Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Séance en hémicycle du mercredi 13 juin 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Djebbari, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre chargée des transports, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, « À nous de vous faire préférer le train » ! Vingt ans nous séparent de ce slogan passé à la postérité. Plus qu'une simple promesse, cette accroche affirmait un engagement, celui d'une entreprise tournée vers ses clients, fière de ses atouts et de ses personnels.

Il est vrai que l'opérateur historique a accompagné les transformations du pays : industrialisation, développement des villes et des loisirs de masse, prouesses technologiques. La SNCF incarnait une excellence française, reconnue dans le monde entier.

Mais après trente ans de choix d'investissements à sens unique, l'accroissement d'une dette devenue insoutenable et l'émergence de modes de déplacements alternatifs et concurrents, la promesse a été quelque peu dévoyée. Le constat n'est pas neuf. Beaucoup se sont essayés à transformer la SNCF. Mais fondé par la nécessité de réinventer un service public ferroviaire performant dans le cadre d'un marché ouvert à la concurrence, ce gouvernement a trouvé un chemin.

Le texte que nous votons aujourd'hui est l'aboutissement d'une concertation qui aura duré trois mois avec les acteurs du secteur ferroviaire et les syndicats, et du débat que nous avons eu ici, chers collègues. Débat animé, contradictoire mais toujours courtois, ce dont je vous remercie.

Cet hiver, Jean-Cyril Spinetta a dressé un diagnostic complet qui a pointé la triple impasse à laquelle le système ferroviaire est confronté.

La première, non des moindres, est son coût. Le besoin de financement pour la SNCF s'élève à 22 milliards d'euros par an, couverts par 9 milliards de recettes commerciales et 10 milliards de concours publics, ce qui monte le déficit moyen à 3 milliards par an, et nourrit une dette endémique de 46 milliards d'euros.

La dette n'est pas seulement financière, elle est aussi technique. Pour SNCF Réseau, la valeur atteint le nombre des années : trente ans en moyenne en France – parfois bien plus sur les petites lignes – contre dix-sept en Allemagne ! Si la situation actuelle devait perdurer, il ne subsisterait à horizon 2035 qu'un tiers du réseau national. Cette dette technique est la principale cause du manque de régularité des trains et des dysfonctionnements récents – songeons à l'accident de Brétigny ou aux incidents en gares aujourd'hui même.

Ces difficultés financières et la vétusté du réseau ont un effet délétère sur la qualité de service – retards, annulations et déprogrammations s'accroissent continûment. En 2016, 5 % des trains programmés ont été supprimés et 11 % des trains ont circulé avec des retards supérieurs à six minutes. Plus de la moitié des minutes perdues sont liées à des causes dites « maîtrisables » par SNCF Réseau et les entreprises ferroviaires. La conséquence ? Une augmentation moindre de la part du ferroviaire en France alors même que la demande de transport par le train est croissante.

Pour y répondre, le Gouvernement a engagé une réforme en profondeur du système ferroviaire dont les principes ont été posés à l'Assemblée nationale.

Le premier est celui de la sécurisation de l'ouverture à la concurrence. Il s'agit d'assurer une ouverture progressive, au rythme et selon les modalités décidées par chaque région à partir de 2019 – 2020 pour les TGV – et selon un calendrier adapté en Île-de-France.

L'ouverture à la concurrence doit également préserver une protection efficace pour les salariés en cas de changement d'opérateur suite à un appel d'offres. Ils bénéficieront du maintien de leur rémunération, de leur régime de retraite et de la garantie de l'emploi. Obligation sera faite par ailleurs à tout opérateur ferroviaire d'adhérer à la convention collective de la branche.

L'ouverture à la concurrence assurera également un accès équitable aux territoires. À cet effet, deux outils d'aménagement ont été introduits : la modulation des péages pour qu'ils correspondent à la « rentabilité » de la ligne et la possibilité de conventionner des dessertes pour les autorités organisatrices de transport. Les entreprises ferroviaires seront aussi tenues d'informer les collectivités

concernées de tout projet de modification de leur offre.

L'ouverture à la concurrence doit pleinement bénéficier aux usagers et garantir la défense de leurs intérêts. C'est pourquoi nous avons posé le principe que tout opérateur doit proposer des tarifs sociaux nationaux. Des comités de suivi des dessertes ont, par ailleurs, été institués auprès des autorités organisatrices.

La mise en place d'une concurrence saine et loyale a nécessité de revoir l'organisation de l'opérateur historique. La SNCF est transformée en un groupe unifié plus intégré, composé de la SNCF – société nationale à capitaux publics intégralement détenue par l'État – et de deux filiales – SNCF Mobilités et SNCF Réseau – intégralement détenues par la SNCF, à capitaux incessibles. La SNCF restera donc une société 100 % publique.

L'unité sociale du groupe donnera aux cheminots l'opportunité de carrières attractives, avec des droits partagés et les parcours professionnels seront facilités au sein du groupe public ferroviaire.

Une gestion plus efficace des gares mettra fin au fonctionnement éclaté entre différentes entités de la SNCF, comme cela est à l'oeuvre actuellement.

Par ailleurs, une double règle d'or empêchera SNCF Réseau de se réendetter de façon non soutenable.

Enfin, l'Assemblée nationale a acté la fin du recrutement des cheminots SNCF au statut, l'enjeu étant de parachever une convention collective de haut niveau pour la branche.

Pour ce qui est de la question sociale, ce texte a été enrichi au Sénat par la voie d'amendements gouvernementaux. Je pense notamment aux garanties sociales qui renforcent la priorité du volontariat, inscrivent l'obligation d'une offre de reclassement, créent un droit d'option individuel entre la troisième et la huitième année et maintiennent l'intégralité de la rémunération des cheminots transférés.

Enfin, entre les deux lectures, des engagements inédits ont été pris par le Gouvernement concernant la dette, l'augmentation du niveau d'investissement, ou encore la présence vigilante de l'État dans la négociation de la convention collective du secteur ferroviaire.

Mes chers collègues, pour conclure, je voudrais vous livrer un sentiment partagé par les députés de la majorité présidentielle : celui d'avoir mené un combat utile qui, loin des caricatures ordinaires, renforcera le service public ferroviaire, assurera une concurrence saine et loyale entre les opérateurs du secteur, et posera un nouveau contrat social, adapté aux enjeux de notre temps.

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