La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (nos 846, 971, 881, 942, 944).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de neuf heures cinquante-et-une minutes pour le groupe La République en marche, dont 449 amendements sont en discussion ; six heures quarante-et-une minutes pour le groupe Les Républicains, dont 595 amendements sont en discussion ; deux heures trente-sept minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 91 amendements sont en discussion ; quatre heures deux minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 108 amendements sont en discussion ; trois heures cinquante minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 135 amendements sont en discussion ; trois heures seize minutes pour le groupe La France insoumise, dont 75 amendements sont en discussion ; une heure cinquante-trois minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 151 amendements sont en discussion, …
… et cinquante-neuf secondes pour les députés non inscrits, dont 68 amendements sont en discussion.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 2358 à l'article 28.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 2358 .
La parole est à Mme Christelle Dubos, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'amendement no 2358 n'est pas adopté.
Je vais m'efforcer d'aller vite et, défendant cet amendement visant à supprimer les alinéas 102 à 105 de l'article, je défendrai par la même occasion l'amendement de repli no 2117 qui suit, ce qui me permettra peut-être d'économiser du temps pour la suite.
Cet amendement se justifie par le fait que cet article propose de toucher à la politique des loyers – sujet très sensible dans le domaine du logement, et du logement HLM en particulier – en recourant aux ordonnances, ce qui n'est ni une bonne idée, ni une bonne façon d'aborder une question aussi sensible. Cela est d'autant vrai plus que la politique des loyers qui figurait dans la loi Égalité et citoyenneté n'a jamais vraiment été mise en oeuvre, et cela pour la raison simple que, lorsqu'on peut augmenter et baisser les loyers à due proportion, on les augmente lorsque c'est possible et attractif et on les baisse lorsque ça l'est moins.
C'était donc une très mauvaise idée qui figurait dans la loi Égalité et citoyenneté, car elle offrait la possibilité d'accentuer un peu plus encore la spécialisation sociale des territoires. Il n'y a donc pas lieu de s'appuyer sur ce dispositif ni de le régir ou de le modifier par ordonnances. Cette question nécessiterait une loi à part entière, ou tout au moins un débat approfondi. D'où cet amendement de suppression.
Cet amendement tend également à supprimer ces alinéas 102 à 105 qui autorisent le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances des mesures relatives aux loyers et à faire varier les loyers en fonction des revenus du locataire, et non plus du type de logement social, ce qui relève d'une logique de marchandisation du logement social et remet en cause la notion de loyer d'équilibre, qui fonde ce modèle.
Cela peut, bien sûr, entraîner une augmentation des loyers pour les locataires les moins pauvres et incite, de ce fait, à louer les logements HLM à des personnes ayant des revenus plus élevés, ce qui est contraire à la politique et à la logique même du logement social.
Vous comprendrez que la commission exprime un avis défavorable. Je rappelle que la politique des loyers doit faire l'objet d'une expérimentation. L'INSEE a démontré en 2017 que le taux d'effort des locataires les plus modestes du parc social n'avait fait que croître depuis le début des années 2000, avec une augmentation de 5,1 points par rapport à 2001 pour ceux du premier quartile de revenus.
Nous devons donc mettre en place une expérimentation de cette politique des loyers qui tienne mieux compte des ressources des locataires, notamment de ceux qui ont les revenus les moins élevés et pour qui même le logement social est devenu inaccessible.
L'amendement no 2117 a déjà été défendu, monsieur Peu. Est-ce bien cela ?
Cette question relève du contenu de l'ordonnance elle-même. Avis défavorable.
L'amendement no 2117 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 2260 .
La fonction des HLM est inscrite dans leur nom et, pour une fois, l'acronyme n'a pas vocation à tromper : il s'agit d'« habitations à loyer modéré ». Tout est important dans l'expression : les habitations, les loyers et la modération de ceux-ci. Or, l'article 28 prévoit que les organismes HLM ne géreront plus seulement l'habitation, mais encourageront l'accession à la propriété, même en faveur de personnes morales : ils ne feront donc plus de locatif.
Enfin, et cela nous intéresse plus particulièrement, l'article 28 remet en cause le caractère peu onéreux des logements HLM. Il s'agit là d'un mécanisme législatif bien trop habituel : au lieu d'encadrer les loyers élevés des habitations à loyer libre, afin de mettre aux personnes modestes d'investir les prétendus « beaux quartiers », vous voulez augmenter les loyers aux seuls endroits où nombre de nos concitoyens et concitoyennes peuvent se permettre de les payer, et alors même que les logements HLM accusent une pénurie pour des raisons de mixité sociale.
C'est pour cette raison que nous proposons cet amendement relatif aux loyers des logements sociaux, qui tend à obliger de fixer un plafond à l'augmentation de loyer pour chaque catégorie de HLM.
L'amendement no 2260 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement no 2372 .
Alors que le projet de loi prévoit d'autoriser le Gouvernement à réorganiser le logement social, notamment par ordonnances, l'amendement dont notre collègue M. Benoit est le premier signataire, qui me paraît plein de sagesse, vise à faire préciser, d'une part, que la politique des loyers que vous allez ordonner – « ordonnancer », oserais-je dire – doit à la fois respecter la possibilité pour les locataires d'avoir accès au logement social et l'équilibre du financement des logements sociaux, ce qui n'est pas aussi simple ni anecdotique qu'on le dit.
En effet, ce qui a perturbé le financement du logement social dans notre pays est le croisement de l'aide à la pierre et de l'aide à la personne. Dès lors donc que vous voulez modifier la politique des loyers, et étant donné qu'une opération HLM se finance à partir de son lancement, en cumulant le coût du foncier et celui de la construction, il faut garantir que ces modifications ne modifient pas l'équilibre de départ. On peut certes nous dire qu'il faut raisonner sur l'ensemble des logements d'un bailleur social et qu'il est possible d'équilibrer ici et là, à la baisse ou à la hausse, mais ce n'est pas si simple.
Afin donc de vous permettre d'appliquer une nouvelle politique de loyers, l'amendement de M. Benoit vise à préciser ces deux éléments : premièrement, il ne faut pas déséquilibrer les opérations d'origine et, deuxièmement, il faut évidemment que le logement social reste accessible – mais cela, j'imagine que le Gouvernement y veillerait. Il faut en effet être très attentifs à ne pas déséquilibrer les opérations d'origine, compte tenu des difficultés que rencontrent déjà les organismes de logements sociaux avec la réforme qui prévoit notamment la baisse des aides personnalisés au logement – APL – , et qui doit s'accompagner d'une baisse des loyers.
L'expérimentation relative à la politique des loyers ne sera mise en oeuvre que par les organismes HLM volontaires. Rien ne leur sera imposé et ils seront naturellement attentifs à leur propre équilibre économique.
Par ailleurs, cette expérimentation ne pourra pas déroger aux règles générales en matière de plafond de ressources des locataires et d'attribution. Avis défavorable, donc.
Même avis. Monsieur Lagarde, heureusement que nous souscrivons tous à l'objectif de ne pas compromettre l'équilibre économique des organismes ni les droits des locataires.
L'amendement no 2372 n'est pas adopté.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 3127 .
Je commencerai par une observation d'ordre général : nous savons que ce texte prévoit un grand nombre d'habilitations à prendre des décisions par ordonnances. On peut comprendre que des besoins de réflexion ou des considérations techniques puissent présider à de tels choix, mais nous regrettons tout de même que les ordonnances soient si nombreuses et que l'une d'entre elles porte sur la question centrale des mesures à prendre à titre expérimental pour définir une politique des loyers qui puisse à la fois tenir compte de la capacité financière des ménages et adapter le mode de calcul du supplément de loyer de solidarité.
Le groupe Nouvelle Gauche souhaite, avec notre collègue François Pupponi, que dans les quartiers prioritaires de la ville – QPV – , cet effort aille dans un sens très précis, visant à faciliter la mixité sociale. Telle est en effet la philosophie, l'orientation que nous souhaitons voir adopter, car il s'agit là d'une mesure très importante pour éviter des concentrations de difficultés dans un même lieu et pour accompagner la mixité sociale.
La mixité sociale devra en effet être prise en considération dans le contenu de l'ordonnance elle-même, dans le respect notamment des dispositions de la loi Égalité et citoyenneté. Je rappelle à ce titre que le supplément de loyer de solidarité – SLS – ne s'applique pas dans les QPV et que l'habilitation ne permettra pas de modifier cette règle.
La précision de votre amendement me semble donc inappropriée par rapport à ce qui est déjà prévu. J'en demande donc le retrait, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Une première observation, monsieur Letchimy : je n'ai personnellement jamais été un grand partisan de la multiplication des ordonnances. Je suis certes aujourd'hui membre du Gouvernement, mais j'ai été parlementaire et j'ai assez critiqué les gouvernements précédents qui y recouraient, y compris celui que vous avez soutenu durant le quinquennat précédent. Il est cependant opportun, sur certains sujets, de recourir à des ordonnances pour avoir le temps d'améliorer les dispositifs. Cela se fait cependant, bien évidemment – et vous le savez pour l'avoir vous aussi pratiqué – sous le contrôle du Parlement.
Deuxième observation : nous souscrivons pleinement à l'objectif de travailler ces politiques sous l'angle de la mixité sociale.
Mais si nous donnions un avis favorable à votre demande, cela limiterait beaucoup trop la portée de l'expérimentation prévue. L'objectif visé par cet amendement, c'est aussi le nôtre. Initialement, il était prévu de recourir davantage aux ordonnances : je vous assure que nous avons fait le maximum pour limiter leur nombre.
Je comprends bien l'argument. Soyez certain, monsieur le ministre, que je ne vous fais pas de procès d'intention sur le sujet du recours aux ordonnances ; je connais votre position.
Madame la rapporteure, la question centrale n'est pas le SLS mais l'habilitation pour permettre une politique de loyer compatible avec la situation des gens, y compris dans les QPV. M. Pupponi propose, et il a raison, que l'orientation principale soit la mixité sociale. Le SLS n'est qu'un outil, ce n'est pas l'objectif.
L'amendement no 3127 n'est pas adopté.
Je reviens un instant sur la discussion de l'amendement précédent. La politique du logement dans notre pays, et celle du logement social en particulier, repose sur deux grandes ambitions : tout d'abord, il faut produire plus – même si j'espère me tromper, je vous ai indiqué pourquoi ce texte, dans sa rédaction actuelle, ne permettra pas de construire plus de logements abordables ; je pense même le contraire mais tel n'est pas le sujet de l'amendement en question.
Ensuite, l'autre grand sujet est de garantir la mixité sociale dans nos quartiers. Il y a vingt ans déjà, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'intérieur, parlait d'apartheid urbain en évoquant la région Île-de-France, tout comme, plus récemment, l'ancien Premier ministre Manuel Valls. La ségrégation sociale dans les métropoles, dans les grandes villes, dans les quartiers de France et en Île-de-France en particulier, n'a cessé de se renforcer et continue de le faire. Pour définir les politiques du logement, et notamment les politiques dites de peuplement, même si je n'aime pas ce mot, les politiques de loyer et de vente sont absolument déterminantes. Il faut donc les regarder non pas sous un angle strictement financier mais sous l'angle de la mixité sociale, de la cohésion et de l'équilibre de nos quartiers.
Vingt ans après qu'un ministre a parlé d'apartheid, va-t-on enfin commencer à réduire une fracture qui, depuis vingt ans, ne cesse de s'élargir ? Régir par ordonnances ce type de sujet donne à penser qu'il n'y aura pas de débat suffisant, éclairé, permettant justement de s'attaquer enfin à cette fracture grandissante. Désolé pour cette petite digression.
L'amendement no 2123 a pour objet de supprimer les alinéas 106 à 110, qui traitent de la vente des logements. Comme je me suis déjà exprimé sur ce sujet de la vente et que je le referai plus tard, je vous fais grâce de mes arguments.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement identique no 2250 .
Sauf erreur de ma part, même si vous avez réduit le nombre d'ordonnances, il en reste huit : c'est beaucoup trop !
Pour ce qui est de cet amendement, il tend à supprimer les alinéas 106 à 110. Nous continuons d'affirmer que la vente de logements sociaux ne constitue pas une réponse efficace à la pénurie à laquelle nous sommes confrontés depuis de longues années. La stratégie patrimoniale des bailleurs sociaux ne devrait pas se concentrer sur la vente de logements sociaux mais sur l'entretien, la gestion et le développement de leur parc. Leur restituer des moyens financiers pour qu'ils puissent lancer de nouvelles constructions est l'unique moyen de répondre efficacement à la demande croissante de logement locatif social. Le présent amendement, suggéré par la CNL – Confédération nationale du logement – , vise à supprimer le recours à une ordonnance.
Nous tenons aussi à vous alerter sur ce qu'il s'est passé en Angleterre : la vente des logements sociaux à leurs occupants, impulsée par Margaret Thatcher, a eu des conséquences désastreuses. Comme le relève Romaric Godin dans un article pour Mediapart, la vente massive de logements sociaux a affaibli financièrement les organismes HLM, qui ont réduit leurs investissements aussi bien pour entretenir que pour développer leur parc. Parallèlement, les acheteurs ont eu de plus en plus de mal à rembourser leurs prêts, malgré les décotes importantes à l'achat, et beaucoup ont fini par vendre leur logement. D'autre part, les logements n'ont pas été vendus à leurs occupants ni à des personnes de même catégorie sociale, si bien que ces logements ont perdu leur vocation sociale.
Avis défavorable. L'objet de vos amendements est de supprimer l'ordonnance sur le statut des copropriétés issues de la vente des HLM. L'objectif de cette habilitation est de prévoir des mécanismes innovants, qui préviendront l'apparition de copropriétés dégradées. L'ordonnance prévoit notamment une entrée différée dans le statut de la copropriété pour les ménages modestes. Ces mesures sont attendues car elles sécurisent à la fois les projets d'accession sociale à la propriété et les politiques de vente des bailleurs.
Avis défavorable. La rapporteure vient de rappeler, à juste titre, les objectifs fondamentaux de cette ordonnance, en particulier de faciliter l'action indispensable et la plus rapide possible sur le sujet des copropriétés. Personne, dans cette assemblée, ne conteste le fait qu'il est besoin de mesures urgentes dans ce domaine ; nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite du débat.
Comme j'ai entendu parler du modèle thatchérien, je voulais vous rassurer. Nous ne sommes pas du tout dans la ligne de Mme Thatcher, pas plus que de ce qu'il se passe au Venezuela ou ailleurs : nous essayons de mettre en place une politique pour la France en fonction des besoins et des problèmes de ce pays.
Vous nous avez conseillé d'aller voir ce qu'il se passait ailleurs, monsieur Peu : c'est toujours un très bon conseil ! Sachez que nous le faisons aussi. Mais vous aviez également eu la sagesse ou l'objectivité de nous dire que ce qu'il se passait ailleurs était plutôt moins bien que ce qu'il se passait en France. Ce n'est donc pas toujours en regardant ailleurs que l'on trouve le bon modèle !
Notre pays a la capacité d'être innovant, de se transformer : c'est ce que souhaite cette majorité et c'est ce que nous continuerons à faire, monsieur Peu.
De notre point de vue, vous regardez un petit peu trop sur le modèle anglais, quel que soit le projet de loi, y compris celui-ci ou celui sur la SNCF !
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
C'est plutôt vous qui vous en inspirez avec le Brexit !
Veuillez m'excuser, chers collègues, mais voilà un certain temps que nous siégeons, la fatigue se fait sentir. J'aimerais pouvoir terminer mon propos sans être gênée. Je sais bien que l'exemple du Venezuela vous énerve beaucoup… Voilà, je ne me souviens plus de ce que je voulais dire sur le modèle anglais !
Vous nous dites qu'il faut aller vite mais le problème pour nous est le recours aux ordonnances, ce qui élimine tout débat. Enfin, si le modèle français n'est pas si mal que cela, il n'est peut-être pas nécessaire d'aller s'inspirer de modèles qui ne fonctionnent pas pour modifier le nôtre !
Si vous le souhaitez, madame la présidente, même si la saison de la chasse n'est pas encore ouverte, je peux procéder à un tir groupé
Sourires
en défendant en même temps que cet amendement les trois suivants nos 1701,1702 et 1703.
J'entends bien que l'on souhaite modifier la loi de 1965 sur les copropriétés dans le cadre des ventes HLM mais nous proposons, avec l'amendement no 2118 , de fixer un seuil de 75 % de logements détenus par le bailleur pour s'affranchir des règles de la copropriété. En deçà de ce seuil, il faudrait respecter la loi de 1965, de façon à ne pas léser les droits des autres copropriétaires.
Les amendements suivants visent à éviter des dérives potentielles avec la vente de logements HLM. L'amendement no 1701 propose de limiter aux seuls locataires en place la vente de logements sociaux, afin d'éviter tout effet d'aubaine et de respecter la philosophie de l'accession sociale, et non de la vente à caractère spéculatif.
L'amendement no 1702 , quant à lui, propose de limiter la possibilité de revente et de location à des tiers sur une période de quinze ans : c'est ce que l'on appelle, dans le jargon de ceux qui ont déjà procédé à des ventes, des clauses anti-spéculatives. Cela permet d'éviter les effets d'aubaine et les dérives rapides de copropriétés.
Enfin, l'amendement no 1703 a pour objet de limiter l'acquisition à un logement par ménage, là aussi pour éviter un effet d'aubaine permettant de se fabriquer une rente à bon compte.
Sur ces quatre amendements, l'avis est défavorable. Je souhaite toutefois revenir sur deux d'entre eux. L'amendement no 1702 vise à interdire la revente de façon que ne puisse pas être réalisée de plus-value. Or, un acquéreur souhaitant revendre le logement social qu'il a acquis dans les cinq ans suivant l'acquisition est tenu d'en informer l'organisme HLM, qui peut alors se porter acquéreur en priorité. Par ailleurs, ce même article oblige le revendeur à reverser la plus-value de cette vente à l'organisme HLM. Le projet de loi ne touche pas à ces dispositions, qui permettent donc d'éviter la spéculation et l'enrichissement sans cause des acquéreurs d'anciens logements sociaux. L'avis est défavorable sur cet amendement.
Concernant l'amendement no 1703 et sa disposition anti-spéculative, je vous demande de le retirer puisqu'il est satisfait par le droit existant. En effet, le sixième alinéa de l'article L. 443-11 du code de la construction et de l'habitation dispose d'ores et déjà qu'une personne physique ne peut acquérir qu'un seul logement HLM.
Nous avons demandé tout à l'heure comment maîtriser ces ventes de logements ayant bénéficié de fonds publics à l'aide d'un dispositif anti-spéculatif. Je n'ai pas très bien compris votre réponse, madame la rapporteure, qui portait sur quatre amendements ; nous ne sommes pas habitués à des tirs groupés de ce genre.
L'enjeu est très important : si vous refusez l'amendement de notre collègue Peu, qui propose qu'une personne ayant acquis un appartement HLM ne puisse le céder qu'au bout de quinze ans, cela signifie qu'une personne pourra acheter un appartement le 1er janvier et le revendre à la fin de l'année à une autre, qui pourra elle-même le revendre à une autre, etc.
Il est fondamental de permettre aux locataires de devenir propriétaires, de les accompagner dans un processus d'accession sociale à la propriété, de permettre aussi à d'autres personnes d'accéder à la propriété. Vous avez d'ailleurs précisé vous-même que les organismes de portage sont des sociétés de type HLM, ayant une mission de portage avec, in fine, l'objectif d'accompagner la gestion de la copropriété éventuelle ainsi que l'accession à la propriété de personnes modestes.
Je ne comprends pas du tout la réponse apportée à cet amendement – le seul amendement de très grande qualité venant au secours du Gouvernement pour éviter l'effet spéculatif.
Je regrette d'avoir procédé à ce tir groupé car cela crée de la confusion.
Si nous vous proposons cette règle des quinze ans c'est d'abord parce que plusieurs organismes l'ont expérimentée. La règle est simple : quelqu'un qui a acquis un logement HLM ou en accession sociale à la propriété, logement qui a en quelque sorte bénéficié d'une aide publique, ne peut pas le revendre pendant quinze ans. Ce n'est pas une assignation à résidence : la famille peut revendre le logement mais la vente en est encadrée durant quinze ans. L'acquéreur ne peut pas faire la culbute : le prix de vente est indexé en principe sur l'indice du coût de la construction afin d'éviter les effets d'aubaine, la spéculation, les bulles immobilières et l'enrichissement sans cause grâce à la vente de bien financés par de l'argent public, avec en outre une clause de préférence à la revente au bénéfice de l'organisme HLM. Personne n'est lésé et tout est parfait.
Quand vous demandez l'interdiction de la revente pendant quinze ans, c'est au détriment du droit de propriété, alors que le projet de loi le préserve en disposant simplement qu'en cas de vente avant cinq ans, la plus-value est reversée à l'organisme HLM.
Au risque de surprendre, je voudrais soutenir mon collègue Peu même si je suis très attaché au droit de propriété – j'aurai l'occasion de le démontrer tout à l'heure.
Il existe déjà des dispositifs fiscaux qui comportent des engagements de détention. Dans le cas qui nous occupe, le risque spéculatif est d'autant plus grand qu'il arrive que les bailleurs vendent ces logements trois fois moins cher que le prix du marché. Il est donc normal de vouloir en encadrer la revente. On pourrait sous-amender l'amendement de notre collègue Peu afin de préciser que la revente n'est pas interdite mais que celle-ci doit s'opérer sans plus-value – à l'exception d'une indexation par exemple sur l'indice de révision des loyers ou tout autre, qu'il conviendrait de préciser. Ainsi on ne porterait en rien atteinte au droit de propriété.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
Je ne voudrais pas donner le sentiment que nous n'essayons pas de lutter contre toute tentative de faire du business sur le dos de la collectivité : ce n'est ni notre état d'esprit ni l'objectif du texte. Nous nous sommes véritablement posé la question.
Il existe quand même d'ores et déjà des garde-fous contre ce type de spéculation et d'abord le régime actuel d'imposition des plus-values immobilières. Ensuite, il y a la règle des cinq ans rappelée par la rapporteure. Enfin, une autre disposition du projet de loi dispose que si on a pu bénéficier de l'achat de l'appartement conventionné dont on était locataire, on n'a pas la possibilité d'en acheter un autre sous peine de nullité de la vente.
Je dirais donc, sous le contrôle de votre sage assemblée, que ce dispositif non seulement ne remet pas en question le régime des plus-values mais, par le biais de l'amendement de la rapporteure, renforce l'encadrement de ces reventes, outre que la loi interdit toute possibilité d'acheter à seule fin de revendre sous peine de nullité de la vente. Le dispositif est quand même très encadré.
Je ne pense pas que cela suffise. Quand on vend au locataire on peut arriver par des mécanismes de décote à un abattement d'environ 40 % sur le prix de vente, ce qui peut représenter jusqu'à 60 % de moins par rapport au prix de marché. Si six mois après avoir acheté un appartement à 50 vous le revendez à 100, la plus-value reste considérable malgré la taxation et il y aura effet d'aubaine.
Je ne parle pas là de risques fantasmés : je parle d'expérience et je pense qu'il y a des moyens de régler ce problème tout en respectant le droit de propriété. Pouvoir acheter un appartement 40 ou 50 % moins cher que le prix du marché est un avantage qui doit avoir une contrepartie et cette contrepartie ne doit pas être l'interdiction de revendre mais l'encadrement de la possibilité de revendre. Cela ne me paraît en rien attentatoire au droit de propriété.
Je partage totalement ce que vient de dire M. Peu, d'autant que la plus-value réalisée après la décote dont a bénéficié le premier locataire accédant ne reviendra pas à l'organisme HLM qui a vendu le bien ni à la collectivité – lesquels n'en verront pas la couleur.
Deuxièmement, bon nombre de collectivités – en général les intercommunalités, lorsqu'elles ont compétence en matière de logement et qu'elles adoptent un programme local de l'habitat – subventionnent l'accession à la propriété. C'est le cas de celle à laquelle j'appartiens. La convention de subvention prévoit que lorsque la revente a lieu avant une période déterminée, en général avant cinq ans, la subvention doit être remboursée. Or chaque fois que cela se produit, nous avons toutes les difficultés du monde à obtenir du propriétaire qui revend son logement le remboursement de la subvention. Il a toujours une bonne raison pour ne pas y procéder.
Le système est trop complexe et c'est pourquoi je partage totalement le point de vue de notre collègue Peu.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 2678 .
Par ce projet de loi, monsieur le ministre, vous entendez favoriser les rapprochements entre organismes HLM, notamment les fusions ou les transferts de patrimoine. Ces opérations, qui vont conduire à transférer la propriété immobilière des logements détenus par les organismes, bénéficient d'une taxation allégée s'agissant de la taxe de publicité foncière aux termes de l'article 1051 du code général des impôts. En revanche, ces transferts restent soumis à la contribution de sécurité immobilière qui, même si son taux est faible – 0,05 % pour les actes intéressant les organismes HLM – , peut être d'un montant élevé eu égard à la valeur des biens immobiliers transférés.
Il est donc proposé d'exonérer ces opérations ainsi que cela a été fait par le passé à l'occasion de la loi prescrivant le regroupement de certains organismes. Je pense par exemple aux chambres de commerce et d'industrie et chambres des métiers.
Il faut effectivement que la fiscalité applicable aux regroupements ou aux fusions soit la plus basse possible, pour éviter que cette taxation ne freine la restructuration du secteur.
C'est la raison pour laquelle nous avons adopté en commission un amendement prévoyant qu'un taux réduit exceptionnel pour la contribution de sécurité immobilière s'appliquera pendant trois ans aux fusions entre organismes HLM. Sous réserve de vérification, il s'agit de l'article 27 bis. Cette avancée me semble suffisante. Je demande donc le retrait de l'amendement.
Je réitère l'avis défavorable exprimé en commission par le Gouvernement sur cet amendement. Ce sujet relève d'une vision globale et doit être traité en loi de finances.
L'amendement no 2678 n'est pas adopté.
Cet excellent amendement de notre présidente tend à supprimer les alinéas 112 à 114.
Ces alinéas visent à ne plus soumettre l'ensemble des bailleurs sociaux aux dispositions de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi MOP, et donc à supprimer l'obligation du concours.
Or nous pensons que la procédure du concours est un outil efficace à destination des bailleurs sociaux puisqu'elle permet de limiter les recours en mettant autour de la table l'ensemble des acteurs ; elle ne renchérit pas les coûts et permet de profiter de l'intelligence collective pour sélectionner le meilleur projet. En outre, cette procédure n'est obligatoire que sur les grands projets de construction des bailleurs sociaux.
Les offices publics de l'habitat, en tant que personnes morales de droit public chargées d'une mission de service public, n'ont pas à être exonérés du respect des dispositions de la loi MOP. Cela se traduirait par une perte à la fois de qualité des logements et de transparence des procédures.
L'application du titre II de la loi MOP est source de rigidités et de surcoûts pour les bailleurs sociaux, qui sont avant tout des professionnels de la construction immobilière évoluant dans un secteur concurrentiel.
La loi MOP impose notamment le choix d'une équipe pluridisciplinaire, ce qui ne permet pas de choisir des prestations de conception et d'ingénierie par consultation séparée fondée sur la performance, et donc la maîtrise des coûts.
Les architectes sont essentiels pour la qualité du bâti et ils continueront d'avoir leur place. La loi ELAN ne dégradera pas la qualité du bâti. Il ne s'agit pas de supprimer le concours d'architecture mais de le rendre à nouveau optionnel, comme il l'était jusqu'en 2016.
Ce sera donc un avis défavorable.
Pour les raisons que nous avons déjà exposées, nous donnerons un avis défavorable à cet amendement, dont Mme la présidente est la première signataire et au demeurant excellemment rédigé.
Pour justifier la suppression de ces alinéas, vous indiquez dans l'exposé sommaire que « le concours est un mode de sélection par lequel le maître d'ouvrage, après avis d'un jury, choisit un projet parmi les propositions de plusieurs concurrents préalablement sélectionnés. » Vous ajoutez que la procédure du concours est un outil efficace puisqu'elle permet de limiter les recours en mettant autour de la table l'ensemble des acteurs et qu'elle ne renchérit pas les coûts, tout en permettant de profiter de l'intelligence collective pour sélectionner le meilleur projet.
Premier élément : je ne suis quand même pas convaincu que le concours permette de limiter les recours. Surtout, il faut rappeler que ce que nous avons prévu dans ce texte, à la demande très clairement exprimée par le monde des bailleurs sociaux, ce n'est pas la suppression du recours à l'architecte : nous rendons seulement optionnel le recours à un concours d'architecture. La différence est fondamentale : il ne s'agit pas d'interdire le concours, des bailleurs sociaux continueront d'en organiser et ils auront toute liberté pour continuer à le faire, mais ce sera simplement une option.
J'ai pu lire ou entendre que, de ce fait, les constructions seraient de moins bonne qualité. Heureusement, ce n'est pas le cas ! Je me permets en outre de rappeler que suite à l'évolution législative de ces dernières années, le système que nous modifions n'avait été remis en place qu'il y a deux ans. Encore une fois, évitons les caricatures !
La profession d'architecte est indispensable. Rien de ce qui est prévu dans ce projet de loi ne permet de dire que nous limitons l'intervention de l'architecte dans la réalisation des projets mais, de grâce, ne faisons pas non plus du concours d'architecture le nec plus ultra de la réussite en matière d'urbanisme et de logement ! Je fais également confiance aux décisionnaires, parmi les bailleurs sociaux, pour savoir s'il y a lieu ou non de recourir au concours.
Prétendre que cela ne fait pas perdre de temps… En tant qu'élu local, il m'est arrivé d'organiser des concours parce que la collectivité que je représentais considérait que c'était utile mais je n'ai jamais eu l'impression que cela me permettait de gagner du temps ; je savais en tout état de cause que nous allions en perdre et que cela entraînerait tout de même un coût supplémentaire. D'autres l'ont dit, y compris dans cette assemblée : le recours au concours, in fine, n'est pas forcément la meilleure solution pour faire des économies.
Disons les choses clairement : cette mesure, demandée de manière quasiment unanime par les bailleurs sociaux, n'est absolument pas contre les architectes.
Il serait sage de ne pas voter cet amendement.
Je soutiens votre amendement, madame la présidente, pour plusieurs raisons.
S'affranchir de la loi MOP, c'est s'affranchir du concours d'architecture, ce que je ne considère pas comme une bonne chose pour la qualité architecturale et l'acte de construire. Outre la fin ou la quasi-disparition des concours d'architecture à quoi conduira l'optionalité, la conception-réalisation se substituera à la loi MOP : on choisira d'abord une entreprise et, accessoirement, un architecte, ce qui non seulement fermera la porte aux concours d'architecture mais aussi aux TPE et PME du bâtiment car seuls les grands groupes sont capables d'assumer une conception-réalisation. La Fédération française du bâtiment compte certes les grands majors, précieux pour l'économie de notre pays, mais aussi une multitude de TPE et de PME qui nourrissent les tissus économiques locaux tout en étant très souvent écartées de la conception-réalisation.
Deux problèmes se posent donc : la place de l'architecte dans l'acte de construire et la place des TPE et PME dans la réalisation des ouvrages.
La philosophie de ce texte n'est-elle pas construire plus, mieux et moins cher ? Pourquoi, dans cette logique, proposez-vous une telle mesure ? L'obligation de concours générerait donc un coût et complexifierait les procédures.
Nous ne parlons en l'occurrence que des grandes opérations – celles de dix à trente logements sont exonérées de cette obligation et il faut se situer dans le seuil européen – mais qui dit grandes opérations dit impact potentiel sur l'environnement. Finalement, il est parfois des obligations protectrices et qui facilitent l'émergence des projets. Plusieurs bailleurs sociaux soulignent d'ailleurs la vertu des concours, qui permettent au maître d'ouvrage de choisir entre plusieurs projets, qui confèrent une plus grande transparence à la commande publique, qui évitent les recours contre les procédures d'attribution, qui associent les élus au choix, qui réduisent les impacts négatifs que peut avoir un projet de logement – notamment social – pour la population grâce à la présence d'élus dans les jurys et, éventuellement, celle de représentants des habitants du quartier.
En fait, une telle association permet parfois de diminuer les risques potentiels de recours, les contestations qui peuvent faire traîner la réalisation des projets. Avec une telle obligation, il est possible de gagner du temps et, in fine, de l'argent, allais-je dire, pour le porteur de projet.
Pour la qualité de nos débats, madame la présidente, je souligne que si les députés non inscrits ne peuvent pas toujours participer à nos discussions, ils ont parfois des éléments intéressants à apporter. Notre collègue Sylvia Pinel m'a ainsi transmis une remarque intéressante : a priori, la question de l'imposition des plus-values immobilières ne se pose pas pour la résidence principale. Ce n'est donc pas un élément pour lutter contre ce que nous avons évoqué tout à l'heure. Nous devrons encore travailler sur ce sujet.
Je pense que le concours permet aussi de stimuler les architectes, donc l'innovation et, comme cela a été dit, d'associer la population aux choix et aux jurys. La présence d'architectes doit donc rester obligatoire.
Tout a été dit. La suppression du caractère obligatoire du concours entraînera la fin de leur organisation par les différents organismes, les architectes ne répondront plus parce qu'on ne le leur demandera plus et je trouve que c'est très regrettable tant pour la qualité du bâti extérieur que pour celle du bâti intérieur. Les architectes, à mon sens, peuvent apporter beaucoup et, à terme, générer d'importantes économies, à la différence de ce que vous préconisez.
Modeste élu local, j'ai rencontré et discuté avec nombre d'architectes de l'avenir de nos villes. Je suis attaché au concours d'architecture.
D'abord, il favorise l'expression de la créativité, de l'inventivité, de la prospective en inventant nos villes de demain et des modèles de développement. Ensuite, il constitue un élément démocratique parce qu'il permet le débat, la confrontation des points de vue afin de décider dans l'intérêt général. Je crois qu'il est important de le maintenir.
Cette dérogation reviendrait à empêcher les maîtres d'ouvrage de bénéficier d'une équipe de maîtrise d'oeuvre pluridisciplinaire et indépendante travaillant ensemble, du début à la fin de l'opération. En outre, la loi MOP assure notamment la qualité des projets et opérations qu'un trop grand nombre de dérogations risquerait d'entraver.
Notre amendement identique no 1620 propose de revenir sur cette suppression, à laquelle nous sommes évidemment opposés.
Si l'essentiel est de donner à manger aux gens, nous considérons en France que l'essentiel est de donner à manger des produits de bonne qualité et que les gens y prennent du plaisir. En architecture, c'est comme en gastronomie : l'essentiel, c'est de loger les gens – il faut trouver comment et construire rapidement – mais c'est aussi leur permettre d'habiter dans des lieux acceptables, corrects, et qu'ils s'y sentent bien. C'est tout le travail de l'architecte, c'est tout le travail culturel que défend notre pays ! Ce n'est pas pour rien que les architectes dépendent du ministère de la culture : la construction de logements, c'est aussi l'expression de l'art architectural. Supprimer ces concours, c'est supprimer cette expression et cette évolution !
Le ministre, le secrétaire d'État ont dit que notre pays était capable de choses uniques, eh bien, en matière d'architecture, notre pays est capable de belles choses. Laissez aux architectes la possibilité de s'exprimer ! Tel est le sens de ces amendements.
Je reviens en séance après m'être absenté quelques minutes. Il n'est en effet pas possible, pour un député, – je le dis pour le public et ceux qui regardent nos débats – de ne pas avoir du tout, pendant six ou sept jours et nuits d'affilée, de travail à faire à l'extérieur. J'ai écouté les uns et les autres : je tiens absolument à soutenir le Gouvernement, à rebours de tout ce que je viens d'entendre.
Chers collègues, soyons sérieux : au-delà des lobbies– en l'occurrence, le lobby en question est puissant – pensez-vous que la loi MOP ait empêché les pires horreurs urbanistiques de notre pays ? Les ouvrages publics les plus ratés, qui aujourd'hui sont l'objet de la rénovation urbaine à coups de millions et de milliards, ne sont-ils pas issus de la loi MOP ou de son équivalent ?
On confond deux choses : l'ouverture à la concurrence entre les architectes – qui est parfaitement légitime et qui doit être sanctuarisée – mais qui n'est pas due à la loi MOP, à aucun moment !
La loi MOP a un défaut structurel, absolu, congénital – je l'ai dit hier, chers collègues, mais je tiens à le répéter ce soir – que l'on ne voudrait imposer à aucun de nos concitoyens. Quand vous réalisez une construction pour vous ou pour votre entreprise, quand vous agrandissez un bâtiment, quand vous le modifiez ou le rénovez, que se passe-t-il ? N'importe lequel de nos concitoyens peut dire : j'ai une idée, un projet, un besoin, et venir échanger avec l'homme de l'art – dont la fonction doit être sanctuarisée, je suis d'accord avec vous, chers collègues – mais il vient échanger avec lui : c'est ce que la loi MOP interdit absolument !
La loi MOP suppose que l'on définisse une idée, pour laquelle on reçoit quatre ou cinq projets. Il m'est arrivé, lorsque j'étais maire et que j'ai eu à construire une école, d'avoir un projet génial parmi les quatre qui m'étaient proposés – parce que nous n'avions pas les moyens d'en avoir cinq. Le projet était génial, c'est l'école que je voulais construire, mais il présentait deux défauts fonctionnels rédhibitoires qui modifiaient le projet d'un point de vue architectural et urbanistique – marginalement, de mon point de vue. Mais ce « marginalement » pouvait se transformer en « pénalement » si j'échangeais avec l'architecte.
Je demande donc simplement que l'on prenne en compte le fait que, pour tout projet architectural, il y a un donneur d'ordres et un homme de l'art, et que c'est l'échange entre les deux qui permet, à un moment donné, de construire bien, de construire beau, de construire confortable, de construire « bien-vivre ». Et c'est l'inverse que l'on fait avec la loi MOP !
Pour ma part, je défends la méthode du Gouvernement. Mais vous, mers chers collègues, qui défendez à ce point l'Ordre des architectes, obtenez au moins une chose : c'est qu'on puisse dialoguer, discuter, modifier. Le problème, c'est que la loi MOP n'est pas faite pour cela, parce qu'une fois qu'on a choisi un projet, on est totalement pris au piège et on ne peut plus rien toucher à la taille des fenêtres, à la hauteur ou à la pente de la toiture, parce que cela reviendrait à perturber le projet initial. Pardon, mais jamais on n'a construit quelque chose d'intelligent comme cela ! Beaucoup de gens le disent, dans cet hémicycle et en dehors.
Et, pardon de vous le dire, chers collègues, mais il y a aussi beaucoup d'architectes qui le disent aussi, parce qu'ils aimeraient échanger avec leurs donneurs d'ordres, parce qu'ils aimeraient enrichir leur projet, parce que ce sont des hommes de l'art, qui ont envie de créer bien et qui comprennent que c'est de cet échange que naît le beau, le bien, l'agréable. Pour ma part, je préfère donc que vous organisiez la capacité de dialogue.
Je ne veux pas être trop long, mais je tenais à affirmer cette position, à la fois à titre personnel, en tant qu'ancien maire, et en tant que président de l'UDI. Nous, nous voulons que les gens dialoguent. Et, très franchement, il existait un dispositif très utile qui a été supprimé par l'Union européenne il y a une dizaine d'années : il s'agissait non pas du marché de conception-réalisation, mais de marché de définition. Celles et ceux qui le connaissent savent que le marché de définition était justement l'instrument, le moment, le lieu où l'on pouvait dialoguer. Mais, au nom de la concurrence libre et non faussée, à laquelle l'Union européenne voue un culte absurde – car ce n'est pas cela, l'Union européenne ! – , on a arrêté les opérations en marché de définition.
Le marché de définition, je le dis pour que chacun le sache, permettait à un maire, un président d'intercommunalité qui avait un projet de chercher avec qui en discuter puis ensuite d'en discuter en toute liberté. Pardon de ce témoignage qui rallonge peut-être nos débats, mais vous entendez que je parle avec le coeur et qu'il y a du vécu… Entre ce qu'on m'a demandé en 2004 et ce qu'on est en train de terminer en 2018, bien sûr que des choses ont changé ! Et avec le marché de définition, on était capable de changer, avant que l'Union européenne n'y mette fin au nom d'un libéralisme que, pour ma part, je juge excessif.
Dans le marché de définition, il était possible d'échanger. Bref, il était possible de faire ce que n'importe lequel de nos concitoyens fait avec son architecte, avec celui qui pense son futur lieu de vie : il échange, il modifie, il corrige, il adapte, il fait vivre quelque chose qui vivra bien au-delà de nous. Voilà à quoi ça sert en réalité un architecte. Or la loi MOP justement ne le permet pas. Je préfère la méthode du Gouvernement que celle qui est défendue par un lobby. Les hommes de l'art qui font partie de ce lobby ont toute ma considération et on doit travailler avec eux. Mais enfin, entre les donneurs d'ordre et eux, qui sont les hommes de l'art, c'est l'échange qui fait la beauté, c'est l'échange qui fait la vie, c'est l'échange qui fait le progrès, et certainement pas une procédure juste pour les marchés publics, et juste pour faire semblant !
Je dis « pour faire semblant », parce que lorsque le maître d'ouvrage constitue un jury de concours, il le constitue comme il veut, avec qui il veut. Et parfois, il choisit des gens qu'il connaissait déjà, à qui il avait déjà confié des opérations. Pire ! Il me semble qu'il y a des collectivités, où l'on a choisi des gens qu'on ne connaissait pas, mais qui avaient, eux, envie de vous connaître, – l'immunité parlementaire me permet de dire bien des choses. Vous croyez que c'est de la libre concurrence ? Ce n'est ni de l'intelligence pour la construction, ni de la libre concurrence !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'entends bien ce que dit notre collègue Jean-Christophe Lagarde et je partage assez son propos. Pour autant, il va falloir que nous trouvions un système pour réintroduire les architectes ; d'une manière plus concurrentielle, plus loyale, moins partisane que le jury de concours, peut-être. Mais regardez toutes les horreurs qui ont été construites pendant les années 1960 et 1970 ! Les gens sont déjà très pauvres, ils veulent accéder à un logement social, il faut leur donner un logement de qualité. Et l'adaptabilité des logements au handicap pose encore d'autres problèmes. Je suis désolé, je ne défends aucune corporation, et je n'ai pas d'architectes dans ma famille – vous pouvez vérifier.
C'est vrai qu'il faut construire plus rapidement et accélérer le mouvement, mais nous ne pouvons pas nous passer de conseils de professionnels. Il faut sans doute le faire d'une autre manière et je suis d'accord avec Jean-Christophe Lagarde, à la fois sur la loi MOP et sur les jurys de concours. Il faut trouver un autre système, mais il est important de ne pas écarter totalement cette corporation. Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous aussi : rien ne prouve que tout va bien quand on a des architectes, mais rien ne prouve que ce sera mieux si on n'en a pas.
On peut avoir l'impression qu'un témoignage comme celui de M. Lagarde va tout changer, mais on peut faire le même témoignage dans l'autre sens. La loi MOP, en mode projet, a parfois aussi permis de belles réalisations.
Monsieur Lagarde, je vous ai écouté. Laissez-moi m'exprimer aussi !
La loi MOP a quelques travers, c'est clair. Et le texte, tel qu'il est actuellement rédigé, permet de déroger à cette loi. On voit bien l'intérêt de cette disposition, mais il ne faut pas négliger les externalités négatives. Il faut donc trouver un point d'équilibre – et je rejoins tout à fait mon collègue Bruno Millienne. La loi MOP, parce qu'elle offre une pluralité de projets, permet aussi de voir ce qu'il ne faut pas faire et elle permet de comprendre des choses.
Il est vrai que les concours prennent du temps et que le choix d'un projet s'accompagne d'un certain nombre de contraintes mais, parfois, cela permet aussi de faire le bon choix. Entre ce que vous nous proposez et que ce qu'on vous propose ici, il y a peut-être une solution intermédiaire à trouver. Cela suppose un travail de fond, parce que chacun sait qu'il n'est pas évident de toucher à la loi MOP, mais on ne peut pas, en l'état, donner un blanc-seing et déroger totalement à la loi MOP. Ce serait prendre beaucoup de risques, si notre objectif est de construire mieux.
Compte tenu du temps de parole qui reste à mon groupe, je ne peux pas parler aussi longtemps que vous, monsieur Lagarde. Mais j'ai été maire pendant vingt-deux ans et je n'ai pas appliqué la loi MOP de la même manière que vous. Pour ma part, je faisais un gros travail sur le cahier des charges. Je rencontrais les quatre équipes candidates au concours et les maîtres d'ouvrage – collectifs, car nous étions dans une marie communiste – expliquaient leur projet. Les quatre cabinets d'architectes rencontraient ensuite ce que nous appelions la « maîtrise d'usage » que nous avions organisée dans notre ville, à savoir ceux qui utiliseraient l'équipement public ou habiteraient le quartier à construire.
Ensuite, les équipes se mettaient au travail et proposaient leur projet. Une rencontre et des discussions préalables étaient organisées avant qu'ils nous remettent leur copie de concours. À chaque fois, que ce soit pour des logements, une piscine, un centre culturel ou, tout dernièrement, pour une école, nous avons été éblouis par ce qui nous a été proposé et que nous n'avions pas imaginé – mais au sujet desquels nous avions exprimé des souhaits, dans un dialogue avec les architectes.
Je partage ce que vous avez dit au sujet de l'Europe, donc je ne peux pas dire que je suis en désaccord avec tout ce que vous avez dit. Vous avez nuancé votre propos et nous partageons certaines de vos analyses, mais nous pensons qu'il y a des choses à conserver dans la procédure actuelle, parce que la solution qu'on nous propose à la place n'est pas forcément bonne. Mieux vaut tirer le meilleur parti du système, tel qu'il existe, et imaginer d'autres options. Comme l'ont dit certains collègues, le travail n'est pas terminé : il ne faut certes pas se soumettre au diktat de l'Ordre des architectes, mais il ne faut pas non plus que l'on se passe d'eux, sous prétexte d'aller plus vite ou de faire des économies. Il y a un vide, qu'il faut combler.
Une fois n'est pas coutume, je vais exprimer une divergence de fond avec un collègue de la Seine-Saint-Denis. D'abord, permettez-moi de vous dire que j'ai trouvé une once de mauvaise foi dans votre intervention, monsieur Lagarde.
D'abord, historiquement, l'urbanisme et l'architecture de barres et de tours ne sont pas une conséquence de la loi MOP. On la doit à des architectes qui défilaient à l'époque au ministère de la construction – nous avons tous des exemples en tête – qui sortaient de là avec 10 000 logements à réaliser sans plan d'urbanisme, sans commande publique. Ils calquaient le même plan partout, sur tout le territoire, et on construisait avec le chemin de grue. C'est cet urbanisme de barres et de tours qu'on est en train de traiter aujourd'hui dans les opérations de rénovation urbaine. Et il n'y avait pas de concours, cela se décidait dans le bureau du ministre ou de son conseiller. Nous connaissons tous les grands cabinets d'architectes qui ont réalisé ces tours et ces barres dans les zones à urbaniser en priorité – ZUP – et dans d'autres quartiers dans les années 1960 et 1970. Historiquement, il n'est pas juste d'imputer à la loi MOP la responsabilité de l'urbanisme de barres et de tours : c'est tout le contraire.
Ensuite, en matière de lobbys, très franchement, dans ce débat sur la loi MOP, dans ce choix entre la conception-réalisation et le concours d'architecture, il y a deux lobbys qui s'affrontent : celui des majors du bâtiment et celui des architectes. Excusez-moi, mais en matière de capacité de lobbying, je pense que ce n'est pas du côté des architectes que le pouvoir d'influence est le plus important.
Mme Bénédicte Taurine applaudit.
Je n'avais pas utilisé l'argument du lobbying, mais puisque Jean-Christophe Lagarde en a parlé, je ne pense pas que ce soient les architectes qui ont le lobby le plus influent.
Enfin, dire que la loi MOP ne permet pas le dialogue, c'est totalement faux. Dans le code des marchés publics, il existe aujourd'hui un dispositif chacun d'entre nous a sans doute déjà utilisé : le dialogue compétitif. Cette procédure permet précisément à un maître d'ouvrage public de dialoguer avec des équipes de maîtrise d'oeuvre. Tout cela existe ! Très franchement, nous pouvons avoir des désaccords, mais essayons de respecter la vérité historique et de dire la vérité, aussi, sur le poids des lobbys et la qualité architecturale. Je sais que quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage, mais là, vous y allez fort.
Nous avons déjà eu ce débat au titre Ier. Je veux dire à M. Peu et aux membres de son groupe, qui célèbrent en permanence les bailleurs sociaux, que ce sont les bailleurs sociaux eux-mêmes qui, chaque fois que nous les avons auditionnés, nous ont demandé de déroger non à la loi MOP, mais à l'obligation de concours d'architecture qui y figure.
Pourquoi ? Parce que ce concours coûte de l'argent. Vous êtes très soucieux de l'argent public, monsieur Peu, et c'est de l'argent public que gèrent les organismes HLM. J'abonde dans le sens de l'excellente intervention de notre collègue Lagarde. Outre tous les éléments qu'il a cités, à aucun moment, lorsque l'on choisit un très beau projet, il n'y a d'engagement sur le prix. Or le dépassement du prix est toujours couvert par de l'argent public. Les bailleurs sociaux comme les collectivités en savent quelque chose. Nous en avons fait plusieurs fois l'expérience à Metz.
Je le répète, les bailleurs sociaux que vous célébrez demandent à pouvoir déroger dans certains cas à l'obligation de concours d'architecture – vous êtes donc un peu de mauvaise foi vous-même, pardonnez-moi de vous le dire – , car ce concours pose des problèmes pour toutes les raisons invoquées par notre collègue Lagarde, auxquelles j'ajoute l'élément essentiel de l'argent public, dont nous devons être très soucieux. Les dépassements sont toujours pris en charge par les collectivités ou par les bailleurs.
Je comprends donc que les bailleurs aient soulevé devant nous ce problème, surtout dans le contexte actuel de raréfaction de l'argent public. Évidemment, quand celui-ci, sans couler à flots, est mobilisable sans difficulté, on peut dédommager des architectes, se payer des dépassements ; mais, aujourd'hui, il est très délicat de le faire.
Enfin, cela a été évoqué, un certain nombre de collectivités, voire de bailleurs sociaux, ont recours à la conception-réalisation. Il est tout à fait possible d'organiser alors un concours d'architecture – nous l'avons fait à Metz, je l'ai dit hier, pour un grand projet d'équipement de 60 millions d'euros – et de choisir Christian de Portzamparc ou Nicolas Michelin, de grands architectes, qui vont, avec de gros groupes – sur ce point, vous avez raison – , s'engager sur le prix et sur la qualité architecturale. Il faut arrêter de dire que la qualité architecturale ne sera pas au rendez-vous si on ne passe pas par la loi MOP.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce débat est très intéressant. Nous avons beaucoup discuté des vertus de la loi MOP. Essayons donc de nous projeter dans un avenir où, par hypothèse, nous aurions supprimé l'obligation qu'elle prévoit. D'abord, j'ai bien entendu ce qu'a dit notre collègue Lagarde sur les éventuelles malhonnêtetés que l'on pouvait trouver ici ou là dans le cadre de la loi MOP. Je rappelle que, sans cette loi, les marchés seraient passés de gré à gré entre les bailleurs sociaux et les architectes. Dans ce cas, de deux choses l'une : soit on choisit directement un architecte, soit, comme le disait notre collègue Peu, on travaille en conception-réalisation.
Dans la première hypothèse, quels seront les critères d'un jugement juste et équilibré ? Je laisse cela à votre sagacité. À moins que l'on considère que l'on n'a pas besoin d'architecte du tout, et que l'on prenne un architecte en interne. C'est d'ailleurs ce que dispose l'alinéa suivant : même la maîtrise d'oeuvre est prévue en interne.
Or, une fois que l'on aura internalisé ces fonctions architecturales et de conduite d'opérations au sein des structures des bailleurs sociaux, outre les coûts supplémentaires en personnel que cela entraînera, on aura tendance à monotyper les opérations, puisque le principe même et la vertu du concours d'architecture est de permettre le dialogue, sinon avec la collectivité, monsieur Lagarde, du moins avec des influences différentes, extérieures, et des générations successives – des influences architecturales qui peuvent apporter davantage à la collectivité.
J'en viens à la seconde solution : la conception-réalisation. Je pense que l'on fait ici une erreur : par expérience – d'élu local et de professionnel – , la meilleure façon de bien bâtir est de distinguer l'architecte des entreprises. Quand c'est l'entreprise qui rémunère l'architecte, par définition, celui-ci a tendance à adapter son projet aux demandes de l'entreprise. Cela va de soi. Et quand il faudra entrer dans un trou de souris pour que la marge de l'entreprise générale soit confortée, l'architecte acceptera de le faire.
Au fond, ce qui me gêne le plus, c'est qu'avec toutes les incertitudes que cela induit, la créativité des architectes pourra s'exprimer demain dans de grands projets, cher collègue Lioger, parce que des collectivités pourront se la payer, ou dans des projets privés ; en revanche, les bailleurs sociaux, pour construire plus vite, mieux et moins cher, n'organiseront pas de concours d'architecture. On créera ainsi deux types de construction, l'un pour les bailleurs sociaux, l'autre pour tous les autres. Dans une société qu'il s'agit d'apaiser et de réconcilier, la démarche ne me paraît pas être la bonne.
Revenons à cet objectif : construire plus vite, mieux et moins cher. Plus vite, sans concours d'architecture ? Ce n'est pas certain ; mais passe encore. Moins cher ? Je l'ai dit tout à l'heure : c'est d'abord le prix du foncier qui est déterminant, non le fait d'investir 2 ou 3 % de plus dans le concours d'architecture. Or c'est tout l'enjeu du travail qui nous incombe au cours des mois à venir : maîtriser le foncier, en créant des clauses anti-spéculatives. Là est le vrai combat de demain si l'on veut construire moins cher ! En tout cas, une chose est sûre : sans concours d'architecture, ce ne sera jamais mieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, FI et GDR. –M. Thibault Bazin et Mme Sylvia Pinel applaudissent également.
Nous voterons évidemment contre les amendements en discussion. À ce propos, j'aimerais revenir sur les critiques émises par nos collègues de l'opposition. Plusieurs ont cherché à faire croire que les bailleurs sociaux se passeraient des architectes.
C'est complètement faux. Richard Lioger a rappelé les discussions qui ont eu lieu lors des auditions et sur le terrain : il s'agit d'une demande des bailleurs, là où vous voyez un combat entre lobbies. Pourquoi ? De quand date l'obligation du concours d'architecture ? De 2016, de la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, de juillet 2016 !
C'est l'une des premières raisons.
Ensuite, elle n'apporte aucune garantie de facilité d'accès à la commande publique pour les petites entreprises – dont vous avez parlé, monsieur Peu. Elle crée des délais supplémentaires car – nul ne peut le nier – un concours prend davantage de temps. Enfin, ces délais sont d'autant plus préjudiciables que les bailleurs sociaux évoluent dans le cadre d'un marché concurrentiel. Alors que l'on cherche à créer plus de logements sociaux, vous voulez leur imposer des contraintes qui ne pèsent pas sur le privé ! Honnêtement, monsieur Peu, je ne comprends pas votre position.
Pourquoi 40 % des logements sociaux sont-ils construits en VEFA – vente en l'état futur d'achèvement ? Tout simplement parce que la conception-réalisation est plus compliquée.
Il ne faut pas raconter n'importe quoi ! Vous voulez que je vous explique pourquoi on construit en VEFA ?
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
C'est une réalité, cher collègue ! Sur les 500 000 logements construits chaque année, il y a 120 000 logements sociaux, dont 40 % en VEFA. Cela implique-t-il un manque de qualité ? Aujourd'hui, on sait faire de la qualité, parce que l'on travaille avec des architectes ; et cela ne va pas changer.
Je le répète, nous voterons contre ces amendements. Notre objectif, en instaurant cette dérogation, n'est pas de cesser de compter sur les architectes – bien au contraire, et je veux réaffirmer, comme notre collègue Lagarde, notre attachement à ce métier – , mais de faciliter la tâche aux bailleurs sociaux. Vous devriez soutenir cette mesure, monsieur Peu.
Voici mon message. Laissons libres les bailleurs sociaux. Ils sont plus contraints aujourd'hui qu'ils ne l'étaient auparavant ; rendons-les de nouveau maîtres de la conception-réalisation. Ils continueront évidemment de travailler avec des architectes, pour que nous ayons de beaux logements sociaux comme nous savons en faire. Vous voulez faire peser sur eux des contraintes ; libérons plutôt le secteur et préservons l'activité des bailleurs sociaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Quel Français, quelle société souhaitant construire, agrandir ou modifier un bâtiment a recours à la loi MOP ? J'entends toutes les vertus dont cette loi est parée. Est-ce que, chaque fois qu'un Français construit sa maison, qu'une entreprise construit un lieu de travail ou l'agrandit, ils ont recours à la loi MOP ? Je crois que non. Sans doute est-ce à cause de mon incompétence, mais il me semble que 80 à 90 % de ce qui se construit dans notre pays ne nécessite aucun recours à loi MOP. Et vous nous expliquez que toute la construction sur commande publique, sur finances publiques, devrait absolument relever de la loi MOP, sinon ce sera la catastrophe ?
Je veux simplement montrer combien le débat est caricatural : tout ce qui passe par la loi MOP est génial ! Tout ce qui s'en passe est très mauvais !
Protestations sur les bancs du groupe GDR.
Cela vous fait réagir ; tant mieux. Vous soutenez que la loi MOP garantit la qualité ; en d'autres termes, cher monsieur Peu, tout ce qui se construit hors de la loi MOP ne serait pas de qualité. Mais non !
J'ai cherché à vous montrer que l'enjeu n'est pas la loi MOP, dont le seul objet – arrêtons de raconter des histoires ! – est l'ouverture à la commande publique, non la qualité architecturale. Elle ne garantit d'ailleurs en rien cette qualité. L'Ordre des architectes – une référence qui en a tant motivé parmi vous – peut légitimement dire que tout le monde doit pouvoir accéder à la commande publique ; je ne dis pas le contraire. Je dis simplement qu'il faut rétablir l'égalité entre la commande publique et le simple citoyen, ce qui ne passera pas nécessairement par la conception-réalisation.
Un Français qui passe commande peut échanger, diriger, modifier ; dans le cadre de la commande publique, ce n'est pas possible. Vous m'avez expliqué qu'auparavant vous pouviez apporter des corrections. Essayez donc de modifier, dans un projet relevant de la loi MOP, l'accès à une école, sa toiture, les volumes ; ce n'est pas possible, car vous modifiez alors substantiellement les conditions du marché, ce qui est pénalement répréhensible.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Voilà ce que je conteste.
Nous pourrions avoir demain une loi MOP qui permette l'échange. C'est en tout cas ce que je souhaite – comme un certain nombre d'architectes, je crois. Vous avez parlé de dialogue compétitif, monsieur Peu, mais le dialogue compétitif, ce n'est pas cela. Si, à la suite d'un échange, vous apportez d'importantes modifications à un objet, les trois, quatre ou cinq autres candidats peuvent faire valoir qu'ils ne disposaient pas d'une donnée de base. Je demande simplement que l'on puisse échanger.
Je n'ai pas dit que la conception-réalisation était la panacée. C'est une option. Mais si, sous prétexte que vous aurez confié la conception-réalisation, vous considérez – comme cela a été dit – que c'est l'entreprise qui commandera à l'architecte, c'est que les élus locaux ne font pas leur boulot.
Il m'est arrivé de voir ou de subir – dans notre département, monsieur Peu – des conceptions-réalisations ; mais, même quand je n'étais pas le maître d'ouvrage, on ne m'a pas imposé une architecture ou un projet. Un élu digne de ce nom, lorsqu'il est maître d'ouvrage, ne se laisse pas imposer un projet, encore moins pour répondre aux besoins d'une entreprise.
Bien souvent, dans ce cas-là, et je veux en attester devant l'Assemblée nationale, si le donneur d'ordre initial de l'architecte – un homme de l'art auquel on peut faire confiance dès lors que l'on peut échanger avec lui – lui impose des choses qui ne lui conviennent pas, il s'appuie sur l'élu pour contraindre l'entreprise ! Ce n'est pas l'entreprise qui a le pouvoir, quand c'est l'élu qui la fait. Et si l'élu ne la fait pas, ce n'est pas la loi MOP qui protégera la population. C'est à l'élu de la protéger. C'est à lui de faire en sorte que le projet respecte tout le monde, qu'il ait une qualité architecturale, une qualité d'usage et une fonctionnalité d'entretien. Mais si l'élu ne fait pas son boulot, ce n'est ni la conception-réalisation, ni le marché de définition que j'évoquais à l'heure, ni même le concours d'architecture qui préservera le projet.
Monsieur le député de Saint-Denis, ce n'est en rien une mise en cause personnelle, car vous n'y êtes pour rien et moi non plus : …
J'espère bien, parce que notre groupe n'a presque plus de temps de parole !
… croyez-vous que les bureaux, les coursives et les piliers de béton qui sont juste à côté de la cathédrale de Saint-Denis ont été faits…
Hier, vous défendiez les architectes des Bâtiments de France. Aujourd'hui, c'est la loi MOP !
Pensez-vous que cette « qualité » architecturale – avec tous les guillemets possibles – a été garantie ? Non ! C'est un maître d'ouvrage public, que vous connaissez bien, qui a fait appel à une société d'économie mixte, que vous connaissez bien également. Ce n'est pas la loi MOP qui aurait protégé le site. L'architecte des Bâtiments de France ne l'a pas plus protégé. S'il est dans cet état aujourd'hui, ce n'est pas pour rien !
Je ne veux pas trop en rajouter, après avoir essayé, dans mes observations précédentes, de ne surtout pas être polémique et de donner les raisons qui conduisaient le Gouvernement à faire cette proposition dans son projet de loi. Mais je tiens à rétablir sinon la vérité, du moins certains faits. J'ai entendu dire qu'il faudrait réintroduire l'architecte dans l'acte de construire des bailleurs sociaux. Ce n'est pas le cas, puisqu'il n'a jamais été question de le supprimer – jamais ! Disons les choses clairement, afin d'éviter que nos concitoyens, qui nous regardent ou qui liront le compte rendu, aient l'impression que ce projet de loi avait pour vocation d'exclure l'architecte et l'acte d'architecture de toutes ces réalisations. Ce serait grave de le penser.
Que les architectes défendent leurs intérêts, c'est légitime et cela ne me choque pas.
J'ai exercé longtemps la belle profession d'avocat. Il est également arrivé, sous tous les gouvernements, que les avocats expriment des revendications ou contestent des propositions, afin de préserver leurs intérêts.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
On parle hors micro, maintenant que notre groupe n'a presque plus de temps de parole !
Laissez-moi terminer ! Je ne crois pas abuser sur ce sujet, ni sur d'autres.
Il ne s'agit pas de faire le procès de la profession d'architecte. Nous en avons besoin. Notre pays compte de grands architectes, sur tout le territoire, qui réalisent de belles choses et qui sont également capables de les faire à l'extérieur de nos frontières, ce dont nous sommes tous fiers. Il ne doit pas y avoir de confusion sur ce point. En revanche, s'agissant des concours, avant la loi LCAP de 2016, seuls les offices publics y étaient soumis. Depuis 2016, les ESH – entreprises sociales pour l'habitat – le sont également. Mais, que je sache, avant 2016, ce que construisaient les ESH n'était pas de plus mauvaise qualité architecturale que ce que faisaient les offices. Cessons de fantasmer ! Et je ne vais pas me lancer à commenter la composition des jurys et le choix de leurs quatre ou cinq membres… Ce n'est pas la peine d'épiloguer sur ce sujet.
Je vous entends, monsieur le député, lorsque vous dites que certains, dans le monde du bâtiment, ne sont pas particulièrement déchaînés en faveur de la loi MOP. Je m'étais bien gardé d'aller sur ce terrain… Disons les choses clairement. Si nous faisons cette proposition, c'est parce que nous considérons qu'il faut maintenir le recours à l'architecte sur tous ces dossiers, mais que le concours lui-même représente des coûts supplémentaires.
Si l'on est sérieux, on ne peut pas dire autre chose. Cela ajoute également un délai de six à huit mois. Par ailleurs, les maîtres d'ouvrage souhaitent ne plus y être soumis obligatoirement. Lorsqu'on en appelle à plus de liberté et de respect, pour les maires tout à l'heure, désormais pour ceux qui sont aux commandes des organismes HLM, il faut leur faire confiance. La qualité architecturale, ce n'est pas le concours systématique et obligatoire qui l'améliorera. C'est pourquoi je tiens à réaffirmer que la position du Gouvernement n'est pas d'éliminer les architectes de tout ce processus, mais de permettre aux bailleurs sociaux de ne pas être obligatoirement soumis à une procédure particulièrement lourde.
Effectivement, je crois que c'est du bon sens, et je vous remercie de l'avoir dit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 71 |
Nombre de suffrages exprimés | 68 |
Majorité absolue | 35 |
Pour l'adoption | 17 |
contre | 51 |
Cet amendement vise à garantir une bonne pratique en termes de suivi des travaux par les bailleurs sociaux. Ne pas avoir de support réglementaire sur la définition d'une mission de base confiée à une équipe de maîtrise d'oeuvre va accroître la complexité administrative. Il faut assurer une sécurité supplémentaire pour les bailleurs sociaux qui ne disposent pas tous des moyens humains et des capacités d'assurer ce type de mission. Plutôt que de les dispenser du titre II de la loi MOP, il conviendrait ainsi d'aménager au niveau législatif, le contenu d'une mission adaptée. Cet amendement vise ainsi à trouver un équilibre, en répondant à la demande d'une mission dont le contenu serait moins contraignant, tout en leur conservant les moyens de s'assurer des qualités des bâtiments.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 2360 .
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 2679 .
En vertu du 4° de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1985, les organismes privés de HLM et les SEM ne sont soumis aux obligations de cette loi que pour les logements à usage locatif aidés par l'État. L'objet de cet amendement est de supprimer cette inégalité de traitement entre les OPH et les organismes privés de logement social qui ont les mêmes missions. Il n'existe en effet aucune raison pour que les OPH – opérateurs économiques HLM au même titre que les sociétés – soient soumis à des contraintes supplémentaires. Subsidiairement, en alignant le régime applicable en la matière, la modification proposée correspond aux objectifs de simplification actuels des pouvoirs publics.
Dans la mesure où ces amendements permettent d'appliquer les mêmes règles aux OPH et aux sociétés privées de HLM, avis favorable.
Sur ces amendements pleins de sagesse, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 1529 .
La parole est à M. Patrick Mignola, pour soutenir l'amendement no 1621 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1900 .
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 462 , 1152 , 1824 , 2361 , 441 et 2680 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 462 , 1152 , 1824 et 2361 sont identiques, de même que les amendements nos 441 et 2680 .
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 462 .
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 1152 .
Le concours d'architecture constitue une procédure qui permet la mise en concurrence des projets et la qualité finale de la proposition du maître d'oeuvre qui sera retenue par le maître d'ouvrage. Permettre de présélectionner plusieurs candidats, qui seront ensuite invités à confirmer leur intérêt pour répondre à un marché, stimule l'innovation, permet de se concerter, de débattre et de choisir de façon démocratique et transparente les meilleurs projets urbains et architecturaux. Il apparaît ainsi fondamental que le concours demeure obligatoire, eu égard aux enjeux attachés à la réalisation des bâtiments publics et des logements de demain, afin de répondre aux exigences de développement durable et de qualité de vie. Cette méthode ouverte s'inscrit comme une bonne pratique de gouvernance garantissant une maîtrise dans le choix des projets par les acheteurs publics.
Je sais bien que le dossier du concours d'architecte est clos. C'est pourquoi, madame la présidente, j'avais demandé la parole. Je voudrais revenir sur un des points qui vous poussent à renoncer au concours, à savoir la lourdeur et les délais administratifs liés à son organisation. Dans cet amendement, nous proposons une solution pour simplifier le processus en amont de la construction de logements sociaux et alléger la contrainte administrative liée à la sélection des candidatures, en étendant au concours d'architecte le mécanisme de préinformation prévu aux articles 31 et 38 du décret du 25 mars 2016 sur les marchés publics. Ce mécanisme permet de présélectionner plusieurs candidats qui seront ensuite invités à confirmer leur intérêt pour répondre à un des marchés énumérés dans l'avis de préinformation initial. C'est une façon de contourner un des problèmes que vous rencontrez dans l'organisation de ce concours d'architecte.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 2680 .
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune ?
L'amendement no 608 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je ne veux pas rouvrir un débat qui vient de se tenir, mais si je partage l'idée que pour la plupart des petits projets les concours représentent une lourdeur, source de délais supplémentaires, je reste convaincu qu'ils sont nécessaires pour certains projets plus importants, qui touchent à l'architecture mais aussi au cadre de vie. C'est particulièrement vrai pour les communes moyennes. J'ai eu l'occasion d'en organiser dans la mienne et je pense que cela a permis de lancer la réflexion tant au niveau des élus qu'au sein de la société.
Cet amendement ne mange pas de pain, puisqu'il ne fait qu'ajouter la possibilité de définir, par décret, un montant à partir duquel les concours seraient obligatoires. Cela permet de laisser cette porte ouverte. Je ne sais pas quelle sera la position des ministres, mais je trouve que cette disposition mérite d'être inscrite dans la loi, quitte à poursuivre le débat quant à l'opportunité de l'utiliser.
Nous en arrivons à l'amendement no 344 . Y a-t-il un signataire dans l'hémicycle ? Monsieur Chiche ? Non, personne ? Madame le rapporteur ?
Personne ne se manifeste… L'amendement n'est pas défendu.
Je vous donne la parole, madame le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 2806 deuxième rectification.
Madame la présidente, Mme Meynier-Millefer va défendre l'amendement no 344 .
Il est passé, madame le rapporteur, personne ne s'est levé ! Nous en sommes au no 2806, deuxième rectification.
Dans ce cas, je voudrais reprendre l'amendement no 344 , s'il vous plaît, qui a reçu un avis favorable.
Madame le rapporteur, j'ai appelé deux fois cet amendement. Personne ne s'est levé. Il n'est donc pas défendu. Vous ne pouvez pas le défendre maintenant.
On est tout seul à faire le job, eux sont cinquante et ils arrivent quand même à rater leurs amendements !
Je regrette ! Madame Dubos, revenons à votre amendement, s'il vous plaît.
L'amendement no 2806 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Christelle Dubos pour soutenir l'amendement no 3052 rectifié .
L'objet de l'amendement est de permettre l'agrément des organismes HLM comme organismes de foncier solidaire – OFS.
L'amendement no 3052 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour une explication de vote sur l'article 28.
Madame la rapporteure, messieurs les ministres, je dois avouer que finalement, nous n'avons vraiment pas la même posture quant au secteur du logement social. Vous vous intéressez aux bailleurs, alors que nous nous intéressons aux deux millions de ménages en attente d'un logement social. En effet, ce n'est pas la même perspective… Ce n'est pas que nous soyons contre l'accès à la propriété – c'est un débat qui dépasse largement ce cadre – mais la perspective est différente.
Que faites-vous pour les bailleurs ? Vous les convertissez en entreprises de l'immobilier et de services, les détournant de leur véritable objet : l'entretien, la gestion et le développement du parc. Vous voulez déréguler l'équilibre des loyers en faisant passer par ordonnance la possibilité d'adapter ces derniers aux ressources du locataire. Vous exonérez les bailleurs de l'obligation d'avoir recours aux architectes, ce qui risque de mettre en péril la qualité architecturale des logements sociaux. Enfin, on ne sait pas comment les dividendes seront reversés aux sociétés de HLM.
Avec cet article, vous avez prétendu répondre aux problèmes de ce pays en matière de logement social. Vous avez répondu à ceux des bailleurs, mais non à ceux des mal-logés, qui ont besoin de logements sociaux. Nous estimons que répondre à cette nécessité implique nécessairement un engagement fort de l'État en matière financière, et cette posture nous distingue à propos de cette loi.
Madame le rapporteur, après avoir travaillé avec vous sur tous les articles, je constate qu'aucun d'entre eux ne correspond à l'amendement que j'avais déposé, qui proposait une taille minimale et maximale pour les appartements d'une ou de deux pièces conçus pour les personnes seules bénéficiaires du RSA.
Sur l'article 28, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel.
Je prends la parole, le temps pour nos collègues de revenir dans l'hémicycle… Si je partage l'objectif de simplification du Gouvernement, nous avons un désaccord sur le concours d'architecte, qui me semble essentiel aussi, entre autres arguments, en raison de la nécessité de concertation. Les habitants doivent être associés au choix car il y va de leur qualité de vie et de leur avenir. Cela étant dit, je profite de l'occasion pour souligner que j'apprécie la qualité d'écoute des deux ministres et leur connaissance du sujet. Je tiens à le dire, car c'est appréciable : nous avons de longs débats et votre calme, votre tempérance et votre technicité permettent, malgré quelques désaccords sur tel ou tel sujet, un vrai dialogue républicain et démocratique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Après ce dithyrambe, je mets aux voix l'article 28, tel qu'il a été amendé.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 58 |
Nombre de suffrages exprimés | 56 |
Majorité absolue | 29 |
Pour l'adoption | 43 |
contre | 13 |
L'article 28, amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante.
Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 28.
Je suis saisie de deux amendements, nos 1908 et 924 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Avant de donner la parole à Mme Emmanuelle Ménard pour soutenir l'amendement no 1908 , je vous indique qu'il ne reste plus que cinquante-neuf secondes de temps de parole aux députés non inscrits.
En l'état actuel du droit, les parties communes d'un immeuble sont considérées comme un lieu privé. Cet amendement a pour objet de donner aux forces de l'ordre les moyens d'assurer la sécurité de tous les résidents ainsi que la jouissance paisible de leur logement. Il faut donc autoriser la police nationale aussi bien que la gendarmerie à y accéder.
C'est une question importante, sur laquelle je pourrai m'étendre un peu plus longtemps que Mme Ménard. Nous avons parlé en commission, messieurs les ministres, des problèmes causés par l'occupation intempestive des parties communes. Parfois, elles abritent du trafic de stupéfiants. D'autres fois, elles sont bloquées, si bien que certaines personnes ne peuvent pas rentrer chez elles. On sait par ailleurs qu'il est difficile de prouver le délit d'entrave.
Il faut que nous nous dotions de dispositifs pour lutter contre ces problèmes. C'est l'objet de cet amendement : il s'agit de préserver la tranquillité dans les immeubles d'habitation à loyer modéré et la sécurité de leurs résidents en donnant une autorisation permanente aux forces de l'ordre de pénétrer dans les parties communes.
Il ne s'agit évidemment pas qu'elles soient présentes en permanence, mais de leur donner l'autorisation d'entrer en cas de besoin. Dans le cadre de ce projet de loi sur le logement, cela pose bien la problématique : nous devons remettre la République dans les quartiers et assurer la tranquillité de chacun de nos compatriotes qui y vivent. Il s'agit de donner à nos forces de l'ordre les moyens nécessaires pour que les bailleurs soient sûrs d'offrir des logements dans un environnement paisible.
Nous avons discuté de ces amendements en commission. J'invite Mme Ménard à retirer son amendement au profit du no 924 de M. Bazin, qui nous semble mieux rédigé et auquel la commission est favorable.
Nous en avons effectivement longuement discuté en commission. J'avais alors signalé qu'il est déjà possible aux forces de police de rentrer dans les parties communes : la question, c'est de savoir s'il faut en faire un principe général. Il y a eu consensus sur ce point.
Je vous suggère moi aussi, madame Ménard, de retirer votre amendement au profit de celui de M. Bazin, dont la rédaction me semble plus précise. Je donne un avis favorable à l'amendement de M. Bazin.
L'amendement no 1908 est retiré.
L'amendement no 924 est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1907 .
Même objectif : il s'agit de lutter contre la délinquance et de permettre aux locataires de vivre paisiblement dans leur logement en munissant les parties communes d'équipements de vidéoprotection.
Les organismes HLM peuvent déjà installer des équipements de vidéosurveillance et sont obligés d'assurer le gardiennage et la surveillance des bâtiments. Cet amendement me semble donc satisfait par le droit existant. J'en demande le retrait.
L'amendement no 1907 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 2124 .
Cet amendement est en partie satisfait par l'amendement no 3049 rectifié que nous avons adopté à l'article 28 et qui autorise les dirigeants d'OPH à cumuler partiellement des emplois et des rémunérations dans le cadre des sociétés de coordination. À défaut de retrait, l'avis serait défavorable.
Nous avons en effet tout à l'heure émis un avis favorable sur un amendement qui a été adopté : il permet à un directeur d'OPH de cumuler sa fonction avec celle de directeur ou de président de société anonyme de coordination, le cumul des rémunérations étant encadré par décret. En revanche, étendre cette possibilité de cumul à un ensemble d'autres activités rémunérées irait à l'encontre du principe de non-cumul des fonctions rémunérées par des agents publics. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 2124 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 2125 .
Défendu.
Quand je dis « défendu », est-ce décompté de notre temps de parole, madame la présidente ?
Rires sur divers bancs.
Le langage des signes n'est pas intelligible de tous, monsieur le député ! Je vous confirme qu'un « défendu » n'est pas décompté de votre temps de parole. En revanche, votre question vous a sans doute coûté quelques secondes !
Sourires.
Ce dispositif, connu sous la dénomination de « VEFA inversée », permet de conserver une maîtrise d'ouvrage HLM et d'assurer une mixité au sein de la même opération entre des logements du parc privé et des logements du parc social. La proportion maximale de 30 % du volume de l'opération vendable à des opérateurs privés conserve à cette activité un caractère accessoire. Faire passer le maximum à 50 % soulèverait inévitablement la question du conflit avec la notion de service d'intérêt économique général ainsi que la question de la concurrence déloyale avec les promoteurs privés. L'avis est défavorable.
L'amendement no 2125 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 1147 .
L'amendement no 1147 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est proposé de compléter l'alinéa 8 de l'article L. 445-1 du code de la construction et de l'habitation par les phrases suivantes : « Dès lors que les organismes d'habitations à loyer modéré sont propriétaires de plus de 5 % du parc social implanté sur le territoire d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire des aides à la pierre, le plan de mise en vente comporte un volet territorial. Ce volet territorial évalue l'impact territorial du plan de vente au regard des objectifs de production de logements sociaux et de mixité sociale fixés dans le programme local de l'habitat. Ce volet territorial est compatible avec la convention mentionnée au V de l'article 302-1 du code de la construction et de l'habitation. »
La parole est à M. Hubert Julien-Laferriere, pour soutenir l'amendement no 2440 .
Je voudrais à mon tour saluer la qualité de nos débats depuis le début : ils font honneur à la représentation nationale. C'est certainement parce que la plupart d'entre nous sommes ou avons été élus locaux, administrateurs d'un office public HLM ou bien encore avons travaillé, éventuellement comme bénévole, dans des organismes défendant le logement social.
En tout cas, je crois que nous avons tous, à un moment ou à un autre, été confrontés d'une part à la difficulté pour beaucoup de nos concitoyens à trouver un logement décent pour leur famille, et donc à la nécessité d'en produire plus, et d'autre part aux dégâts causés par l'absence de mixité sociale dans beaucoup de nos quartiers. Or il s'agit bien de mixité, lorsqu'on parle de vente HLM. Celle-ci poursuit en effet les objectifs d'accession sociale, de parcours résidentiel et aussi de mixité sociale. Il faut évidemment que les collectivités locales, en particulier les établissements publics de coopération intercommunale, soient associées à cette politique.
Il ne s'agit pas de demander ici un avis conforme : par cet amendement, nous proposons, si l'organisme d'HLM est propriétaire de plus de 5 % du parc social sur le territoire d'un EPCI, que le plan de mise en vente comporte un volet territorial, via les conventions d'utilité sociale – CUS. Ce volet évalue son impact par rapport aux objectifs de production de logements sociaux.
Il s'agit bien de concilier les objectifs de mixité et de production de logements sociaux avec les objectifs des PLH – programme local de l'habitat. J'ai été en même temps maire d'un arrondissement avec trois quartiers en QPV, vice-président d'un organisme de logement social et membre de la commission vente. Si l'on veut poursuivre l'objectif de mixité, la vente est un travail qui doit s'effectuer à la fois dans la finesse et dans le pragmatisme. Or tous les organismes d'HLM ne le font pas forcément ainsi. C'est pourquoi il faut que les plans de vente ne contredisent pas les objectifs des PLH, voire des obligations liées à la loi SRU.
Je connais l'exemple d'un maire de l'agglomération lyonnaise qui a failli se retrouver carencé : il avait un objectif de 85 logements sociaux, il en a fait 120, mais un de ses bailleurs en a vendu 40 ! Évidemment, le préfet est intelligent et ne l'a pas sanctionné. Mais on voit bien là l'importance du dialogue. Il existe, et il faut le renforcer.
Il est vrai qu'aujourd'hui, la loi prévoit déjà que les conventions d'utilité sociale soient élaborées en tenant compte des PLH, mais il n'y a pas d'obligation de conformité. Les collectivités sont seulement associées à l'élaboration des conventions. Certes, elles sont signataires au titre des OPH qui y sont rattachés, mais dans les autres cas, en particulier s'agissant des entreprises sociales pour l'habitat, aucune obligation n'est prévue. L'objectif de cet amendement est de créer un outil de dialogue qui associe davantage les EPCI au plan de vente pour être sûr que celui-ci soit effectivement en accord avec le PLH et avec les objectifs de production et de mixité sociale.
Le code de la construction et de l'habitation prévoit déjà que les CUS doivent tenir compte des PLH et que les EPCI sont associés à l'élaboration et à la signature des CUS. Ces garanties me semblent suffisantes. Il n'y a nul besoin de complexifier le contenu de ces conventions. À défaut d'un retrait, l'avis serait défavorable.
Je le retire, mais il est évident que les questions qu'il pose demeurent.
L'amendement no 2440 est retiré.
L'amendement no 1026 n'est pas adopté.
La parole est à M. Mustapha Laabid, pour soutenir l'amendement no 1748 .
Comme M. Julien-Laferriere, j'ai une expertise en matière d'HLM, mais plutôt fruit du vécu puisque j'y ai grandi pendant vingt ans. Je connais donc bien ce type de logement.
La loi égalité et citoyenneté de 2017 prévoit la possibilité pour les organismes HLM d'expérimenter pour une durée de cinq ans une politique des loyers dérogatoire dans le cadre des CUS. Par décret, Rennes Métropole, seule candidate du pays, a été autorisée à expérimenter un dispositif appelé « loyer unique ». Ce dispositif doit permettre aux locataires d'HLM de choisir leur lieu de vie indépendamment de leur niveau de ressources, en mettant au même niveau les loyers de tous les logements sociaux de la métropole. Il est présenté comme un outil innovant pour lutter contre l'assignation à résidence des ménages les plus pauvres, notamment dans les quartiers de la politique de la ville.
À la lecture de cette disposition, mes collègues et moi-même nous sommes réjouis de cette « idée de génie ». Députés dans des circonscriptions incluant les quartiers les plus pauvres de Rennes, nous ne pouvions que souscrire à cet enjeu de mobilité résidentielle pour les familles les plus modestes.
Alors, quel désenchantement ! Car, une fois passée l'écoute naïve de la communication de la ville de Rennes, une fois étudiées les modalités de la mise en oeuvre du dispositif, nous ne pouvions plus parler que de « fausse bonne idée ». Le loyer unique ainsi conçu ne remplit pas les objectifs en matière de mixité sociale, car la mixité sociale ne se décrète pas – surtout lorsque l'on souhaite attirer des populations nouvelles dans ces quartiers populaires. Et ce n'est pas en augmentant le loyer dans les logements anciens pour compenser leur baisse dans les logements récents que les classes moyennes vont venir s'installer dans ces quartiers.
Je préfère me battre à vos côtés, messieurs les ministres, pour la rénovation urbaine et un cadre de vie sécurisé et de qualité, et pour une politique de peuplement qui permette le vivre ensemble dans la diversité. Le loyer unique ne remplit pas ces objectifs. Aussi, vouloir envoyer les familles les plus modestes hors de la ville pose question en termes d'accès aux services publics, de mobilité, et d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle. Rennes n'est pas une ville ghetto ! Pourquoi vouloir pousser les plus modestes hors de la ville ? Pourquoi vouloir créer de nouveaux lieux au ban de la ville, de nouvelles banlieues ?
Je conclurai en soulignant que ce loyer unique aura un impact différent selon les bailleurs sociaux : ceux ayant le parc le plus ancien profiteront financièrement de cette expérimentation du fait de l'augmentation de leur quittancement de loyer, alors que ceux qui ont investi le plus ces dernières années, donc les plus vertueux, seront pénalisés financièrement !
Messieurs les ministres, mes chers collègues, oui à l'expérimentation si elle s'inscrit dans un esprit de justice sociale et d'équité territoriale, oui à l'expérimentation si elle est sincère et ne tend pas à faire financer par d'autres des choix pris par intérêt politique et financier. Mais, ces conditions n'étant pas réunies, je vous demande de bien vouloir prendre en considération mon amendement proposant l'abrogation du IV de l'article L. 445-3 du code de la construction et de l'habitation.
J'entends l'ensemble de vos arguments, monsieur le député, mais il me semble pertinent de lancer l'expérimentation et d'en faire une évaluation à terme, de façon à pouvoir s'assurer du bien-fondé du dispositif, tout en sachant que celui-ci va tout de même à l'encontre de la politique des loyers proposée également à titre expérimental à l'article 28. À défaut de retrait, l'avis serait défavorable.
Je salue, monsieur le député, votre vigilance. Je pense que c'est pleinement le rôle qui est le vôtre en tant que membre du Parlement. S'agissant de l'expérimentation du loyer unique, elle est toute récente puisque les décrets d'application ne datent que de mai 2017. La méthode qui est la nôtre, consistant à identifier le problème, à proposer des solutions et après à les évaluer doit s'appliquer en ce cas aussi. Au moment où nous parlons, nous n'en sommes encore qu'au début de l'expérimentation. Allons au bout afin, comme le propose la rapporteure, de pouvoir l'évaluer, comme toute autre politique. Avis défavorable.
L'amendement no 1748 est retiré.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2984 .
Cet amendement propose d'abaisser à 75 logements le seuil à partir duquel le gardiennage est requis, qui est actuellement de 100 logements. Il prévoit également que gardiennage soit possible lorsque les logements sont gérés par plusieurs bailleurs, alors qu'aujourd'hui, le gardiennage n'est possible que si un seul bailleur gère l'immeuble ou la résidence.
Ces deux mesures – seuil de logements et nombre de bailleurs – visent à renforcer la présence des gardiens dans ces résidences et dans ces quartiers, notamment dans les plus fragiles et dans les plus difficiles.
Je rends d'ailleurs hommage à ces hommes et ces femmes qui, au-delà des missions qui leur sont confiées, qui se traduisent de façon un peu ingrate par les fameuses « unités de valeur », ou UV, accomplissent un travail de proximité, d'échange et de sécurité dans les résidences et dans les bâtiments où ils sont en poste.
Cet amendement vise donc, en définitive, à renforcer cette présence humaine essentielle au vivre ensemble et à la sécurité de ces bâtiments.
Chère collègue, les dispositions que vous proposez de mettre en oeuvre au travers de votre amendement sont de niveau réglementaire : elles doivent donc être définies par décret. Demande de retrait, ou avis défavorable.
Même avis.
On ne peut pas prendre le micro pour le dire, on n'a pas assez de temps de parole, mais on l'aurait soutenu !
Sourires.
L'amendement no 2984 est retiré.
L'amendement no 2126 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement no 2457 .
Pour des raisons différentes de celles exposées par le député de Rennes Mustapha Laabid, je voudrais revenir sur l'expérimentation qui a été initiée par la loi et autorisée par décret.
En fait, en mai 2017, la réduction de loyer de solidarité – RLS – n'existait pas. Il est difficile d'appliquer un loyer unique dans une ville qui dispose de quelques milliers de logements, avec des mouvements tous les ans. La RLS ne peut donc s'appliquer à Rennes, pas plus que l'expérimentation que notre collègue a évoquée, sauf à faire des saisies à la main, et dans les caisses d'allocations familiales et chez les bailleurs. C'est la raison pour laquelle je vous propose de mettre fin à une expérimentation qui ne saurait connaître un début d'application.
Il est le même que sur l'amendement no 1748 : demande de retrait, ou avis défavorable.
Même avis. Je pense qu'il faut aller au bout de l'expérimentation. Monsieur le député, nous avions bien identifié le problème que vous avez abordé et nous en avons conscience, mais ce sont deux sujets différents. L'un ne doit pas empêcher l'autre. Nous laisserons donc l'expérimentation aller à son terme, tout en ayant bien en tête le problème que vous avez évoqué, puisqu'il fait partie des discussions que nous avons avec la caisse d'allocations familiales.
Monsieur Jolivet, maintenez-vous ou retirez-vous l'amendement no 2457 ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 2457 est retiré.
L'article 28 bis est adopté.
La parole est à Mme Christelle Dubos, pour soutenir l'amendement no 2810 .
L'amendement no 2810 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 28 ter, amendé, est adopté.
L'article 28 quater est adopté.
L'article 28 quinquies est adopté.
L'article 28 sexies est adopté.
Le Gouvernement ayant déposé un amendement après l'expiration du délai, un temps supplémentaire, de dix minutes pour chaque groupe et de cinq minutes pour les députés non inscrits, est attribué pour la discussion de l'article, en application de l'article 55, alinéa 6, du règlement.
Je précise que ce temps de débat n'est pas obligatoire !
Sourires.
J'avais voulu m'inscrire sur l'article afin de demander ce temps supplémentaire, mais puisque vous êtes, madame, une bonne présidente et que vous avez rappelé les droits à l'augmentation des temps de parole des non inscrits et des groupes pour les amendements déposés hors délai, je n'irai pas plus loin.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 3142 rectifié de suppression de l'article.
Cet amendement vise en effet à supprimer l'article 28 septies, qui avait été adopté par la commission des affaires économiques et qui introduit pour les offices publics de l'habitat une dérogation à l'interdiction du paiement différé dans les marchés publics.
Comme vous le savez, aujourd'hui, les paiements différés ont de fortes implications, notamment sur le tissu d'entreprises des TPE et PME. Les délais de paiement constituent l'un des principaux fléaux pesant sur la vie économique, y compris pour les TPE-PME.
Un certain nombre de dispositions ont été prises pour favoriser l'accès de ces TPE-PME aux marchés publics : nous en avons parlé, il y a quelques jours, à propos notamment de l'allotissement. Dès lors, il nous semble important que ces mêmes entreprises ne soient pas d'un autre côté pénalisées par un allongement des délais de paiement qui, encore une fois, constituent l'un des principaux fléaux auxquels elles sont confrontées.
Cet amendement revient sur une disposition adoptée par la commission des affaires économiques en vue de simplifier les conditions d'activité des OPH, en appliquant les mêmes règles à toutes les catégories d'organismes HLM. Par cohérence, la commission y est défavorable.
L'amendement no 3142 rectifié n'est pas adopté.
L'article 28 septies est adopté.
Nous en venons à un amendement portant article additionnel après l'article 28 septies. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 2681 .
Il vise à modifier le titre II du livre IV du code de la construction et de l'habitation afin de compléter l'objet social des filiales de logements intermédiaires, ce qui leur permettrait non seulement de construire, d'acquérir et de gérer ces logements, mais également de les vendre.
Cet amendement est satisfait : le droit de propriété qui est donné à ces filiales inclut le droit de vendre, sans qu'il soit besoin de le préciser dans la loi. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 2681 n'est pas adopté.
Nous en venons aux inscrits sur l'article 29.
La parole est à M. Thibault Bazin.
Je me suis inscrit parce qu'il me semble, sans être sûr, que sur cet article le Gouvernement a également déposé un amendement hors délai. Si c'est le cas, je demande l'ouverture du temps de parole supplémentaire.
Cher collègue, il n'y a de temps supplémentaire que pour l'article 28 septies.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue le samedi 2 juin 2018 à zéro heure onze, est reprise à zéro heure douze.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, également inscrite sur l'article 29.
Cet article concerne la vente des logements sociaux. Nous y sommes opposés.
Quelques éléments : tout d'abord, la vente se fait au prix fixé par le bailleur, et non au prix estimé par le service des domaines, qui est soumis à l'avis de la commune.
En outre, la vente en bloc de plusieurs lots de logements à des personnes morales est autorisée. Par ailleurs, la possibilité pour les communes de préempter les logements sociaux des bailleurs est supprimée, afin de faciliter les ventes.
Il nous semble que vendre 20 000, voire 40 000 logements sociaux par an à des résidents qui sont souvent modestes sera compliqué. S'ils sont vendus à d'autres ménages, ils perdront alors leur vocation sociale.
De plus, permettre la vente sans limites à des entreprises de droit privé des logements PLS – prêt locatif social – construits ou acquis depuis plus de quinze ans revient à donner libre cours à la spéculation.
La rédaction initiale du projet de loi prévoyait que seul Action logement devait vendre des logements sociaux. Tous ces points font que pour l'instant nous sommes en désaccord avec cet article. Si vous les modifiez, nous pourrions voter pour !
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisie de trois amendements identiques de suppression de l'article, nos 1741, 2261, 2519.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 1741 .
Il vise effectivement à supprimer l'article. Je vais m'efforcer de ne pas être trop répétitif, s'agissant d'arguments qui ont déjà été utilisés au cours de nos débats sur la vente de logements HLM.
Sur le principe, on sait que 2,8 millions de personnes sont en manque de logement, selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre, et que 12 millions de Français souffrent, à un titre ou à un autre, de leurs conditions de logement.
La crise du logement est double : c'est une crise du nombre de logements, et une crise du logement abordable, c'est-à-dire à loyer maîtrisé.
Vendre des logements HLM, les soustraire au parc de logements, ne me paraît pas la réponse adaptée – du moins s'il s'agit d'une politique générale. Je ne conteste pas les opportunités qui peuvent se présenter en un endroit et une circonstance particulière, mais en faire une politique générale ne me paraît pas de nature à apporter une réponse adaptée aux caractéristiques de la crise du logement dans notre pays, qui est une crise du logement abordable.
J'ajoute, mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cours de la discussion, que cette disposition ne permettra pas d'engager un processus d'accession sociale à la propriété. Je crois beaucoup à l'accession sociale à la propriété, mais en construisant du logement qui y soit destiné et en mettant en place des mécanismes de solvabilisation des ménages modestes, pas en retirant des logements locatifs du parc HLM !
Je pense donc que la vente est un très mauvais choix, qui n'est guidé par aucun impératif à caractère social mais qui découle de la nécessité qu'ont désormais les organismes HLM de se financer et de compenser la perte de fonds propres consécutive à l'institution de la réduction de loyer de solidarité par la dernière loi de finances.
C'est donc avant tout une logique financière qui est à l'origine de cet article. Cela va à l'encontre des besoins de notre pays et, surtout, de l'urgence actuelle, qui est d'apporter une réponse aux 2,5 millions de personnes qui sont en grande souffrance du point de vue du logement.
Nous souscrivons totalement aux propos de M. Peu. Nous pensons que la vente des logements sociaux ne répond pas à l'urgence actuelle, avec ces millions de ménages qui ont un dossier en attente.
J'ajoute que le texte ne prévoit pas que la vente d'un logement social doit être compensée par la construction d'un autre logement social. Et même si c'était le cas, nous serions en droit de nous demander où serait construit ce dernier.
M. Peu a raison : tout cela répond à une logique financière. La baisse de la contribution de l'État aux aides à la pierre pèse sur les ressources des bailleurs, ce qui les amène à vendre, sans qu'ils soient contraints de reconstruire.
Nous aussi demandons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir l'amendement no 2519 . Je précise, madame Pinel, qu'il vous reste vingt-neuf secondes de temps de parole.
Je considère qu'il s'agit là des dispositions les plus inquiétantes du texte. En permettant la vente en bloc, vous prenez le risque de susciter la spéculation immobilière dans les copropriétés dégradées et d'attirer les marchands de sommeil. Cela représente en outre un recul très grave en termes de mixité sociale, puisque l'on pourra comptabiliser pendant dix ans ces immeubles dans les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU et que vous autorisez la vente même dans les communes carencées. Il s'agit là de dispositions dangereuses pour la cohésion de nos territoires.
Je ne répéterai pas les arguments que j'ai donnés lors de l'examen de l'article précédent. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 64 |
Nombre de suffrages exprimés | 63 |
Majorité absolue | 32 |
Pour l'adoption | 8 |
contre | 55 |
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 29 .
Appliquer un objectif uniforme à tous les organismes HLM n'a pas de sens. Il convient d'encourager la vente, non de la forcer. Chaque organisme doit adapter sa politique de vente à l'occupation sociale de son parc, à la localisation de celui-ci et à ses besoins financiers. Avis défavorable.
L'amendement no 29 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christelle Dubos, pour soutenir l'amendement no 2967 .
L'amendement no 2967 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Guillaume Vuilletet, pour soutenir l'amendement n° 2983 .
Cet amendement n'apporte pas de clarification rédactionnelle. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 2983 est retiré.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1878 , 2509 , 2682 et 2683 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1878 , 2509 et 2682 sont identiques.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir l'amendement no 1878 .
On voit bien, depuis le début de cette discussion, que la vente en bloc d'actifs publics à des bailleurs privés risque de provoquer un certain nombre d'effets pervers, qui ont été décrits à plusieurs reprises par nos collègues. Nous proposons donc, au gré des amendements, divers dispositifs pour essayer de les contrôler ou de les supprimer.
Le présent amendement vise à permettre la vente de patrimoine public uniquement à des organismes de logement social. Cela permettrait de résoudre les problèmes décrits excellemment par les précédents orateurs.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 2682 .
Sur l'amendement no 2683 , je suis saisie par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir cet amendement.
Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à préciser que la vente en bloc n'est possible, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qu'au profit d'autres organismes de logement social.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune ?
Exclamations sur les bancs du groupe MODEM.
Franchement, pour le coup, cela mériterait quelques explications !
Comme je n'ai signé aucun de ces amendements, cela ne me pose pas de problème de les défendre. L'idée est la suivante, en résumé : d'accord pour la vente, sur le principe, dès lors qu'elle s'inscrit dans un processus d'accession sociale et de vente aux locataires ; mais les ventes en bloc, c'est autre chose ! Elles répondent non pas à une logique de parcours résidentiel, d'accession sociale à la propriété, mais à une logique exclusivement financière. Il est donc demandé, à travers ces amendements, que la vente en bloc ne soit possible qu'au profit d'un autre bailleur HLM, de façon que ces biens publics restent des biens publics.
L'amendement no 2683 , déposé par M. Pupponi et défendu par Mme Battistel, est un amendement de repli : il vise à ce qu'au moins, la vente en bloc ne soit pas possible dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Qu'est-ce que c'est, la vente en bloc à des structures de défaisance ? C'est un sas de décompression, en vue de la banalisation. Vous sautez de l'avion en parachute : vous êtes en HLM ; le parachute s'ouvre : vous êtes dans une structure de défaisance ; vous atterrissez au sol : vous avez vendu à des personnes physiques ou à des sociétés civiles immobilières, dans lesquelles peuvent se trouver des gens normaux et vertueux, mais aussi les pires des margoulins, ceux qui ont fait Grigny, la Grande Borne, Clichy-sous-Bois et autres.
C'est cela qui va se passer, notamment dans les QPV. Des sociétés de défaisance vont reprendre les logements HLM en bloc. Passé quelques années, au fur et à mesure que les locataires vont partir – en les revendant vides, elles réaliseront une plus-value plus importante – elles vont les vendre à des personnes physiques qui deviendront propriétaires bailleurs. Et cela va donner le Chêne-Pointu : dans un F3, on mettra quatre Pakistanais dans des chambres de neuf mètres carrés, avec quatre loyers ! Il n'y a rien dans la loi pour empêcher cela. Rien : passé le premier sas de décompression, avec la vente à une société de défaisance, une fois que les conventions HLM se terminent et que les logements se libèrent, c'est « open bar ».
Ne faites pas ça ! Cela n'obéit à aucune logique de parcours résidentiel. Et si vous décidez de le faire quand même, au moins, ne le permettez pas dans les quartiers prioritaires de la ville ! Stoppez les ghettos ! Ne remettez pas une pièce dans la machine ! Voilà ce que nous vous demandons.
Mme Sylvia Pinel applaudit.
J'ajouterai deux conséquences, sans reprendre les arguments qui ont déjà été développés.
La première, c'est que les bailleurs peu scrupuleux, les marchands de sommeil, pour réaliser encore plus vite une plus-value déjà certaine – puisqu'ils auront acheté à - 30 % ou - 50 % – vont organiser l'insalubrité. Ce sont des pratiques que l'on connaît.
Certains vont mettre des rats, couper l'électricité… Je ne décrirai pas tout ce que j'ai eu l'occasion d'observer dans le genre : c'est une organisation systématique de l'insalubrité, qui n'a d'autre but que de faire partir les locataires afin de vendre et de faire la « culbute » plus rapidement. Je n'entrerai pas dans le détail, mais vous connaissez tous ces techniques utilisées par des bailleurs peu scrupuleux.
La seconde, c'est que le texte créerait des disparités au sein des territoires. Où ces blocs seront-ils vendus en priorité ? Dans des zones tendues, à valorisation très forte. Ainsi, le logement social restera localisé dans les zones où il est déjà très présent, et les ventes seront d'abord réalisées dans les zones où il est possible de faire des plus-values. Sur ce point, le texte va donc à l'inverse de l'objectif d'homogénéité territoriale en matière de logement social.
Telles sont les deux conséquences précises et inéluctables auxquelles je pense. Si l'on veut mettre en oeuvre un tel dispositif, au moins faut-il le « caper » pour éviter de telles conséquences.
Tous ces arguments ont été longuement présentés par M. Pupponi et M. Peu en commission. Or il me semblait que vous étiez plutôt d'accord sur le principe, madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d'État. Serait-il donc possible de nous expliquer un peu plus précisément pourquoi vous émettez ce soir un avis défavorable ?
Je me permets d'insister, monsieur le ministre. Aucun encadrement ne permet d'éviter les dérives décrites par mes collègues Peu et Fuchs. Il faudrait a minima préserver les QPV de telles dispositions. Ne pas le faire me paraît très grave.
Je ne comprends pas trop ce qui se dit. Tout d'abord, ces « sociétés de défaisance », ce sont des sociétés de HLM : voilà qui permet de savoir de qui l'on parle – ce ne sont pas des fonds de pension. D'autre part, certains ici connaissent bien le mouvement HLM : il y a eu beaucoup de ventes depuis les premières CUS, il y a cinq ans, madame la ministre Pinel, et je n'ai pas entendu parler de difficultés au sujet des biens vendus aux locataires, ni de biens revendus à des marchands de sommeil qui auraient décidé de mettre des rats dans les immeubles pour que tout le monde parte… En tout cas, cela n'a pas fait la une des journaux, alors qu'il y aurait matière à scandale.
Je m'étonne aussi des craintes que suscite la stratégie du Gouvernement : elle n'est d'ailleurs pas faite pour récupérer les 800 millions d'euros de fonds propres que l'on dit avoir pris aux organismes HLM – cela d'ailleurs était porté depuis très longtemps par ces organismes, qu'il s'agisse de très grands offices, implantés non loin de cet hémicycle, ou du réseau d'Action logement, autrement dit le 1 % logement.
J'ai cru comprendre que, pour les opérations de construction nouvelles, que chacun souhaite, les pouvoirs publics ont ajouté, pour qu'elles soient de grande qualité, des contraintes très fortes au fil des années, même si M. le ministre et M. le secrétaire d'État essaient d'en lever certaines. Le prix de revient des opérations, me semble-t-il également, était très élevé et a mobilisé beaucoup de fonds propres.
J'ai cru aussi comprendre que beaucoup souhaitent retrouver la mixité des statuts d'occupant dans les organismes HLM, afin que les enfants qui y logent ne fréquentent pas seulement, dans l'école qu'on a construite pour eux, des enfants de locataires. Lors de la discussion générale, je rappelais que le baron Haussmann avait reçu pour instruction de l'empereur Napoléon III de loger aussi, dans ses nouveaux immeubles, les gens dont le patrimoine avait été détruit sous leurs yeux lorsqu'il ouvrait des voies.
Devons-nous considérer, cher Stéphane Peu, qu'il n'y a pas de quartiers HLM très dégradés aujourd'hui, et que notre objectif est de continuer à faire ce qui ne marche pas ? Un ancien ministre de la ville, me semble-t-il, a commis un rapport très sévère sur les actions qui ont été menées jusqu'à présent ; et je ne parlerai même pas des multiples rapports de la Cour des comptes, que M. le ministre Mézard, dans sa sagesse, déclare lire même s'il n'en retient pas toujours la substance – il se fait sa propre opinion.
Ce qui vous est proposé ici, en réalité, est une chance pour la politique de construction de logements sociaux via des opérations mixtes, car des fonds propres seront libérés. C'est aussi une chance pour les quartiers, où pourra être restaurée une mixité de statuts d'occupant, à l'îlot peut-être – car rien n'est prévu à ce sujet dans le texte : les décrets définiront sans doute les conditions de mise en oeuvre.
Ce que certains nous proposent, en somme, c'est le statu quo. Or une marche importante me semble pouvoir être franchie, et cela vaut le coup d'être tenté au vu de tout ce qui a été entrepris depuis quarante ans, malgré toute la bonne foi et tous les efforts des acteurs, des partenaires, des associations, de l'État et des représentants de locataires, qu'il ne faut pas oublier. De fait, ces derniers aspirent parfois aux stratégies dont nous parlons, pour retrouver la mixité des statuts d'occupant dans les immeubles. Faudrait-il donc laisser les choses en l'état, ne rien changer ? Faudrait-il rêver la mixité sociale, que le législateur n'a jamais définie ? Ce serait un bel exercice pour chacun d'entre nous ! On sait ce qu'il ne faut pas faire, mais on ne sait pas ce qu'il faut faire…
En l'occurrence, nous essayons de trouver des solutions. Donnons donc sa chance au présent article, arrêtons les procès d'intention et évitons les caricatures. Je fais confiance aux dirigeants des sociétés, non de défaisance, mais de vente de HLM, pour faire les bons choix, ce qui ne se fera pas, au demeurant, sans discussion et sans un accord bien compris avec les collectivités locales. Le texte va donc dans une direction que nous devons suivre. Jusqu'à présent, personne n'a osé la prendre, et tout le monde a cru que la mixité sociale ne se faisait qu'avec des locataires ayant des plafonds de ressources différents. On se gargarise avec les PLAI – prêts locatifs aidés d'intégration – , les PLUS – prêts locatifs à usage social – ou les PLS – prêts locatifs sociaux – mais finalement, tous les bailleurs baissent les loyers de ceux qui ont un PLS, si bien qu'il ne reste que des gens soumis au plafond applicable aux PLUS. Bref, cela ne marche pas.
Je veux rendre hommage à M. Mano, qui présidait l'office HLM de Paris. Il avait exigé des opérations mixtes dans le cadre des VEFA – vente en l'état futur d'achèvement. La ville de Paris a établi les premiers retours d'expérience à ce sujet, et ils sont plutôt positifs : il n'y a pas de difficultés d'occupation du parc. On sait construire bien, et on sait conduire des opérations mixtes ; le souci, ce sont les grands quartiers de HLM où, à l'époque de leur construction, la mixité des statuts d'occupant n'existait pas. C'est précisément ce à quoi entendent remédier les dispositions proposées ce soir par le Gouvernement. Aussi je voterai cet article sans hésitation.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Que l'on ne se méprenne pas : je suis membre de la majorité, je soutiens ce texte et même l'objectif du 1 %, qui me paraît logique.
En revanche, dès lors que l'on entre dans le processus de la vente en bloc, on perd tout contrôle sur ses effets, sur l'aval. Je vous ai donc décrit ce qui va se produire. Car, même si ce ne sera pas systématique, cela se produira. À partir de là, chacun prend ses responsabilités.
Je serai bref. Même si nous ne sommes pas d'accord avec la globalité du texte, tous les amendements que nous avons déjà défendus – et ce n'est pas fini, puisqu'il comporte plus de soixante articles – ont eu pour objet de le co-construire, de l'améliorer et d'en assurer l'efficience.
Voyez-vous, monsieur Jolivet, je souhaite le succès de toutes les politiques du logement menées dans notre pays, car les Françaises et les Français nous attendent sur ce sujet. Mais je vous appelle à un peu plus d'humilité. Je me souviens d'une ministre qui, sous le quinquennat précédent, nous présentait la loi ALUR du haut de cette même tribune : elle nous disait alors exactement la même chose que vous, et l'on a vu ce que ça a donné.
Je n'ai malheureusement pas le temps de démonter votre argumentation point par point, monsieur Jolivet, ni d'ailleurs de détailler ce que chacun, sur ces bancs, fait dans sa circonscription, au quotidien, au service de la mixité. Un peu d'humilité, s'il vous plaît.
D'autre part, aucun groupe, ici, depuis le début de l'examen du texte, et il en ira de même jusqu'à la fin, n'a déposé d'amendement d'obstruction. Tous les amendements des uns et des autres, s'ils expriment bien sûr des opinions différentes, visent à argumenter, non à empêcher ou à rallonger inutilement la fabrication de la loi. Si l'on pouvait donc éviter de se « balancer » des choses à la figure, ce serait mieux.
Ce que je vous dis, c'est que les dispositions de l'article comportent des dangers qui ne sont pas encadrés. Si l'on inscrit dans la loi que la vente de patrimoine en bloc – laquelle n'a rien à voir avec l'accession sociale à la propriété et le parcours résidentiel : il s'agit de la vente d'actifs d'une société à une autre – est permise pour des logements qui restent HLM, ou qui sont vendus à leurs locataires via la vente HLM, qui pour le coup est encadrée, alors il n'y a pas de problème. Mais ce n'est pas ce qui est prévu ! Une société de défaisance ou de portage HLM peut légalement, une fois qu'elle a fait un achat en bloc, vendre des biens à des personnes physiques ou morales, dès lors qu'ils sont libérés de leurs occupants. Cela comporte des dangers, notamment dans les quartiers qui, compte tenu de leur situation, ne sont pas assez attractifs pour générer de la mixité sociale.
En outre, les ventes pourront avoir lieu dans des villes qui sont déjà sous le quota de logements sociaux ! Essayons de regarder les choses en face : la plupart des organismes HLM ont déjà délibéré sur le patrimoine qu'ils pourront vendre. J'ai des exemples ici, je pourrai vous les montrer si vous le souhaitez : vous verrez que le patrimoine des HLM sera vendu dans les villes attractives, qui ont moins de 5, de 10 ou de 15 % de logements sociaux ! Ceux-là seront vendus dans le cadre de parcours résidentiels – mais ces villes qui ne respectent même pas la loi SRU auront encore moins de HLM. En revanche, dans les QPV, on vendra en bloc des immeubles dont les appartements, le moment venu, au fur et à mesure que les locataires partiront, seront revendus ! Exactement comme ce fut le cas à Clichy-sous-Bois ! Regardons ce qui se passe en ce moment : qui achète les logements ? Et qu'en fait-on ?
Pourquoi ne pas se prémunir contre de tels phénomènes ? Mettons au moins les taquets qui les empêcheront ! En ne les mettant pas, vous ouvrez la voie au phénomène que l'on constate malheureusement tous les jours : l'accentuation croissante, depuis vingt ans, du séparatisme social et territorial. On creuse ainsi des fossés toujours plus larges, qui font que les gens ne vivent plus ensemble et que la mixité recule. Car, depuis vingt ans, elle recule ! Et ce projet de loi, avec ses insuffisances à ce stade – même si je ne ménagerai pas mes efforts pour l'améliorer – porte en lui les risques d'une aggravation en matière de mixité sociale.
On peut toujours décrire un monde idéal, mais la réalité, celle de la vraie vie, c'est que l'on va mettre les riches d'un côté et les pauvres, toujours plus pauvres, de l'autre. C'est à quoi conduira ce texte, si l'on n'y met pas les taquets nécessaires.
Pour appuyer l'argumentaire de M. Peu, rappelons que, pour que le financement de la vente en bloc soit pertinent, il faut que le patrimoine soit valorisé avec le prix des domaines, non avec un prix libre. Comme ce ne sera pas le cas, le patrimoine ne sera pas valorisé.
Je me suis déjà longuement exprimé sur ce sujet aujourd'hui, et je ne pense pas avoir fait preuve de suffisance. Il me semble qu'en ce qui concerne l'expression du Gouvernement, monsieur Peu, l'humilité a été au rendez-vous.
Dans cet exercice difficile, nous devons prendre des décisions. Comme il ressort des propos tenus ici, chacun a constaté la situation et le nombre considérable de mal-logés en France. Si les mécaniques qui se sont succédé ces dernières années avaient été positives, ou suffisamment positives, nous n'en serions pas là. J'entends que nous ayons une différence d'appréciation sur les remèdes à apporter, mais parler de marchandisation, dire que notre projet de loi engendrerait le succès des marchands de sommeil, c'est aller un peu trop loin.
Monsieur Peu, je respecte vos propos, mais ils sont l'expression de votre vérité, qui n'est pas forcément « la » vérité. On peut avoir des approches différentes.
C'est votre constatation personnelle.
De grâce ! Nous ne connaissons pas la réalité de terrain, c'est ça ? Nous sommes dans les nuages ? Je suis élu local depuis peut-être aussi longtemps que vous !
Nous comparerons ! Du reste, ce n'est pas parce qu'on est élu depuis des dizaines d'années qu'on est parfait.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Là, je suis en train de me faire du mal… Mais je ne suis pas le seul !
Sourires.
J'insiste sur ce point car il est un peu trop facile d'utiliser des expressions de cette nature. On nous dit que nous sommes dans la marchandisation, que nous aggraverons les choses, que nous faciliterons les affaires des marchands de sommeil… Mais cette loi est celle qui lutte le plus contre les marchands de sommeil !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ni les uns ni les autres, nous ne sommes dupes de rien. Il faut attaquer sur divers sujets : c'est le rôle des oppositions. Je l'ai suffisamment fait pour le savoir, et cela ne m'a jamais dérangé. Mais nous sommes aussi là pour vous dire les choses. Nous savons écouter, vous l'avez tous reconnu. Mais nous avons certains axes de politique, sur lesquels le Gouvernement prend ses responsabilités.
Dans ce domaine, le sentiment d'une grande majorité de responsables, et surtout de concitoyens, est que la situation ne fonctionne pas bien. Vous nous dites qu'elle fonctionnera encore plus mal. Je vous dis que non, et que nous avons déterminé nos axes pour cela.
La question de la vente ne changera pas considérablement, totalement la situation. C'est juste un plus. D'autres gouvernements ont essayé. Cela n'a pas fonctionné, car ils n'y avaient pas consacré les moyens nécessaires. Notre véritable objectif reste de faciliter la vente, dans des proportions qui ne sont d'ailleurs pas considérables. Nous n'allons pas bouleverser le monde des bailleurs sociaux avec un objectif de 1 %, soit 40 000 logements ! En revanche, cela va générer, normalement, la construction de 100 000 à 120 000 logements sociaux. C'est cet objectif, qui me paraît bon, que nous allons essayer tout simplement de réaliser.
Cela ne signifie pas que je n'entends pas les alertes que vous exprimez, monsieur Peu. Dans certains cas, nous en avons d'ailleurs tenu compte. Il serait difficile de dire l'inverse, considérant certaines choses que nous avons retenues.
De grâce ! Nous sommes au Gouvernement, nous prenons nos responsabilités. Nous considérons que c'est un plus et que c'est bon pour nos concitoyens. Nous continuerons donc dans ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, nous ne faisons pas d'obstruction et vous nous écoutez. Tout va donc très bien. Je ne prête pas forcément de mauvaises intentions au Gouvernement mais j'indique qu'à ce stade le texte, tel qu'il est écrit, ne conjurer pas des dangers qui existent.
Comme je l'ai dit, je ne partage pas la philosophie de la loi sur la vente – rien de plus. En revanche, les ventes en bloc posent problème. Nous avons travaillé ensemble sur le sujet des marchands de sommeil, et je suis le premier à m'en féliciter. Mais ce n'est pas parce qu'un article de la loi permet d'être plus efficace pour lutter contre les marchands de sommeil, qu'il ferme une porte, qu'on peut en rouvrir une autre, par manque d'attention ou d'anticipation, à un autre endroit du texte ! Malheureusement, comme la délinquance à laquelle nous avons affaire est extrêmement astucieuse, parfois plus que nous tous réunis ici, le risque existe qu'elle s'insère dans les failles de la loi.
Prenez un QPV sans attractivité, où l'on ne pourra faire de l'accession à la propriété telle que la loi l'imagine. Il est question que la société de portage puisse, au départ du locataire, vendre à des personnes morales, c'est-à-dire des sociétés, voire à des personnes physiques qui n'occuperont pas le logement mais qui pourront être les loueurs. Or dans une telle pénurie de logements, des personnes captives, quelles que soient les conditions de vie dans le logement, paieront toujours très cher le fait d'avoir un toit sur la tête !
C'est ainsi qu'à Clichy-sous-Bois, au Chêne-Pointu et dans les QPV de la Seine-Saint-Denis, je peux vous montrer – voyez, je vous parle bien de la réalité – des logements HLM qui ont été vendus ces dix dernières années et qui ont été divisés en petites chambres de sept ou huit mètres carrés ! On en a trouvé où les locataires faisaient les trois-huit sur des lits superposés ! C'est une réalité, pas un fantasme ! Cela s'est passé !
Dans les QPV, si l'on ne veut pas aggraver le ghetto, il ne faut pas que la loi permette la vente en bloc de logements sociaux, c'est tout. Autrement, c'est ce qui se produira. C'est déjà ce qui se passe !
Au moins, monsieur le ministre, à défaut de supprimer complètement la vente en bloc, retenez l'amendement de M. Pupponi, no 2683, qui la limite et qui exonère les QPV de ce risque qui se réalise déjà aujourd'hui. Ne fermons pas la porte aux marchands de soleil d'un côté pour l'ouvrir de l'autre.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 64 |
Nombre de suffrages exprimés | 58 |
Majorité absolue | 30 |
Pour l'adoption | 16 |
contre | 42 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 62 |
Nombre de suffrages exprimés | 60 |
Majorité absolue | 31 |
Pour l'adoption | 20 |
contre | 40 |
L'amendement no 2683 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de l'examen du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à zéro heure cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly