Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du jeudi 19 avril 2018 à 15h00
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Comment ne pas s'opposer à cet article, qui affaiblit et détériore les garanties des droits fondamentaux des demandeurs d'asile ? Je pense en particulier à l'alinéa 3, qui prévoit la réduction de 120 à 90 jours du délai courant à compter de l'entrée d'un étranger sur le territoire français au-delà duquel sa demande d'asile est examinée selon la procédure accélérée.

Par cette disposition, vous refusez de regarder en face la réalité vécue par les acteurs de terrain. Comme le souligne fort justement la Fédération française des acteurs de la solidarité, le raccourcissement de ce délai ne tient pas compte du parcours des personnes exilées. À leur arrivée en France, leurs conditions de vie sont particulièrement précaires : elles rencontrent des difficultés pour accéder à des informations sur l'asile et pour obtenir un rendez-vous auprès des structures adéquates ou des associations.

Les demandeurs d'asile et les professionnels du droit d'asile ont déjà toutes les peines du monde à tenir le délai de 120 jours : pensez-vous réellement qu'un délai de 90 jours soit tenable ? L'enregistrement des demandes est tributaire des capacités de traitement en préfecture – je pourrais vous parler, à ce propos, de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, qui bat tous les records pour ce qui est des délais et de l'inhumanité dans le traitement des demandes. Il faut également tenir compte des moyens matériels qui sont à disposition du requérant : trop d'éléments conjoncturels perturbent une procédure qui est déjà, en elle-même, complexe.

On ne peut considérer le délai dans lequel la demande d'asile est déposée comme un élément d'appréciation de la motivation et du sérieux de l'étranger. En réalité, en réduisant ainsi les délais, vous souhaitez seulement augmenter la part des demandes en procédure accélérée. Votre logique est strictement arithmétique. Or la procédure accélérée raccourcit le délai de préparation du dossier, au détriment de la qualité de l'instruction ; elle prive en outre le justiciable de la collégialité devant la CNDA.

Tel est l'esprit de cet article : traiter moins bien pour expulser plus vite.

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