, comme l'avait indiqué le Conseil d'État, que le demandeur d'asile a bien été avisé personnellement de cette notification ; c'est le sens d'un amendement que mon groupe a déposé en commission. Vous le voyez, l'article 5 permet à la fois de réduire les délais et d'assurer la qualité de l'examen de la demande du requérant.
Je prends pour la première fois la parole dans la discussion sur ce texte, et j'ai délibérément choisi l'article 5 car je le considère très dangereux. Vouloir réduire les délais d'examen des demandes d'asile est assurément une fausse bonne idée. J'avoue qu'il y a quelques années, je pensais moi-même qu'il fallait poursuivre cet objectif, puis j'ai rencontré le Secours catholique, la Fédération de l'entraide protestante, la CIMADE, Emmaüs ainsi que des bénévoles de ma circonscription qui travaillent dans les centres d'accueil et d'orientation : tous sans exception me disent que c'est une mauvaise idée car ces 120 jours ne sont pas de trop. Croire qu'après avoir quitté son pays dans des conditions souvent épouvantables, ayant parfois risqué sa vie plusieurs fois, on peut en quelques semaines se reconstruire et monter un dossier, c'est méconnaître profondément les réalités de ces hommes, de ces femmes et parfois de ces enfants. Raccourcir ce délai est assurément une grave erreur.
J'ajoute que dans la loi de 2015, nous avions déjà raccourci ce délai, de façon raisonnable, à neuf mois. C'était hier ; pourquoi ne pas évaluer cette loi avant d'aller plus loin ? Monsieur le ministre, l'objectif caché de cette mesure n'est-il pas de faire de la procédure accélérée, moins protectrice, le droit commun et, inversement, de la procédure normale, l'exception, au détriment des droits de la défense ?
Mme Jeanine Dubié et Mme Sylvia Pinel applaudissent.
Quatorze mois d'attente en moyenne pour le traitement d'une demande d'asile, c'est trop long ; quatorze mois qui font suite – on l'a dit, mais il faut le répéter car il faut l'avoir vécu pour le comprendre – à une longue traversée depuis le pays de départ jusqu'à un premier camp de réfugiés, sur la route ou en mer, dans le danger permanent. Je suis allée au Kurdistan, sous les bombardements de Saddam Hussein, j'y ai vu des gens se précipiter sur du pain jeté à la volée des camions humanitaires, j'en ai vu sauter sur des bombes oubliées dans le sol. J'y ai vu des enfants qui sont aujourd'hui mes voisins de pavillon de banlieue, jeunes parents, et qui en savent beaucoup plus long sur les ressorts de la vie que bien d'entre nous. L'arrivée en France ne peut pas être une nouvelle étape de ce parcours du combattant ; elle doit au contraire représenter une libération, une protection, donnant la possibilité de se soustraire aux passeurs dont les demandeurs d'asile dépendent forcément. Oui, car comment feraient-ils autrement ? Nous, dans les mêmes conditions, nous paierions aussi des passeurs ; ils n'ont pas d'autre solution. À toutes ces personnes, nous devons un meilleur accueil, plus rapide et plus efficace, et un traitement de leur demande en six mois.
Mais nous devons faire en sorte que cette accélération se fasse presque sans qu'ils s'en rendent compte, sans que le temps devienne pour eux un piège et un nouvel oppresseur. C'est là que je me permettrai quelques réserves et que j'émettrai plusieurs alertes. La réorganisation proposée en matière de moyens de communication, de choix de la langue dès la préfecture et d'orientation en régions peut être salutaire à condition que l'on mette l'humain au coeur du dispositif et que l'on s'autorise de la souplesse, au profit de celui ou celle qui n'aurait pas tout compris, qui aurait fait une erreur de langue, qui aurait fait sa demande dans une région en tension ou en manque d'interprètes, celui ou celle qui n'aurait pas accès à un portable ou à internet, ou qui serait en souffrance psychique et aurait besoin d'un accompagnement renforcé comme celui que l'on a prévu pour les personnes handicapées. Je regarderai avec attention l'évolution de cette loi car si l'accélération devait se faire au détriment des plus fragiles, il faudrait la repenser ou l'assouplir.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et NG, et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avec l'article 5, nous entrons dans le vif du sujet puisque le Gouvernement propose ici de réduire à la fois les délais de dépôt de demandes d'asile devant l'OFPRA et les délais d'instruction des dossiers par celui-ci, au détriment de la qualité de la procédure et des droits des demandeurs. Si nous pouvons souscrire à l'objectif louable de réduction des délais, celle-ci ne peut pas devenir excessive. Votre loi, monsieur le ministre, arrive bien trop tôt : comme l'a rappelé Christine Pires Beaune, d'importants efforts ont été faits dans le cadre de la loi sur la réforme du droit d'asile, adoptée en 2015. Nous avons diminué les délais à la fois de dépôt et d'instruction, et ces mesures que nous avons prises en 2015 ont commencé à porter leurs fruits.
Mme Cécile Untermaier applaudit.
Elles ont considérablement amélioré les délais puisque nous sommes passés, dans le cas de l'OFPRA, de quasiment vingt mois d'instruction en 2015 à onze mois aujourd'hui. Mais pour y arriver, monsieur le ministre, nous avons voté l'augmentation de moyens.
Pour permettre l'accélération du traitement des dossiers, nous avons augmenté les effectifs de l'OFPRA : nous sommes ainsi passés de 575 équivalents temps plein en 2015 à 822 en 2017, soit 247 équivalents temps plein supplémentaires – à comparer aux 15 postes que vous annoncez pour mettre en oeuvre votre texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NG.
Je crois sincèrement, monsieur le ministre, que la diminution des délais augmentera le nombre de demandes en procédure accélérée : cela accentuera la pression sur les agents de l'OFPRA en général, et les officiers de protection en particulier. En outre, les garanties prévues dans le cadre de la procédure accélérée sont inférieures à celles qui prévalent pour la procédure normale.
Je voudrais évoquer le drame des centaines – peut-être même des milliers – de personnes exploitées en France, dont témoigne un livre publié récemment par un brillant journaliste, Antoine Albertini. Cet ouvrage, intitulé Les invisibles, décrit précisément le sort d'immigrés, qui sont pour la plupart en situation irrégulière et vivent donc dans une situation particulièrement précaire : ils souffrent de l'exploitation, vivent dans des logements indignes, sont victimes de racket, de violences ; rien ne manque à cette description effrayante.
Des personnes se trouvent dans de telles situations à Paris et dans diverses régions de France. Je ne pouvais laisser passer ce débat parlementaire sans appeler l'attention du Gouvernement sur cette question : des mesures sérieuses doivent être prises pour lutter plus efficacement contre ces formes souterraines d'esclavage.
Monsieur le ministre d'État, cet article porte sur la réduction de 120 à 90 jours du délai courant à partir de l'entrée d'un étranger sur le territoire, au-delà duquel une demande est instruite par l'OFPRA en procédure accélérée. Il est vraiment important de connaître les raisons du placement en procédure accélérée.
La rédaction adoptée en commission nous paraît aller dans le bon sens, notamment en ce qui concerne la notification : le projet de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait que cette notification pourrait se faire « par tout moyen » ; nous avons ajouté qu'elle devrait se faire « par tout moyen garantissant la confidentialité et sa réception personnelle par le demandeur ».
Deux autres ajouts faits en commission sont vraiment positifs : le premier tend à exclure de la liste des pays d'origine sûrs ceux dans lesquels l'homosexualité peut faire l'objet de mauvais traitements, le second à accompagner les personnes en situation de handicap lors de l'entretien de l'OFPRA.
Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM soutient cet article, dans la rédaction adoptée en commission.
Il est question, par cet article 5, de maîtriser les délais d'instruction et de dissuader les demandes d'asile qui ne correspondent pas à un besoin de protection. Vous essayez, avec de grands mots, de faire passer votre laxisme pour de la fermeté, mais en l'occurrence le terme « dissuasion » est tout à fait inapproprié. Votre dissuasion migratoire n'est qu'un appel d'air supplémentaire !
Il n'est pas question, bien évidemment, de remettre en cause le droit d'asile. Mais il est aujourd'hui évident que ce droit est détourné, par certains, de son objet premier, et qu'il est utilisé comme filière d'immigration. Or vous ne proposez rien pour lutter contre ce dévoiement, grâce auquel s'enrichissent les passeurs et les mafias, qui connaissent sur le bout des doigts notre droit et ses faiblesses.
Il faut aussi remettre à l'endroit la procédure de demande d'asile. Aujourd'hui, cela se passe comme si quelqu'un rentrait d'abord chez vous, avant de vous demander de l'héberger quelques nuits ! C'est pourquoi l'examen des demandes doit s'effectuer non plus sur notre sol, mais dans une ambassade ou un consulat, lorsque le demandeur provient d'un pays considéré comme sûr.
J'ai suivi avec attention les débats, parfois houleux, qui ont eu lieu ici depuis le début de l'examen de ce texte lundi, mais c'est la première fois que j'interviens. Je prends la parole sur cet article pour rappeler la réalité des faits concernant les demandeurs d'asile : la lenteur de la procédure actuelle provoque de très nombreuses situations indignes. Nous devrions tous en avoir honte.
En 2018, dans la cinquième puissance économique mondiale, des gens sont parqués dans des salles trop petites, dans des camps qui ressemblent à des bidonvilles, parfois sans avoir accès aux ressources les plus élémentaires. Nous devons mettre un terme à ces situations indignes, aussi bien pour l'honneur des hommes et des femmes que nous accueillons, que pour l'honneur de la France, pays des droits des femmes et de l'homme.
C'est pourquoi les dispositions de cet article vont dans le bon sens. Elles permettront d'accélérer et de fluidifier les procédures, ce qui laissera les demandeurs moins longtemps dans l'incertitude, dans la détresse. Il ne faut toutefois pas perdre de vue un objectif : en aucun cas l'accélération du traitement de ces demandes ne devra se faire au détriment de la capacité des demandeurs à se défendre. Je serai vigilant sur ce point : il faut garantir à chacun les moyens nécessaires pour faire valoir ses droits.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Comme vous le savez, ce projet de loi intervient dans un contexte marqué par une crise sociale majeure dans le département de Mayotte. La revendication principale des Mahorais est la lutte contre l'immigration clandestine et l'insécurité : depuis une vingtaine d'années, en effet, l'immigration clandestine massive que subit notre île dénature en profondeur la société mahoraise.
Ce projet de loi prévoit des mesures visant à améliorer l'accueil des personnes immigrées, afin d'assurer une meilleure intégration. Mais à Mayotte la réalité est tout autre : pour nous, la priorité est d'éviter les entrées irrégulières sur le territoire, qui bouleversent la société mahoraise.
Nous saluons les avancées de ce texte : le renforcement de la protection des personnes vulnérables, la facilitation du régime de la retenue, le durcissement de la délivrance des titres d'identité républicaine et des documents de circulation pour étrangers mineurs, la lutte accrue contre les fraudes documentaires et l'usage de faux, ou encore l'allongement de la durée de rétention administrative.
Il faudra cependant aller plus loin en ce qui concerne Mayotte, notamment en matière de dissuasion et de prévention des entrées irrégulières sur le territoire. C'est pourquoi nous proposons, en même temps que le renforcement des mesures de coopération avec les Comores, de créer une antenne de l'Office français de l'immigration et de l'intégration – OFII – et de l'OFPRA non pas à Mayotte, mais à Anjouan. C'est une demande d'égalité républicaine. Cela permettrait d'étudier sur place les demandes des candidats à l'immigration vers la France, par exemple les demandes d'asile. Cela éviterait aux personnes sollicitant l'asile de bonne foi de risquer leur vie en traversant le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte à bord des fameux kwassa-kwassa.
Cette proposition correspond à l'esprit de ce projet de loi. Dans le contexte sécuritaire actuel, il est nécessaire de prendre toutes les mesures utiles en amont de la procédure d'octroi de la protection.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cet article vise à réduire la durée globale de la procédure de demande d'asile. Le Gouvernement considère – et nous partageons ce point de vue – que cela permettrait d'améliorer l'accueil des demandeurs d'asile, de le rendre plus digne. Pour cela, il convient de réduire de 120 à 90 jours le délai dont dispose une personne, à partir de son arrivée sur le territoire national, pour déposer sa demande d'asile. Nous soutenons cet objectif : nous considérons qu'une durée de 90 jours est largement suffisante pour un demandeur d'asile de bonne foi.
Il peut arriver, en effet, que certaines personnes jouent avec les délais afin de se maintenir le plus longtemps possible sur notre territoire, tout en sachant qu'elles ne correspondent pas aux critères de la convention de Genève sur l'asile. C'est pourquoi il convient de réduire ce délai de procédure. Je rappelle qu'au-delà de 90 jours, il restera possible de déposer une demande d'asile, qui sera alors suivie selon la procédure accélérée. Cela correspond à l'objet de ce projet, qui est de réduire la durée de la procédure d'asile.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je voudrais intervenir sur le fond. Je pense, chers collègues, que cet article fait apparaître un point de clivage entre ceux qui veulent faire approuver des dispositifs de régression, des dispositifs attentatoires à la dignité humaine et aux droits fondamentaux des immigrés, et ceux qui veulent améliorer le droit d'asile.
Certes, les dispositions des deux premiers articles, que nous avons examinés ces deux derniers jours, ont permis d'améliorer les choses. J'ai toutefois le sentiment que les articles que nous abordons à présent participent d'une véritable dynamique de négation de la dignité humaine et des droits des immigrés.
Votre circulaire en témoigne, monsieur le ministre, de même que les réductions de délais de procédure prévues par ce projet de loi, qui ne vont absolument rien arranger. Je pense aussi au refus de supprimer le délit de solidarité, à l'amplification des expulsions, à vos retenues pour vérifications du droit au séjour, qui prennent l'allure d'authentiques gardes à vue, au placement des enfants en centre de rétention administrative, au déverrouillage de la rétention administrative, dont la durée maximale passera de 45 jours à près de 155 jours. Vous vous autorisez, avec cynisme, à trier les étrangers : d'un côté, ceux que vous acceptez ; de l'autre, les damnés que vous renvoyez à leurs difficultés.
Monsieur le ministre, cette réduction de 120 jours à 90 jours est très contestable. Son objectif affiché est de réduire la durée des procédures, mais ce que vous ne dites pas, c'est que cela aura en réalité pour conséquence d'augmenter le nombre de procédures accélérées. Or dans ces procédures les droits des migrants sont niés : ils ne disposent d'aucun soutien matériel – pas de moyens financiers, ni d'hébergement – et se retrouvent confrontés à un juge unique.
Comment ne pas s'opposer à cet article, qui affaiblit et détériore les garanties des droits fondamentaux des demandeurs d'asile ? Je pense en particulier à l'alinéa 3, qui prévoit la réduction de 120 à 90 jours du délai courant à compter de l'entrée d'un étranger sur le territoire français au-delà duquel sa demande d'asile est examinée selon la procédure accélérée.
Par cette disposition, vous refusez de regarder en face la réalité vécue par les acteurs de terrain. Comme le souligne fort justement la Fédération française des acteurs de la solidarité, le raccourcissement de ce délai ne tient pas compte du parcours des personnes exilées. À leur arrivée en France, leurs conditions de vie sont particulièrement précaires : elles rencontrent des difficultés pour accéder à des informations sur l'asile et pour obtenir un rendez-vous auprès des structures adéquates ou des associations.
Les demandeurs d'asile et les professionnels du droit d'asile ont déjà toutes les peines du monde à tenir le délai de 120 jours : pensez-vous réellement qu'un délai de 90 jours soit tenable ? L'enregistrement des demandes est tributaire des capacités de traitement en préfecture – je pourrais vous parler, à ce propos, de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, qui bat tous les records pour ce qui est des délais et de l'inhumanité dans le traitement des demandes. Il faut également tenir compte des moyens matériels qui sont à disposition du requérant : trop d'éléments conjoncturels perturbent une procédure qui est déjà, en elle-même, complexe.
On ne peut considérer le délai dans lequel la demande d'asile est déposée comme un élément d'appréciation de la motivation et du sérieux de l'étranger. En réalité, en réduisant ainsi les délais, vous souhaitez seulement augmenter la part des demandes en procédure accélérée. Votre logique est strictement arithmétique. Or la procédure accélérée raccourcit le délai de préparation du dossier, au détriment de la qualité de l'instruction ; elle prive en outre le justiciable de la collégialité devant la CNDA.
Tel est l'esprit de cet article : traiter moins bien pour expulser plus vite.
Avec cet article, monsieur le ministre d'État, vous confondez vitesse et précipitation. Or en matière de procédure juridique, la précipitation est toujours source de contentieux. C'est tout le risque de la réduction des délais d'instruction.
Vous réduisez de 120 à 90 jours le délai dont dispose un étranger, à partir de son entrée sur le territoire, pour déposer une demande d'asile. Comme si un demandeur d'asile pouvait entamer des démarches dès le jour de son arrivée sur le sol national ! Vous méconnaissez évidemment les réalités vécues.
Une fois ce délai écoulé, la procédure accélérée s'appliquera.
Il faudra alors procéder à des recrutements massifs à l'OFPRA, sans quoi il faut s'attendre à un véritable engorgement. Le traitement des demandes sera contesté, les recours devant la CNDA exploseront, d'autant que celle-ci devra statuer en cinq semaines, contre cinq mois dans le cadre d'une procédure normale. La pression sera intenable !
À l'heure actuelle, déjà, l'administration ne parvient pas à recevoir dans les délais les étrangers qui souhaitent déposer une demande d'asile – Stéphane Peu vient de le rappeler. Comment voulez-vous qu'elle y parvienne demain ?
De la même manière, à l'heure actuelle, 40 % des dossiers sont déjà traités en procédure accélérée. Quel serait le sens d'une procédure accélérée qui deviendrait la règle pour l'immense majorité des dossiers ? Au surplus, si l'instruction est de même qualité en procédure normale et en procédure accélérée, les demandeurs d'asile comprendront vite qu'il faut laisser passer le délai de 90 jours pour que leur demande soit traitée rapidement.
Cet article résume bien les limites de ce projet de loi : il ne réglera rien – à moins, bien entendu, que vous consentiez à approuver les quelques amendements de bon sens que nous présenterons tout à l'heure.
Comme M. Rupin nous l'a rappelé, nous en arrivons au coeur de ce projet de loi. Monsieur le ministre, vous l'avez annoncé de longue date : il s'agit de rendre plus efficace l'instruction des demandes d'asile et d'accélérer les choses afin de réduire le nombre de demandeurs d'asile en attente d'une décision présents sur le territoire national.
En même temps vous avez ouvert les dispositifs, et en même temps vous nous faites croire que vous allez prendre la chose au sérieux et rendre la procédure de demande d'asile un peu plus rapide et, de ce fait, plus efficiente.
En même temps, ce que vous nous proposez là sera surtout inefficace. En effet, l'essentiel de la procédure de demande d'asile dure aujourd'hui quatre mois, et demain trois mois. Il s'agit des délais dont disposent les étrangers pour formuler leur demande à compter de leur entrée sur le territoire national.
Il me semble d'ailleurs que trois mois constituent un délai tout à fait raisonnable. Le problème est tout ce qui suit, et tant que vous ne vous y attaquerez pas – je parle de la fiabilisation de la procédure, de la réduction des délais d'instruction et de recours ainsi que de la sécurisation, d'un point de vue juridique, des demandes d'asile – , vous n'améliorerez en rien la vitesse à laquelle elles seront traitées.
Par conséquent, le nombre de demandeurs d'asile en attente d'une décision présents sur le territoire national – pour un laps de temps souvent long – demeurera inchangé.
Lorsqu'ils sont déboutés du droit d'asile, après plusieurs années de présence sur le territoire national, et qu'ils ont épuisé toutes les voies de recours, ils font l'objet d'un plan de régularisation de masse : cela a été le cas avec la circulaire Valls et cela sera a priori le cas, monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous envisagez à l'issue du vote de ce projet de loi, comme vous l'avez annoncé dans Le Monde.
Comme cela a été précisé dans Le Monde : je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre. Le fait que vous ne répondiez pas à notre question laisse augurer que ce plan de régularisation deviendra une réalité.
Monsieur le ministre, avec cet article 5, vous prenez une fois de plus une orientation idéologique qui va à contre-courant du grand phénomène auquel nous avons tous à faire face : celui de l'augmentation des migrations à travers le monde.
Cette augmentation est due à plusieurs facteurs qui ont déjà été rappelés. Nous le savons, de plus en en plus de personnes doivent en effet fuir leur pays en raison des guerres, des conséquences du dérèglement climatique ou de catastrophes économiques.
Or vous durcissez les conditions d'accueil, vous accélérez les procédures et, en réduisant de 120 à 90 jours le délai de dépôt de la demande d'asile, vous créez en vérité, comme l'ont dit beaucoup de nos collègues, les conditions d'une dégradation des conditions d'examen de chaque demande.
Vous le faites à un moment où les travailleurs de l'OFPRA, qui se sont mobilisés dernièrement, dénoncent leurs conditions de travail et l'engorgement des procédures en raison du trop grand nombre de dossiers.
Nous avons également assisté à une assez longue grève des personnels de la CNDA. Or la loi de finances pour 2018 ne prévoit aucune augmentation de leurs moyens, alors même qu'ils vont avoir de plus en plus de dossiers à traiter.
Telle est la réalité, à tel point que même le Défenseur des droits s'est ému de la dégradation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile ! Tout cela va déboucher sur une situation détestable qui, d'un point de vue humaniste et républicain, ne peut qu'être réprouvée.
En vérité, la réforme fera que la procédure accélérée va devenir la norme. Or on ne peut pas honnêtement considérer – je le dis en tant qu'élu de Seine-Saint-Denis, mais chaque élu de la nation le voit bien – que l'examen des dossiers des gens qui se tournent vers notre pays en sera amélioré.
Je souligne les difficultés qu'éprouvent ces femmes et ces hommes qui ont dû fuir leur pays : ils se trouvent en effet placés, comme cela a été dit par plusieurs de nos collègues, dans des situations détestables.
Or, monsieur le ministre, vous allez dégrader les conditions d'accueil. L'article 5 doit donc être rejeté par tous ceux qui ont au coeur notre conception républicaine d'un pays à la longue tradition d'accueil qui prend le temps d'examiner les dossiers.
Je termine sur un détail : vous prévoyez désormais que les décisions de l'OFPRA peuvent être notifiées « par tout moyen », et non plus seulement par courrier.
Que recouvre concrètement cette mention ? Peut-être un simple mail, alors que le demandeur n'a souvent même pas la possibilité d'accéder à internet ? Pour toutes ces raisons, cet article doit être rejeté.
Il me semble que les arguments avancés par la majorité pour défendre cet article 5 sont absurdes. On nous dit : passer de 120 à 90 jours n'est pas si grave, le nouveau délai de trois mois reste plutôt raisonnable.
On nous dit encore : de toute façon, la procédure accélérée est aussi bonne que la procédure normale, et les personnels de l'OFPRA font bien leur travail. Du coup, je pose une question idiote : pourquoi ne pas prévoir une seule procédure, la procédure accélérée ?
En effet, le Gouvernement prétend que la procédure accélérée est identique à la procédure normale, et qu'elle ne s'en distingue que parce qu'elle va plus vite. Bref, c'est du win-win, ou gagnant-gagnant.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Allez-y donc ! Allez-y à fond ! Supprimez la procédure normale, et faites de la procédure accélérée la procédure de droit commun !
Vous savez évidemment, tout comme moi, qu'il existe une différence entre ces deux procédures, notamment s'agissant du rythme de travail des agents et de leur capacité à examiner les dossiers au fond.
La réforme restreint également le délai dans lequel la CNDA examine les recours. Un recours plus massif à la procédure accélérée pourrait d'ailleurs conduire à une recrudescence des contentieux, et donc à une multiplication des recours formés devant la CNDA.
Mais là aussi, vous avez trouvé la parade, puisqu'un article prévoit également la réduction du délai dans lequel le demandeur peut former un recours devant la CNDA.
Finalement, vous avez tout prévu, et dans un seul but : être plus expéditif dans le traitement des demandes et réexpédier plus de personnes étrangères dans leur pays. Tel est votre objectif avoué.
En réalité, cet épisode illustre la continuité de la lepénisation des esprits.
En effet, le Front national lui-même proposait que l'examen d'une demande d'asile se déroule dans un délai de six mois. Les fichés « L » sont d'ailleurs d'accord avec cette proposition.
Sourires.
En ce qui concerne les pays sûrs, nous nous accommoderons d'un petit amendement de repli. Pour finir, permettez-moi de vous signaler qu'en Allemagne, il n'existe aucun délai ; pourtant, les demandes d'asile y sont examinées plus rapidement que chez nous.
Aucun délai n'est en effet prévu outre-Rhin dans le cadre d'une procédure accélérée, sauf pour les pays sûrs. Nous en rediscuterons tout à l'heure.
Si la France s'honore de disposer d'une procédure permettant à chaque étranger de demander l'asile et d'être protégé, il est également nécessaire que ceux qui viennent y demander l'asile tout en sachant pertinemment qu'ils ne l'obtiendront pas in fine n'encombrent pas les services de l'OFPRA.
Cela permettrait aux véritables demandeurs d'asile de bénéficier de la protection de la France. En effet, l'objectif du Gouvernement est louable : réduire le délai de traitement des demandes d'asile.
Il n'est plus possible de laisser sans réponse des exilés qui ont été martyrisés, maltraités et menacés dans leur pays : il est nécessaire de pouvoir statuer sur leur cas le plus rapidement possible.
Or les délais observés actuellement sont inacceptables : dans le cadre d'une procédure normale, 449 jours – contre 228 dans le cadre d'une procédure accélérée – sont en effet nécessaires pour donner une réponse. L'on voit bien qu'une telle situation n'est plus tolérable.
Bien évidemment, la question des moyens humains se pose également : l'OFPRA a-t-il été suffisamment pourvu en personnels pour lui permettre de traiter l'ensemble des dossiers ? Nous devrons examiner cette question lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.
Quoi qu'il en soit, le dispositif prévu par l'article 5 ne permet en réalité ni concrètement ni réellement de réduire les délais d'examen des demandes d'asile.
L'on peut s'en inquiéter : l'objectif poursuivi ne sera en réalité atteint que s'agissant de la procédure d'appel auprès de la CNDA. En effet, nous gagnerons de ce côté-là quinze jours, les trente jours que nous gagnerons sur le délai de dépôt de la demande d'asile n'entrant pas dans le cadre de cette procédure. C'est dommage.
Quoi qu'il en soit, si cet article 5 marque un premier pas, il faudra concrétiser la démarche ainsi initiée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.
Sur ce projet de loi, la question des délais a constitué un vrai point de fixation. Oui, il faut sans doute accélérer les délais de traitement des demandes d'asile : ils sont aujourd'hui longs, c'est une réalité.
Au-delà de la question des délais, il faut à l'évidence que nous nous interrogions sur les conditions dans lesquelles les personnes concernées attendent que l'on statue sur leur demande.
En effet, elles se trouvent dans des situations difficiles et arrivent souvent en France après avoir traversé la Méditerranée dans des conditions que nous connaissons toutes et tous.
À côté de cette question des délais, celle de la notification des décisions est assez révélatrice de la problématique à laquelle nous sommes confrontés.
En réalité, elle peut se résumer ainsi : il faut instruire le dossier d'une personne quand celle-ci est en droit de rester dans notre pays car elle se trouve effectivement menacée dans son pays d'origine. Elle a vocation à rester dans notre pays et représentera sûrement un apport pour celui-ci.
Mais même quand une autre personne ne fait pas l'objet de menaces dans son pays d'origine, je considère qu'elle doit être traitée, pendant toute la durée de son séjour dans notre pays, selon tous les critères, tous les standards de notre droit français, de notre humanisme et de notre conception de la dignité humaine.
Il faut, autant que faire se peut, faire coïncider les différents délais du droit administratif et les délais applicables aux procédures devant la CNDA. Je pense en particulier à la notification : notre collègue Corbière regrettait la lettre avec accusé de réception.
Or cette dernière n'est pas non plus adaptée à des personnes sans domicile fixe et qui vivent dans une précarité extrême.
J'encourage donc le Gouvernement à mettre en place un système de notification dans lequel le demandeur puisse, en toute connaissance de cause, savoir comment et par quel moyen la décision lui sera notifiée.
Bon, eh bien voilà une toute petite mesurette administrative ! Nous la voterons, même si elle va dans un sens qui, il faut bien le dire, est un peu ridicule.
Vous le savez, les délais d'instruction des demandes d'asile par l'OFPRA et par la CNDA dépassent en moyenne treize mois.
C'est pourquoi nous demandons l'inscription dans la loi du délai incompressible de six mois d'instruction au-delà duquel la décision sera réputée défavorable.
Malgré cette toute petite mesure, il se trouve encore des députés, notamment au sein du groupe La République en marche, pour la contester. J'ai également entendu des collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – validant ainsi les propos que j'ai tenus hier soir – parler de professionnels du droit d'asile.
Oui, il existe dans notre pays des professionnels du droit d'asile, qui sont les gagnants de tout ce business. J'ai entendu un autre collègue parler de lepénisation des esprits, dont cette petite mesure serait une illustration.
Je m'apprêtais à dire : si seulement c'était le cas ! Je découvre cet après-midi que si certains députés représentent les Français de l'étranger, d'autres représentent surtout les étrangers en France !
Applaudissements sur certains bancs des députés non inscrits. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
Cela va vous surprendre : je n'ai pas du tout envie de voter cet article 5. En réalité, nous sommes en train de débattre pour pas grand-chose. Très franchement, cet article n'est ni à faire, ni à commenter, car il ne change rien.
Certes, on peut le voter, car son adoption permettra à ceux à qui l'asile sera accordé de bénéficier d'un statut un peu plus sérieux et un peu plus solide. Admettons.
Mais parlons de ceux qui seront déboutés du droit d'asile. Qu'ils le soient dans les délais aujourd'hui en vigueur ou dans ceux prévus par le projet de loi, la réponse est exactement la même.
Monsieur le ministre, je veux bien voter cet article si vous me certifiez que le raccourcissement des délais nous permettra de faire exécuter les décisions de l'OFPRA, comme celles de la CNDA, autrement dit le retour à la case départ des immigrés déboutés du droit d'asile.
Je veux bien le voter si vous me certifiez que les chiffres affligeants du nombre de reconduites à la frontière exécutées seront grâce à lui améliorés.
Or rien n'indique, dans le projet de loi que vous nous présentez, que les déboutés du droit d'asile seront plus facilement ramenés dans leur pays d'origine. Rien : ni les moyens supplémentaires, ni les procédures, qui ne changent pas.
En effet, une fois que le délai est expiré, sauf pour celui à qui l'asile est accordé – tant mieux, c'est le point positif, les choses iront plus vite – , cela ne changera strictement rien.
Je le répète : en général, le débouté quitte la juridiction d'appel les mains dans les poches. Il faut l'avoir vécu pour le savoir. Il appartient dans ce cas au préfet, lorsque c'est en son pouvoir, de lui signifier qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.
En général, la personne se trouvant dans une telle situation se rend – bien que vous nous ayez indiqué qu'il en existait très peu – dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, un CADA. Il est en effet rare qu'elle se rende d'elle-même dans un centre de rétention – il faudrait qu'elle soit masochiste pour le faire.
Par conséquent, que devient-elle ? Elle s'évanouit dans la nature, où il sera impossible de la retrouver. Mieux, des possibilités de recours lui sont offertes car, comme je l'ai dit, l'OFPRA n'étant qu'une instance administrative, ses décisions peuvent faire l'objet de recours. Le nombre de recours formés à l'encontre de ses décisions n'a donc pas diminué.
En réalité, vous vous êtes livré à un splendide numéro de communication, monsieur le ministre.
Je termine, madame la présidente, en félicitant le ministre : il a été un communicant exceptionnel, et cela a parfaitement marché avec vous, mes chers collègues : …
exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
… vous avez cru qu'il s'agissait de répression alors qu'en réalité, ce n'est rien du tout ! Rien n'est modifié !
L'intervention de notre collègue du Front national et celle de M. Goasguen donnent la teneur de cette discussion.
Cette réduction de la durée d'instruction, alors même que les 120 jours ne s'appliquent que depuis la loi de 2015 et que celle-ci a déjà conduit, comme l'a rappelé Jeanine Dubié, à une réduction de moitié par rapport à ce que l'on connaissait précédemment et à nouveau aujourd'hui, est en fait un chiffre très politicien. On le voit d'ailleurs dans la gêne manifestée par un certain nombre d'intervenants de la majorité – j'ai ainsi entendu Bruno Fuchs dire que c'était bien de réduire pour accélérer, mais qu'en même temps il faudrait garantir tous les droits de la défense… Tout cela ne sert à rien : il fallait continuer à appliquer la loi en se donnant les moyens d'accélérer l'étude des dossiers et de ne pas faire de cette question une question politicienne.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous considérons que cet article, après le précédent, constitue à la fois le coeur du débat et le coeur de l'opposition à ce texte. Il ne s'agit pas seulement d'une divergence entre groupes parlementaires, ceux qui s'y opposent s'en étant déjà expliqués, mais bien d'un refus de la part de nombreuses associations, mais aussi de collectifs représentant des professionnels ou des magistrats, du Défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, etc. La réduction de 120 à 90 jours du délai de dépôt de la demande d'asile à compter de l'entrée sur le territoire au-delà duquel s'applique la procédure accélérée ne va pas améliorer le traitement de ces dossiers, y compris du point de vue des agents de l'OFPRA. Je rappelle que ceux-ci sont d'ailleurs mobilisés contre ce projet de loi. J'ai entendu à plusieurs reprises Mme la rapporteure saluer et louer l'action de ces agents, reconnaissant ainsi leur travail : mais les a-t-elle vraiment entendus quand ils ont revendiqué leur opposition à cette procédure ? Toutes celles et tous ceux qui les ont entendus le savent. J'ajoute que leur opposition porte aussi sur la faiblesse des augmentations d'effectifs prévues par le projet de loi de finances, bien moindres que celles qu'il faudrait pour assurer un minimum de traitement sérieux des dossiers. On peut louer en paroles, mais en actes, c'est différent quand on charge la barque d'encore plus de dossiers, à un rythme qui ne permet pas de tenir compte des trajectoires particulières, de la sensibilité, de tel aspect de l'identité de la personne, car on ne peut alors rendre des décisions garantes des droits des personnes. En plus, à force de louer la vitesse, on finit par se précipiter, et c'est au détriment à la fois des migrantes et migrants, et du travail des agents, qui souffrent de ne pas pouvoir rendre des avis conformes à ce qu'ils devraient. C'est pourquoi le groupe La France insoumise appelle à s'opposer à cet article.
Réduire de 120 à 90 jours le délai courant à compter de l'entrée sur le territoire pour déposer une demande d'asile, au-delà duquel l'autorité administrative pourra examiner ladite demande selon la procédure accélérée, va inexorablement conduire plus de demandeurs d'asile à être placés sous ce régime. La première raison, c'est le parcours des migrants les plus traumatisés – les non francophones, des personnes désorientées, parfois victimes de violences dans leur errance. L'autre raison, ce sont les retards imputables à l'administration. En effet, les demandeurs d'asile peuvent attendre actuellement jusqu'à un à deux mois avant d'accéder à une plate-forme d'enregistrement, délai auquel il faut ajouter vingt-cinq à quatre-vingt-dix jours d'attente avant l'enregistrement en préfecture de leur demande – voire quatre mois dans certains départements d'outre-mer.
De plus, réduire le délai de dépôt pour un demandeur désorienté, ne connaissant pas forcément les démarches, c'est réduire d'autant les possibilités de présenter correctement sa demande, a fortiori pour une personne traumatisée. En 2016, 39 % des demandes d'asile ont été examinées selon la procédure accélérée, et en 2017, 46 %. Ce n'est donc plus une exception, mais presque le régime de droit commun. Placer, par esprit de système, les demandes hors délai en procédure accélérée ne facilitera pas davantage le travail de l'Office et ne garantira pas des délais adéquats pour le traitement des demandes les plus délicates…
… alors même que la mission de l'Office le conduit à adapter l'instruction à la complexité de chaque demande. Or, comme a relevé la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dans un courrier adressé le 8 mars 2018 au président de notre assemblée et à la commission des lois, les lignes directrices sur la protection des droits de l'homme dans le contexte des procédures d'asile accélérées, adoptées en 2009 par le comité des ministres du Conseil de l'Europe, précisent notamment que la vulnérabilité des demandeurs d'asile et la complexité des affaires devraient être dûment prises en compte lorsqu'il est décidé d'appliquer ou non les procédures d'asile.
C'est pourquoi je crois que ce délai est par nature restrictif des libertés et surtout de l'accès au droit, et ne fera qu'amplifier les problèmes déjà rencontrés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NG et FI et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté. Vous avez présenté votre projet comme humaniste et pragmatique. S'agissant de l'humanisme, raccourcir les délais de traitement des dossiers de 120 jours à 90 jours, c'est en effet limiter ces attentes dans des conditions que vous avez vous-même qualifiées d'inacceptables. Mais raccourcir les délais ne signifie pas traiter moins bien.
Vous avez même la réponse à ceux qui pensent que si : 15 équivalents temps plein sont prévus à cet effet. Je me suis livrée à un petit calcul, monsieur le ministre : les agents de l'OFPRA pourront compter sur 15 équivalents temps plein, selon la loi de finances, pour traiter 20 000 nouvelles demandes, à savoir vingt-cinq dossiers par jour ouvré et par agent. Pensez-vous qu'un agent puisse traiter de façon correcte un tel nombre de dossiers ?
Ce n'est pas possible. Il va donc falloir trouver d'autres arguments pour démontrer l'humanité de votre loi.
Entre l'humanisme et la fermeté, tâchons de mettre un peu de coeur. À cette fin, j'invite les collègues à partager avec moi une petite réflexion. La Guyane, c'est 300 000 habitants, dont 50 000 personnes apparemment en situation irrégulière, beaucoup sollicitant l'asile. Bon an mal an, 97 % de celles-ci sont déboutées et demeurent sans véritable solution, hormis le combat qu'elles doivent mener pour s'assurer une intégration, plus ou moins réussie, au sein de notre société. Cette situation nous pose de véritables problèmes en Guyane, à commencer par ceux qui ont la responsabilité de diriger cette région – construction d'écoles, de collèges et de lycées, construction de logements et des équipements structurants qui vont avec. Le fait que la Guyane ait toujours été une terre d'immigration n'efface pas nos inquiétudes et notre volonté d'assurer une meilleure régulation de ces flux migratoires.
Toutefois, chers collègues, je vous surprendrais si je vous annonçais que la formulation de cet article est de la tartelette sucrée à côté du décret Guyane concocté récemment par le ministère de l'intérieur et qui dispose qu'un étranger aura un délai de sept jours, je dis bien sept jours, pour introduire sa demande complète auprès de l'OFPRA…
... alors que si on passe de 120 jours à 90 jours en métropole, nombre d'entre vous poussent des cris d'orfraie. Son dossier une fois instruit dans un délai de vingt et un jours, le requérant ne va pas recevoir la notification par La Poste, puisqu'il devra venir la récupérer directement au bureau de l'OFPRA. Ensuite, l'entretien doit avoir lieu dans un délai de huit jours, permettant ainsi à l'OFPRA de statuer dans un délai de quinze jours à compter de l'introduction de la demande. À ce jour, en Guyane, le délai est de trois mois et demi, monsieur le ministre, et votre texte propose de le ramener à deux mois. La Convention de Genève, je le rappelle, exige que chaque dossier soit analysé avec le plus grand sérieux.
À moins de sortir la Guyane de l'article 73 de la Constitution qui consacre le principe de l'identité législative, il nous faut trouver une mesure intermédiaire entre l'humanisme et la fermeté pour éviter de déshumaniser la relation que notre république entretient avec le reste du monde. Je regrette par ailleurs que les parlementaires de Guyane n'aient pas été associés à la réflexion concernant la rédaction de ce décret. Mais j'aurai l'occasion de présenter un amendement...
Votre temps de parole est écoulé, monsieur le député.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
Monsieur le ministre, l'Arménie a légalisé l'homosexualité en 2003. Mais, pour autant, c'est une homophobie quotidienne que les personnes LGBT – lesbiennes, gays, bi et trans – subissent dans ce pays : 198 crimes de haine de 2010 à 2015, 6 000 personnes ayant fui entre 2011 à 2015. Et pourtant, l'Arménie est sur la liste des pays sûrs établie par l'OFPRA. Ce n'est pas l'ajout de l'orientation sexuelle dans cet article en commission qui changera les choses, car l'homophobie n'y est pas de jure, mais de fait au quotidien. Cette liste de pays soi-disant sûrs est bien un véritable problème que cet article, bien loin de résoudre, complique au contraire.
Ces personnes LGBT ont subi la discrimination, de mauvais traitements dans leur pays d'origine et, à leur arrivée en France, elles souffrent principalement de graves traumatismes psychiques. Dès lors, il est difficile pour elles de s'exprimer, de verbaliser, de construire leur dossier sur des bases solides. Et réduire le délai complexifie grandement leur cause. Cet article est une véritable attaque contre l'ensemble de ces réfugiés qui demandent seulement à pouvoir venir vivre libres en France sans craindre les discriminations.
Je crois que nos débats vont certainement permettre d'amender certains points pour avancer dans le bon sens.
Il participe de l'objectif de maîtriser des délais d'instruction et de dissuader des demandes pouvant apparaître comme étrangères à un besoin de protection. Mais je crains que la dissuasion soit au premier plan, sans qu'il y ait distinction entre les demandeurs qui éprouvent un besoin de protection et ceux qui en ont réellement besoin. On arrive dans ce qu'on a pu appeler « l'ère du soupçon », et il faut être extrêmement vigilant à cet égard.
Au MODEM, nous sommes évidemment tous convaincus qu'il faut raccourcir les délais pour que les dossiers soient pris en charge dans un laps de temps raisonnable, mais l'administration va-t-elle suivre derrière ? Alors qu'elle est déjà dépassée, en aura-t-elle les moyens ? Je n'en suis absolument pas convaincu. Imaginons que le demandeur se trouve en Alsace-Moselle – où nous avons une particularité, c'est-à-dire quelques jours fériés supplémentaires – : si la décision lui est notifiée le jour même, un jeudi, la veille du vendredi saint, s'ensuivent le samedi, le dimanche et le lundi de Pâques… Et on arrive déjà à cinq jours de perdus. Mais comment va faire cette pauvre âme errante qui va devoir trouver une solution alors qu'il ne lui reste plus guère de temps pour trouver un interprète ?
Car se pose aussi la question de la langue : que signifie avoir « une connaissance suffisante » d'une langue ? Il s'agit là d'une formulation dont la subjectivité interpelle.
L'information se fera « par tout moyen » – mais quels sont-ils, ces moyens ? Il faut être sûr que ce sera effectif !
Il y a donc dans cet article un certain nombre d'écueils. On peut réduire les délais, mais pas au détriment des droits fondamentaux de la défense ni de la sécurité juridique.
Et encore, je n'ai pas abordé le sujet des mineurs, qui se verront imposer des procédures accélérées !
La parole est à M. le ministre d'État, pour répondre aux trente-quatre orateurs inscrits sur l'article.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, le présent projet de loi vise à ce qu'une décision concernant une demande d'asile puisse être rendue en l'espace de six mois. Il s'agit de dire à la personne qui aura le droit à un asile en France qu'au bout de six mois, elle pourra commencer à s'intégrer dans la société française et entamer son parcours dans notre pays. Ce sera bien évidemment quelque chose de favorable pour celles et ceux qui se verront reconnaître ce droit.
Quant aux personnes qui auront été déboutées, comme j'ai déjà eu l'occasion de le signaler, vu que la décision aura été donnée en six mois, cela leur permettra de ne pas rompre leur lien avec leur pays. Ce sera donc aussi quelque chose de favorable pour eux.
Ce qui fait aujourd'hui l'inhumanité de nos procédures, c'est le fait que des gens doivent attendre deux, voire trois ans sans savoir s'ils auront ou non droit à l'asile.
Sur cet article 5, il y a beaucoup de questions. Je le comprends – il y en avait déjà eu beaucoup en commission. Je signale d'ailleurs que lors de la réforme de 2015, il y avait déjà eu beaucoup de discussions sur la procédure accélérée.
Je voudrais lever un certain nombre de malentendus.
Comme vous le savez, la procédure accélérée devant l'OFPRA, en cas de demande d'asile, peut être mise en oeuvre dans trois cas de figure. Premièrement, lorsque la loi le prévoit : c'est le cas pour les personnes provenant d'un pays d'origine sûr et pour les demandes de réexamen d'une demande d'asile. Deuxièmement, à l'initiative de l'OFPRA, en cas d'utilisation de faux documents ou de dissimulation d'informations par le demandeur. Troisièmement, à l'initiative du préfet, sur les mêmes fondements ou si le demandeur représente une menace grave pour l'ordre public. Dans le cadre d'une procédure accélérée, l'OFPRA est tenu de statuer sur la demande d'asile dans un délai plus rapide, de même que la CNDA, qui statue dans un délai de cinq semaines, contre cinq mois dans le cadre d'une procédure normale.
En moyenne, 39 % des demandes d'asile sont examinées dans le cadre de la procédure accélérée.
La très grande majorité de ces procédures concernent des personnes provenant d'un pays d'origine sûr, comme – nous en avons déjà parlé longuement – l'Albanie, la Géorgie, etc. Je signale que la liste des pays d'origine sûrs est arrêtée par le conseil d'administration de l'OFPRA ; c'est donc l'OFPRA qui décide quels sont les pays sûrs et quels sont ceux qui ne le sont pas.
Le problème que nous rencontrons aujourd'hui, c'est que, si l'on examine les chiffres des demandes d'asile durant ces derniers mois, on note que beaucoup proviennent de pays d'origine sûrs. Il s'agit donc d'utiliser une procédure qui permette de faire en sorte que l'on applique ce qu'est aujourd'hui le droit d'asile, à savoir que celui qui est un réfugié ait l'asile, mais que celui qui est simplement un migrant provenant d'un pays d'origine sûr soit renvoyé dans ce pays. Cela me semble normal.
Votre but est donc bien de renvoyer, non d'examiner sérieusement la demande. Applaudissez, à droite !
D'autant plus qu'il arrive – j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire – que les ressortissants d'un certain nombre de pays entrent en France sans visa et que la première chose qu'ils fassent soit de déposer une demande d'asile. D'où l'embolie de tous nos dispositifs, que ce soient les procédures de demande d'asile ou les centres d'hébergement.
C'est à ceux-là que nous souhaitons donner une réponse.
Comment faire ? Bien évidemment, il faut des moyens. Je vous signale que ces moyens, nous les donnons, puisque nous créons cette année 150 équivalents temps plein pour les services s'occupant des étrangers, 35 pour l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, 15 pour l'OFPRA et 51 pour la CNDA.
Exclamations sur les bancs des groupes LR, NG, FI et GDR.
On me dit : pour l'OFPRA, ce n'est pas beaucoup. Toutefois, je signale qu'en l'espace de trois ans, nous avons augmenté – je me place dans la continuité de mes prédécesseurs – …
… de 80 % les moyens de l'OFPRA.
Voilà ce qui permet de donner des réponses plus rapides.
D'autre part, nous créons un certain nombre de centres d'accueil et d'examen des situations – CAES. Il en existe maintenant dans chaque région, ce qui permet d'accueillir les demandeurs et en même temps de faire l'examen de leur situation.
Évidemment, ceux qui seront déboutés, il faudra les éloigner.
Nous examinerons cette question dans le cadre des articles qui viendront ultérieurement. Et, comme toujours, nous le ferons avec beaucoup d'humanité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance de trois minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.
L'article 5 prévoit de nombreux rabotages des droits des demandeurs d'asile, comme ceux que mes collègues ont cités précédemment, regardant les délais de dépôt ou l'information, qui sera faite non plus par courrier, mais « par tout moyen ». Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une méconnaissance des réalités de la part du Gouvernement et de la majorité ; je crois qu'au contraire, ils les connaissent fort bien. Ici, la volonté n'est pas de coller à la réalité, mais d'accélérer les procédures pour moins bien traiter et mieux expulser. Je constate d'ailleurs un certain art de l'usage de la novlangue et de l'oxymore dans le martèlement des mots « humanité » et « efficacité », comme s'il s'agissait de concepts de marketing.
La vérité, c'est que cet article vise à faire en sorte que la plupart des demandes d'asile soient désormais examinées en procédure accélérée.
Or on sait que cette procédure est aujourd'hui utilisée, la plupart du temps, …
… pour des demandes dont on sait qu'elles vont être refusées.
Cela veut dire que celles et ceux qui examinent la demande, avant même de l'avoir étudiée, la passent en procédure accélérée. Ils la traiteront moins bien ou, en tout cas, plus vite, parce qu'ils savent qu'ils la refuseront.
Vouloir tout passer en procédure accélérée est donc la marque du soupçon permanent.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Monsieur le ministre Gérard Collomb, vous êtes décidément un grand humaniste ! Vous arrivez de plus à nous faire prendre des vessies pour des lanternes : vous nous avez expliqué que cet article concourt à réduire les délais de décision de l'OFPRA – chacun peut s'accorder sur ce point – , sauf que ce n'est pas du tout ce que prévoit l'article ! Raccourcir le délai de demande des demandeurs d'asile et raccourcir les délais de l'OFPRA, ce n'est pas la même chose. Ne nous faites pas croire que c'est le but de cet article !
Au contraire, cet article est un rabot majeur sur les droits des demandeurs d'asile : en passant d'une procédure dite normale à une procédure accélérée, les délais passeront de 120 à 90 jours. Rappelons que la procédure accélérée est une procédure dégradée en termes de décision, au nom des moyens de l'OFPRA et de la CNDA. Au lieu de donner les moyens nécessaires pour absorber l'augmentation des demandes d'asile, vous adaptez la demande d'asile aux moyens budgétaires. Vous nous faites souvent cela dans bon nombre de domaines – mais le problème, en l'occurrence, c'est que cela concerne un domaine qui ne devrait pas pouvoir être dégradé.
Vous nous dites sans arrêt que vous voulez renforcer les droits des demandeurs d'asile en France par rapport aux autres migrants. En réalité, ce n'est ni l'un, ni l'autre : le présent article marque le début d'une dégradation de la demande de droit d'asile en France, tout comme les articles suivants. Vous en faites un parcours du combattant.
De plus, vous vous abritez derrière des réglementations européennes telles que la directive « procédures » du 26 juin 2013, qui ne spécifie aucune durée – ni 90, ni 120 jours. En réalité, vous prenez une décision unilatérale qui durcira les conditions d'accès au droit d'asile.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
J'ai entendu dans la défense de ces deux amendements, comme pendant la discussion générale, beaucoup de confusions. Ne nous y trompons pas : l'intérêt des demandeurs d'asile eux-mêmes est d'entrer rapidement dans la demande d'asile. Avant d'être demandeurs d'asile, ils n'ont pas accès aux conditions matérielles d'accueil…
… c'est-à-dire qu'on ne leur propose pas d'hébergement, ni d'allocation, et qu'ils ne bénéficient pas d'un suivi administratif par les plateformes d'accueil.
Ils demeurent à la merci de tous les prédateurs, d'autant plus s'il s'agit de personnes en situation de vulnérabilité. Il y a donc un intérêt à ce que cette demande d'asile soit présentée en trois mois plutôt que quatre. Oui, il est difficile de construire un récit en trois mois, mais il y a des maraudes qui expliquent comment demander l'asile.
Nous proposons d'introduire la demande d'asile en s'inscrivant à un guichet unique, sans réduire le délai légal de vingt et un jours pour préparer ensuite le dossier. Il y a donc bien trois mois, plus les vingt et un jours pour préparer le dossier : la prise en charge est non seulement correcte, mais surtout humaine.
De plus, je vous rappelle que l'inscription en guichet unique prend encore parfois trop de temps. Ce sont des motifs légitimes qui peuvent être invoqués par les demandeurs d'asile en préfecture pour ne pas être placés en procédure accélérée. Cela ne sera jamais imputable au demandeur d'asile.
Pour ce qui est de l'alinéa concernant la notification par tout moyen, un amendement a été adopté par la commission pour garantir la réception personnelle. Je partage en effet le souci exprimé par notre collègue Mbaye : il faudra travailler à la satisfaction technique de cet amendement. Comme Pascal Brice nous l'a indiqué – cela a été confirmé par les agents de l'OFPRA – , il y a actuellement une réflexion pour la mise en place d'une plateforme électronique permettant de garantir l'exécution technique de l'amendement et la réception personnelle par les demandeurs d'asile. Avis défavorable à ces amendements de suppression.
Même avis que Mme la rapporteure.
Tout d'abord, les associations que vous citez, madame la rapporteure, sont absolument toutes contre votre projet de loi et contre cet article précisément. Arrêtez donc de les citer à la rescousse de votre argumentaire, ou alors allez jusqu'au bout et rappelez leur position concernant votre proposition !
Si la réduction de ce délai avait un effet si efficace sur le demandeur d'asile pour l'inciter à déposer très vite sa demande, alors un pays comme l'Allemagne, qui a accueilli beaucoup de demandeurs d'asile, aurait retenu ce type de délai pour inciter les personnes à déposer leur demande plus rapidement ; or, il n'existe pas de tel délai en Allemagne. La procédure accélérée concerne uniquement les pays sûrs figurant dans la liste dont vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre – et je trouve que c'est déjà trop !
Oui, le nombre de demandes passant par la procédure accélérée augmente : c'est bien là votre objectif ! Vous voulez faire de la procédure accélérée la norme afin de tout accélérer, pour les gens que l'on accueille et surtout pour ceux que l'on expulse – vous l'avez dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre.
Si les demandeurs prennent du temps, c'est à la fois pour reconstituer leur récit et parce qu'ils éprouvent parfois de la méfiance à l'égard de l'action de l'État. Il est donc nécessaire de renouer la confiance. Or cela me semble compliqué quand on voit des actions comme celle menée aujourd'hui par nos forces de police à Calais, qui sont en train d'expulser le camp des Verrotières, installé depuis une petite semaine, sans aucun arrêté ni aucun formalisme juridique et sans permettre aux migrants de récupérer leurs affaires dans les tentes. C'est cela, l'accueil ? C'est cela, l'humanisme ?
Madame la rapporteure, j'ai bien entendu vos précisions. Vous en appelez aux associations ou aux agents de l'OFPRA et de la CNDA, eux-mêmes en grève pour protester contre les mesures contenues dans l'article 5, mais pas seulement. Au-delà des revendications sur ce texte, ils disent les faibles moyens dont ils disposent pour répondre à la demande, alors même que le délai est actuellement de 120 jours : non seulement leurs moyens seront réduits, mais ils se battent pour pouvoir assurer les droits des demandeurs d'asile.
Vous dites que certaines associations seraient en accord avec cette proposition ; nous n'avons certainement pas rencontré les mêmes. Je veux leur tirer un coup de chapeau, car c'est souvent grâce à elles que les délais peuvent être respectés aujourd'hui.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.
Si les demandeurs d'asile ne croisent pas leur chemin à un moment, ils n'arrivent pas à déposer dans le délai de 120 jours. Sans ces associations, qui sont présentes et font les maraudes dont vous avez parlé, ils n'arrivent pas à déposer leurs dossiers. Expliquer que certaines d'entre elles – je ne sais pas lesquelles – seraient en accord avec cette proposition, ce n'est pas leur rendre hommage.
Depuis tout à l'heure, je me pose une question : les défenseurs du délai de 120 jours peuvent-ils nous indiquer la proportion de dossiers déposés entre le quatre-vingt-dixième jour et le cent vingtième jour dans la pratique actuelle de la loi, afin de justifier que ce délai soit éventuellement pérennisé ?
Pour en revenir à ce que M. le ministre a dit tout à l'heure, il nous importe aujourd'hui de sécuriser le parcours des personnes concernées : en fixant des délais les plus courts possibles, nous renforçons leur capacité à s'intégrer le cas échéant ou à préparer leur retour accompagné dans leur pays. Toutes ces raisons nous invitent à voter contre les amendements proposés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que si vous aviez demandé une suspension de séance, c'était pour aller chercher les informations que nous vous demandons depuis deux jours.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Comme vous avez oublié de reprendre la parole en revenant de la suspension de séance, je me permets de vous rappeler nos deux principales questions – il y en a d'autres. La première porte sur les résultats de l'étude d'impact de la réunification familiale, tandis que la deuxième porte sur l'existence, révélée par le journal Le Monde, d'un plan de régularisation massive de 40 000 personnes qui aurait été négocié avec le groupe La République en marche pour faire rentrer dans le rang les récalcitrants.
Merci, monsieur le ministre, de nous donner les informations que vous venez d'obtenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je veux juste revenir sur ce qu'a dit Bruno Questel. La réduction du délai de 120 jours est tout à fait raisonnable, d'autant qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de demandes déposées entre 90 et 120 jours. Cette volonté de réduire les délais est importante.
Une précision pour nos collègues Les Républicains : arrêtez un peu de faire de l'obstruction ! Ce n'est pas comme cela que l'on avancera !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous savons que vous voulez aller jusqu'à dimanche, voire au-delà ! Arrêtez de poser éternellement, sempiternellement la même question ! Nous sommes passés à d'autres sujets, alors prenez position, prenez la parole sur un amendement et montrez au moins que vous vous intéressez un peu à la question !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Depuis le début, nous subissons vos digressions indignes, quasi délirantes et obsessionnelles. Vous pointez des chiffres que vous inventez et que vous fantasmez pour justifier vos propos !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Franchement, ce serait bien que l'on passe vraiment au fond du texte : arrêtez cette mascarade !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le groupe Les Républicains votera contre ces amendements. Nous demandons une suspension de séance en raison des propos de notre collègue, car nous avons été profondément insultés dans ce que nous proposons.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur Ciotti, c'est vous qui avez la délégation pour demander une suspension de séance. Je vous propose de passer au vote par scrutin public de ces deux amendements avant de suspendre la séance.
Je veux simplement dire qu'il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 124 |
Nombre de suffrages exprimés | 122 |
Majorité absolue | 62 |
Pour l'adoption | 12 |
contre | 110 |
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 902 .
Par cet amendement, nous proposons de rattacher l'OFPRA au ministère des affaires étrangères pour rétablir un droit d'asile déconnecté des politiques migratoires et augmenter son budget de fonctionnement.
Depuis le début de nos débats, nous n'avons cessé de vous dire qu'il y avait une erreur dans l'intitulé du projet de loi, qui associe le droit d'asile et l'immigration. Nous contestons cette logique, et notre demande de détacher l'OFPRA du ministère de l'intérieur pour le rattacher au ministère des affaires étrangères s'inscrit totalement dans notre critique de votre texte.
Depuis sa création en 1952 jusqu'à la présidence de Nicolas Sarkozy, l'OFPRA était rattaché au ministère chargé des affaires étrangères ; ce n'est en effet qu'en 2010 que l'Office est passé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, qui a donc récupéré la compétence de l'asile. Rétablir la tutelle du ministère des affaires étrangères est la meilleure manière de rappeler la spécificité des protections internationales que sont les statuts de réfugié, de protégé subsidiaire et d'apatride.
Le ministère de l'intérieur a la tutelle des deux organismes en charge du traitement des demandes d'asile, de l'obtention des conditions matérielles d'accueil et de l'intégration des réfugiés que sont l'OFII et l'OFPRA. Il est important que ces deux structures puissent travailler ensemble comme elles le font. Il convient donc de les laisser toutes les deux sous la tutelle du ministère de l'intérieur.
Par ailleurs, l'OFPRA ne reçoit aucune instruction pour l'accomplissement de ses missions ; son indépendance est garantie et ne dépend pas du ministère qui exerce sur lui la tutelle. Nous veillerons tous à ce que cette indépendance perdure.
J'émets un avis défavorable à l'adoption de cet amendement.
Madame la rapporteure, sous-amendez notre amendement, afin de placer et l'OFPRA et l'OFII sous la tutelle du ministère des affaires étrangères !
Il ne s'agit pas de remettre en cause l'indépendance de l'OFPRA, mais de déployer une vision du droit d'asile. Ce dernier est lié à la convention de Genève et aux migrations forcées. C'est un enjeu international, si bien que l'OFPRA devrait être placé sous la tutelle du ministère chargé des affaires étrangères ; les dimensions internationale, géopolitique et climatique de la question des apatrides et des réfugiés pourraient ainsi être mieux prises en compte. Cela permettrait aussi d'élargir la focale et de réfléchir à des sujets comme la nécessité de nouveaux statuts.
Contrairement à ce que vous avez décidé, il serait opportun de déconnecter l'asile, qui a une valeur constitutionnelle et qui porte sur le respect de la convention de Genève, de la politique migratoire, dont le droit d'asile n'est pas une variable d'ajustement.
Vous n'avez aucun argument de fond à nous opposer, et vous pourriez sous-amender notre amendement. Vous avez fait une réponse technique, qui n'est pas à la hauteur de la discussion sur les migrations forcées et l'asile. J'espère que la majorité entendra cet argument de bon sens, qui permettrait de donner de la hauteur et une vision globale à un débat qui en manque singulièrement.
L'amendement no 902 n'est pas adopté.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l'amendement no 566 .
L'alinéa 3 de l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'absence de toute instruction du ministère de l'intérieur à l'OFPRA, paraît surprenant, alors que le pouvoir d'instruction va souvent de pair avec le pouvoir hiérarchique. Afin de lever toute ambiguïté, il nous paraît plus opportun de spécifier et de consacrer le principe d'indépendance de l'OFPRA. C'est ce que propose cet amendement.
Avis défavorable. La rédaction actuelle du code est suffisamment claire pour garantir l'indépendance de l'OFPRA.
Avis défavorable.
Cet amendement, qui aborde la question de l'indépendance, nous offre l'opportunité de rebondir sur la suspension de séance qui vient de s'achever. Dans cet hémicycle, nous sommes toutes et tous, quel que soit notre groupe politique, indépendants et libres de nos propos. Ce n'est peut-être pas l'usage au sein de la majorité, mais nous jouissons pleinement de cette liberté au sein du groupe Les Républicains.
Peut-être pouvez-vous trouver, par moments, notre persévérance agaçante, mais c'est le propre du débat parlementaire de nous laisser la liberté de demander au Gouvernement de rendre des comptes et de transmettre les éléments dont nous avons besoin pour éclairer nos décisions. Peut-être que cela ne vous plaît pas, mais ce sont les règles du jeu. C'est ce que l'on appelle une démocratie parlementaire.
Bien sûr, vous souhaitez revenir là-dessus, et nous avons bien compris la teneur des nouvelles règles que vous voulez instituer et des projets de loi qui arrivent. L'intervention de Mme Gourault, hier soir, était scandaleuse du point de vue du droit constitutionnel.
Nous vous le redemandons une nouvelle fois, monsieur le ministre d'État : quand allez-vous enfin nous donner les chiffres que nous vous demandons depuis le début de la semaine ?
Cet amendement est intéressant et s'inscrit dans la même veine que le précédent que nous avons défendu, qui cherchait à se distancier de certaines logiques sécuritaires. Le programme budgétaire « Immigration et asile » se trouve d'ailleurs dans la mission « Sécurités », ce qui n'est pas neutre ; il pourrait être placé dans une autre mission budgétaire.
Ces amendements, en redonnant toute leur valeur à l'OFPRA et, potentiellement, à l'OFII, vont dans le bon sens. J'aurais été favorable au rattachement de ces deux organismes au ministère chargé des affaires étrangères. Le ministre de l'intérieur a suffisamment de compétences, et il conviendrait de le soulager pour qu'il puisse se concentrer sur d'autres tâches. Ce serait plus intéressant que de poursuivre à tout prix la logique visant à expulser de ce pays le plus de réfugiés possible.
« Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant », et en l'espèce, cela ira mieux en l'écrivant : on nous assure que l'OFPRA est indépendant, mais si ce principe est aussi assuré que vous le dites, écrivons-le dans le droit. Cela permettra de le garantir.
Même si ce Gouvernement en fait un principe absolu, un autre Gouvernement pourrait, demain, revenir dessus, avec d'autant plus de facilité qu'il n'aurait pas été inscrit dans la loi.
L'amendement no 566 n'est pas adopté.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l'amendement no 567 .
La composition actuelle du conseil d'administration de l'OFPRA, telle que prévue par l'article L. 722-1 du CESEDA, favorise très largement les représentants de l'État. Cela pourrait créer des soupçons sur la réalité de son autonomie. Cet amendement propose donc de doubler le nombre de parlementaire membres de ce conseil. En outre, et en raison des missions attribuées à la Commission nationale consultative des droits de l'Homme – CNCDH – , nous souhaitons que son président prenne part aux délibérations du conseil d'administration de l'OFPRA avec voix consultative.
Une composition pléthorique n'est pas un gage de qualité pour un conseil d'administration. Pour mémoire, dans le conseil d'administration de l'OFPRA siègent un représentant du Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, le directeur du Forum réfugiés, la directrice du Centre national de la recherche scientifique – CNRS – , la directrice d'exploitation d'ADOMA, deux députés, deux sénateurs, deux membres du Parlement européen, des représentants de l'État et des représentants de l'OFII. La composition de ce conseil d'administration est suffisamment équitable, et j'émets un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
Je rappelle à notre assemblée que le directeur général de l'OFPRA est nommé par le Gouvernement. En matière d'indépendance, …
Chers collègues, le directeur général de l'OFPRA est nommé par les services du ministère de l'intérieur. Comme nous l'avons démontré tout à l'heure, il est certes nécessaire que l'OFPRA soit indépendant et dispose de moyens, mais il est surtout nécessaire qu'il dépende du ministère des affaires étrangères et non de celui de l'intérieur.
Il y va du sens de la politique que nous voulons mener et du respect du droit d'asile, qui doit être distinct des autres enjeux migratoires. Cette confusion est à l'origine du projet de loi dont, malheureusement, nous débattons – qui constitue, en matière de droits humains, un immense recul au regard des conventions internationales.
Par-delà les différences qui nous séparent du Gouvernement, il faut défendre la belle idée de la continuité de l'État. J'apporte donc mon soutien à M. le ministre d'État sur la question précise du périmètre du ministère de l'intérieur.
Voici une dizaine d'années, nous nous la sommes posée. Un choix structurel a été fait, consistant à intégrer dans le périmètre du ministère de l'intérieur l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – qui jouit certes d'une pleine indépendance de décision, mais qui n'en est pas moins inscrit dans le périmètre de la place Beauvau – ainsi que l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Ce choix fondamental, fait il y a dix ans, je me réjouis que les gouvernements de François Hollande comme ceux d'Emmanuel Macron ne l'aient pas remis en cause, …
… car il est d'intérêt général. J'ajoute, chers collègues, qu'une belle preuve d'indépendance de l'OFPRA vous est donnée en la personne d'Éric Ciotti, qui siège à son conseil d'administration.
Sourires.
Madame la rapporteure, je regrette la fin de non-recevoir que vous opposez à notre amendement, car notre proposition ne modifie pas fondamentalement l'esprit de l'article 5.
Quant au risque de rendre pléthorique le conseil d'administration de l'OFPRA, je vous fais observer que notre proposition augmente le nombre de ses membres de cinq, ce qui n'a nullement vocation à limiter le périmètre d'intervention de l'État, qui demeure parfaitement représenté au sein du conseil d'administration. Je maintiens donc l'amendement.
L'amendement no 567 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 900 .
Il vise à supprimer la procédure accélérée d'examen des demandes d'asile, qui permet de les traiter selon une procédure simplifiée si le pays tiers vers lequel l'étranger doit être renvoyé est considéré comme un pays d'origine sûr. Il vise à rendre caduque cette notion, qui introduit une discrimination entre les réfugiés.
Tout d'abord, la liste des pays d'origine sûrs est politiquement indigne et constitue un non-sens diplomatique. Nous en voulons pour preuve les débats houleux menés au sein du Conseil de l'Europe depuis le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, au cours duquel cette notion a été introduite dans les politiques d'asile et d'immigration. Aucun pays, même le plus démocratique, ne peut assurer la sûreté de tous ses citoyens.
En outre, la procédure accélérée vise un objectif de gestion des flux humains pleinement assumé. Ce que vous cherchez à obtenir, monsieur le ministre d'État, c'est gagner du temps, décourager les demandeurs d'asile et faire baisser en conséquence les statistiques.
À ce sujet, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés – UNHCR – a exprimé à plusieurs reprises la crainte que les demandes d'asile déposées par les ressortissants de pays d'origine jugés sûrs soient automatiquement rejetées, sans leur laisser aucune possibilité de se défendre. Il est vraiment temps, chers collègues, d'y mettre un terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.
Je rappelle que la commission a voté l'exclusion de la liste des pays d'origine sûrs des pays condamnant expressément l'homosexualité.
Quant à la procédure accélérée, elle n'est pas une sous-procédure. Les personnes qui en relèvent bénéficient du traitement de leur demande par un officier de protection de l'OFPRA, dans le cadre d'un entretien individuel. Au demeurant, celui-ci peut revenir à la procédure normale s'il estime que la situation individuelle de l'intéressé l'exige.
En tout état de cause, chaque demande fait l'objet d'une attention particulière, même si le demandeur est issu d'un pays d'origine sûr, et d'un examen dans le cadre duquel une attention particulière est portée à la situation individuelle du demandeur.
Par conséquent, être placé en procédure accélérée au motif que l'on vient d'un pays d'origine sûr ne permet pas de passer à travers les trous de la raquette. Les agents de l'OFPRA y sont tout à fait attentifs. L'avis de la commission sur l'amendement est donc défavorable.
Nous sommes si sûrs des pays d'origine sûrs que nous avons même envisagé d'y inclure la Libye ! Peut-être la disposition contestée par notre amendement n'est-elle pas la bonne chose à faire ! S'il existe une procédure normale, c'est bien que la procédure accélérée s'en distingue. Les deux ne sont pas de même qualité.
Vous affirmez que l'on peut basculer à tout moment en procédure normale, madame la rapporteure. Cela signifie bien que, dans votre esprit, la norme, c'est la procédure accélérée !
À nos yeux, elle n'est pas la norme mais l'exception. Par ailleurs, nous ne sommes pas favorables à la procédure accélérée en général, car nous pensons que la situation de chaque personne doit être évaluée individuellement, quel que soit son pays d'origine. Celui-ci n'est qu'un élément d'appréciation parmi d'autres, et non le seul.
M. le ministre d'État a affirmé tout à l'heure – pas même à demi-mot ! – que la liste des pays sûrs était faite pour que l'on utilise des procédures plus rapides que les procédures normales afin d'y renvoyer leurs ressortissants plus rapidement. Fin de l'histoire ! Tout est dit !
Assumez au moins au même niveau que M. le ministre d'État, madame la rapporteure, le fait que l'objectif poursuivi par l'élaboration d'une liste de pays d'origine sûrs est bien d'expulser plus rapidement certaines personnes arrivant sur notre territoire, et non de mieux examiner leurs demandes !
Par ailleurs, la procédure accélérée fait peser sur les agents de l'OFPRA une pression accrue, car ils doivent rendre leur jugement plus rapidement. Telle est l'une des motivations de leur mouvement de grève, et plus généralement de leur opposition au projet de loi dont nous débattons.
La proportion de cas examinés sous le régime de la procédure accélérée est sur le point de dépasser 50 %, de sorte qu'elle finira par être la procédure normale ! En outre, les agents de l'OFPRA ne sont pas obligés d'épuiser le délai qu'elle offre si l'examen d'une situation donnée ne l'impose pas.
Sur l'amendement no 900 , je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
Les membres du groupe Les Républicains voteront contre l'amendement. Nous voyons bien là l'objectif que poursuivent nos collègues du groupe La France insoumise : parvenir à un monde où il n'existe aucune différence entre les demandeurs d'asile menacés dans leur pays d'origine et ayant parfois subi des actes de torture ou perdu des membres de leur famille, dont il est normal qu'ils demandent l'asile en France, et d'autres dont les motivations sont différentes. Celles-ci peuvent être financières, les amenant à travailler un peu – ou au noir.
Lorsque le taux de rejet des demandes d'asile atteint 94 % ou 95 %, comme c'est le cas pour certaines nationalités, comment voulez-vous, chers collègues du groupe La France insoumise, que l'on traite sur un pied d'égalité l'écrasante majorité des demandeurs, dont les motivations ne sont pas jugées recevables dans le cadre du processus de demande d'asile, et ceux qui ont réellement subi des persécutions dans leur pays d'origine et sont réellement menacés ?
Il est donc parfaitement nécessaire, monsieur Bernalicis, de conserver les deux procédures.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les membres du groupe des insoumis remettent en cause l'existence de pays dont le régime est démocratique et où les libertés sont respectées, qui comme tels ont vocation à être inscrits par l'OFPRA sur la liste des pays d'origine sûrs.
Il faut tenir compte de la réalité de chaque pays, chers collègues du groupe La France insoumise. Prenons la situation des Albanais, que vous avez évoquée tout à l'heure. Chaque année, des ressortissants albanais émigrent pour des raisons locales, telles que des situations de vendetta rendues possibles par le kanun, qui fait partie du droit commun albanais.
Il existe des situations locales que l'OFPRA maîtrise parfaitement et qui justifient, dans des cas précis et après examen individuel de chaque demande, la reconnaissance du statut de réfugié. Tel est le travail de l'OFPRA ! Telles sont la qualité et l'indépendance du travail de l'OFPRA !
Par conséquent, ne jetez pas le trouble sur une procédure qui permet à l'OFPRA de clarifier la situation de chacun et de reclasser si nécessaire en procédure normale un individu issu d'un pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs. Je note que ce dispositif n'a pas été remis en cause par la loi du 29 juillet 2015, et ce à juste titre, car il respecte l'égalité de tous ainsi que la capacité de l'OFPRA à traiter chaque cas individuel.
Vous attaquez l'OFPRA en affirmant qu'il s'agit d'une entité jouant la carte de la discrimination, ce qui n'est pas acceptable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
J'ai le sentiment que l'hommage à l'OFPRA que vient de prononcer notre collègue Boudié ressemble un peu à celui adressé par le président Macron au personnel hospitalier, qui n'est pas suivi de l'attribution de moyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Après les hommages et les louanges, on laisse les gens dans des situations de grande précarité rendant difficile l'exercice de leur mission.
Je voulais surtout répondre à notre collègue Pierre-Henri Dumont, selon lequel il faut discriminer, donc s'écarter du droit, qui vise justement à éviter les discriminations. Selon vous, cher collègue, il existe une distinction a priori entre certains demandeurs d'asile et les autres.
Telles sont les mesures que vous proposez de mettre en place, monsieur Dumont. Il existerait a priori des gens qui ne méritent pas le droit d'asile.
Le droit sert justement à garantir le droit de chacun à se défendre et à jouir des mêmes droits que les autres, ainsi que d'une procédure à égalité. Tel est exactement le sens de l'amendement proposé par nos collègues du groupe La France insoumise.
Face à une droite et l'autre, représentées par les propos de MM. Pierre-Henri Dumont et Boudié, il faut à nouveau expliciter ce que nous écrivons et ce que nous disons, que vous avez manifestement l'intention de caricaturer, messieurs ! J'ajoute aux propos que vient de tenir notre collègue Faucillon qu'il ne s'agit pas de permettre au monde entier de venir en France.
Non ! Il s'agit de procédures qu'on ne peut pas choisir a priori, car il faut d'abord examiner la situation des personnes demandant l'obtention du statut de réfugié.
Il faut prévoir les moyens permettant de le faire dans de bonnes conditions, afin de pouvoir juger sur pièces, d'après les témoignages. Il ne s'agit pas d'alimenter le fantasme d'invasion et d'ouverture des frontières à tout va que, malheureusement, vous partagez avec d'autres sur ces bancs.
Monsieur Boudié, le gouvernement que vous soutenez voit la main invisible – peut-être pas si invisible que cela – de La France insoumise derrière tous les mouvements sociaux. Respectez-vous les agents de l'OFPRA lorsque vous prétendez que les mouvements de mobilisation qu'ils ont menés au cours des dernières semaines, ainsi que leur opposition au projet de loi, eux qui assument le travail que vous saluez et revendiquent leur opposition au texte dont nous débattons, les respectez-vous lorsque vous prétendez qu'ils insultent leur propre fonction, instrumentalisées par La France insoumise ?
Voyons, monsieur Boudié, soyez raisonnable ! Assumez vos actes, et arrêtez de couvrir les officiers de l'OFPRA de louanges si c'est pour les insulter tout de suite après ! Ces personnes savent exactement ce qu'elles font.
Le projet de loi a été amendé en commission pour intégrer la question de l'orientation sexuelle : si vous avez accepté un amendement – que nous avons d'ailleurs soutenu – c'est bien que des questions se posaient ! Ce débat est légitime.
Les députés de La République en marche sont progressistes, mais uniquement quand cela les arrange !
M. Bernalicis a, dit-il, le sentiment que la procédure accélérée est devenue la norme. Or elle ne concerne que 39 % des demandes d'asile. Ce n'est donc pas la norme, contrairement à ce que vous dites.
Cette double procédure garantit au contraire que les droits des demandeurs d'asile les plus fragiles seront mieux respectés ; elle permet aussi à ceux qui relèvent de cette procédure accélérée d'être rapidement fixés sur leur sort, ce qui est mieux pour tout le monde.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 130 |
Nombre de suffrages exprimés | 116 |
Majorité absolue | 59 |
Pour l'adoption | 11 |
contre | 105 |
L'amendement no 900 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 289 .
Cet amendement vise à exclure par principe de la liste des pays sûrs au sens du CESEDA les pays qui pratiqueraient des discriminations fondées non seulement sur l'orientation sexuelle – ce qui est inscrit dans le projet de loi grâce un amendement adopté en commission – mais aussi sur l'identité de genre. Or les discriminations fondées sur l'identité de genre sont trop fréquentes, y compris dans des pays dits « sûrs ».
Il importe en outre de préciser que les discriminations rédhibitoires peuvent résulter du droit, mais également de la pratique puisque de nombreux pays, sans condamner juridiquement l'homosexualité, organisent dans les faits un véritable système discriminatoire.
Sur cet amendement ainsi que sur les deux suivants qui portent sur le même thème, avis défavorable. Un amendement demandait tout à l'heure l'exclusion de la liste des pays d'origine sûrs des pays où sont pratiquées des mutilations sexuelles ; un autre demandera l'exclusion de cette liste des pays où l'interruption volontaire de grossesse est pénalisée. Mais en dressant la liste de toutes les persécutions possibles, nous risquons d'amoindrir la force du texte.
Nous avons en effet voté un amendement relatif à l'orientation sexuelle, à la suite de nos échanges avec les associations – je les rencontre souvent dans ma circonscription, et j'ai également réalisé beaucoup d'auditions. Je ne me targue pas de leur soutien, rassurez-vous ! En l'occurrence, il existait un problème de personnes homosexuelles poursuivies pénalement, et en grand nombre, dans leur pays d'origine. Cela justifiait une inscription expresse dans la loi.
En revanche, la question de l'identité de genre – comme d'autres persécutions – me semble couverte par l'appréciation individuelle des persécutions et des violences subies dans les pays d'origine. Il ne me semble donc pas opportun d'allonger la liste.
Avis défavorable.
Êtes-vous également, comme la rapporteure, défavorable à l'amendement suivant, no 288 ?
Oui, madame la présidente.
Le ministre d'État est défavorable à tous les amendements, jusqu'à la fin du texte !
Sourires.
L'amendement no 289 n'est pas adopté.
J'ai bien entendu les avis de Mme la rapporteure et de M. le ministre d'État, mais j'aimerais néanmoins insister sur l'importance de la question de l'identité de genre. Vous ne voulez pas dresser une liste trop détaillée, je le comprends bien ; mais cette question mérite néanmoins à mon sens d'être prise en considération.
L'opposition est parfois là non pas pour détruire le projet de loi que vous présentez, mais pour éclairer les débats et pour enrichir le texte. Vous devriez parfois entendre nos propositions.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1097 .
J'avais déposé cet amendement pour entendre la rapporteure et le Gouvernement sur ce sujet. Ils nous assurent que l'identité de genre est bien prise en considération, donc je le retire.
L'amendement no 1097 est retiré.
L'amendement no 288 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à exclure de la liste des pays sûrs au sens du CESEDA les pays qui pénalisent l'interruption volontaire de grossesse. La liste actuelle des pays sûrs comprend en effet des États qui interdisent totalement l'IVG, au détriment du droit des femmes à disposer de leur corps.
Il est important, en effet, monsieur Aviragnet, de prendre en considération les discriminations liées à l'identité de genre ; ces questions sont pertinentes. Il faut toujours s'attacher à la défense du droit des femmes et de l'IVG. Je persiste néanmoins à dire que si nous définissons trop précisément les persécutions, nous amoindrissons le sens du texte.
Je vous propose donc, monsieur David, de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Nous parlions tout à l'heure d'orientation sexuelle ; nous parlons maintenant d'IVG. Pardon d'insister, madame la rapporteure, mais je ne vois pas le rapport : vous qui êtes une femme, vous allez peut-être me l'expliquer ?
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
L'amendement no 290 n'est pas adopté.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement no 643 rectifié .
Cet amendement vise à donner au Gouvernement la compétence d'arrêter la liste des pays sûrs. Aujourd'hui, cette tâche revient au conseil d'administration de l'OFPRA ; malgré sa très grande qualité, cette instance n'a naturellement pas la même légitimité que le Gouvernement, qui peut faire acte de souveraineté en dressant cette liste.
On aurait pu imaginer confier cette compétence au Parlement, à la loi. La procédure aurait alors eu plus de force, mais elle aurait été beaucoup plus lourde. Or il faut de la souplesse, et l'exécutif doit avoir le pouvoir de trancher cette question essentielle.
Il y a aujourd'hui un détournement des procédures d'asile, en fonction des pays qui figurent sur cette liste ; ainsi, entre 2012 et 2014, le conseil d'administration a plusieurs fois inscrit le Kosovo parmi les pays sûrs. Le Conseil d'État a annulé à plusieurs reprises cette décision avant qu'elle ne devienne définitive en 2015. Or, à chaque annulation, le nombre de demandeurs d'asile en provenance du Kosovo a doublé ! Il existe aujourd'hui des filières qui utilisent les failles de nos dispositifs.
Il faut donc donner plus de force à cette liste, la rendre incontestable.
Il faut surtout, à mon sens, que nous restions vigilants sur l'indépendance de l'OFPRA. Monsieur Ciotti, vous faites, je crois, partie de son conseil d'administration.
Sourires.
Le dispositif actuel me paraît apporter toutes les garanties nécessaires. En revanche, celui que vous proposez serait à mon sens trop rigide. Le conseil d'administration de l'OFPRA peut s'adapter rapidement aux évolutions des situations géopolitiques. Avis défavorable.
Même avis – malgré la qualité des membres du conseil d'administration de l'OFPRA, que je salue.
Sourires.
Vous n'êtes pas très gentille, madame la rapporteure, avec le Gouvernement, que vous accusez d'être trop rigide ! Certains de nos collègues sont d'ailleurs très probablement d'accord avec vous.
Je considère pour ma part l'amendement de M. Ciotti comme raisonnable. Après tout, le conseil d'administration de l'OFPRA pourrait, demain, considérer qu'un pays n'est pas sûr alors qu'il est, par exemple, prévu que ce pays devienne membre de l'Union européenne. Cela paraîtrait tout à fait fou, mais c'est hélas possible.
C'est donc le Gouvernement qui devrait déterminer la liste des pays sûrs. Nous voterons cet amendement.
Depuis le début des débats sur ce projet de loi, vous et le groupe Les Républicains dites la même chose !
Je voudrais soutenir, avec d'autres arguments, l'amendement de mon collègue Éric Ciotti. De toute façon, vous serez bien obligés, un jour ou l'autre, d'en arriver là ; et la jurisprudence du Conseil d'État ne vous laisse pas beaucoup de temps.
L'OFPRA n'est qu'une institution administrative, mais elle prend des actes de souveraineté – octroyer le droit d'asile, je vous le rappelle, c'est un acte de souveraineté. Or l'OFPRA n'est pas en mesure d'exercer ce droit souverain, qui ne doit appartenir qu'au Gouvernement, sous le contrôle de l'Assemblée nationale.
De plus, cet acte de souveraineté fait grief à l'individu : en toute hypothèse, ce ne peut donc être un acte réglementaire. Ce doit être un acte législatif. Par conséquent, si le Conseil d'État lève ce lièvre – ce qui finira bien par arriver – toutes vos analyses seront annulées.
Monsieur le ministre d'État, je le répète : examinez de près la situation juridique de l'OFPRA. Je suis tout à fait opposé à cette institution administrative, et je souhaite la création d'une véritable juridiction qui sera, elle, en droit de décider souverainement, en appliquant la loi.
Je soutiens donc, vous l'avez compris, l'amendement de M. Ciotti.
Il aurait été préférable d'avoir le courage de dresser une liste européenne des pays d'origine sûrs. Si cette liste n'existe pas, c'est parce que les différents États ne le souhaitent pas ; ils privilégient les relations bilatérales.
L'OFPRA ne dresse pas la liste, j'en suis sûre, sans consulter le Gouvernement.
Mes chers collègues, on peut bien dire que c'est à la France de dresser cette liste ; nous ne réglerons rien tant que tous les parlementaires des États membres n'insisteront pas pour qu'une liste commune soit établie. Il faut traiter la question au niveau européen. Travailler de cette manière n'est pas à notre honneur !
L'amendement no 643 rectifié n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 56 , 244 rectifié , 629 rectifié , 822 et 1106 .
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 56 .
Cet amendement vise à substituer au mot « régulièrement », les mots « tous les six mois ». Un examen tous les six mois de la situation dans les pays considérés comme des pays d'origine sûrs nous paraît nécessaire pour tenir compte de l'évolution géopolitique.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l'amendement no 244 rectifié .
Cet amendement a le même objet : la mise à jour tous les six mois des fiches des pays, qui n'ont pas été actualisées depuis 2015, afin de tenir compte de l'évolution de la situation géopolitique internationale – il est difficile d'admettre que le monde n'a pas changé depuis 2015. La rédaction actuelle qui prévoit une mise à jour régulière n'est pas assez contraignante.
La parole est à M. Sébastien Nadot, pour soutenir l'amendement no 629 rectifié .
En précisant « tous les six mois », l'amendement permet de remédier au flou du terme « régulièrement ». Face à une situation internationale très mouvante – des conflits naissent, d'autres s'apaisent – , le délai fixé permet de s'assurer que la révision de la liste des pays considérés comme sûrs prend en compte l'actualité.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 822 .
La révision de la liste des pays sûrs et ses modalités sont un sujet important. Parmi les pays sûrs, figure la Tanzanie – vous vous en souvenez, monsieur Ciotti puisque nous savons maintenant que vous participez à l'élaboration de cette liste. En Tanzanie, la législation évolue plutôt positivement en matière d'excision. Mais il s'avère que cette législation plus protectrice n'est pas appliquée – j'ignore si, pour établir la liste, vous évaluez l'application de la législation. De surcroît, si, avant dix-huit ans, les filles sont épargnées grâce à la protection des droits de l'enfant, passé cet âge, tout est permis.
Dès lors que la Tanzanie est considérée comme un pays sûr, le demandeur d'asile se verra opposer la législation de son pays. Marine Le Pen évoquait de manière subliminale un pays dont la législation pourrait sembler acceptable, mais où, en réalité, on emprisonne par le fait du prince. Face à ces dérives, il faut pouvoir réviser la liste des pays sûrs tous les six mois au minimum. Je serais tenté de mettre au travail Éric Ciotti de manière permanente en demandant une veille constante,
Sourires
qui permettrait d'être plus en phase avec les demandes des réfugiés, mais l'amendement s'en tient à six mois.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1106 .
Nous souhaitons la même modification pour les raisons qui viennent d'être evoquées. La rédaction actuelle ne garantit pas la révision de la liste des pays sûrs. L'adoption de l'amendement permettra de prendre en compte la situation géopolitique pour actualiser cette dernière.
Ces amendements auront pour effet de durcir la procédure. La convocation du conseil d'administration offre la rapidité et la souplesse nécessaire pour s'adapter à un changement de la situation géopolitique. La mention « tous les six mois » prive de cette souplesse. Avis défavorable.
L'idée d'une actualisation régulière répond aux préoccupations des deux côtés de l'hémicycle. Je suis également sensible à l'argument de la rapporteure : le conseil d'administration peut d'ores et déjà se réunir pour tirer les conséquences d'un changement de la situation géopolitique. Cependant, une réunion tous les six mois permettrait d'être plus en adéquation avec les évolutions géostratégiques.
La modification de la liste des pays sûrs n'est pas une question anodine. Il faut être conscient de ses implications sur les procédures en cours. Je ne sais pas si cette question complexe doit être résolue dès aujourd'hui, mais elle mérite d'être approfondie.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Au début des années 2000, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés demandait à la France et à l'Union européenne d'abandonner la logique des pays sûrs qui aboutissait à la diminution du nombre de personnes ayant accès au droit d'asile.
Quant à la périodicité de six mois, elle est problématique. Prenez le cas d'un pays qui est sûr aujourd'hui mais qui entre en guerre : que se passera-t-il s'il faut attendre la révision programmée pour pouvoir exclure ce pays de la liste des pays sûrs ?
En outre, il est très difficile de retirer un pays de la liste des pays sûrs une fois qu'il y est inscrit. Si un nouveau gouvernement s'installe à la tête d'un pays et adopte des législations particulièrement rétrogrades et dangereuses en matière de droits humains, comment fait-on ?
Nous serions sérieux et raisonnables en sortant de la logique des pays sûrs, car elle pose aujourd'hui plus de problèmes qu'elle n'en résout.
Les amendements identiques traduisent une préoccupation commune à nombre d'entre nous : la réactivité pour établir la liste des pays sûrs.
Madame la rapporteure, j'ai entendu l'argument de la nécessaire souplesse pour réagir et modifier la liste en convoquant le conseil d'administration de l'OFPRA.
Dans ce cas, pourquoi ne rectifiez-vous pas les amendements afin de prévoir une révision, a minima, tous les six mois, tout en maintenant la possibilité, en cas d'urgence, de réunir le conseil d'administration ? Une telle rectification montrerait votre capacité, dans ce débat, à saisir la main tendue sur un sujet de préoccupation largement partagé.
La question des pays sûrs est centrale pour garantir un traitement digne et sérieux des demandes d'asile. Si le référentiel est inexact, l'ensemble des procédures s'en trouvent faussées. Il faut donc trouver un système qui permette le plus rapidement possible – quasiment en temps réel – de fixer une liste elle-même sûre de pays considérés comme tels.
Le Gouvernement est capable, lorsqu'un Français se rend à l'étranger, de lui indiquer les pays sûrs – peut-être au regard de risques différents de ceux que nous venons d'évoquer, tels que les risques terroristes ou sanitaires. Les Français peuvent consulter un site gouvernemental pour disposer d'informations sur chaque pays…
… quels que soient les risques. Pour quelles raisons ce qui est valable pour les Français qui vont à l'étranger – une information ayant fait l'objet d'une validation interministérielle – ne le serait pas pour les étrangers qui viennent dans notre pays ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les amendements identiques nos 56 , 244 rectifié , 629 rectifié , 822 et 1106 ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement no 703 rectifié .
Il s'agit d'un amendement d'appel qui pose d'abord une question : un double examen des demandes d'asile – par l'OFPRA, autorité administrative, puis par la CNDA, autorité juridictionnelle – est-il justifié dans tous les cas ?
Cet amendement essaie d'imaginer un autre dispositif. Pour les seuls demandeurs des pays d'origine sûrs, la procédure se décomposerait en deux temps : dans un premier temps très rapide, les préfets se prononcent par substitution à l'OFPRA sur la demande d'asile au terme d'un examen certes contradictoire mais diligent ; dans un second temps, un recours de plein contentieux peut être déposé devant la CNDA.
L'exigence de célérité serait ainsi pleinement respectée grâce à l'épisode préfectoral, tandis que l'exigence de contrôle juridictionnel serait satisfaite par l'examen devant la CNDA. Évidemment, le demandeur serait placé dans un centre de rétention pendant toute la durée de cette procédure. À l'issue de celle-ci, il en sortirait soit parce qu'il aurait obtenu le statut de réfugié, soit parce que la mesure d'éloignement à son encontre serait mise à exécution.
Je continue à défendre l'indépendance et la compétence de l'OFPRA. Il me paraît complètement dérogatoire au droit d'asile de confier l'examen des demandes, même pour les pays d'origine sûrs, aux préfets. L'OFPRA sait parfaitement s'acquitter de ces procédures. Avis défavorable
Comme Mme la rapporteure, je défends l'indépendance de l'OFPRA. Avis défavorable.
Cet amendement ne sera évidemment pas adopté aujourd'hui, mais il a été relativement réfléchi, notamment après une discussion avec Pascal Brice, le directeur général de l'OFPRA – je ne dis pas qu'il approuve l'amendement.
L'idée que, pour une partie des demandes d'asile, la décision soit prise, in fine, par la seule CNDA – telle serait la conséquence de cet amendement – n'est pas complètement absurde. Nous allons la retravailler et nous déposerons une proposition de loi qui, je l'espère, deviendra peut-être en 2022 la loi de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
En s'appuyant sur la logique du Gouvernement, la droite peut tranquillement dérouler la pelote de laine pour aider celui-ci à accélérer la procédure autant que possible. Je ne comprends pas, monsieur le ministre, que vous soyez si timoré à l'égard de la proposition de M. Larrivé qui va complètement dans votre sens. Je sais bien que vous cherchez un point d'équilibre au sein de la droite, …
… mais vous pourriez au moins reconnaître la cohérence de cet amendement avec votre texte. Nous voterons contre cet amendement, tout comme nous voterons contre l'article 5, car nous n'acceptons pas la logique expéditive dans le traitement des demandes d'asile. Cela me rend triste pour l'avenir de notre pays. J'espère que nous retrouverons bientôt la voie du progrès.
La notion de pays d'origine dits sûrs est tout de même très délicate. Il serait bon d'en réviser la liste tous les six mois, mais, même dans ce cas, il faudrait rester vigilant. Ayons l'humilité de reconnaître que c'est une notion assez mouvante. Il m'est arrivé d'accompagner des demandeurs d'asile originaires du Bangladesh devant la CNDA, pour l'examen de leur dossier en dernier recours. On leur a rétorqué que leur pays était sûr. Grâce à la ténacité de l'avocate, qui avait amassé de très nombreuses preuves, leur demande a pu passer : on leur a reconnu le statut de réfugié. Or le Bangladesh n'a été exclu de la liste des pays d'origine sûrs qu'un mois plus tard. Donc, à un mois près, ils auraient pu ne pas obtenir l'asile alors qu'ils étaient menacés de prison à vie.
L'amendement no 703 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 106 .
Je reviens à l'objet de nos discussions, à savoir la procédure accélérée, qui ne veut pas dire absence de procédure : il existe bien, pour les personnes qui relèvent de ce cadre d'instruction, un examen de leur situation au regard du droit d'asile, garanti par toute une procédure qui peut être engagée après la décision de l'OFPRA, avec différents niveaux de juridiction. La procédure est simplifiée et un peu plus rapide pour certains cas précis dont l'instruction est aisée, du fait de la situation initiale du demandeur d'asile ou de sa volonté manifeste constatée en cours de procédure.
Mon amendement no 106 s'inscrit dans cette logique. Actuellement, l'OFPRA peut décider de recourir à la procédure accélérée dans trois cas. Mon amendement tend à rendre cette option automatique en faisant de ces trois cas des motifs de plein droit de recours à la procédure accélérée. Pour être clair, cela signifie que le demandeur d'asile bénéficierait de droit de la procédure accélérée lorsqu'il est de mauvaise foi.
Nous avons affaire à deux séries de situations différentes. Les situations actuellement visées – demande de réexamen, provenance d'un pays figurant sur la liste des pays d'origine sûrs – sont objectives. Celles que vous mentionnez – présentation de faux documents, déclarations incohérentes – impliquent une appréciation par l'OFPRA. Dans ces cas, il revient non pas à la préfecture, mais à l'OFPRA d'étudier le dossier. Il est important de garder cette distinction. Avis défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure : défavorable.
Votre réponse est symptomatique d'une certaine naïveté quant à l'usage qui est parfois fait de la procédure de demande d'asile. Notre droit, qui vise à conférer un statut à ceux que nous voulons protéger, est manipulé par de nombreuses personnes qui ne cherchent pas forcément à être protégées, mais simplement à immigrer par une voie peut-être plus facile que la voie normale de l'immigration. Cet amendement tend à faire basculer dans la procédure accélérée ceux qui mentent ouvertement à l'État français au cours de la procédure. En cas de mauvaise foi du demandeur dès le départ, il me semblerait plus logique de faire analyser son dossier par l'OFPRA dans le cadre de la procédure accélérée plutôt que dans celui de la procédure normale, plus complexe.
L'amendement no 106 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1115 .
Le présent amendement vise à supprimer des dispositions qu'il y a lieu de considérer comme imprécises ou non pertinentes. Les qualificatifs « peu plausibles » et « manifestement contradictoires » apparaissent trop élastiques en considération du fait que la décision prise engage le sort des personnes concernées. Nous préconisons d'être plus précis.
Vous proposez de supprimer une disposition qui permet à l'OFPRA d'examiner dans le cadre de la procédure accélérée les demandes de personnes qui ont manifestement présenté de faux papiers d'identité. Il me paraît important de la conserver. Avis défavorable.
L'amendement no 1115 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l'amendement no 520 .
Le présent amendement tend à faire répertorier l'identité d'un demandeur d'asile qui aurait présenté de faux documents d'identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire l'OFPRA en erreur. L'accomplissement des obligations procédurales pour un demandeur d'asile constitue le premier acte relevant du pacte de confiance et d'intégration avec l'État.
Il existe actuellement un fichier national, l'AGDREF – application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France – , qui permet de recenser les étrangers qui ne déposent pas de demande d'asile. Le présent amendement vise à ce que les données soient systématiquement versées à l'AGDREF lorsqu'un demandeur a délibérément menti sur son identité.
Vous proposez soit de créer une nouvelle application, soit de modifier les fonctionnalités d'une application existante, par exemple du fichier AGDREF. Je comprends votre proposition, qui mérite d'être étudiée, mais cela ne relève pas du domaine de la loi ou, à tout le moins, du cadre du présent projet de loi. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous, monsieur Blanchet, et vous m'avez fait part des problématiques qui sont les vôtres. Comme vient de l'indiquer Mme la rapporteure, cela ne relève pas du domaine de la loi, mais nous menons actuellement un travail sur ce point, dont je vous ferai connaître les résultats.
Merci, madame la rapporteure, monsieur le ministre d'État, de vos réponses. Nous avons effectivement déjà évoqué ce point en commission. Il y a une situation de blocage en matière d'identification des personnes qui ne veulent entrer dans aucun cadre. Il s'agit d'un problème récurrent qui concerne plusieurs localités : Ouistreham, dans ma circonscription, Calais, dans celle de M. Dumont, ou encore Cherbourg. Nous sommes réellement en attente d'une solution. J'attends donc vos préconisations avec impatience, monsieur le ministre d'État, et je vous demanderai des explications complémentaires lorsque nous en viendrons à l'article 10. Je retire l'amendement.
L'amendement no 520 n'est pas adopté.
Le présent amendement a pour objet de supprimer la notification par voie dématérialisée des convocations et des décisions écrites prises par l'OFPRA. Rappelons que le Conseil d'État a estimé qu' « une notification par voie dématérialisée ne peut être opposée que dans la mesure où il est démontré qu'elle a été opérée personnellement et qu'il est possible de garder une trace tant des opérations de notification que, le cas échéant, de la prise de connaissance par l'intéressé ». Nous savons que nous avons affaire, le plus souvent, à des personnes vulnérables, confrontées à la fracture numérique. Nous pensons donc qu'il convient de maintenir le principe d'une notification par voie postale.
Sur les amendements identiques nos 7 , 138 , 292 , 882 , 897 et 1074 , je suis saisie par les groupes Nouvelle Gauche et La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 7 .
Le présent amendement a pour objet de supprimer la notification par voie dématérialisée des convocations et des décisions écrites prises par l'OFPRA concernant l'octroi ou le refus de la protection, les clôtures, les fins de protection et l'octroi du statut d'apatride. En effet, au regard de la situation particulière de vulnérabilité des demandeurs d'asile et de leurs conditions de vie, il n'est pas possible d'apporter les garanties adéquates à de telles notifications. Comme vous le savez, les demandeurs d'asile font partie des personnes confrontées à la fracture numérique.
Je souscris à ce qui vient d'être dit. À l'instar de ma collègue Jeanine Dubié tout à l'heure, j'insiste sur la nécessité d'évaluer et de faire un bilan. La dernière réforme de l'asile date de 2015. Le délai accordé pour présenter une demande d'asile avait déjà été considérablement réduit et les moyens renforcés. Or, trois ans après, nous légiférons à nouveau sur le même sujet, sans avoir mesuré s'il était indispensable de réduire encore le délai. Cette nouvelle réduction privera de leurs droits les plus élémentaires un certain nombre de demandeurs d'asile, qui vivent dans des conditions terribles. D'où le présent amendement, qui vise à la supprimer.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 292 .
Il y a quatre mois, monsieur le ministre d'État, vous avez fait voter à votre majorité, dans le cadre de la loi de finances, le budget du programme 303 « Immigration et asile », et vous avez alors dit tout le bien que vous pensiez de la loi de 2015.
C'est sur la base de cette loi que vous avez construit les objectifs de votre budget. Quatre mois plus tard, vous présentez un nouveau texte de loi à cette assemblée en expliquant désormais qu'il faudrait réduire le délai de 120 à 90 jours. Tous ceux qui se sont exprimés à propos de cette réduction, notamment le Conseil d'État et le Défenseur des droits, ont émis de très sérieuses réserves, estimant que le droit d'asile, inscrit dans le préambule de notre constitution depuis 1946, perdrait de sa valeur. Pour qu'un droit soit réel, il faut qu'il soit effectif. Or l'effectivité du droit d'asile est aujourd'hui remise en cause par la proposition que vous faites de réduire le délai de 120 à 90 jours. C'est pourquoi nous proposons, par le présent amendement, de supprimer l'alinéa 3 de l'article 5.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 882 .
La réduction à 90 jours du délai accordé pour présenter une demande d'asile risque d'exclure de fait les personnes les plus fragiles et les moins informées, celles qui ont pourtant le plus besoin de protection. C'est pourquoi nous préconisons nous aussi de supprimer l'alinéa 3.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 897 .
Par cet amendement, nous proposons de préserver le délai actuel de 120 jours. La procédure accélérée a été mise en place en 2015 pour désengorger l'OFPRA et la CNDA, mais elle offre des garanties moindres. Plutôt que d'investir dans les moyens humains et financiers pour traiter l'augmentation des demandes, on a préféré les traiter mal, à moyens quasi constants.
Vous aviez d'ailleurs proposé, madame la rapporteure, un délai de quatre mois, en précisant que, s'agissant de démarches dans un pays dont on ne maîtrise pas la langue et dont l'organisation administrative n'est pas familière, le délai de 90 jours était trop bref et ne tenait pas assez compte de l'état psychologique ou de santé du demandeur ou du fait qu'il pouvait manquer d'informations. Vous aviez entièrement raison. Par conséquent, nous demandons la suppression de l'alinéa 3.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1074 .
Quatre mois, c'est déjà court pour des personnes qui ont fui des situations de guerre, de misère ou de persécution, qui ont eu un long parcours migratoire, parfois périlleux, et qui ont vu certains de leurs compagnons de route s'épuiser ou mourir. Quatre mois, c'est court pour saisir ce qu'est une demande d'asile et pour comprendre des procédures administratives complexes, d'autant plus pour quelqu'un qui ne parle pas français et doit dans le même temps chercher un logement et de la nourriture, pour lui-même et pour sa famille.
Quatre mois, c'est court quand on connaît les lenteurs actuelles pour obtenir un rendez-vous et accéder à un guichet unique d'accueil des demandeurs d'asile, un GUDA. Pourquoi réduire encore le délai de dépôt de la demande d'asile, qui précipite vers la procédure accélérée, sachant que cela desservira forcément ceux qui sont les moins informés, les moins aidés, les moins accompagnés, les plus vulnérables, les plus fragiles ?
Mon amendement propose seulement de revenir au droit en vigueur. Si le projet de loi impose une meilleure organisation et que le premier accueil devient plus efficace, la réduction des délais n'aura plus lieu d'être et les droits des plus fragiles seront préservés, comme ils le sont aujourd'hui, sachant que quatre mois, comme je l'ai rappelé en préambule, c'est déjà court pour certains.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des groupes NG et FI.
Il semble qu'il y ait une confusion. Les auteurs de certains amendements tendant à supprimer l'alinéa 3 ont en effet mentionné la notification par tout moyen, qui ne figure pas dans cet alinéa. Restons sur l'alinéa 3.
Je ne sais pas, madame Taurine, quand vous avez pu entendre les propos que vous me prêtez. Je suis convaincue, au contraire, qu'il est important d'introduire la demande d'asile au plus vite pour qu'interviennent la prise en charge et l'enregistrement sur une plate-forme d'accueil pour demandeur d'asile, la PADA, qui assure un suivi, notamment pour la domiciliation, la situation administrative et sanitaire des demandeurs d'asile.
Je l'ai précisé tout à l'heure : le fait que l'introduction tardive de la demande soit imputable à un retard de l'administration et à un engorgement des préfectures n'est pas un motif de placement en procédure accélérée, puisqu'il s'agit d'un motif légitime.
J'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avis défavorable.
La réduction du délai global de traitement de la demande d'asile est une des priorités affichée et pleinement assumée du projet de loi, conformément au programme sur lequel le Président de la République a été élu.
Protestations sur les bancs des groupes NG et LR.
Réduire le délai de traitement constitue en effet un enjeu fondamental, car il est tout simplement inhumain de maintenir des personnes pendant des mois, voire des années dans une incertitude bien souvent synonyme de précarité. Ce n'est pas une vue de l'esprit de la majorité, mais un avis du Conseil d'État, que de nombreux collègues ont essayé de dénaturer au cours du débat, pour nous l'opposer.
Permettez-moi de citer le onzième paragraphe de cet avis, consacré à la réduction des délais d'examen des demandes d'asile : « Pour les demandeurs d'asile dont la demande est fondée, l'accès le plus rapide possible à la protection marque la fin des épreuves. [… ] Il avance le début de l'oeuvre de reconstruction, matérielle d'abord, psychologique ensuite, du réfugié. [… ] Pour le demandeur de bonne foi qui ne répond pas aux critères d'octroi de la protection internationale, la célérité avec laquelle ses espoirs seront détrompés relève de l'exigence de décence à son égard et permet de réduire la durée d'une période d'incertitude à tous égards inconfortable. »
Je rappelle que cette analyse émane du Conseil d'État. Si la réduction du délai de dépôt de 120 à 90 jours ne concerne pas à proprement parler le traitement administratif, elle concourt néanmoins à notre objectif général de réduction de la période d'incertitude. Un délai de 90 jours – trois mois – est éminemment raisonnable pour permettre aux demandeurs d'asile de prendre connaissance de leurs droits, en étant accompagnés par l'État français dans la dignité.
Ainsi, la mesure est pleinement justifiée. Je m'interroge donc sur la position de ceux qui prétendent vouloir mieux traiter les demandeurs d'asile, mais jugent acceptable qu'une situation irrégulière et inhumaine, hors de tout cadre légal, s'installe et perdure, ce qui est à nos yeux déraisonnable, inacceptable, car inhumain. Bien évidemment, nous ne voterons pas ces amendements.
On nage en plein délire et en pleine confusion. Mme Bagarry l'a pourtant dit : si vous voulez que les personnes fassent une demande plus rapidement, il faut les accueillir mieux. C'est ce qu'a fait l'Allemagne. Bien qu'elle n'ait pas imposé de délai, ceux qu'elle a accueillis ont très vite déposé des demandes, parce qu'ils ont été pris en charge. C'est la prise en charge qui fait la différence. Il faut donc consacrer des moyens à l'accueil…
Nous le faisons aussi !
… et non raser les tentes, comme vous le faites à Calais. Ça, ce n'est pas donner des moyens. C'est le côté fermeté. On connaît ! Pour l'accueil, en revanche, il n'y a plus grand monde.
Si je vous comprends bien, vous vous dites qu'un dossier doit être instruit en moins de 120 jours, sans quoi il tombera sous le coup de la procédure accélérée. Le migrant va se dire : « Ouh là là ! Il faut que je me dépêche ! Si je tarde trop, on va m'appliquer la procédure accélérée. Je ne déposerai donc de demande que le cent dix-neuvième jour ! »
Selon vous, en réduisant le délai à 90 jours, on forcera la personne à aller plus vite. Elle déposera une demande le quatre-vingt-neuvième jour. Quelle idée vous faites-vous des demandeurs d'asile ? Si vous leur faites déposer des dossiers sous la contrainte, que se passera-t-il ? Rien ne changera. Il y aura seulement plus de gens qui tomberont sous le coup de la procédure accélérée. C'est en réalité ce que vous voulez : on appliquera cette procédure parce que vous ne débloquez pas les moyens nécessaires pour traiter leur demande en temps et en heure.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et NG.
C'est intéressant : à vouloir mobiliser les arguments de coeur, on perd peu à peu de vue ce qu'est le droit d'asile. Les gens persécutés dans leur pays d'origine arrivent d'abord sur le territoire national et demandent ensuite la protection de la République. Mais croyez-vous qu'ils se contenteront longtemps de l'incertitude ?
Au contraire ! Aussitôt qu'ils arrivent, ils ont envie d'être rassurés sur leur sort. C'est même leur première préoccupation. Cela ne me choque en rien que l'on adapte notre cadre réglementaire à la première préoccupation des demandeurs d'asile. Nous ne parlons pas d'immigrés que l'on présuppose dans une grande fragilité économique, mais de gens persécutés sur leur territoire et qui viennent en France pour qu'on les protège, ce qui, je le répète, est leur premier souci. En ce sens, 90 jours, c'est mieux que 120, mais c'est toujours trop.
Quand il s'agit de légiférer, j'essaie toujours de me mettre dans la situation des personnes concernées. Je ne parle pas l'anglais ni aucune autre langue que le français. Si j'arrive dans un pays non francophone, après avoir subi des traumatismes, je ne sais pas combien de temps il me faudra pour savoir quelle personne j'ai en face de moi et si je peux lui faire confiance. Combien de temps mettrai-je pour oser me confier à quelqu'un, lui parler, pour savoir si je peux m'adresser à lui sans risquer d'être enfermé ? Comment vais-je réagir si l'on me parle d'administration ou qu'on m'envoie dans une sous-préfecture, puis une préfecture où je verrai des policiers devant la porte ?
Nous n'en mettons plus pour réduire les coûts !
La confiance exige du temps. Ce temps, nous devons le laisser aux demandeurs d'asile. J'entends continuellement répéter dans ce débat que l'asile, c'est bien, et que notre pays s'honore en l'accordant dans les meilleures conditions possible. Pour cela, il faut laisser du temps à celui qui arrive dans notre pays, afin qu'il dépose sa demande en toute confiance, en ayant assumé une partie de son traumatisme.
De nombreux cas ont été cités lorsque nous avons abordé l'article. Mettez-vous à la place de chacun des hommes et des femmes dont nous avons parlé. Mettez-vous simplement à la place d'une femme française qui vient de subir un viol et qui va porter plainte. Combien de fois nous a-t-on dit qu'une telle démarche ne se fait pas immédiatement, parce qu'il faut assumer cette situation et prendre conseil avant de l'effectuer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Si l'on comprend l'intérêt d'une procédure accélérée, on comprend aussi que celle-ci risque de généraliser des traitements expéditifs. Je rappelle que nous parlons de personnes dans une grande précarité matérielle, confrontées à la barrière de la langue et qui manquent d'information, ce qui rend le délai de 120 jours très limité.
Selon Mme Bagarry, quatre mois, c'est court. Je dirai pour ma part que quatre mois, c'est long. C'est long pour nos compatriotes qui attendent un logement.
C'est long pour nos compatriotes qui attendent une place dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. C'est long quand on cherche du boulot, d'autant qu'un tel délai est sans rapport avec le temps réel, puisque ces mois-là passent particulièrement lentement.
J'entends votre sollicitude, toujours bienveillante, quand vous parlez, le coeur en bandoulière, de celles et ceux qui veulent rejoindre notre beau pays. Vous avez raison : il faut savoir accueillir celles et ceux qui sont persécutés. Mais la mesurette proposée – la réduction d'un délai de 120 jours à 90 – est une goutte d'eau. La véritable efficacité, c'est de réduire le délai à 20 jours, voire 15 jours, d'aller au plus vite et de prévoir les moyens pour y parvenir.
Je suis content que nous ayons convaincu certains collègues. M. Schellenberger souhaite lui aussi qu'on aille plus loin dans la réduction des délais. Eh bien, oui ! Allons plus loin. C'est cela, l'efficacité !
Allez-vous imposer aux demandeurs d'asile d'envoyer leur demande la veille de leur arrivée ?
L'amendement no 742 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 119 |
Nombre de suffrages exprimés | 117 |
Majorité absolue | 59 |
Pour l'adoption | 39 |
contre | 78 |
Je rappellerai trois éléments à Mme la rapporteure et à M. le ministre d'État.
Tout d'abord, les procédures accélérées conduisent à un traitement superficiel par l'OFPRA et, en cas de recours, par la CNDA. En cas de procédure accélérée, le premier dispose de quinze jours et la seconde de cinq semaines, contre, respectivement, six mois et cinq mois en procédure normale. Un délai raccourci ne permet pas de bien traiter les dossiers.
D'autre part, dans ce cas, la décision est prise par un juge unique, et non par une formation collégiale.
Enfin, le Défenseur des droits a rappelé avec insistance qu'il était important de laisser du temps au demandeur d'asile pour qu'il constitue un dossier, rassemble les éléments et prépare sa défense. Un délai trop court ne lui permet pas de le faire correctement. Par ailleurs, il compromet le traitement de son dossier. Tel qu'il est rédigé, l'article ne garantit ni un traitement normal ni une procédure équitable. C'est pourquoi nous proposons d'abroger l'article L. 723-2.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 814 .
Cet amendement, de repli également, vise à limiter le recours à la procédure accélérée. Ramener la durée de la procédure de six mois à quinze jours revient aussi, nous pouvons tous le concevoir, à diminuer les garanties. Aussi proposons-nous de limiter la procédure accélérée aux seuls cas de fraude sur l'identité, de demandes manifestement infondées, telles qu'elles sont définies par le comité exécutif du Haut-Commissariat aux réfugiés, et de demandes d'asile en rétention. La procédure accélérée s'en trouverait ainsi encadrée et limitée.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l'amendement no 291 .
Avec cet amendement, nous touchons à des mesures dont l'application au quotidien a des conséquences majeures sur la vie des personnes. Nous en parlons depuis trois jours ; nous parlons d'un chemin de désespoir, qui conduira des personnes comme vous et moi, peut-être, à quitter une famille, une terre, une culture, un passé, et à hypothéquer leur présent. Tout ce qui formait leur horizon, leur espoir d'avenir, tout ce qui donnait du sens au mot de « lendemain » s'en trouve ainsi réduit en poussière.
Or il faut du temps pour marcher – vous le savez, monsieur le ministre d'État – et avancer sur un chemin de reconstruction. Tous ceux qui ont affaire à ces femmes, à ces hommes et à ces enfants le savent et le disent : les procédures accélérées ne doivent être utilisées qu'avec la plus grande prudence, et lorsque toutes les règles ont été respectées. La question des délais est donc essentielle.
La majorité des demandeurs ne sont pas reçus dans des délais respectueux des droits compte tenu du nombre limité d'agents, lesquels traitent pourtant les dossiers au mieux, avec compétence et bienveillance. Nous proposons donc de conditionner la procédure accélérée, qui nous inquiète tout de même, au respect du délai réglementaire pour recevoir un demandeur d'asile, à savoir trois à dix jours suivant la demande de rendez-vous via une plate-forme d'accueil.
Au nom de quel principe ferions-nous porter sur les demandeurs une responsabilité dans la gestion des politiques d'accueil, qui incombe en réalité à l'État ? Pourquoi complexifier toujours davantage les parcours de milliers de femmes et d'hommes, que nous disons connaître et croyons comprendre, et semer leurs routes d'embûches nouvelles ?
C'est ce qui justifie une nouvelle rédaction de l'alinéa 3. Il convient de préciser que l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative doit être justifié, afin de garantir l'application la plus juste de la procédure accélérée et de ne pas pénaliser, une fois encore, les plus fragiles.
Sur l'amendement no 294 , je suis saisie par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion ?
Nous avons déjà débattu de cette question, mais il importe d'y revenir. La procédure accélérée concerne les personnes en provenance des pays d'origine sûrs, dont l'Assemblée n'a pas jugé opportun d'abroger la liste, les personnes qui présentent une demande de réexamen et celles dont les déclarations sont manifestement contradictoires ou qui présentent des documents frauduleux. Cette procédure distincte constitue une marge de manoeuvre qu'il importe de préserver.
À n'importe quel stade de la procédure – en préfecture, devant l'OFPRA et même devant la CNDA – , des motifs légitimes peuvent cependant être invoqués, je le rappelle, comme l'introduction tardive d'une demande du fait de l'administration et de l'engorgement en préfecture. En ce cas, le demandeur peut alors être renvoyé vers la procédure normale. Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
La procédure accélérée, comme vous le savez, date de la loi de 2015. Ce n'est donc pas une innovation. Je m'étonne que certains aient voté des lois qu'ils dénoncent aujourd'hui.
Exclamations sur les bancs du groupe NG.
Avis défavorable.
L'amendement no 814 a clairement pour objectif d'exempter de la procédure accélérée les demandes d'asile de ressortissants de pays réputés sûrs. Cette proposition, qui témoigne d'une naïveté invraisemblable, est en déconnexion complète avec l'usage qui est fait du droit d'asile par de nombreux étrangers, lesquels y voient une aubaine pour obtenir des droits en France alors qu'ils ne risquent absolument rien dans les pays qu'ils ont quittés.
Je rappellerai, à cet égard, l'exemple du Kosovo, précédemment évoqué par M. Ciotti, et l'évolution de la courbe des demandes d'asile selon que ce pays figurait ou non sur la liste des pays d'origine sûrs : celles-ci ont explosé lorsqu'il en est sorti et se sont effondrées lorsqu'il y a été inscrit. Cela montre bien, s'il en était besoin, que la stratégie de certains migrants « colle » à l'état de notre droit. Ceux-ci, en quelque sorte, mobilisent l'État de droit pour affaiblir un droit qui les protège.
Il n'y a qu'à supprimer la liste des pays d'origine sûrs ! Ça donnera du boulot à Éric Ciotti !
Je veux apporter deux ou trois précisions. En commission des lois, lorsque nous avons soutenu cette disposition, madame la rapporteure, vous nous avez expliqué que la procédure accélérée n'amoindrit pas les garanties procédurales, et permet seulement de faire passer les dossiers « sur le dessus de la pile ». Est-ce là une méthode ? Elle est en tout cas inopérante, puisque 40 % des dossiers sont traités en procédure accélérée.
En 2015, lorsque la procédure accélérée a remplacé la procédure dite « prioritaire », monsieur le ministre d'État, les délais étaient différents et les moyens plus importants. Quelles garanties nous donnez-vous pour l'avenir ? Aucune. Vous renvoyez la question des moyens alloués sur le terrain aux calendes grecques, rien n'ayant été inscrit, de ce point de vue, pour 2018. Il faut donc comparer ce qui est comparable, et comparaison n'est pas raison.
Nous soutenons cet amendement, car, contrairement à ce qu'a avancé M. Schellenberger, nous savons, comme les associations, les avocats et les agents de l'OFPRA, que la procédure accélérée dégrade les garanties d'un examen sérieux.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Il ne s'agit donc pas de s'imaginer à la place des gens qui sont en première ligne, puisque nous avons leurs témoignages, y compris à travers les auditions que nous avons menées.
De deux choses l'une, donc. Soit l'on se fonde sur les témoignages des premiers concernés – migrants ou agents publics – , soit on légifère de façon purement idéologique ou pour communiquer sur une prétendue fermeté. Il faut choisir la cohérence à laquelle le texte obéira.
L'examen des dossiers réclame du temps. J'en veux pour preuve le taux de dossiers rejetés par la CNDA, à savoir 20 %. Ce niveau d'erreur très élevé s'explique par les procédures accélérées. Au reste, ce n'est pas parce que l'on prend du temps pour examiner les dossiers que les gens restent dans la rue. Les migrants le disent eux-mêmes : lorsqu'ils arrivent sur notre sol, les premières choses dont ils ont besoin, c'est un toit, des habits et de la nourriture. Il convient donc de les prendre en charge dès leur arrivée pour leur donner les moyens, ensuite, de trouver des associations ou des avocats. Ce parcours est balisé, connu et décrit dans les rapports de toutes les associations spécialisées.
Vous refusez de voir cette réalité…
… car vous êtes, à droite, au sein du groupe LR et du groupe LaREM, dans une posture idéologique qui fait fi de la réalité. C'est pourquoi il faut voter le présent amendement.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je veux apporter quelques précisions pour répondre à M. le ministre d'État. Oui, c'est bien dans la loi de 2015 que nous avons introduit la procédure accélérée, mais celle-ci se substituait alors à une procédure dite « prioritaire ». Cette procédure accélérée, de surcroît, fut encadrée, l'OFPRA ayant la possibilité de revenir à la procédure normale. Surtout, le demandeur d'asile était protégé puisque, en cas de décision défavorable de l'OFPRA, le recours était suspensif dès la saisine de la CNDA. La procédure accélérée a donc bien été créée en 2015, mais elle fut encadrée de façon à protéger les droits des demandeurs d'asile.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il semble que l'on se focalise sur la procédure accélérée. L'origine de cette mesure a été rappelée, je n'y reviens pas ; reste que la loi de finances pour 2018, cela ne vous aura pas échappé, contient des dispositions importantes pour améliorer les conditions d'accueil. Et ces dispositions sont indissociables de ce que nous allons voter aujourd'hui et de ce dont nous parlerons à l'article 19 : je veux parler des 8 000 places, en sus des 80 000 actuelles, pour l'hébergement des demandeurs d'asile. Pour la moitié d'entre elles, ce sont des places en CADA ou en CAES, assorties d'un accompagnement, d'un traitement des demandes et d'une invitation à régulariser les situations auprès des préfectures.
Cela induit également des emplois supplémentaires en préfecture, afin que les demandes, une fois déposées, soient traitées plus rapidement. L'objet d'une circulaire que beaucoup d'entre vous ont contestée, et qui prouve pourtant son efficacité, est aussi d'inciter les gens qui y sont invités à déposer leur dossier.
La procédure accélérée, enfin, est à mettre en corrélation avec ce que nous voterons tout à l'heure – ou demain – à l'article 19, à savoir un schéma territorial qui invite à répartir les demandes sur l'ensemble du territoire, dans l'optique d'une instruction dans les plus brefs délais. Laisser des gens sans solution ou dans des procédures qui durent, on ne le dit pas assez, est loin d'être plus sécurisant que ce que certains demandent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 111 |
Nombre de suffrages exprimés | 110 |
Majorité absolue | 56 |
Pour l'adoption | 27 |
contre | 83 |
L'amendement no 294 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1076 .
Le délai accordé à certains primo-arrivants pour déposer leur demande d'asile en procédure normale est déjà relativement court, je l'ai dit tout à l'heure. Zéro, un ou deux mois, c'est évidemment mieux que trois ou quatre mois. Mais, pour tenir ces délais, il faut améliorer l'organisation, et non diminuer les droits.
Le délai légal de trois jours entre la présentation en PADA et le rendez-vous au GUDA est aujourd'hui dépassé dans de nombreuses régions. Nous considérons que les demandeurs n'ont pas à subir les défaillances de l'organisation administrative. En ce sens, l'amendement vise à prévoir que la date de présentation en PADA compte pour la présentation de la demande au GUDA, de façon que la procédure accélérée ne soit pas enclenchée faute d'une réponse administrative dans les délais.
Du fait des déploiements des CAES, de la prise en charge et de l'inscription plus rapide des demandeurs au GUDA, l'étape PADA, qui a en effet pu contribuer à allonger les délais avant le pré-accueil, sera de moins en moins fréquente. Elle n'a au demeurant pas d'existence légale, si bien qu'il serait moins sécurisant d'y faire mention dans la loi.
Puisque le demandeur peut invoquer un motif légitime tout au long de la procédure, il ne sera jamais placé en procédure accélérée faute d'avoir été inscrit suffisamment tôt en préfecture. Ce motif légitime est bien entendu accepté, rien de plus normal : comment imaginer qu'une préfecture puisse décider de la procédure accélérée du fait de l'engorgement des dossiers ? L'amendement me paraissant donc satisfait, je vous invite à le retirer.
Avis défavorable. Nous avons fait beaucoup d'efforts afin d'accélérer les procédures d'enregistrement des demandes d'asile. Alors que le délai nécessaire était de vingt et un jours à la fin de l'année 2016, il s'élève aujourd'hui à onze jours, en moyenne, sur le territoire national, et, dans certaines régions, à trois jours.
L'amendement no 1076 est retiré.
Je voudrais tout d'abord m'adresser à nos collègues du groupe La France insoumise qui évoquent sans cesse Calais. Venez voir à Calais les conséquences de cette immigration massive et du laxisme de l'État ! En effet, même si la jungle a été démantelée, les migrants sont toujours nombreux sur ce territoire.
Vous y verrez les policiers pris à partie ; les routiers, bloqués par les migrants sur l'autoroute ; les habitants, subissant sans arrêt des dégradations et une insécurité grandissante. Arrêtez de parler de Calais sans connaître la situation, sortez du monde des Bisounours !
Il ne fait aucun doute que la notion d'asile est aujourd'hui totalement dévoyée et utilisée comme une filière d'immigration massive. Cet amendement vise à réduire le délai à partir duquel l'administration peut recourir à la procédure accélérée d'examen de la demande d'asile. Diminuer celui-ci de 120 à 90 jours n'est évidemment pas suffisant. Qu'un étranger n'ait pas demandé l'asile 20 jours après son arrivée clandestine signifie clairement que la procédure d'asile a été détournée.
Demander l'asile dans un pays n'est pas anodin et ne se fait pas sur un coup de tête. Aujourd'hui, les associations immigrationnistes, gavées d'argent public, poussent les étrangers à demander l'asile, en sachant pertinemment qu'il y a très peu de chances que ceux-ci relèvent d'une application stricte de ce droit.
Il faut absolument redonner tout son sens au droit d'asile, et lutter contre tout abus. Tel est le sens de cet amendement.
Aujourd'hui, rien n'oblige un demandeur d'asile entré de façon irrégulière sur le territoire national à déposer sa demande avant un délai, qui est actuellement de quatre mois, soit 120 jours, et qui, si le projet de loi est adopté, sera demain de 90 jours.
Passer de 120 à 90 jours ne réglera pas la situation extrêmement complexe à laquelle nous sommes confrontés.
Le délai d'examen par l'OFPRA et la CNDA s'élève aujourd'hui à quatorze mois. On peut ajouter l'obtention du rendez-vous devant la PADA qui, dans certains départements, dépasse un mois, ainsi que l'enregistrement auprès du guichet unique des demandeurs d'asile, les GUDA. Dans les Alpes-Maritimes, du fait de l'affluence à la frontière italienne – une situation, certes, spécifique – , ce délai est de deux mois.
Nous sommes donc face à un maquis procédural : j'ai recensé douze étapes de procédure, qui sont très souvent des moyens de dévoyer le droit d'asile.
Si, comme le montre votre discours, monsieur le ministre d'État, vous êtes résolu à aller plus vite, prenons les mesures qui s'imposent, réduisons réellement les délais, mettez plus de moyens dans les plates-formes et les GUDA. Donnez-vous les moyens de cette ambition !
C'est ce que nous faisons !
Dans cette optique, nous pouvons et nous devons réduire les délais à 30 jours – c'est l'objet de cet amendement.
Le premier acte d'un demandeur d'asile qui arrive en France devrait être de formuler de façon très simple sa demande. Ensuite, vient l'instruction.
Si l'on ne fait pas cela, une personne interpellée pourra toujours opposer sa qualité de demandeur d'asile, même si elle n'a pas formulé de demande, sans en subir la moindre conséquence. C'est un dévoiement du droit et de la procédure d'asile totalement inacceptable.
Monsieur le ministre d'État, soyez pragmatique, soyez réaliste si vous voulez être efficace !
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 204 .
Aujourd'hui, le demandeur d'asile dispose de 120 jours pour déposer son dossier, délai que le Gouvernement veut abaisser à 90 jours. L'objectif affiché est de maîtriser les délais d'instruction des dossiers et de dissuader les demandeurs d'asile qui n'ont pas vocation à bénéficier de cette protection.
Cette volonté est certes positive, mais la mesure manque un peu d'audace. Elle a pour principal inconvénient que, à l'issue de ce délai raccourci, l'examen de la demande tombe sous le régime accéléré. Dans de nombreux cas, c'est tout à fait souhaitable, car, en procédure accélérée, l'OFPRA a quinze jours pour statuer, après enregistrement du dossier.
Quant à la Cour nationale du droit d'asile, elle dispose de cinq semaines, après enregistrement du recours. Dans ce cas, l'affaire est jugée par un juge unique, au lieu d'une formation collégiale. C'est d'ailleurs ce que craignent les associations pro-migrants. Mais pourquoi craindre cette procédure accélérée puisque, tout en étant respectueuse des droits des migrants, elle a l'avantage de répondre à l'exigence de célérité dans le traitement des dossiers ?
Pour répondre à cette exigence de célérité et dissuader les demandeurs d'asile qui ne répondent pas aux critères d'acceptation, cet amendement vise à aller plus loin que le Gouvernement, en abaissant encore le délai de traitement des demandes d'asile, le faisant passer de 120 à 60 jours, durée qui paraît tout à fait raisonnable.
Ces amendements montrent comment l'on peut poursuivre un objectif de pragmatisme et, en même temps, d'humanité. Il est en effet important non seulement de réduire le traitement de la demande d'asile, mais aussi de préserver la possibilité de construire un récit et de présenter cette demande.
Une réduction de 120 à 90 jours était raisonnable, pragmatique, tout en nous permettant de conserver notre objectif d'humanité. Au contraire, les auteurs de ces amendements ne parlent que d'efficacité. On ne préserve nullement le droit d'asile en réduisant le délai dans une telle proportion.
Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Pajot, vous devriez regarder un peu les chiffres. Les demandeurs acceptés et les personnes que nous protégeons chaque année ne constituent pas un flot de migrants. Soyons raisonnables !
Ces chiffres sont publics : ils sont à peu près partout ! Vous les trouverez, entre autres, dans le rapport d'Aurélien Taché.
Parmi les 100 000 demandeurs, …
… 43 000 ont été acceptés : ce n'est pas un flot. Rapportez ce chiffre à la population française, et le ratio sera infinitésimal !
C'est la moindre des choses que nous devons à ces personnes qui fuient leur pays.
Madame Le Pen, monsieur Pajot et messieurs les autres élus du Front national, je vous demande d'aller un jour, comme je l'ai fait, rencontrer quelqu'un qui, parti d'Érythrée, il y a cinq ans, car il y était menacé – sa famille avait été décimée – , a traversé le Soudan, pour arriver en Libye et tenter quatre fois de traverser la Méditerranée, sur les rafiots que vous connaissez.
Par deux fois il a été sauvé, avant d'arriver en Italie et de traverser les Alpes pendant l'hiver. Vous rendez-vous compte de ce que représentent 90 jours pour cette personne, complètement déstructurée, fatiguée, psychologiquement atteinte ?
Ce délai n'est pas un abus, qui compromettrait l'équilibre démographique de la France !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Dans ces amendements, en matière de délai, le Front national propose 20 jours ; le groupe Les Républicains, 30 jours ; Mme Ménard – petit bras – , 60 jours. À ce petit jeu malsain, c'est de toute façon toujours l'extrême droite qui gagne.
Exclamations parmi les députés non inscrits.
L'unique motivation de tous ces amendements est, de toute façon, d'aller plus vite, pour renvoyer plus rapidement les demandeurs.
Parce que nous voterons contre un délai de 90 jours, nous nous opposerons également à ces amendements, qui font vraiment fi de la réalité psychique, physique, morale de ces personnes qui ont fui la guerre, la persécution et, pour certaines, ont traversé des pays entiers.
Tous les professionnels travaillant auprès des demandeurs d'asile nous le disent : après le traumatisme que peuvent représenter la fuite et l'exil, un mutisme peut s'installer, qui est dû au contrecoup de toutes les difficultés traversées.
Il faut du temps, évidemment, du « temps nécessaire à la confiance », comme disait Jean-Paul Lecoq, un temps nécessaire pour établir un contact de confiance.
Allez au bout de votre logique, mesdames, messieurs les députés, dites que le demandeur d'asile doit déposer sa demande la veille de son arrivée. Car, finalement, c'est cela que vous avez en tête !
Monsieur Balanant, madame Dumont, assez de caricatures ! Ce qui nous inquiète, ce ne sont pas les demandeurs d'asile protégés par la France, mais les deux tiers des demandeurs déboutés du droit d'asile qui, in fine, restent en France et deviennent des clandestins.
Notre problème, c'est que 96 % des demandeurs déboutés du droit d'asile restent en France.
Et la baisse de 7 % des crédits d'éloignement amplifiera encore ce phénomène.
De plus, pour les étrangers contrôlés en situation irrégulière, les laissez-passer consulaires ne sont délivrés que dans 0,5 % des cas pour le Soudan, 0,7 % pour l'Afghanistan et 7,8 % pour le Maroc.
Vous voyez donc bien, chers collègues, que, derrière vos caricatures, il y a une réalité : vous faites preuve du plus grand laxisme, dans la droite ligne du précédent gouvernement, dont la plupart d'entre vous, députés du groupe La République en marche, souteniez la politique.
J'ai par ailleurs le regret d'annoncer à mon collègue Ludovic Pajot que cet article et ces amendements ne concernent absolument pas la situation à Calais où les personnes présentes ne veulent pas demander l'asile.
Il ne s'agit donc pas d'augmenter ou de réduire les délais d'enregistrement des demandes, un amalgame qui est profondément scandaleux. Une fois de plus, le Front national veut faire son beurre sur le malheur des habitants du Calaisis.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
À mon grand regret, monsieur Dumont, je voudrais vous faire remarquer que l'article 5 ne porte pas sur les déboutés – nous aurons sur ce sujet un débat à l'article 6 – , mais sur les personnes qui doivent enregistrer leur demande d'asile. Pour le moment, il est question de personnes dont on ne sait pas a priori si elles satisfont les critères et dont on doit justement examiner le dossier. Étant naturellement opposés à la réduction du délai à 90 jours, nous appelons à voter contre ces trois amendements.
J'aimerais cependant revenir sur la logique de réduction, introduite par la majorité, qui développe le même argumentaire que nos collègues du groupe LR lorsqu'ils indiquent qu'eux aussi, ils ont de l'humanité – nous ne le nions pas – , tout en cherchant l'efficacité.
Lorsque la procédure de demande d'asile avait été établie, le législateur, considérant qu'un délai était nécessaire, après analyse, l'avait fixé à 120 jours. Doit-on considérer que nos moyens ont augmenté au point de permettre d'accueillir nettement mieux ces personnes, donc de réduire le délai d'enregistrement de leur demande ? Tel est l'enjeu : réduire le délai n'est souhaitable que si les conditions actuelles permettent d'aller plus vite, avec la même qualité.
Au contraire, et vous le savez, chers collègues, car c'est pour cela que nous en débattons, il y a eu davantage de dossiers à traiter, avec moins de moyens. Les arguments expliquant pourquoi ces 120 jours étaient nécessaires et ne devaient pas être réduits à 90 restent d'autant plus valables.
Or vous introduisez vous-mêmes, chers collègues de la majorité, le moyen pour les députés du Front national et du groupe LR d'accentuer cette réduction, à 60, à 30 ou à 20 jours, afin d'accélérer le traitement des demandes et de réduire l'attente des personnes. Vous ouvrez donc la porte à une logique qui, à son terme, dégrade encore plus la situation des demandeurs d'asile.
J'aimerais revenir sur la notion de confiance employée par nos collègues.
La confiance, c'est la base. On peut ramener le délai de dépôt à 90 jours, et je pense pour ma part que c'est important, mais il faut aussi rétablir une relation de confiance tant avec les migrants qu'avec les associations et avec ceux qui aident les migrants.
La particularité de ma circonscription, et de celle de certains collègues ici présents, est que les migrants qui s'y trouvent ne veulent pas être identifiés, car ils ne cherchent qu'une chose : passer en Angleterre. Ils ne veulent donc entrer dans aucun cadre.
Je vais vous parler d'une expérience que j'ai vécue cet hiver, un hiver rigoureux. Nous allons les voir, dans les bois ; il pleut, il fait froid. On leur demande s'ils ne préféreraient pas intégrer un dispositif d'hébergement accessible, disponible, leur assurant qu'ils ne risquent rien, avançant que ce qu'ils vivent est tout de même dramatique. Leur première réaction est de sourire et de répondre : « Mais non, ce n'est rien ; nous, on est passés par la Libye ! »
Cela fait relativiser beaucoup de choses…
Ensuite, on leur dit que des lits sont disponibles à cinq kilomètres de là, qu'ils ne risquent rien, que l'on ne va pas les ramener chez eux, que l'on ne va même pas appliquer Dublin – puisque, dans un centre d'accueil et d'orientation, Dublin ne s'applique pas avant trente jours ; pendant trente jours, ils peuvent reprendre confiance et se demander s'ils déposent une demande d'asile ou s'orientent vers une autre voie. C'est pendant ces trente jours que les associations doivent faire leur travail, ainsi que nous, que l'État.
Mais ce que je déplore au quotidien dans ma circonscription, comme d'autres, c'est la manipulation à laquelle se livrent certains. Pas tous, heureusement, car il y a une vraie humanité chez beaucoup de ceux qui aident les migrants tous les jours sur le terrain et au sein des associations ; mais il y a aussi une véritable inhumanité des associations qui, délibérément, désinforment les migrants en leur faisant croire que, s'ils entrent dans un tel processus, on les ramènera dans leur pays.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Cet hiver, soixante personnes dormaient dans la rue ou dans les bois, alors qu'à cinq kilomètres de là il y avait soixante lits libres ! C'est inaudible.
Si, en quatre-vingt-dix jours, nous parvenons à inspirer assez de confiance à ces migrants pour qu'ils acceptent d'entrer dans le processus, nous aurons réussi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes MODEM, UDI-Agir et LR.
Ce n'est pas la peine d'être désagréable avec nous, monsieur Dumont : cela n'empêchera pas nos collègues gauchistes de vous accuser d'être d'extrême droite !
Rires parmi les députés non inscrits et sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Pour ajouter à l'expérience qui vient de nous être rapportée, on assiste en effet à Calais à une situation totalement folle où des associations poussent les clandestins à n'entreprendre aucune procédure, alors que le Gouvernement, lui, les incite à déposer une demande d'asile, sans même savoir s'ils correspondent de près ou de loin aux critères requis pour obtenir l'asile, …
C'est pour le savoir, justement…
… simplement pour avoir la paix pendant quelques jours ! On marche sur la tête !
Monsieur Balanant, nonobstant vos régulières leçons de morale et de gentillesse, que je vous renvoie, …
… 100 000 demandeurs d'asile, plus 260 000 immigrés légaux, plus les clandestins,
Exclamations sur les bancs du groupe FI
dont le moins que l'on puisse dire est que les gouvernements successifs ne font guère d'efforts pour savoir combien ils sont, mais qui sont probablement autant, c'est-à-dire 300 000 : tout cela, c'est bien gentil, mais, à un moment donné, il faut qu'il y ait des gens qui fassent de la place !
Même mouvement.
Et ce n'est pas vous qui faites de la place pour permettre à l'ensemble de ces personnes de se loger, …
Ce sont bien souvent nos compatriotes modestes qui vivent dans les quartiers où l'on envoie ces immigrés. Telle est la réalité !
« Et l'amendement ? » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Oui, notre problème, ce sont les déboutés. Non, évidemment, nous ne voulons pas qu'ils restent sur le territoire national, et qu'en réalité ils viennent grossir le flux des clandestins qu'il faut soigner, nourrir, subventionner, j'en passe et des meilleures.
Vous voulez faire de l'humanité, monsieur Balanant ?
… pour que ce soit aux guichets situés dans nos ambassades et nos consulats dans n'importe quel pays du monde que ces personnes puissent déposer leur demande d'asile.
Ainsi, voyez-vous, votre jeune homme ne sera pas obligé de traverser la Méditerranée, comme vous lui demandez de le faire puisque vous l'incitez à le faire, au péril de sa vie !
Il pourra déposer un dossier très tranquillement, n'importe où sur sa route, et il y aura beaucoup moins de morts en Méditerranée, …
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1077 .
Il s'agit d'empêcher l'engagement d'une procédure accélérée si un demandeur formule sa demande tardivement, c'est-à-dire après 90 jours dans l'hypothèse où le présent texte est adopté, et s'il est ressortissant d'un pays où est avérée une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En effet, le traumatisme induit par la situation difficile et la fuite qu'il a subies nécessitent une période de repos et de répit, pour pouvoir enfin rebondir, enfin décider si, oui ou non, il veut demander une protection, pour pouvoir, tout simplement, commencer à se sentir à nouveau vivant.
En adoptant cet amendement, nous honorerions encore mieux notre devoir d'accueil des personnes persécutées.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et NG.
L'amendement résulte d'une préoccupation légitime, mais il s'agit, me semble-t-il, d'une exception générale qui peut prêter à de trop nombreuses interprétations et qui n'a pas sa place dans un texte de loi.
Je vous l'ai dit, les préfectures ou l'OFPRA peuvent déclasser des procédures accélérées en procédures normales. Je crois qu'il faut faire confiance aux agents de l'OFPRA pour une juste appréciation des situations individuelles. Dans le cas d'espèce, je pense qu'ils procéderaient sans problème à ce reclassement si la violence est avérée.
Toutefois, je le répète, cette condition me paraît trop peu juridique pour être inscrite dans un texte de loi.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Il n'y a pas de base juridique dans le texte, même si nous comprenons l'intention de l'amendement.
L'amendement no 1077 n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 899 , 680 rectifié , 815 , 243 , 1078 et 295 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 243 et 1078 sont identiques.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 899 .
Je vous indique dès à présent que, sur cet amendement no 899 , je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous avons peu d'espoir de faire évoluer ce texte, mais, sur la question des mineurs, nous avons vraiment l'intention de sensibiliser et de réveiller les consciences au sein de cette assemblée.
Par cet amendement, nous proposons d'interdire que les mineurs non accompagnés soient soumis à une procédure accélérée dans le cadre de l'examen de leur demande d'asile, la procédure accélérée étant une nette dégradation de la procédure normale.
Nous reprenons ici un amendement proposé par l'association ELENA-France, association des avocats du droit d'asile, membre du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés, qui le justifie comme suit.
Le bénéfice d'une procédure normale, à défaut d'une procédure encore plus protectrice de leurs droits, est le minimum qui doit être garanti aux mineurs, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant rappelé à l'article L. 741-4 du CESEDA.
Il ne suffit pas de mentionner le terme de vulnérabilité dans la loi pour garantir effectivement que la vulnérabilité est prise en considération. En l'état actuel de la loi, la référence à la notion de vulnérabilité reste purement incantatoire.
Les mineurs isolés doivent pourtant bénéficier de temps pour préparer leur dossier, et doivent être entendus par une juridiction collégiale. Or ces impératifs sont incompatibles avec leur placement en procédure accélérée.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement no 680 rectifié .
Monsieur le ministre d'État, vous vous êtes exprimé devant nous à propos des mineurs demandeurs d'asile, et vous nous avez assuré qu'un groupe de travail allait très rapidement être installé sur ce sujet, donc que le traitement des mineurs, isolés ou non, serait bien rediscuté, ce qui permettra de garantir une procédure particulière lors de l'examen de leur demande d'asile par l'OFPRA et la CNDA.
Nous vous remercions de cet engagement et nous retirons dès lors notre amendement.
L'amendement no 680 rectifié est retiré.
Dans la suite de la discussion, nous allons certainement revenir à plusieurs reprises sur la question des mineurs. Quand on parle de mineurs, on parle des enfants du point de vue de notre droit.
Notre amendement vise à interdire le recours à la procédure accélérée pour les mineurs non accompagnés.
Ces derniers sont des personnes vulnérables, qui doivent être protégées au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Or aucune garantie procédurale particulière n'est prévue dans le traitement de leur demande d'asile par l'OFPRA ou la CNDA.
Il ne suffit pas à nos yeux de mentionner le terme de vulnérabilité dans la loi pour garantir effectivement que la vulnérabilité est prise en considération. En l'état actuel de la loi, la référence à cette notion reste purement incantatoire.
Les mineurs isolés doivent pourtant bénéficier de temps pour préparer leur dossier, et doivent être entendus par une juridiction collégiale. Or ces impératifs sont incompatibles avec leur placement en procédure accélérée.
J'ajoute que le bénéfice d'une procédure normale, à défaut d'une procédure encore plus protectrice de leurs droits, est pourtant le minimum qui devrait leur être garanti, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, auquel l'article L. 741-4 du CESEDA fait référence.
La parole est à M. Brahim Hammouche, pour soutenir l'amendement no 243 .
Cet amendement permet de prendre en considération la vulnérabilité des mineurs. Cela a été rappelé : un mineur, c'est un enfant ; ce n'est pas un petit adulte. La vulnérabilité des mineurs isolés figure dans la loi du 29 juillet 2015 qui transpose les directives européennes en matière d'asile.
Les mineurs isolés doivent bénéficier de temps pour préparer leur dossier, et doivent être entendus par une juridiction collégiale. Or ces impératifs sont incompatibles avec leur placement en procédure accélérée.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1078 .
Cet amendement vise à soustraire les mineurs non accompagnés aux procédures accélérées de demande d'asile, eu égard à leur extrême vulnérabilité.
En effet, ces enfants sont soumis à de grandes instabilités qui nuisent à la fois à leur santé et à leur développement. À cet égard, et tel que l'entend la convention des Nations unies relatives au droit de l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant doit prévaloir : le mineur ne peut donc pas faire l'objet d'une procédure accélérée lorsqu'il est statué sur son droit à l'asile.
Par conséquent, cet amendement tend à permettre aux mineurs non accompagnés de continuer à disposer du temps nécessaire pour constituer leurs dossiers, mais également pour se préparer à une procédure complexe pour quelqu'un qui sort d'un parcours migratoire difficile et ne connaît pas nécessairement la langue du pays dans lequel il arrive.
Enfin et surtout, étant donné la particulière vulnérabilité de ces enfants et compte tenu du fait qu'il n'existe pas de dispositif leur permettant de se reposer dans un environnement stable, pourtant nécessaire, il est d'autant plus important de ne pas les exposer davantage par des dispositions qui seraient de nature à les fragiliser encore plus.
Cet amendement vise à poser le principe indérogeable de l'interdiction des procédures accélérées pour le traitement des demandes concernant des mineurs.
La disposition législative aurait le mérite de la clarté en prévoyant que « la procédure ne peut être mise en oeuvre à l'égard de mineurs ».
Il est vrai que la situation des mineurs peut susciter une grande émotion, chez nous tous.
Ce qu'il importe de noter, c'est que le placement des mineurs en procédure accélérée n'est pas identique à celui qui vaut pour les autres demandeurs d'asile : il est limité à deux cas, celui des ressortissants de pays d'origine sûrs et celui de ceux qui représentent une menace grave pour l'ordre public.
Par ailleurs, le CESEDA prévoit pour l'OFPRA des garanties procédurales particulières lorsque l'on s'aperçoit, au moment de l'examen de la demande individuelle, de l'existence de conditions de particulière vulnérabilité ou du fait que des violences ont pu être subies, notamment en raison de la minorité. Dès lors, à tout moment, l'OFPRA peut assortir son traitement de la demande de ces garanties procédurales, lesquelles ne sont pas compatibles avec la procédure accélérée.
De plus, comme cela a été dit, la situation des mineurs en général mérite d'être retravaillée ; ce sera fait, ainsi que M. le ministre d'État s'y est engagé.
Il me semble au total que, pour le moment, les garanties sont suffisantes, même s'il convient de continuer à y réfléchir.
Avis défavorable.
La parole est à M. Éric Ciotti… ah, pardonnez-moi, je dois d'abord demander l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente voyait déjà M. Ciotti au banc du Gouvernement !
Sourires et applaudissements sur divers bancs.
Il nous donnerait les chiffres, lui ! Et il ne ferait jamais le plan caché !
Je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire Mme la rapporteure. Nous l'avons dit : nous sommes disposés à étudier avec vous ce problème, qui est un problème spécifique, à ne pas confondre avec celui des mineurs non accompagnés – un problème de fond sur lequel nous devrons mener une réflexion plus vaste.
Je vous remercie, monsieur le ministre d'État, pour vos voeux que je reçois avec beaucoup de plaisir. Si nos débats sont longs, mais passionnants, la lecture de la presse nous éclaire parfois plus qu'eux.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai ainsi lu un article qui relatait le déroulement de la dernière réunion de groupe de la majorité et que Mme Rilhac vient à l'instant de confirmer.
Il était en effet écrit qu'une commission allait être créée sur la question spécifique des demandes d'asile pour les mineurs et qu'elle allait conduire au dépôt d'une proposition de loi du groupe La République en marche, qui serait sans doute votée à l'automne et aurait pour objet de revenir, dans un sens beaucoup plus favorable, sur l'ensemble des dispositions actuelles concernant les mineurs.
C'est pourquoi, monsieur le ministre d'État, à nos deux questions récurrentes – la première sur le pacte de régularisation caché et la deuxième sur l'étude d'impact sur la réunification familiale – , j'ajoute une troisième, qui nous est inspirée par Mme Rilhac : y a-t-il un plan caché pour que vous déconstruisiez vous-mêmes la loi que nous sommes en train de voter ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ces débats ne sont pas sans intérêt, puisqu'ils nous permettent d'être informés après coup de décisions prises par la majorité.
Plus sérieusement, quoi que se dise la majorité dans ses réunions internes, il ne s'agit pas ce soir d'un débat de la majorité, mais bien d'un débat en séance publique. Nous ne sommes pas comptables des accords pris en réunion. Ici, c'est l'Assemblée nationale, où sont représentées toutes les sensibilités. Nous avons, par conséquent, l'occasion dès maintenant de poser la première pierre d'un débat plus large, afin de soustraire les mineurs à la procédure accélérée.
La réponse de Mme la rapporteure apporte de l'eau à notre moulin, puisqu'elle a précisé que des garanties supplémentaires sont données dans le cas des mineurs. Cela veut bien dire que la procédure accélérée pose problème, puisqu'il y a besoin de lui apporter des garanties supplémentaires. Alors que votre argument devait vous permettre de rejeter nos amendements, en réalité, il nous convainc d'autant plus que cette procédure devrait être interdite. Il faut mettre les moyens et laisser s'appliquer la seule procédure normale.
Par ailleurs, la question des mineurs isolés fera l'objet d'une discussion. Avant de les considérer comme des étrangers, il faut les considérer comme des enfants. Dans ce projet de loi, il s'agit de la question de la procédure accélérée sur laquelle il faut prendre une décision dès maintenant.
Il ne s'agit pas, madame la rapporteure, d'émotion. Il y a, au contraire, beaucoup de raison dans ce que nous proposons. Il est en effet très raisonnable de ne pas remettre à demain ou à après-demain ce que l'on peut faire dès à présent. Adoptez nos amendements : nous aurons ainsi fait un tout petit bout de chemin.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les mineurs non accompagnés demandeurs d'asile sont très peu nombreux. Adopter cet amendement, pour leur éviter la procédure accélérée, n'alourdirait donc pas la charge de l'OFPRA.
Monsieur le ministre d'État, je vous sens pressé, comme tout le monde, d'aller prendre un peu de repos. Mais ce sujet est très important. C'est la première fois que l'ancien élu que je suis voit un texte de loi évoluer avec une telle raideur.
Certes ! Mais nous l'avions critiqué !
J'entends par « raideur » le fait que vous êtes insensibles non pas à l'émotionnel de Bisounours, comme le dit la droite, mais à toutes les propositions qui pourraient être faites pour améliorer votre texte. Vous êtes totalement fermés. Nous avons l'impression que vous avez fait vôtre une codification intellectuelle, politique et juridique complètement fermée, alors que vous brandissez à tout va des explications selon lesquelles vous cherchez à améliorer la situation des immigrés, à les protéger et à leur permettre d'être en France dans les meilleures conditions.
« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dites-nous exactement la vérité ! Que cachez-vous ? Pour quelle raison refusez-vous de vous exprimer clairement ? Cachez-vous le désir de bien maîtriser l'immigration et surtout d'accélérer les procédures de retour dans leur pays d'hommes et de femmes qui traversent la Méditerranée et croient encore en la France ?
Vous multipliez les mécanismes. Que signifie l'article 27, qui va porter atteinte au droit des mineurs, en permettant de placer des enfants en rétention ? Le fait que l'on soit en procédure accélérée signifie qu'il y aura un juge unique et que les délais de recours devant la CNDA seront de cinq semaines. Dites-nous très clairement ce que vous souhaitez. Je considère, pour ma part, que ce n'est pas une bonne chose de reporter dans une proposition de loi les questions concernant les mineurs.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 98 |
Nombre de suffrages exprimés | 95 |
Majorité absolue | 48 |
Pour l'adoption | 25 |
contre | 70 |
L'amendement no 899 n'est pas adopté.
L'amendement no 815 n'est pas adopté.
L'amendement no 295 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly