Publié le 13 avril 2018 par : Mme Obono, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Supprimer l'alinéa 3.
En voulant diminuer de 120 jours à 90 jours le délai entre l'entrée sur le territoire et le dépôt d'une demande d'asile pour avoir droit à un examen dans le cadre d'une procédure dite « normale » par l'OFPRA et la CNDA, le Gouvernement propose ce qui est dans les faits un ignoble rabot budgétaire au détriment des droits les plus fondamentaux des demandeurs d'asile, notamment celui à un examen sérieux de leur dossier (voir ci-dessous, ce qui est proposé est tout simplement glaçant).
Par cet amendement de repli nous proposons de préserver le délai actuel de maximal 120 jours prévu à l'article L. 723-2 du CESEDA (« III. - L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : (…) 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France ».).
En effet, depuis la réforme de l'asile sous le précédent quinquennat (loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et décrets d'application) :
- En procédure normale : l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est censé statuer 6 mois après sa saisine (R. 723-3 du CESEDA), La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) 5 mois à compter de sa saisine (article L. 731-2 CESEDA) et en formation collégiale (trois juges) ;
- En procédure accélérée : l'OFPRA a 15 jours (R. 723-4 du CESEDA) pour statuer après enregistrement du dossier et la CNDA 5 semaines après enregistrement du recours (article L. 731-2 CESEDA). Dans ce cas, l'affaire est jugée par un juge unique et non par une formation collégiale.
Ainsi, la procédure « accélérée » a été créée depuis seulement 2015 (loi du 29 juillet 2015) pour « désengorger » l'OFPRA et la CNDA en donnant des garanties moindres. Plutôt que d'investir des moyens humains et financiers pour traiter l'augmentation des demandes, on préfère donc à moyens quasi-constants mal les traiter / les traiter expéditivement.
Si le Gouvernement prétend qu'il fait là application de la directive « procédure » 2013/32/UE du 26 juin 2013 (et de son article 31), ce texte n'évoque bien évidemment pas de délai spécifique de 90 ou de 120 jours qui reste à la discrétion des Etats… Ils masquent leur souhait d'accélérer et de dégrader la qualité de l'examen par « l'excuse européenne »…
Preuve en est, il suffit de regarder les archives des débats sur l'adoption initiale de ce délai de 120 jours pour voir que la rapporteure (Mme Sandrine Mazetier) avait proposé un délai de 4 mois en le justifiant notamment par : « [des] démarches dans un pays dont vous ne maîtrisez pas la langue et dont l'organisation administrative ne vous est pas familière. (…) le délai de quatre-vingt-dix jours est trop bref. Il correspond au délai pour un court séjour, mais ne tient pas assez compte de l'état psychologique ou de santé du demandeur, ou du fait qu'il peut manquer d'informations, lesquels risquent de retarder la présentation de la demande (…) ». (http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cloi/14-15/c1415022.asp).
(NB : voici les extraits afférents de la directive ; le délai est laissé à l'appréciation entière des Etats … « Les États membres peuvent donner la priorité à l'examen d'une demande de protection internationale dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, notamment: (…) h) du 7) de l'article 31 « le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l'État membre et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités ou n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée »). Excuse européenne pour rabot français.
Ainsi, il est indéniable qu'entre un examen de 15 jours par l'OFPRA et de 6 mois il y aura une réelle différence de qualité d'examen et d'étude du dossier (rien que parce que l'étranger en six mois a le temps de produire de nombreuses pièces justificatives pour expliquer sa situation et les persécutions pour lesquelles il demande une protection internationale). Il en est de même pour les délais de la CNDA et la formation en juge unique (une formation collégiale permet toujours un regard contradictoire sur les dossiers alors qu'un juge unique implique nécessairement de nombreux angles morts – subjectivité).
Cette manœuvre du Gouvernement vise donc seulement à faire basculer beaucoup plus de personnes dans une procédure d'examen accélérée qui dégrade singulièrement la qualité de l'examen par l'OFPRA et la CNDA… Le droit d'asile sacrifié pour faire plus d'économies. Quel mépris profond pour l'état de droit et la protection à accorder aux plus vulnérables qui ont pu fuir les exactions et des pays en guerre.
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