Je voudrais revenir sur un point que je n'ai pas détaillé lors de la discussion générale : la contractualisation. C'est un terme que l'on emploie depuis dix ans, une notion que l'on présente comme le moyen miraculeux de sauver l'agriculture de ses difficultés. Il est vrai que peu d'entre nous se posent la question de savoir si c'est vraiment la bonne réponse.
D'abord, il faut avoir conscience que la contractualisation est avant tout un trompe-l'oeil, destiné à nous faire détourner le regard de choix politiques structurels, ceux de la libéralisation des échanges agricoles au niveau européen comme national. Celle-ci s'accompagne notamment de la suppression des derniers outils de gestion des volumes, comme les quotas laitiers, et des mesures d'encadrement des prix. Peut-on rêver au point de penser que la contractualisation suffira à rattraper ces handicaps énormes, nés de la suppression des régulations de l'Union européenne ?
Ensuite, la contractualisation – je pense que les libéraux, ils sont quelques-uns à siéger dans cet hémicycle, ne seront pas d'accord avec mes propos – laisserait penser que les parties contractantes seraient également disposées pour bien contracter, librement et de manière non faussée. Le concept même de contractualisation est profondément libéral, en ce qu'il cherche à masquer les rapports de domination qui existent entre les parties. Ces rapports ne disparaissent pas par la seule magie d'un contrat écrit.
Comme cela a été dit, ce texte approfondit la contractualisation initiée par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, dite loi Le Maire – on voit donc une forme de continuité. Mais nous n'insisterons jamais assez sur la contradiction permanente avec l'approfondissement, dans le même temps, des accords de libre-échange frappant nos principales productions agricoles que sont la viande et les céréales. La suppression des outils européens de régulation – quotas laitiers et sucriers et stockage public – constitue un autre élément de contradiction. Cela aboutit à créer une pression constante à la baisse des prix d'achat et à la volatilité des prix des marchés mondiaux. Croyez-vous très sincèrement, mes chers collègues, que la contractualisation sera le remède miracle à ces dérives ?
Comment penser que cela fera peur aux centrales d'achat et aux géants de la distribution, à même de tout obtenir par simple chantage, notamment au déréférencement ? Ils pourront continuer d'imposer leurs lois sur les contrats et leurs marges sur les produits. Soyons clairs, agiter l'épouvantail de la contractualisation volontaire pour repousser les menaces liées à la libéralisation des échanges agricoles est une farce.