…Tout ça pour ça ! En effet, le texte que nous allons adopter, s'il permet des avancées, est loin d'être une révolution et cela pour trois raisons. La première raison, c'est que le texte qui aurait dû être étudié en premier et dont auraient dû découler les autres, c'est la loi d'orientation sur les mobilités. Ce n'est qu'après avoir défini la stratégie à long terme de notre pays en termes de transport et d'aménagement du territoire, qu'après avoir affiché votre ambition gouvernementale et fixé les objectifs que nous aurions dû utilement rénover la SNCF, cette grande entreprise à laquelle les Français sont attachés et qui tient évidemment une place essentielle dans la modernisation de notre pays.
La deuxième raison, c'est que ce texte de loi n'est que l'aboutissement du quatrième paquet ferroviaire européen, c'est-à-dire le prolongement d'un mouvement de libéralisation du rail engagé dans les années 90 et soutenu d'une façon assumée par les gouvernements successifs, qui a déjà vu l'ouverture à la concurrence du fret puis du transport international de voyageurs.
Enfin, la troisième raison, c'est que tout n'est pas écrit dans ce texte, loin de là puisqu'il renvoie à plusieurs ordonnances pour apporter des précisions essentielles, notamment sur les conditions tarifaires de l'ouverture à la concurrence, la gestion des gares ou encore les conditions de transfert des contrats de SNCF Mobilité aux autorités organisatrices de transport.
Pour toutes ces raisons, il ne s'agit pas d'un grand chambardement de nature à menacer la SNCF et à mettre en péril celles et ceux qui y travaillent ; il s'agit d'une loi technique qui fait avancer notre chemin de fer. Il ne s'agit pas non plus d'une modernisation audacieuse, qui rassurerait pleinement les usagers sur la qualité du service et le prix du billet de train, devenu sans doute beaucoup trop élevé.
Néanmoins, sachons reconnaître que la navette parlementaire a été utile et que le Sénat a obtenu des avancées importantes. Beaucoup d'entre elles figuraient d'ailleurs dans nos amendements en première lecture – comme l'aurait dit Edgar Faure, c'est un grand tort d'avoir raison trop tôt ! Madame la ministre, vous avez refusé nos amendements pour finalement les accepter au Sénat. Je pense, par exemple, aux propositions que les Républicains ont formulées sur l'organisation du groupe SNCF, notamment sur le fait qu'un dirigeant de SNCF Réseau ne peut pas être juge et partie en étant par ailleurs dirigeant de SNCF Mobilité ; ou encore au caractère incessible des parts de l'État dans la SNCF, société nationale à capitaux publics, qui a enfin été inscrit dans le texte. Cela permet de rassurer les cheminots mais aussi les Français contre un risque de privatisation. Désormais, c'est clair : les parts sont incessibles et le resteront tant que l'Assemblée nationale et le Sénat n'en disposeront pas autrement. Le rôle de l'ARAFER – Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – en tant qu'autorité de régulation a été renforcé, avec l'obligation d'un vote conforme pour la nomination, le renouvellement et la révocation des dirigeants de la SNCF.
La question de la dette, que vous aviez refusé de traiter dans cet hémicycle, a enfin trouvé une réponse, même si celle-ci mérite d'être consolidée : a priori, une reprise par l'État de 25 milliards d'euros en 2020, puis de 10 milliards d'euros en 2022, après les échéances législatives et présidentielles. Mais l'instauration d'une règle d'or, empêchant SNCF Réseau d'investir au-delà d'un certain niveau d'endettement, paraît sage.
Tels sont les avancées obtenues ; nous serons vigilants à ce que l'engagement et la détermination du Gouvernement à faire en sorte que les territoires ruraux continuent à être desservis soient bien établis. Voilà, madame la ministre, pour les avancées ; nous pensons maintenant qu'il est temps de passer à l'organisation de l'ensemble des transports de la nation.