… en commençant, conformément à notre ordre du jour, par les lourdeurs mécaniques affectant l'immobilier de l'État.
J'en viens ainsi au fond de la proposition de résolution de Jean-Paul Mattei, et je veux expliquer pourquoi nous nous devons de soutenir son initiative, qu'il s'agisse de mes collègues de la République en marche ou des députés siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, appartenant à la majorité comme à l'opposition.
Cette proposition de résolution nous conduit à évaluer la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et – en son article 7 – au renforcement des obligations de production de logement social. Cette loi a mécanisé et augmenté les rabais que l'État peut accorder aux collectivités bâtisseurs de logements sociaux. Ces rabais peuvent désormais atteindre 100 % de la valeur vénale du bien immobilier que l'État leur cède, si certaines conditions sont réunies. C'est une bonne initiative. Le logement social est, à mon sens, une vraie et belle mission de la puissance publique, vecteur de solidarité et de cohésion nationale. Mettre à contribution le foncier de l'État peut sembler une voie pavée de bonnes intentions. C'est une bonne initiative, disais-je, mais notre collègue Mattei a commencé, dès son rapport spécial, à l'automne dernier, sur le projet de loi de finances 2018, à identifier, par son travail minutieux, les effets adverses d'une telle latitude, décidée en 2013, en matière de décote.
Jean-Paul Mattei s'est interrogé sur la façon dont est géré, depuis lors, le patrimoine privé de l'État. Sans surprise, c'est majoritairement dans les zones tendues que les emprises immobilières de l'État ont fait le plus l'objet de cessions décotées, en nombre et, surtout, en volume. Selon les travaux de M. Mattei, c'est la Ville de Paris qui y a trouvé le plus à gagner.
Ses observations ont été largement confirmées par le référé de la Cour des comptes sur le sujet, publié le 26 octobre 2017. La haute juridiction financière a à peine recouru à des euphémismes pour évoquer le cas des montages financiers très avantageux pour la collectivité parisienne, avantages puisés dans les ressources patrimoniales de l'État, et donc par la mise à contribution de tous les citoyens français. Selon la Cour des comptes, pour certains projets, « le contribuable a donc assuré de facto, via la décote, la part de financement qui incomberait normalement dans des opérations classiques aux bailleurs sociaux et aux acquéreurs de terrain ».
Face à cette disproportion, la proposition de résolution de notre collègue Mattei vise à repenser notre politique de décote, à professionnaliser nos services immobiliers et à bien mieux contrôler en aval les opérations immobilières, ce que le droit permet déjà aujourd'hui.
Subsidiairement, j'ajoute deux réflexions à la bonne démarche de M. Mattei. Tout d'abord, dans quelle mesure la surexploitation des ventes de foncier de l'État en zone tendue parisienne n'a-t-elle pas freiné d'autres opérations immobilières en France ? Je crains vivement que des services de l'État, dont on a trop guidé la main pour accorder des décotes, aient pu considérer trop contribuer. Je redoute donc qu'à cette multiplication des décotes en région parisienne – je rejoins M. de Courson sur ce point – , les services aient répondu mécaniquement par une grande frilosité pour accompagner d'autres cessions de ce type ailleurs en France. Je suis élue dans un département comptant de nombreuses friches militaires, pour lesquelles, à ce jour, les cessions semblent bloquées.
D'autre part, je m'inquiète des conditions dans lesquelles les services immobiliers, notamment ceux du ministère des armées, ont réalisé des cessions massives de patrimoine parisien. Beaucoup ici sont intéressés par les sujets de défense, notre rapporteur spécial, Olivier Gaillard, le premier. Il nous appartient de mettre en balance plusieurs intérêts : céder un immobilier de la défense qui, s'il ne l'était pas, laisserait se multiplier des friches et des immeubles que leur vétusté rendrait de toute manière inutilisables ; dynamiser des territoires et promouvoir, notamment, le logement social, dont on sait qu'il fait défaut partout en France ; les intérêts patrimoniaux d'un ministère des armées qui a dû consentir les efforts budgétaires considérables, surtout au regard de l'engagement sur le terrain, en hommes et en matériels, que l'État lui a demandés.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de voter cette résolution de Jean-Paul Mattei.