La loi MOP a un défaut structurel, absolu, congénital – je l'ai dit hier, chers collègues, mais je tiens à le répéter ce soir – que l'on ne voudrait imposer à aucun de nos concitoyens. Quand vous réalisez une construction pour vous ou pour votre entreprise, quand vous agrandissez un bâtiment, quand vous le modifiez ou le rénovez, que se passe-t-il ? N'importe lequel de nos concitoyens peut dire : j'ai une idée, un projet, un besoin, et venir échanger avec l'homme de l'art – dont la fonction doit être sanctuarisée, je suis d'accord avec vous, chers collègues – mais il vient échanger avec lui : c'est ce que la loi MOP interdit absolument !
La loi MOP suppose que l'on définisse une idée, pour laquelle on reçoit quatre ou cinq projets. Il m'est arrivé, lorsque j'étais maire et que j'ai eu à construire une école, d'avoir un projet génial parmi les quatre qui m'étaient proposés – parce que nous n'avions pas les moyens d'en avoir cinq. Le projet était génial, c'est l'école que je voulais construire, mais il présentait deux défauts fonctionnels rédhibitoires qui modifiaient le projet d'un point de vue architectural et urbanistique – marginalement, de mon point de vue. Mais ce « marginalement » pouvait se transformer en « pénalement » si j'échangeais avec l'architecte.
Je demande donc simplement que l'on prenne en compte le fait que, pour tout projet architectural, il y a un donneur d'ordres et un homme de l'art, et que c'est l'échange entre les deux qui permet, à un moment donné, de construire bien, de construire beau, de construire confortable, de construire « bien-vivre ». Et c'est l'inverse que l'on fait avec la loi MOP !
Pour ma part, je défends la méthode du Gouvernement. Mais vous, mers chers collègues, qui défendez à ce point l'Ordre des architectes, obtenez au moins une chose : c'est qu'on puisse dialoguer, discuter, modifier. Le problème, c'est que la loi MOP n'est pas faite pour cela, parce qu'une fois qu'on a choisi un projet, on est totalement pris au piège et on ne peut plus rien toucher à la taille des fenêtres, à la hauteur ou à la pente de la toiture, parce que cela reviendrait à perturber le projet initial. Pardon, mais jamais on n'a construit quelque chose d'intelligent comme cela ! Beaucoup de gens le disent, dans cet hémicycle et en dehors.
Et, pardon de vous le dire, chers collègues, mais il y a aussi beaucoup d'architectes qui le disent aussi, parce qu'ils aimeraient échanger avec leurs donneurs d'ordres, parce qu'ils aimeraient enrichir leur projet, parce que ce sont des hommes de l'art, qui ont envie de créer bien et qui comprennent que c'est de cet échange que naît le beau, le bien, l'agréable. Pour ma part, je préfère donc que vous organisiez la capacité de dialogue.
Je ne veux pas être trop long, mais je tenais à affirmer cette position, à la fois à titre personnel, en tant qu'ancien maire, et en tant que président de l'UDI. Nous, nous voulons que les gens dialoguent. Et, très franchement, il existait un dispositif très utile qui a été supprimé par l'Union européenne il y a une dizaine d'années : il s'agissait non pas du marché de conception-réalisation, mais de marché de définition. Celles et ceux qui le connaissent savent que le marché de définition était justement l'instrument, le moment, le lieu où l'on pouvait dialoguer. Mais, au nom de la concurrence libre et non faussée, à laquelle l'Union européenne voue un culte absurde – car ce n'est pas cela, l'Union européenne ! – , on a arrêté les opérations en marché de définition.
Le marché de définition, je le dis pour que chacun le sache, permettait à un maire, un président d'intercommunalité qui avait un projet de chercher avec qui en discuter puis ensuite d'en discuter en toute liberté. Pardon de ce témoignage qui rallonge peut-être nos débats, mais vous entendez que je parle avec le coeur et qu'il y a du vécu… Entre ce qu'on m'a demandé en 2004 et ce qu'on est en train de terminer en 2018, bien sûr que des choses ont changé ! Et avec le marché de définition, on était capable de changer, avant que l'Union européenne n'y mette fin au nom d'un libéralisme que, pour ma part, je juge excessif.
Dans le marché de définition, il était possible d'échanger. Bref, il était possible de faire ce que n'importe lequel de nos concitoyens fait avec son architecte, avec celui qui pense son futur lieu de vie : il échange, il modifie, il corrige, il adapte, il fait vivre quelque chose qui vivra bien au-delà de nous. Voilà à quoi ça sert en réalité un architecte. Or la loi MOP justement ne le permet pas. Je préfère la méthode du Gouvernement que celle qui est défendue par un lobby. Les hommes de l'art qui font partie de ce lobby ont toute ma considération et on doit travailler avec eux. Mais enfin, entre les donneurs d'ordre et eux, qui sont les hommes de l'art, c'est l'échange qui fait la beauté, c'est l'échange qui fait la vie, c'est l'échange qui fait le progrès, et certainement pas une procédure juste pour les marchés publics, et juste pour faire semblant !
Je dis « pour faire semblant », parce que lorsque le maître d'ouvrage constitue un jury de concours, il le constitue comme il veut, avec qui il veut. Et parfois, il choisit des gens qu'il connaissait déjà, à qui il avait déjà confié des opérations. Pire ! Il me semble qu'il y a des collectivités, où l'on a choisi des gens qu'on ne connaissait pas, mais qui avaient, eux, envie de vous connaître, – l'immunité parlementaire me permet de dire bien des choses. Vous croyez que c'est de la libre concurrence ? Ce n'est ni de l'intelligence pour la construction, ni de la libre concurrence !