Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les députés, la proposition de résolution présentée à votre examen par M. le député Mattei invite à un usage plus proportionné et pertinent de la décote applicable aux cessions de biens et actifs immobiliers du domaine privé de l'État.
Il n'est pas inutile, dans un premier temps, de rappeler les avantages procurés par le dispositif de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi Duflot. Il a permis de mettre en place un système de décote objectif et transparent, permettant de moduler l'importance de l'aide à accorder selon le programme immobilier et la zone de tension du marché immobilier où il se réalise. En fixant des échéances aux opérations immobilières qui bénéficient d'une décote, il a favorisé la production rapide de logements, toujours préférable à la constitution de réserves foncières. Il permet enfin de mesurer le coût, pour l'État, de l'effort accordé.
Cependant, et cela a été dit par plusieurs intervenants, le bilan quantitatif de ce dispositif reste modeste. Depuis 2013, il a permis la réalisation de 85 opérations, représentant seulement 8 000 logements, dont près de 6 000 logements sociaux. Dans la seule année 2017, ce sont 20 opérations qui ont bénéficié de ce dispositif, pour produire 1 853 logements, dont 1 643 logements sociaux. Le coût du dispositif est élevé, puisque l'effort consenti, depuis 2013, est de 130 millions d'euros, dont 23 millions pour la seule année 2017.
Comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, nous sommes loin du « choc d'offre » promis en 2012, mais des raisons objectives, que nous devons rappeler, expliquent cette situation. D'abord, les cessions immobilières de l'État ne représentent environ que 0,1 % de l'ensemble des transactions immobilières en France. En 2016, seuls 30 % des biens de l'État vendus pouvaient se prêter à la construction de logements. La moitié des biens proposés par l'État, et à ce titre inscrits sur les listes régionales, sont localisés dans des zones dans lesquelles il n'y a pas de tension foncière, et ils trouvent rarement preneurs.
D'autres critiques, également faites au dispositif, ont été rappelées à juste titre par M. Mattei. L'affichage des biens que l'État propose en faveur du logement dans les listes régionales fait partie, si nous pouvons nous exprimer ainsi, des « fausses bonnes idées », qui ont apporté plus d'inconvénients que d'avantages.
En outre, il est erroné de laisser entendre que seuls les terrains figurant sur les listes peuvent bénéficier de dispositions législatives et réglementaires de la décote. L'administration instruit, sans la moindre différence de traitement, les demandes de décote qui lui sont faites, que les terrains fassent partie ou non des listes régionales. Le soutien de ce Gouvernement, comme des Gouvernements précédents, en faveur de la politique du logement, n'a jamais conduit l'administration à un rejet de décote, au prétexte de ne pas figurer sur ces listes. A contrario, ces listes comptent des terrains qui n'intéressent pas les communes ou les acteurs du logement social, mais dont l'inscription sur une liste régionale empêche la vente à d'autres acteurs économiques pour d'autres usages. L'État est ainsi conduit à conserver des sites inutiles, s'expose à des dépenses – de gardiennage, notamment – et se prive de recettes, pendant que les biens perdent de la valeur.
Il faut aussi signaler, cela a été fait, des abus qui ont pu découler du dispositif, par une aide apportée à des opérations peu rationnelles. Il n'est pas illogique que les décotes soient les plus fortes à Paris, là où les écarts de valeur entre les marchés libres et sociaux sont les plus importants. Mais aider à financer, par la décote, la transformation en logements de l'ancienne bibliothèque de l'Institut national des langues et civilisations orientales, située rue de Lille dans le 7e arrondissement de Paris – un immeuble, par ailleurs, particulièrement peu adapté à ce type de transformation – , est pour le moins contestable. Dans ce cas précis, la décote outrepasse son rôle, car elle ne sert pas à compenser la cherté du foncier, qui est sa raison d'être, mais les coûts de construction. Ainsi, à Paris, le montant moyen de décote atteint 100 222 euros par logement social, alors que la moyenne nationale, hors Paris, s'élève à 16 000 euros par logement. Nous sommes sans doute allés trop loin, et le président de l'Union sociale pour l'habitat s'en est fait l'écho, en invitant à une meilleure allocation des aides de l'État en faveur du logement social.
La résolution propose plusieurs pistes d'amélioration de ce dispositif de décote, non pour l'affaiblir, mais pour en améliorer l'efficacité. Le Gouvernement ne peut être que très favorable à cette approche.
En premier lieu, il est proposé de revoir les circonstances et les conditions dans lesquelles le recours à la décote peut être de droit. Nous partageons vos idées, en suggérant d'apporter des amendements contribuant à améliorer l'efficacité du dispositif, en supprimant les listes régionales et ses effets pervers, et, par là même, en supprimant la notion de décote de droit qui, en définitive, n'apporte rien au dispositif.
En second lieu, vous encouragez le Gouvernement à réviser le dispositif réglementaire fixant les critères de calcul et les plafonnements de la décote. Le Gouvernement considère qu'il est important de maintenir la faculté d'atteindre une décote maximale à 100 % de la valeur foncière pour les opérations qui le justifient. Mais cette mesure n'est pas incompatible avec un plafonnement des décotes, selon les zones de tension, pour empêcher les abus que j'ai rappelés, sur les biens bâtis. Cette mesure est du niveau législatif et nécessite un amendement, tel que celui que vous avez proposé.
Vous invitez aussi à prendre en considération les réserves foncières dont disposent les communes. Cette approche, dont le principe est pertinent, peut néanmoins présenter de réelles difficultés de mise en oeuvre, dans la mesure où ces réserves foncières ne sont pas connues des services de l'État et peuvent avoir d'autres finalités tout aussi légitimes que celle de production de logements sociaux. N'oublions pas également que la maîtrise de l'urbanisme par les communes rendrait vaine toute tentative de l'État en la matière.
Au titre de la simplification et de l'efficacité, il nous semble sage de ne pas complexifier davantage la réglementation, et nous nous contenterons, puisque nous partageons vos objectifs, de demander aux préfets d'inviter les collectivités locales à agir, comme l'État, en faveur du logement, par la mobilisation de leur patrimoine, lorsque celui-ci s'y prête.
Enfin, vous invitez le Gouvernement à favoriser l'établissement d'un véritable contrôle financier a posteriori des opérations ayant donné lieu à la cession avec décote, afin de s'assurer de la juste part des fonds propres des promoteurs ou aménageurs dans leur équilibre financier. Le dispositif actuel prévoit en effet des contrôles a posteriori, que l'administration chargée du logement devra conduire pour vérifier le respect des engagements pris, qui ont justifié l'obtention d'une décote. Les services du ministère de la transition écologique et solidaire, et ceux du ministère de la cohésion des territoires, ainsi que les directions départementales des territoires, connaissent également les références locales en matière de mobilisation de fonds propres dans ce type d'opération. Ces contrôles seront menés.
Pour les raisons que je viens d'évoquer, le Gouvernement retient bien volontiers la proposition de résolution de M. Mattei, puisqu'elle ne nécessite pas, à une exception près, de mesures législatives ou réglementaires. Une instruction du ministre du logement, le cas échéant cosignée par le ministre chargé du domaine, suffira pour mettre en oeuvre les dispositions et les recommandations que vous proposez. Tel est l'engagement que nous prenons.