Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 15 mai 2018 à 9h30
Questions orales sans débat — Conséquences de la transposition de la directive travel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, les enfants sont-ils des touristes lorsqu'ils partagent une nuit à la belle étoile en colonie de vacances ? Les parents auront-ils d'autres choix que des catalogues de séjours touristiques pour les vacances de leurs enfants ?

Drôles de questions… Mais c'est pourtant la situation qui se profile pour le 1er juillet prochain, avec l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 20 décembre 2017 et du décret du 29 décembre 2017 qui transposent la directive européenne « Travel ». Ces textes de transposition, tels qu'ils ont été rédigés par le Gouvernement, soumettent les organismes d'accueils collectifs de mineurs – ACM – sans but lucratif à l'obligation d'immatriculation prévue au code du tourisme et au dépôt d'une garantie financière.

Ainsi, les colonies de vacances, les mouvements scouts et les classes découvertes se retrouvent alignés sur le marché du tourisme, sans aucune prise en compte de leur vocation éducative, sociale et solidaire. Quid de l'inscription de ces colonies, depuis plus d'un siècle, dans des finalités qui sont du ressort des politiques publiques, celles de l'éducation nationale ou de la jeunesse et des sports, et qui purent être, selon les époques, hygiénistes, sanitaires, sociales, éducatives voire sécuritaires ? Quid des mixités ? Du faire-ensemble des enfants et des jeunes ? Voulons-nous pour nos enfants des activités assujetties à des logiques exclusivement marchandes ou bien du temps libre, de la découverte, des rencontres, l'apprentissage de l'autonomie ?

Les colonies exercent une mission d'intérêt général. Elles s'adressent non pas à des consommateurs, mais à des enfants, qui n'ont parfois pas la chance ou les moyens de partir. Elles ouvrent à des enfants et à de jeunes adultes la possibilité de faire et d'apprendre ensemble. Rappelons que chaque année ce sont 3 millions d'enfants qui ne partent pas en vacances, dont 2 millions ne quittent pas leur domicile, même une nuit.

Pourtant, monsieur le ministre, le Gouvernement, ou plutôt Bercy sans doute, qui a piloté cette transcription sans aucune concertation avec les acteurs concernés, a fait le choix d'une transposition ignorant totalement la mission d'intérêt général des colonies à but non lucratif, alors même que dans d'autres pays cette différence a été prise en considération.

L'Allemagne n'applique ce texte qu'aux agences de voyage et aux tour-opérateurs. Le Portugal fait la distinction entre le marchand et le non-marchand en appliquant les demandes de garanties aux agences de voyages et en prévoyant qu'elles ne s'appliquent pas aux institutions portugaises qui oeuvrent dans le secteur de l'économie sociale. Le Luxembourg a conçu des possibilités de dérogation. L'Espagne a distingué entre entreprises et associations.

Et il ne s'agit même pas, avec cette directive, d'améliorer les garanties éducatives, auxquelles les colonies de vacances répondent déjà dans le cadre de leurs agréments « Jeunesse et éducation populaire » ou « Association complémentaire de l'enseignement public », ni d'ailleurs d'améliorer la qualité des activités proposées, elle aussi garantie aujourd'hui par la réglementation ACM.

Aussi, monsieur le ministre, nous ne comprenons pas la réponse du Gouvernement à une question écrite de notre collègue sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Denise Saint-Pé. Comment comprendre, en effet, une transcription aussi restrictive, qui impose aux associations agréées, ainsi qu'aux collectivités territoriales et aux ACM organisant des séjours à la journée sans hébergement, de répondre à ces nouvelles obligations, comme le prévoit la réponse écrite qu'a reçue la sénatrice ?

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